TFM - TRAITÉS FRANÇAIS SUR LA MUSIQUE

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Fn and Ft: SAUTEM TEXT
Author: Sauveur, Joseph
Title: Sur les sistemes temperés de musique
Source: Histoire de l'Academie Royale des Sciences. Année MDCCVII. Avec les Memoires de Mathematique et de Physique, pour la même Année. Tirés des Registres de cette Academie. (Paris: Gabriel Martin. Jean-Baptiste Coignard fils. H. Louis Guerin, 1730; reprint ed. in Joseph Sauveur, Collected Writings on Musical Acoustics (Paris 1700-1713) ed. Rudolph Rasch, Utrecht: Diapason Press, 1984), 117-120.

[-117-] ACOUSTIQUE.

SUR LES SISTEMES TEMPERÉS DE MUSIQUE.

[Voyez les M. page 203. in marg.] EN exposant dans l'Histoire de 1701 * [* page 123. et suiv. in marg.] le Systême general de Musique inventé par Monsieur Sauveur, nous avons expliqué ce que c'est que des Systêmes temperés, et ce qui en fait la necessité. Nous supposons ici ces connoissances.

Nous avons dit que Monsieur Sauveur divise le ton moyen en 7 parties dont il en donne 4 au semiton majeur, et 3 au mineur, moyennant quoi l'Octave, qui contient 5 tons moyens, et 2 semitons majeurs à 43 parties, qu'il appelle Merides, c'est-à-dire, que si une voix ou une corde d'Instrument allant de ut à VT, au lieu de passer par les 7 degrés ou intervalles du Systême Diatonique, la plûpart inégaux entre eux, passoit par 43 degrés ou intervalles égaux, elle ne formeroit plus les accords justes du Sistême Diatonique, Secondes, Tierces, et cetera mais d'autres accords fort approchans, de sorte que ceux qui étoient agréables ne le seroient pas sensiblement moins, et que ceux qui étoient desagréables cesseroient de l'être.

Cette division de l'Oetave en 43 parties n'est pas necessaire, ni unique, par rapport à l'effet qu'on en veut tirer, qui est l'adoucissement des Dissonances, avec une alteration peu sensible des Consonances. Si l'on divise le ton moyen en 5 parties, et qu'on en donne 3 au semiton majeur, et 2 au mineur, l'Octave ayant toûjours 5 tons moyens, et 2 semitons majeurs, aura 31 parties égales. De même, elle en aura 55, si l'on divise le ton moyen en 9 parties, et qu'on en donne 5 au semiton majeur, et, 4 au [-118-] mineur. L'Octave divisé en 31 parties ou en 55 donnera aussi-bien un Sistême temperé, que quand elle l'est en 43.

Cependant la division de l'Octave n'est pas tout-à-fait arbitraire. Il doit même sembler d'abord étrange qu'étant conçûë comme composée de 5 tons moyens, et de deux semitons majeurs, on la puisse également diviser en 31, en 43, ou en 55, car cela ne se peut, à moins que le rapport du semiton majeur au mineur ne varie, et en effet on vient de voir que dans la premiére de ces trois divisions le semiton majeur est au mineur comme 3 à 2. dans la seconde comme 4 à 3, dans troisiéme la comme 5 à 4; or ce rapport ne devroit-il pas être fixe et déterminé par le Sistême Diatonique? Mais il est certain qu'il ne l'est point, parce qu'il y a dans ce Sistême deux tons, l'un majeur, et l'autre mineur, et que par consequent le semiton majeur peut être pris pour la plus grande moitié de l'un ou de l'autre de ces deux tons inégaux, et le semiton mineur pour la plus petite. Delà vient que le rapport des deux semitons varie, mais comme le ton majeur et le mineur ont une difference déterminée, la variation du rapport des deux semitons est renfermée dans des bornes assés étroites, que Monsieur Sauveur détermine tres-facilement. On voit par cette détermination que si l'on veut que la difference du semiton majeur et du mineur soit toûjours 1, le mineur ne peut être que 2, 3, ou 4, et par consequent le majeur que 3, 4, ou 5, ce qui dans cette supposition réduit l'Octave à ne pouvoir être divisée qu'en 31, 43, ou 55 parties égales. Si l'on supposoit que la difference du semiton majeur au mineur fût 2, car cela est entierement arbitraire, l'Octave se diviseroit en un plus grand nombre de parties, et de plus recevroit un plus grand nombre de divisions differentes, et ces deux effets croîtroient encore si la difference des deux semitons étoit 3, et ainsi de suite à l'infini. Mais ces grands nombres seroient fort incommodes dans les calculs, et ne donneroient pas une plus grande justesse aux Temperamens. Ainsi l'on aura raison de s'en tenir aux trois divisions rapportées. La premiére a été adoptée [-119-] par Monsieur Huguens, la seconde est de Monsieur Sauveur, la troisiéme est suivie par les Musiciens.

Il faut remarquer que ces trois divisions, et toutes les autres à l'infini, dont nous avons fait voir la possibilité, supposent l'Octave partagée en 5 tons moyens, ou 10 semitons moyens, et 2 Semitons majeurs, et toutes ensemble ne font qu'une maniere de diviser l'Octave, parce qu'elles ne lui donnent que les mêmes Elemens, et en même nombre. Mais si on la divisoit en 12 semitons moyens, ce seroit une autre maniere de la diviser, une autre espece de division. L'Octave n'ayant alors que 12 parties égales, elle en auroit trop peu pour donner aux accords un temperamment assés juste, et il se trouve que les Tierces seroient tellement alterées que l'Oreille ne les pourroit plus souffrir. Aussi ce Sistême est absolument rejetté par les Musiciens. Ce seroit encore pis si l'Octave étoit divisée en moins de 12 parties égales, ce qui arriveroit si on la composoit de tons majeurs, ou mineurs, avec quelque reste. Il ne faut donc chercher un bon Sistême temperé que dans la premiere espece de division que nous avons suivie, et le combat se trouve réduit entre trois dans cette espece. Il ne reste plus qu'à les comparer.

Monsieur Sauveur fait cette comparaison, ou plûtôt, pour n'être pas soupçonné de rien donner à son interest, il la met sous les yeux toute faite par le moyen d'une Table, qui ne peut imposer, puisqu'elle represente chaque Sistême tel qu'il est, et avec ses differences au Sistême Diatonique juste. On peut remarquer d'abord dans celui de Monsieur Sauveur quelques commodités de pratique et de calcul que n'ont pas les deux autres, mais ce qui fait son avantage le plus décisif, c'est que ses Tierces sont moins justes que celles de Monsieur Huguens, et que ses Quartes le sont moins que celles des Musiciens. Cela semble paradoxe, mais il est vrai qu'un temperamment où tous les accords sont plus également alterés es préferable. Des accords justes ou presque justes mêlés avec d'autres qui sont fort alterés, font un mauvais effet, parce qu'ils font trop sentir [-120-] à l'Oreille le défaut de tout le reste, et lui rappellent trop vivement le souvenir d'une justesse, qu'il faut au contraire lui faire oublier. C'est par cette raison que les Facteurs d'Orgues, et de Clavecins suivent le Sistême de Monsieur Sauveur, et non celui des Musiciens ordinaires.

Comme les nombres 31, 43, et 55. sont en progression arithmetique, et que 43 qui appartient à Monsieur Sauveur, est le terme moyen, on peut voir en general pourquoi son Sistême tient le milieu entre les deux autres, et altere tous les accords avec plus d'uniformité.

La difference du Sistême de Monsieur Sauveur soit à celui de Monsieur Huguens, soit à celui des Musiciens, quoique peut-être legere en elle-même, ne l'est nullement par rapport au but que l'on se propose. Il s'agit de la perfection, et plus on en approche, plus le peu de chemin qui reste à faire est important. Souvent même on ne croit pas qu'il en reste à faire, et il n'appartient pas à tout le monde de s'en appercevoir.


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