TFM - TRAITÉS FRANÇAIS SUR LA MUSIQUE

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Fn and Ft: THINOU TEXT
Author: Thiémé, Frédéric
Title: Nouvelle théorie sur les différens mouvemens des airs, fondée sur la pratique de la musique moderne
Source: Nouvelle théorie sur les différens mouvemens des airs, fondée sur la pratique de la musique moderne (Paris: Laurens, 1801; reprint ed. Genève: Minkoff, 1972).

[-iij-] NOUVELLE THÉORIE SUR LES DIFFÉRENS MOUVEMENS DES AIRS, FONDÉE SUR LA PRATIQUE DE LA MUSIQUE MODERNE;

Avec le projet d'un nouveau Chronomètre, destiné à perpétuer à jamais, pour tous les temps, comme pour tous les lieux, le mouvement et la mesure des Airs de toutes les compositions musicales.

Par le citoyen Thiémé, Professeur et éditeur de plusieurs ouvrages de Musique, Membre de la Société d'Emulation de Rouen.

Prix 5 FRANCS.

A PARIS,

Chez

Laurens jeune, imprimeur-libraire, rue St. Jacques, no. 32, vis-a-vis celle des Mathurins.

Fuchs, libraire, rue des Mathurins, no. 334.

Lepetit, libraire, au Palais Egalité, Galerie de Bois, no. 223.

Desenne, libraire, au Palais Egalité.

Naderman, facteur de Harpe, et éditeur de Musique à la Clef d'Or, rue de la Loi, passage de l'ancien café de Foi.

Dans les Départemens, chez tous les marchands libraires.

Enregistré à la Bibliothèque Nationale comme propriété de

l'Auteur.

De l'Imprimerie de LAURENS aîné, rue d'Argenteuil, No. 211.

AN IX. -- 1801.

[-v-] TABLE DES CHAPITRES.

Préface. Page 1

INTRODUCTION concernant la connoissance des notes anciennes par rapport à leur figure et à leur valeur, comparées aux notes modernes; avec les signes des silences comparés aux unes et aux autres, pour rendre plus intelligible ce que nous avons à dire dans les premiers chapitres. 7

Des notes anciennes. 8

Des notes modernes. 9

Du point d'augmentation. 10

Des silences. 11

CHAPITRE PREMIER. Des différens modes ou moeufs, des temps et de la prolation des anciens; et des signes dont ils se servoient pour les exprimer. 14

Des Modes. ibid

Des Temps. 15

De la Prolation. 16

CHAPITRE II. De la mesure.

Premier. Des mesures simples, doubles et triples qui se battoient à deux temps et de leurs divisions; deuxième. des mesures simples, doubles et triples qui se battoient à trois temps et de leurs divisions; troisième. des mesures simples, doubles et triples qui se battoient à quatre temps et de leurs divisions. 18

[-vj-] Premiere Section. Des mesures simples, doubles et triples qui se battoient à deux temps et de leurs divisions. Page 21

De la mesure double. ibid

Des mesures triples mixtes ou binaires. 22

Section II. Des mesures simples, doubles et triples qui se battoient à trois temps et de leurs divisions. 23

De la mesure simple. ibid

Des triples simples. ibid

Des triples composées ou doubles triples. 24

Section III. Des mesures simples, doubles et triples qui se battoient à quatre temps et de leurs divisions. 25

Des mesures triples dosduples ou à quatre temps. ibid

CHAPITRE III. Analyse comparée des différentes mesures et du mouvement des airs de la Musique de nos anciens, relativement à notre manière d'en faire usage. 27

Section première. Des mesures simples qui se battent à deux temps. 31

Deuxième. De la mesure double qui se bat à deux temps. ibid

Troisième. Des triples mixtes ou binaires qui se battent à deux temps. 32

Section II. Première. Des triples simples qui se battent à trois temps. ibid

Deuxième. Des mesures doubles qui se battent à trois temps. ibid

Troisième. Des mesures triples composées qui se battent à trois temps. ibid

Section III. Des mesures simples et doubles qui se battent à quatre temps. 33

CHAPITRE IV. Première. Des signes de mesures en usage chez les modernes; et de ceux que l'on peut rejetter comme inutiles. [-vij-] Deuxième. Nouveautés et changemens proposés à tous les compositeurs. Page 34

Section première. Des signes de mesures en usage chez les modernes; et de ceux que l'on peut rejetter comme inutiles. ibid

Section II. Nouveautés et changemens proposés à tous les compositeurs. 37

CHAPITRE V. Première. Examen des expressions italiennes qui servent à fixer le mouvement des Airs et de leurs significations. Deuxième. Si les expressions italiennes consacrées par l'usage et destinées à déterminer précisément le mouvement des Airs, remplissent bien leur objet. Troisième. Expressions nouvelles proposées, et des avantages qui peuvent en résulter pour la pratique. 41

Section première. Examen des expressions italiennes qui servent à fixer le mouvement des Airs; et de leurs significations. 43

Section II. Si les mots italiens destinés à déterminer précisément le mouvement des Airs, remplissent bien leur objet. 44

Section III. Expressions nouvelles proposées, et avantage qui en peut résulter pour la pratique. 46

SECONDE PARTIE.

Projet d'un nouveau chronomètre destiné à fixer à jamais le mouvement de la mesure des airs dans toutes les compositions musicales. 49

Description. 50

Théorie. Expérience fondamentale. ibid

Table constructive de l'échelle chronométrique de 8 pieds de longueur. 53

[-viij-] Réduction de la machine: Page 54

Utilité du Chronomètre. 55

Objections. 57

Application du chronomètre. 59

Table alphabétique des matières, avec la définition de plusieurs expressions techniques qui n'ont point été expliquées dans le texte. 62

Fin de la Table des Chapitres.

[-1-] PRÉFACE.

LE temps perfectionne tout; les Arts et les sciences ont dû passer par une infinité de points successifs, avant que d'arriver à celui de perfection auquel ils sont parvenus. A juger de la musique par les chef-d'oeuvres dont Paris s'est enrichi depuis quarante années, on peut se persuader qu'elle a atteint en France un degré de perfection, auquel on devoit peu s'attendre, sur-tout d'après le jugement que Jean-Jacques Rousseau en portoit alors. "Je crois avoir fait voir, écrivoit-il, (lettre sur la Musique) qu'il n'y a ni mesure ni mélodie dans la Musique française, parce que la langue n'en est point susceptible; que le Chant français n'est qu'un aboyement continuel, insupportable à toute oreille non prévenue, que l'harmonie en est brute, sans expressions et sentant uniquement son remplissage d'écolier; que les airs français ne sont point des Airs, que le recitatif français n'est point du récitatif; d'où je conclus que les Français n'ont point de Musique et n'en peuvent avoir; ou que si jamais ils en ont une, ce sera tant pis pour eux" (1). Cette conclusion me semble [-2-] bien hasardée; je suppose, ce qui n'est point, qu'à l'époque où écrivoit le philosophe de Genève, nous n'ayons encore ni Airs, ni récitatifs, ni Musique, s'ensuit-il que nous soyons incapables d'en avoir? La langue, dit-on, n'est susceptible ni de mesure ni de mélodie, et sans l'une et l'autre point de Musique: mais avant Malherbe, on eût pu dire que nous n'aurions point de poésie, parce que la langue se refusoit à devenir celle des Muses. En supposant donc, ce qui est absolument faux, que notre langue se soit refusée jusqu'aujourd'hui à la mesure et aux Airs, ne désespérons point que quelque génie puissant ne fasse naître bientôt dans cet Art une heureuse révolution; j'ose l'attendre de l'ardeur avec laquelle on le cultive; j'ose le prédire d'après les efforts heureux que font chaque jour les maîtres et nationaux et étrangers.

[-3-] Ce qui peut-être en France retarde, plus qu'on ne l'imagine, la marche de la Musique vers la perfection, c'est qu'on la regarde plutôt comme un Art fait pour opérer mécaniquement des impressions agréables sur l'organe de l'ouie, que comme un Art divin inventé pour produire dans l'ame les plus grands effets; c'est dans l'ame que la Musique a pris naissance, c'est sur l'ame seule qu'elle doit agir. Ce qui retarde la marche de la Musique vers la perfection, c'est encore, que chacun d'accord sur les difficultés de chaque partie de la Musique, personne ou presque personne ne cherche les moyens de les applanir: le théoricien trouve, observe, et calcule; des rapports et de leurs résultats il forme des systêmes qui ne peuvent être saisis sans une étude sérieuse et pénible, que le plus souvent il n'a su rendre ni facile ni agréable; la théorie alors trouve à peine quelque lecteur, et son travail comme son nom restent inconnus à presque tous ceux qui cultivent la Musique.

Le praticien, quelque partie de la Musique qu'il ait embrassée, se contente des effets relatifs à ses facultés; il n'examine rien, il croit sur parole, il suit presque toujours l'autorité de ses maîtres, et les règles, souvent arbitraires, qu'il en a reçues; peu lui importe le reste, il a voulu flatter l'oreille; y a-t-il réussi? il est content. Le compositeur, pour qui l'étendue du génie tient lieu de règle, oublie dans son délire musical ce qu'il sait de théorie, il ne considère plus cette partie essentielle; l'habitude consommée qu'il a d'écrire la Musique, semble le mettre tellement au-dessus de toute contrainte, qu'il ne s'y assujettit plus; sa règle est l'enthousiasme; et le don si précieux d'exciter en nous toutes les passions dont l'ame peut être susceptible, telles que [-4-] l'amour, la tendresse, la haine, l'indifférence, la fureur, la pitié, et cetera il maîtrise tout; par son génie, il sait imiter les vents; il semble faire tomber l'orage, ouvrir les airs, et commander à la foudre: cet artiste peut être est au-dessus des règles; mais il ne les exclut pas.

Malgré le degré de perfection où la Musique se soit élevée dans notre siècle, il s'en faut encore beaucoup qu'elle soit parvenue au terme desiré. Une chose essentielle, qui pouvoit y concourir efficacement, est précisément ce qui a été négligé jusqu'à présent, et sur laquelle les auteurs n'ont rien dit. Le théoricien s'est tû, parce qu'il ne pratiquoit point; le praticien n'a rien proposé, parce que son talent restreint à la pratique de la composition ou au jeu des instrumens, absorboit en lui l'esprit de méditation si utile pour le progrès des arts; l'homme de génie n'a pas daigné descendre à l'examen de cette partie de la Musique qui consiste à faire voir la nécessité d'en simplifier les signes, relativement aux expressions qui déterminent le mouvement des Airs, et par ce moyen en perpétuer le sentiment dans tous les temps comme dans tous les lieux.

Que n'a-t-on point écrit sur la Musique! Combien de systêmes rnusico-physico-rnathématiques ont été imaginés pour trouver et fixer l'intonation des sept notes de Musique, pour en chercher la nature et le type! Combien de livres sur les principes de l'harmonie, sur la formation des accords, sur la résolution des dissonnances qui les constituent, et cetera et cetera et rien sur l'objet dont nous allons nous occuper! Il semble que l'art musical soit trop facile et que l'on craigne d'initier trop tôt les élèves: des signes doublés, triplés, synonymes les uns des autres, contradictoires [-5-] le plus souvent; des expressions sans signification pour nous, empruntées des étrangers pour désigner des choses sur lesquelles il importe que tout le monde s'entende, et qui n'ont aucun rapport avec ce qu'on veut qu'elles signifient; enfin, tout dans nos compositions modernes semble concourir à perpétuer les abus, à renverser les idées, et à rendre l'étude musicale fatigante, incertaine, et l'exécution vicieuse: ce que nous disons ici, se fera mieux sentir dans le cours de cet ouvrage.

L'arbitraire que presque tous les musiciens apportent dans le mouvernent des Airs dont ils ont la conduite, auroit dû depuis long-temps faire naître à quelques-uns d'eux l'idée d'un ouvrage sur cet objet; d'autant plus que l'expérience journalière prouve qu'il n'y a peut-être point un seul Air dont un Musicien, quelque versé dans son art qu'on le suppose, puisse se flatter de saisir le vrai mouvement, s'il n'en est le compositeur; c'est ce que nous ferons voix au chapitre 5, à l'article 109.

Le but de cet ouvrage est donc de détruire toute équivoque, et de faire que tous les Musiciens s'accordent sur cette partie de la Musique. Je croirai avoir fait quelque chose pour l'Art et pour l'exécution musicale, en admettant simplement le nécessaire, et en rejettant le superflu; en supprimant presque tous les signes de la Musique ancienne, et perpétués sans raison dans la moderne, c'est-àdire, ceux qui ont rapport au mouvement des Airs.

Dans la première partie de cet ouvrage, je donnerai, première. quelques connoissances préliminaires sur la valeur des notes anciennes, comparées à nos notes modernes, avec le rapport qu'ont les silences aux unes et aux autres, pour servir d'intelligence aux premiers chapitres de la première [-6-] partie; deuxième. quelques éclaircissemens sur les modes, temps et prolations de la Musique ancienne; troisième. quelques connoissances sur les mesures simples, doubles et triples, et sur la manière dont les anciens les exprimoient; leur analyse, et les expressions en usage, pour déterminer leurs vitesses respectives; quatrième. les signes de mesure, en usage avec quelques nouveautés et quelques changemens que je proposerai pour les simplifier; cinquième. je donnerai une nouvelle manière de déterminer le mouvement des Airs, en supprimant les expressions dont nous nous servons.

Dans la seconde partie, je ferai sentir la nécessité d'un chronomêtre; j'en proposerat un nouveau et qui pourra être remplacé par un moyen que j'indiquerai pour qu'il puisse être portatif. J'en donnerai première. la description (à la faveur de laquelle on en pourra construire de semblables ); deuxième. la théorie; troisième. j'en montrerai l'usage; quatrième. enfin, les avantages d'où l'on déduira des conséquences relatives à la pratique de la Musique moderne.

Je préviens que cet ouvrage sera plus facilement entendu de ceux qui pratiquent la Musique que de ceux qui ne la pratiquent point; cependant je tâcherai de me rendre intelligible pour ceux-mêmes qui n'en ont que les plus légères notions.

[-7-] INTRODUCTION

Concernant la connoissance des notes anciennes par rapport à leur figure et à leur valeur, comparées aux notes modernes; avec les signes des silences comparés aux unes et aux autres, pour rendre plus intelligible ce que nous avons à dire dans les premiers chapitres.

1. Tous ceux qui ont quelque notion de Musique-pratique, n'ignorent point que les différentes figures des notes, déterminent leur valeur respective, ou le temps qui s'écoule dans l'exécution de chacune d'elles; et que de la combinaison de ces notes plus ou moins longues, il en résulte une variété infinie et une des plus grandes beautés de la musique. On sait que ces figures de notes sont au nombre de six, quelquefois sept dans la Musique moderne; qu'on les appelle ronde, blanche, noire, croche, double-croche, triple-croche, et rarement quadruple-croche; mais la plus grande partie de ceux qui ont des notions de Musique, ignorent les figures des notes anciennes et leur valeur; il est à propos de savoir, pour l'intelligence de ce qui suivra, que les anciens Musiciens se servoient de trois notes bien plus longues que celles dont nous faisons usage; la plus longue valoit huit mesures, celle qui la suivoit immédiatement en valoit quatre, et l'autre deux; mais toujours dans la même proportion des notes en usage aujourd'hui; c'est-à-dire, en raison sous-double du temps qui s'écoule dans l'exécution d'une note de plus de valeur, à une autre qui la suivroit immédiatement; comme d'une ronde à une blanche, ou d'une noire à une croche; ainsi de suite.

2. On peut conjecturer, avec quelque vraisemblance, que les [-8-] modernes n'ont rejetté les trois notes anciennes ci-dessus énoncées, que pour applanir les difficultés qui auroient résulté, qu'une seule note eût représenté tantôt deux mesures, tantôt quatre, tantôt huit, par la trop grande attention qu'il auroit fallu apporter pour partager ces notes en plusieurs mesures: si à cette difficulté on joint encore celle du point d'augmentation, on l'accroîtra par la propriété qu'il a d'augmenter les notes de la moitié de leur valeur, comme on le verra à l'article 18, sur-tout dans la musique à plusieurs parties, où il importe beaucoup de ne faire ni plus ni moins de mesures que n'en comporte le morceau qu'il faut exécuter. Ce que nous disons peut être entendu de tous ceux qui savent la musique; mais pour répandre plus de lumière sur ce sujet, nous allons donner la connoissance des notes anciennes; nous les comparerons avec les notes modernes; après, nous ferons connoître la valeur ancienne des signes de silence et l'usage que nous en faisons aujourd'hui; nous les comparerons aux notes anciennes et modernes, afin de faire connoître les abus auxquels nous tâcherons de remédier.

Des notes anciennes.

3. Nos anciens musiciens se servoient, comme nous, de six figures de notes décroissantes de valeur en raison sous-double, depuis la plus longue jusqu'à la plus brève; elles se nommoient, et elles se nomment encore dans le plein-chant, maxime, longue, brève, semi-brève, minime, et semi-minime; peut être se servoient-ils, par extension, d'un plus grand nombre de notes; s'ils alloient au-delà des six dénommées, c'étoit la chrome, comme par proportion nous faisons usage de la quadruple-croche, (figure 1. a, b, c, d, e, f, g) [THINOU 02GF].

4. La maxime valoit (figure 2. a) [THINOU 02GF] deux longues, ou quatre brèves, ou huit semi-brèves, ou seize minimes, ou trente-deux semi-minimes, et cetera (1), ou huit mesures à deux temps.

[-9-] 5. La longue valoit (figure 2. b) [THINOU 02GF] deux brèves, ou quatre semibrèves, ou huit minimes, ou seize semi-minimes, et cetera ou quatre mesures à deux temps.

6. La brève valoit (figure 2. c) [THINOU 02GF] deux semi-brèves, ou quatre minimes, ou huit semi-minimes, et cetera ou deux mesures à deux temps.

7. La semi-brève, c'est notre ronde, valoit (figure 2. d) [THINOU 02GF] deux minimes, ou quatre semi-minimes, et cetera ou une mesure à deux temps.

8. La minime, c'est notre blanche, valoit (figure 2. e) [THINOU 02GF] deux semi-minimes, ou quatre chromes, ou la moitié d'une mesure à deux temps.

9. La semi-minime, c'est notre noire, valoit deux chromes, ou le quart d'une mesure à deux temps.

10. Nous n'entrerons point dans un plus grand détail sur cet objet, par rapport aux augmentations auxquelles certaines notes étoient assujetties anciennement par leur position; c'est-à-dire, quand elles se succédoient, soit en montant, soit en descendant, ou quand les queues se trouvoient à la gauche ou à la droite des notes qui en étoient susceptibles; ou enfin, quand certaines notes se trouvoient entre d'autres notes de plus ou moins de valeur, précédées ou suivies de quelques points, et cetera et cetera; ces connoissances nous seroient absolument inutiles pour les progrès de la Musique moderne; ceux qui voudront s'instruire plus à fond sur cet objet, pourront consulter le dictionnaire de Brossard, article legatura et punto.

Des notes modernes.

11. Les notes modernes substituées aux anciennes sont en même nombre; tout le monde sait qu'elles se nomment ronde, [-10-] blanche, noire, croche, double-croche, triple-croche, et cetera (figure 3. a, b, c, d, e, f, g) [THINOU 02GF].

12. Que la ronde vaut (figure 4. a) deux blanches, ou quatre noires, ou huit croches, ou seize doubles-croches, ou trentedeux triples-croches, et cetera dans la même proportion que la maxime (figure 2. a) [THINOU 02GF].

13. Que la blanche vaut (figure 4. b) [THINOU 02GF] deux noires, ou quatre croches, ou huit doubles-croches, ou seize triples-croches, et cetera dans la même proportion que la longue (figure 2. b) [THINOU 02GF].

14. Que la noire vaut (figure 4. c) deux croches, ou quatre doubles-croches, ou huit triples-croches, et cetera dans la même proportion que la brève (figure 2. c) [THINOU 02GF].

15. Que la croche vaut (figure 4. d) deux doubles-croches, ou quatre triples-croches, et cetera dans la même proportion que la semi-brève (figure 2. d) [THINOU 02GF].

16. Que la double-croche vaut (figure 4. e) [THINOU 02GF] deux triples-croches, ou quatre quadruples-croches, dans la même proportion que la minime (figure 2. e) [THINOU 02GF].

17. Enfin que la triple-croche vaut (figure 4. f) [THINOU 02GF] deux quadruples-croches, dans la même proportion que la semi-minime (figure 2. f) [THINOU 02GF].

Du point d'augmentation.

18 Le point d'augmentation est toujours précédé par une note quelconque; dans cette situation, il a la propriété d'augmenter la note à côté de laquelle il est posé, de la moitié de sa valeur; de sorte qu'une maxime pointée vaut (figure 5 A) [THINOU 03GF] trois longues, comme la ronde pointée vaut (figure 5. a) [THINOU 03GF] trois blanches.

19. Qu'une longue-pointée vaut (figure 5. B) [THINOU 03GF] trois brèves, comme la blanche-pointée vaut (figure 5. b) [THINOU 03GF] trois noires.

20. Qu'une brève-pointée vaut (figure 5. C) [THINOU 03GF] trois semi-brèves, comme la noire-pointée vaut (figure 5. c) [THINOU 03GF] trois croches.

21. Qu'une semi-brève pointée vaut (figure 5. D) [THINOU 03GF] trois minimes, comme une croche-pointée vaut (figure 5. d) trois double-croches.

[-11-] 22. Qu'une minime pointée vaut (figure 5. E) [THINOU 03GF] trois semi-minimes, comme une double-croche pointée vaut (figure 5. e) trois triples croches.

23. Qu'une semi-minime pointée vaut (figure 5. F) [THINOU 03GF] trois chromes, comme une triple-croche pointée vaut (figure 5. f) [THINOU 03GF] trois quadruples croches.

Des silences.

24. Les silences qui répondoient aux notes anciennes, ont été conservés chez les modernes; nous verrons bientôt l'abus que ces derniers en ont fait. Chez les anciens, le double-bâton (figure 6. a) [THINOU 03GF] répondoit à la maxime, par conséquent il valoit en silence huit mesures à deux temps.

25. Le bâton (figure 6. b) [THINOU 03GF] répondoit à la longue, ou à quatre mesures à deux temps.

26. Le demi-bâton (figure 6. c) [THINOU 03GF] répondoit à la brève, ou à deux mesures à deux temps.

27. La pause (figure 6. d) [THINOU 03GF] répondoit à la semi-brève, ou à une mesure à deux temps.

28. La demi-pause (figure 6. e) [THINOU 03GF] répondoit à la minime, ou à une demi-mesure à deux temps.

29. Le soupir (figure 6. f) [THINOU 03GF] répondoit à la semi-minime, ou au quart d'une mesure à deux temps. Voyez (figure 7.) [THINOU 03GF] la correspondance de ces différens signes aux notes qui leur répondoient.

30. Les silences dans la musique moderne sont en même nombre; quoique nous ayons conservé le double-bâton, le bâton, et le demi-bâton pour exprimer les mesures qu'ils représentent, nous ne les considérerons point, puisque nous n'avons point de notes d'une aussi grande valeur; ainsi donc, les silences qui répondent aux notes qui sont en usage aujourd'hui, sont la pause pour la ronde (figure 8. a) [THINOU 03GF]; la demi-pause pour la blanche (figure 8. b) [THINOU 03GF]; le soupir pour la noire (figure 8. c) [THINOU 03GF]; le demi-soupir pour la croche (figure 8. d) [THINOU 03GF]; le quart de soupir pour la doublecroche (figure 8. e) [THINOU 03GF]; et le demi-quart de soupir pour la triple-croche [-12-] (figure 8. f) [THINOU 03GF]. Voyez (figure 9.) [THINOU 03GF] la correspondance de ces différens signes aux notes qui leur répondent.

31. Par l'inspection de la figure 7 [THINOU 03GF], on peut remarquer que le double-bâton, le bâton, le demi-bâton et la pause, avoient, dans l'ancienne musique, une valeur réelle correspondante aux notes en usage alors (1); et que dans la pratique moderne (figure 9) [THINOU 03GF], leur valeur n'est point déterminée: ils indiquent seulement autant de mesures quelconques à compter, que chacun d'eux est censé en représenter. Tous ceux qui ont quelques connoissances de ces signes, voient que le bâton de quatre mesures change de valeur, selon qu'il est employé dans les différentes mesures: que l'on ait, par exemple, à compter quatre mesures dans un Air où la mesure soit exprimée à 2 ou à 3 temps, ou à 2/4, ou à 3/8 ou à 6/8, et cetera le signe est toujours le même: dans le premier cas (figure 10. a) [THINOU 03GF] on voit qu'il a sa vraie valeur, et qu'il vaut une longue, ou quatre semi-brèves ou rondes; dans le second cas (figure 10. b) [THINOU 03GF], on voit qu'il change de valeur, et que le même signe n'en vaut plus que trois; enfin, que dans le troisième cas (figure 10. c) [THINOU 03GF], le voici réduit à la moitié de sa valeur, puisque la mesure de 2/4 ne vaut qu'une minime ou notre blanche, ainsi de suite à proportion pour les autres mesures (figure 10. d, e) [THINOU 03GF]. En appliquant le même raisonnement pour le demi-bâton et pour la pause, on se convaincra que ces signes n'ont été conservés qu'abusivement et sans connoissance de cause; cela est si vrai que, si les modernes leur eussent conservé leur valeur ancienne, on n'auroit point eu besoin de recourir aux chiffres, pour exprimer la quantité de mesures qu'ils veulent faire passer en silence. Il y a quelques années qu'ayant reconnu l'inutilité de cette duplicité de signes (je veux dire du bâton et du chiffre dont il est toujours accompagné), j'ai cessé d'en faire usage, me contentant [-13-] du chiffre seul, toujours situé au-dessus de l'espace que laissent les deux lignes qui bornent la mesure (figure 11.) [THINOU 04GF]. J'ai été suivi par quelques copistes; mais pas encore par les graveurs; j'espère qu'ils adopteront cette méthode. A l'égard de la pause et de la demi-pause, on ne devroit les employer qu'avec quelques précautions; puisque parmi nous ces signes ont une valeur déterminée et correspondante à la ronde et à la blanche (figure 9. a, b) [THINOU 03GF]. Je vois, par la manière dont on emploie la pause, combien nos compositeurs sont peu conséquens dans leurs principes; ont-ils besoin d'exprimer dans toutes leurs musiques une mesure en silence? c'est la pause qui sert, soit dans la mesure à 2 temps (figure 12. a) [THINOU 04GF], soit dans celle à 3 temps (figure 12. b) [THINOU 04GF], ou à 12/8 (figure 12. c) [THINOU 04GF], ou leurs diminutifs; je veux dire les mesures de 2/4 (figure 13. a) [THINOU 04GF]; de 3/8 (figure 13. b) [THINOU 04GF]; ou de 6/8 (figure 13. c) [THINOU 04GF]. Quel faux principe! ne devroient-ils point voir que pour la mesure à trois temps, l'expression raisonnable seroit la demi-pause et le soupir (figure 14) [THINOU 04GF]; et que pour la mesure à 2/4, la demi-pause suffit (figure 15.) [THINOU 04GF]? ainsi des autres mesures à proportion.

32. On pourroit encore, sans inconvénient, admettre le point à côté des silences, pour en augmenter la valeur de moitié, comme il augmente celle des notes à côté desquelles il se trouve posé; alors le silence d'une mesure, dans la mesure à 3 temps, seroit exprimé par la demi-pause et le point (figure 16.) [THINOU 04GF]. Dans la mesure de 3/8, elle le seroit par le soupir pointé (figure 17.) [THINOU 04GF], et cetera. A la faveur du point employé dans les silences en général, celui qui exécute ne peut qu'y gagner pour la lecture; il ne faut, pour s'en convaincre, que jetter un coup-d'oeil sur la musique actuelle, où les différens silences sont très-souvent employés et très-multipliés dans beaucoup de mesures: le point, admis dans cette occasion, tiendroit lieu d'un silence quelconque, en augmentant de moitié la valeur du silence dont il seroit précédé; il rendroit, en outre, la mesure moins surchargée et l'exécution plus facile: si nos artistes compositeurs daignent faire quelque attention à cet objet, je ne doute point qu'ils n'adoptent cette réforme. La tenter et réussir servira au moins à perfectionner la manière d'écrire la [-14-] musique, manière qui, à bien des égards, est très-vicieuse; comme nous le ferons voir dans la suite. Ce que j'ai à proposer dans le cours de cet ouvrage, pourra ne point plaire également à tous les praticiens; mais j'espère trouver grace en faveur de l'intention; et, peut-être, le temps, l'expérience vaincront-ils la répugnance même de ceux que révolte presque toujours toute espèce de nouveautés. Entrons en matière.

CHAPITRE PREMIER.

Des différens modes ou moeufs, des temps et de la prolation des anciens; et des signes dont ils se servoient pour les exprimer.

Des modes.

33. Les anciens appelloient modes certains signes qu'ils écrivoient immmédiatement après la clef; ils en distinguoient de deux sortes, le majeur et le mineur; lesquels se subdivisoient en parfaits et imparfaits; la marque parfaite suivoit immédiatement la clef; elle servoit généralement à perfectionner les notes en les augmentant de la moitié de leur valeur; elle s'écrivoit avec le cercle, ou le cercle-pointé, ou le cercle-tranché, ou barré (figure 18.) [THINOU 04GF].

34. La marque imparfaite suivoit de même la clef; cette marque laissoit aux notes leur valeur ordinaire; elle s'écrivoit avec le demi cercle , ou le demi-cercle pointé, ou le demi-cercle tranché ou barré (figure 19.) [THINOU 04GF].

35. Dans le mode majeur parfait, la maxime valoit trois longues, par conséquent douze mesures, et il se marquoit (figure 20.) [THINOU 04GF] par trois lignes verticales aux cinq de la portée; elles occupoient chacune trois espaces, et elles étoient suivies de trois autres qui n'en remplissoient que deux; c'étoit la marque que la maxime valoit un tiers plus que sa valeur ordinaire.

36. Dans le mode majeur imparfait, la maxime valoit deux longues, par conséquent huit mesures; il se marquoit avec deux [-15-] lignes verticales aux cinq de la portée (figure 21. [THINOU 04GF]); elles occupoient chacune trois espaces, et elles étoient suivies par deux autres qui n'en remplissoient que deux; c'étoit la marque que la maxime ne valoit que sa valeur ordinaire.

37. Dans le mode mineur parfait, la longue valoit trois brèves, par conséquent six mesures; il se marquoit (figure 22. [THINOU 04GF]) par une ligne verticale aux cinq de la portée; elle occupoit trois espaces; c'étoit la marque que la longue valoit un tiers de plus que sa valeur ordinaire.

38. Dans le mode mineur imparfait, la longue valoit deux brèves, par conséquent quatre mesures; il se marquoit (figure 23. [THINOU 04GF]) par une ligne verticale aux cinq de la portée; elle n'occupoit que deux espaces; c'étoit la marque qui rendoit à la longue sa valeur ordinaire. On voit, par ce qui vient d'être dit, que la quantité des lignes déterminoit le rapport de la maxime à la longue, et celui de la longue à la brève, selon que le mode étoit majeur ou mineur, parfait ou imparfait.

Des Temps.

39. Les anciens appelloient temps certains signes qu'ils écrivoient immédiatement après la clef; tels étoient (figure 24. a [THINOU 04GF]) la cercle, le cercle barré (même figure b); le demi-cercle (même figure c); et le demi-cercle barré (même figure d); ces signes servoient à déterminer la valeur de la brève et de la semi-brève ou ronde; quand la clef étoit suivie (figure 25. [THINOU 04GF]) d'un cercle simple ou tranché, le temps étoit parfait; alors la brève valoit trois semi-brèves ou rondes.

40. Quand la clef étoit suivie (figure 26. [THINOU 04GF]) d'un C simple ou barré, le temps étoit imparfait; alors la brève avoit sa valeur naturelle; c'est-à-dire, qu'elle valoit deux semi-brèves ou rondes: ces deux derniers signes s'écrivoient quelquefois en sens renversé (figure 27. [THINOU 04GF]); dans cette situation, ils diminuoient les notes de la moitié de leur valeur ordinaire; quoique la mesure des figures 25 et 26 [THINOU 04GF]. soit de la valeur d'une brève, les anciens cependant employoient le C et le [Cdim] barré indistinctement pour la [-16-] mesure des notes de moindre valeur, comme pour exprimer le rapport de la semi-brève ou ronde, à la minime ou blanche, et cetera. C'est dans cette dernière valeur que nos musiciens modernes emploient le C et le [Cdim] barré, en désignant par le premier signe C, la mesure de la ronde qui vaut quatre temps, comme chez les anciens; et par le second signe [Cdim] deux temps; ce qui rend la valeur de la ronde une fois moindre que ce qu'elle valoit par le premier signe C; sur quoi il est à propos d'observer que les maîtres de musique expriment ordinairement la mesure C par quatre mouvemens de la main (figure 28. [THINOU 04GF]), et la mesure [Cdim] par deux mouvemens de la main (figure 29. [THINOU 04GF]) (1).

41. Nous ferons bientôt sentir l'inutilité de ces signes conservés chez nous, et auxquels on substitue, dans beaucoup d'occasions, le chiffre 2, qui leur est absolument synonyme, puisque la valeur de la mesure est la même, et qu'on les emploie indistinctement dans les mouvemens lents ou vifs; sur quoi nous observons que les anciens musiciens faisoient presque toujours précéder de l'un ou de l'autre de ces signes, les chiffres qu'ils employoient dans leurs différentes mesures ternaires; ce qui prouve combien est grand l'empire de l'habitude.

De la Prolation.

42. La prolation étoit anciennement un point que l'on mettoit dans le cercle ou dans le demi-cercle (figure 30. [THINOU 04GF]); ce point exprimoit le rapport de la semi-brève ou ronde, à la minime ou blanche; il y avoit deux sortes de prolations, la parfaite et l'imparfaite; la prolation parfaite se marquoit après la clef par le cercle pointé centralement, ou par le demi-cercle pointé [-17-] de même (figure 31. [THINOU 04GF]); avec l'une ou l'autre de ces marques, la semi-brève ou ronde valoit trois minimes ou blanches.

43. La prolation imparfaite se marquoit par le cercle simple ou le demi-cercle (figure 32. [THINOU 04GF]), alors la semi-brève ou ronde ne valoit plus que deux minimes ou blanches; mais pour ne laisser aucun doute sur la valeur de la semi-brève dans la prolation parfaite, on accompagnoit ordinairement le signe du chiffre 3.

44. Si je suis entré dans quelques détails sur cette partie de la musique de nos anciens, ç'a été plutôt pour faire voir combien notre langage musical s'est simplifié à certains égards, que pour rappeller des principes que ne peut comporter notre musique moderne, et pour faire voir qu'il est susceptible d'être encore plus simplifié. Nous allons, dans le chapitre suivant, donner une connoissance des différentes mesures qui étoient en usage il y a plus de 150 ans (1), et dont quelques-unes nous sont restées. Nous ferons voir, par un tableau général, l'embarras extrême que ces mesures occasionneroient si nous en faisions encore usage. A la faveur de ce tableau, nous ferons mieux sentir l'importance et la nécessité des changemens et des réformes que nous proposerons dans la suite.

[-18-] CHAPITRE II.

De la Mesure.

Premier. Des mesures simples, doubles et triples qui se battoient à deux temps et de leurs divisions; deuxième. des mesures simples, doubles et triples qui se battoient à trois temps et de leurs divisions; troisième. des mesures simples, doubles et triples qui se battoient à quatre temps et de leurs divisions.

45. Dans le chapitre precédent, nous avons vu qu'autrefois le mode déterminoit le rapport de la maxime à la longue, ou de la longue à la brève (38): que le ternps déterminoit celui de la brève à la semi-brève (40), et la prolation, celui de la semi-brève à la minime (42); et que l'une et l'autre différoient de valeur, selon que le signe étoit parfait ou imparfait. Voyez les figures 20, 21, 22, 23, 24, 25, 26, 31 et 32 [THINOU 04GF]. La musique étant, par la suite, devenue plus compliquée que dans son premier âge, on a jugé nécessaire, pour la rendre plus praticable, d'imaginer des signes qui rendissent la mesure des airs plus sensible et l'exécution plus facile; il a dû nécessairement se faire, dans la manière d'écrire la musique, une révolution relative à cet objet; on a dû alors procéder à l'invention de signes différens de ce qu'ils étoient; ces signes ont été appellés signes de mesures; ils consistent, premier. en chiffres simples, souvent posés les uns sur les autres en forme de fraction, ou en d'autres signes tels que les imparfaits, c'est-à-dire, le C et le [Cdim] barré (que l'on a conservé je ne sais pourquoi) (40), posés immédiatement après la clef; lesquels désignent les temps dont la mesure est composée, et que l'on marque dans l'exécution par différens mouvemens, soit de la main, soit du bâton de mesure, comme nous l'avons dit ci-dessus (40), et fait voir (figure 28, 29 [THINOU 04GF]); deuxième. en plusieurs lignes ou barres transversales tombant perpendiculairement sur les lignes de la portée, lesquelles sont destinées à renfermer les temps, dont chaque mesure doit être composée selon le genre [-19-] de l'air, la volonté du compositeur et conformément aux signes de la clef (figure 33. [THINOU 04GF]).

46. Il n'est point hors de propos de faire connoître ici ce que les modernes entendent par mesures simples et mesures doubles, sans enter dans les raisons qui ont donné lieu à ces deux dénominations. Voici en quoi elles consistent.

47. Les mesures que nous appellons ordinairement simples, sont celles qui s'expriment à la clef par un seul chiffre, ou par l'une ou l'autre marque imparfaite (40), comme sont les chiffres 2, 3, 4; et les signes C [Cdim]: ces deux derniers servent très-souvent à la place des chiffres 2 et 4: quand la clef est suivie du signe C, la mesure est composée d'une ronde, et se bat communément à quatre temps dans les mouvemens lents; quand elle est suivie du signe [Cdim], bien qu'elle soit composée de la même note ronde, la mesure est censée doublée de vîtesse et ne se bat plus qu'à deux temps. Quel besoin avons-nous de cette superfluité de signes? Ce que nous avons dit dans le chapitre précédent, nous a fait voir que ces deux signes étoient la marque imparfaite du mode, du temps et de la prolation, pour la distinguer de la marque parfaite de l'un et de l'autre: puisque la marque parfaite ne subsiste plus dans son objet, et qu'elle a été rejettée comme superflue chez nos anciens mêmes, pourquoi avons-nous conservé la marque imparfaite qui, à plus forte raison, auroit dû être rejettée la première? Par cette suppression, nous aurions eu deux signes de moins, et plus d'uniformité dans les expressions déterminatives des temps dont les mesures se composent.

48. Les mesures que nous appellons doubles sont, en général, celles qui s'expriment avec deux chiffres posés l'un sur l'autre après la clef, comme 2/4, 3/4, 6/8, et cetera et cetera (1); sur quoi il faut remarquer que le chiffre inférieur ou dénominateur, exprime la [-20-] quantité de parties en quoi la ronde est censée divisée; et le chiffre supérieur ou numérateur, la quantité de parties qui entrent dans la mesure. Observons que c'est toujours la ronde qui sert de principe à toutes les divisions et subdivisions qui constituent toutes les différentes mesures; ce qui se développera bientôt. Quoique l'on rencontre assez souvent dans les compositions musicales des derniers siècles, la note brève ou quarrée, elle ne s'emploie guères que dans les mesures lentes pour tenir lieu de deux rondes, comme dans la mesure triple on ternaire de 3/1, où elle se trouvoit remplie par la brève et la semi-brève (6, 7.). Cette sorte de mesure n'étant plus d'usage, la quarrée ou brève n'a plus lieu par la même raison.

49. Les anciens, comme les modernes, n'avoient que trois manières de battre la mesure; savoir: à deux, à trois et à quatre temps; ils appelloient généralement mesures doubles toutes celles qu'ils battoient à deux ou à quatre temps; ils appelloient mesures triples ou ternaires celles qu'ils battoient à trois temps; ce qui a quelque conformité avec ce que nous avons dit dans la note précédente.

50. Depuis l'introduction des chiffres après la clef, pour exprimer les différentes sortes de mesures, les anciens ont abandonné la marque parfaite et imparfaite des modes, temps et prolation: il ne faut pas croire que ceux qui ont introduit les chiffres indicateurs des temps de la mesure, n'aient point éprouvé de difficultés, l'on n'en doit point douter; car on rencontre souvent, dit Brossard, dans la musique ancienne d'Italie, outre les chiffres, les marques ci-dessus énoncées, et représentées par les figures 20, 21, 22, 23, 25, 26, 31 et 32 [THINOU 04GF]; ce qui forme un double emploi qui fait appercevoir que l'on n'a dû qu'au temps l'abandon de ces anciens signes.

51. Les mesures qui se battoient à deux temps étoient celles qui se marquoient après la clef par les chiffres 2, 6/1, 6/2, 6/4, 6/8, 6/16; celles à trois temps, étoient exprimées par ceux-ci: 3, 3/1, 3/2, 3/4, 3/8, 3/16, et 9/1, 9/2, 9/4, 9/8, 9/16; celles à quatre temps par ces autres: 4, 12/1, 12/2, 12/4, 12/8, 12/16. D'après cet exposé on voit combien de différentes [-21-] espèces de mesures la Musique ancienne étoit surchargée. Nous allons suivre l'ordre de cette exposition; le compte que nous allons rendre de leur valeur en particulier, sera divisé en trois sections: la première traitera des mesures simples, doubles et triples qui se battoient à deux temps: la seconde, des mesures simples, doubles et triples qui se battoient à trois temps: la troisième, des mesures simples, doubles et triples qui se battoient à quatre temps.

PREMIERE SECTION.

Des mesures simples, doubles et triples qui se battoient à deux temps et de leurs divisions.

52. Nous avons vu dans le chapitre précédent que le C et le [Cdim] barré étoient la marque du temps imparfait; d'après cela, il n'est point difficile d'appercevoir que c'est très-abusivement que nous employons l'un et l'autre dans nos musiques modernes, puisque la considération des temps en parfaits et imparfaits est nulle, depuis l'usage du point d'augmentation (18) (qui perfectionne selon l'acception du mot parfait, la note qui le précède) et des chiffres indicateurs des temps de la mesure: le 2 simple étant admis dans la pratique pour tenir lieu de l'un et de l'autre signe, nous n'avons donc qu'une sorte de mesure simple qui se bat à deux temps, en tant qu'il n'y a qu'un chiffre qui l'exprime (47). Cette mesure est composée d'une ronde divisée en deux blanches, une pour chaque temps, ou de leur valeur combinée et correspondante, valeur que nous avons fait connoître dans l'introduction, (figure 4 [THINOU 02GF] et 12. [THINOU 04GF]). Selon la manière des anciens, la marque imparfaite ou le [Cdim] barré convient à cette mesure; il s'écrivoit avant le chiffre 2 qui sert constamment chez nous (figure 34 [THINOU 04GF]).

De la mesure double.

53. Cette sorte de mesure est très-usitée dans la pratique de la Musique moderne; les chiffres qui l'expriment sont le 2 et le [-22-] 4, de cette manière 2/4; la ronde est censée divisée en noires, et les deux noires qu'exprime le chiffre supérieur la composent; de sorte que chaque noire vaut un temps de la mesure, ou leur valeur combinée et correspondante (figure 4, 6. [THINOU 02GF]), (figure 35. [THINOU 04GF]), voyez (48).

Des mesures triples mixtes ou binaires.

54. On appelle triples mixtes ou binaires, certaines mesures qui se battent à deux temps; ainsi nommées parce qu'elles participent de la mesure double ou à deux temps, par la manière dont on la bat; et de la mesure ternaire, par rapport à la valeur des notes qui la composent; les mesures triples mixtes sont au nombre de cinq dont nos anciens tiroient cinq différens mouvemens du lent au vif; savoir: les mesures de 6/1, 6/2, 6/4, 6/8, 6/16.

55. La triple mixte ou binaire 6/1, étoit une mesure composée de six rondes, trois pour chaque temps; elle exprimoit le premier degré de mouvement du lent au vif; la ronde n'étoit point censée divisée (figure 36. [THINOU 05GF]).

56. La triple mixte ou binaire 6/2, étoit une mesure composée de six blanches, trois pour chaque temps; elle exprimoit le deuxième degré de mouvement du lent au vif; la ronde étoit censée divisée en blanches (figure 37. [THINOU 05GF]).

57. La triple mixte ou binaire 6/4, étoit une mesure composée de six noires trois pour chaque temps; elle exprimoit le troisième degré de mouvement du lent au vif; la ronde étoit censée divisée en noires (figure 38. [THINOU 05GF]).

58. La triple mixte ou binaire 6/8, qui nous reste, est une mesure composée de six croches, trois pour chaque temps; elle exprimoit le quatrième degré de mouvement du lent au vif; la ronde est censée divisée en croches (figure 39. [THINOU 05GF]).

59. La triple mixte ou binaire 6/16, étoit une mesure composée de six doubles-croches, trois pour chaque temps; elle exprimoit le cinquième et dernier mouvement du lent au vif; la ronde étoit censée divisée en doubles-croches (figure 40. [THINOU 05GF]). D'où l'on voit [-23-] que chez nos anciens, le mouvement des airs étoit relatif à la valeur des notes et aux différentes mesures dont ils faisoient usage: cette théorie étoit très-conséquente et sans doute facile à pratiquer chez eux où la Musique étoit beaucoup moins compliquée qu'elle l'est présentement; mais tout cela est bien changé.

SECONDE SECTION.

Des mesures simples, doubles et triples qui se battoient à trois temps et de leurs divisions.

De la Mesure simple (47.).

60. Il n'y a qu'une seule mesure simple qui se batte à trois temps; elle est absolument la même que celle dont nous allons parler à l'article 64; elle se marque à la clef avec le 3 seulement; quelques modernes désignent par ce chiffre un mouvement plus lent que celui qu'ils marquent avcc le 3/4: j'ignore leurs raisons; c'est selon ma manière de voir un double signe employé très-inutilement et qui ne signifie rien, puisque généralement les triples s'expriment à la clef par deux chiffres comme on va le voir: il n'y a donc point (selon le langage des modernes) d'autres mesures doubles qui se battent à trois temps, que les triples simples et composées, qui font le sujet de cette section.

Des triples simples.

61. On appelle triples simples, les triples dont les temps de la mesure qui les composent, ne peuvent se subdiviser en trois parties comme dans les triples composés dont il va bientôt être question.

62. La triple simple exprimée par 3/1, étoit une mesure composée de trois rondes, une pour chaque temps; elle exprimoit le premier degré de mouvement du lent au vif; dans cette mesure la ronde n'est point censée divisée (figure 41. [THINOU 05GF]).

63. La triple simple exprimée par 3/2, et dont on rencontre encore quelquefois des exemples chez les modernes, étoit une [-24-] mesure composée de trois blanches, une pour chaque temps; elle exprimoit le deuxième degré de mouvement du lent au vif; dans cette mesure la ronde est censée divisée en blanches (figure 42. [THINOU 05GF]).

64. La triple simple exprimée par 3/4, est la mesure simple que nous exprimons par le chiffre 3 seulement (60); elle est composée de trois noires, une pour chaque temps; elle exprimoit le troisième degré de mouvement du lent au vif; la ronde est censée divisée en noires (figure 43. [THINOU 05GF]).

65. La triple simple exprimée par 3/8, est très-en usage encore; cette mesure est composée de trois croches, une pour chaque temps; elle exprimoit le quatrième degré de mouvement du lent au vif; la ronde est censée divisée en croches (figure 44. [THINOU 05GF]).

66. La triple simple exprimée par 3/16 étoit une mesure composée de trois doubles-croches, une pour chaque temps; elle exprimoit le cinquième degré de mouvement du lent au vif; la ronde est censée divisée eu doubles-croches (figure 45. [THINOU 05GF]).

Des triples composées ou doubles triples.

67. On appelle triples composées ou doubles triples, celles qui, non-seulement se battent à trois temps, mais encore dont les temps peuvent se diviser en trois notes égales.

68. La triple composée exprimée par 9/1, étoit une mesure composée de neuf rondes, trois pour chaque temps; elle exprimoit le premier degré de mouvement du lent au vif; la ronde n'étoit point censée divisée (figure 46. [THINOU 05GF]).

69. La triple composée exprimée par 9/2, étoit une mesure composée de neuf blanches, trois pour chaque temps; elle exprimoit le deuxième degré de mouvement du lent au vif; la ronde étoit censée divisée en blanches (figure 47. [THINOU 05GF]).

70. La triple composée exprimée par 9/4, étoit une mesure composée de neuf noires, trois pour chaque temps; elle exprimoit le troisième degré de mouvement du lent au vif; la ronde étoit censée divisée en noires (figure 48. [THINOU 05GF]).

71. La triple composée exprimée par 9/8, étoit une mesure composée de neuf croches, trois pour chaque temps; elle exprimoit [-25-] le quatrième degré de mouvement du lent au vif; la ronde etoit censée divisée en croches (figure 49. [THINOU 05GF]).

72. La triple composée exprimée par 9/16, étoit une mesure composée de neuf doubles-croches, trois pour chaque temps; elle exprimoit le cinquième degré de mouvement du lent au vif; la ronde étoit censée divisée en doubles-croches (figure 50. [THINOU 05GF]): aucune de ces mesures ne se sont conservées.

TROISIEME SECTION.

Des mesures simples, doubles et triples qui se battoient à quatre temps et de leurs divisions.

75. Par le même faux principe dont nous nous sommes déjà entretenus (47 et 52), il nous reste une seule mesure simple que l'on bat à quatre temps, et qui se marque toujours à la clef avec le C, sur-tout dans les mouvemens lents; le plus souvent on partage cette mesure en deux parties égales dons le même cas, c'est-à-dire avec le même signe; sans doute pour rappeller plus souvent le sentiment de la mesure, particulièrement quand elle se trouve chargée de diminutions: dans les mouvemens un peu vifs, elle se bat à deux temps sous le même signe; ainsi donc, chez nous, cette marque tient lieu du 4 qu'il seroit plus conséquent d'employer, et qui par une bizarrerie singulière ne s'écrit jamais; la valeur de cette mesure est une ronde, laquelle est censée divisée en noires, une pour chaque temps quand on la bat à quatre temps; autrement, c'est-à-dire quand on la bat à deux temps, la ronde est censée divisée en blanches dont chacune vaut un temps; alors il n'y a point de différence avec celle dont il a été question dans la section première de ce chapitre (52). A l'égard des mesures doubles, selon le langage des modernes, et qui s'écrivent avec deux chiffres, elles se rapportent toutes aux triples à quatre temps ou dosduples, comme disent les Italiens.

Des mesures triples dosduples ou à quatre temps.

74. On appelle triples dosduples, les mesures qui se battent à quatre temps et dont chacun peut être divisé en 3 notes égales.

[-26-] 75. La triple dosduple 12/1, étoit une mesure composée de douze rondes, trois pour chaque temps; elle exprimoit le premier degré de mouvement du lent au vif; la ronde n'est point censée divisée (figure 51. [THINOU 05GF]).

76. La triple dosduple 12/2, étoit une mesure composée de douze blanches, trois pour chaque temps; elle exprimoit le deuxième degré de mouvement du lent au vif; la ronde étoit censée divisée en blanches (figure 52. [THINOU 05GF]).

77. La triple dosduple 12/4, étoit une mesure composée de douze noires, trois pour chaque temps; elle exprimoit le troisième degré de mouvement du lent au vif; la ronde étoit censée divisée en noires (figure 53. [THINOU 05GF]).

78. La triple dosduple 12/8, étoit une mesure composée de douze croches, trois pour chaque temps; elle est encore d'usage dans la Musique moderne; on la bat à quatre temps. Cette mesure étoit chez les anciens le quatrième degré de mouvement du lent au vif; la ronde étoit censée divisée en croches (figure 54. [THINOU 05GF]).

79. La triple dosduple 12/16, étoit une mesure composée de douze doubles-croches, trois pour chaque temps; elle exprimoit le cinquième degré de mouvement du lent au vif; la ronde étoit censée divisée en doubles-croches (figure 55. [THINOU 05GF]).

80. Il résulte de ce qui vient d'être dit, que nous pouvons nous convaincre que les ancions musiciens avoient autant de sortes de mesures, qu'ils avoient de mouvemens et de caractères différens dans leurs airs; par une conséquence naturelle de leurs principes on peut juger que le chant de leurs airs étoit bien moins compliqué que le chant des nôtres. Par la construction de nos airs modernes et par le goût qui les constitue, il est facile de voir qu'un seul air peut, selon l'intention du compositeur, renfermer trois ou quatre sortes de mouvemens simulés et toutes sortes de triples (1) dont les anciens ne se permettoient [-27-] l'usage, sans préalablement qu'ils n'en eussent bien déterminé, par leurs signes, la valeur des notes et l'espèce de mesure qui pouvoit y convenir. A cet égard, cette partie de la Musique est très-simplifiée présentement; simplification qui peut aller plus loin comme nous le verrons dans peu; avant de nous en occuper, je prie le lecteur de jetter un coup-d'oeil sur le tableau général (figure 56, 57, 58. [THINOU 06GF]) des mesures dont nous venons de parler, il en comprendra plus aisément l'analyse que nous nous proposons de faire et qui sera le sujet du troisième chapitre. Je ne croyois point donner à ce chapitre autant d'étendue qu'il en a; malgré sa longueur, je crois que le lecteur ne me saura point mauvais gré de l'avoir mis à portée de connoître cette partie de la Musique; quoiqu'une partie des mesures qui y sont détaillées ne soient plus usitées parmi nous, elles n'en sont pas moins existantes dans le fait; ces connoissances acquises nous mettrout à portée de rendre raison pourquoi les modernes les out négligées en partie, et ce qu'ils y ont substitué.

CHAPITRE TROISIEME.

Analyse comparée des différentes mesures et du mouvement des airs de la Musique de nos anciens, relativement à la manière d'en faire usage.

81. Les entraves auxquelles les compositeurs anciens étoient obligés de s'assujettir, par rapport au mouvement des airs, qu'ils déterminoient toujours par les signes qui suivoient la clef, n'étoient point de petits inconvéniens pour les progrès de l'art: le timide musicien redoutant toujours ce qui peut tendre à secouer le joug de ses anciennes habitudes, est trop servilement attaché à ses préjugés, pour oser rien entreprendre contre eux; et sous ce rapport, l'art seroit toujours resté au même point, si quelques musiciens plus hardis et doués d'un génie plus inventif avoient craint la réforme nécessaire qui en pouvoit favoriser l'essor; aussi, est-ce à ces derniers de qui l'art tient son plus beau lustre: l'expérienee le prouve: dans tous les arts, le génie est le [-28-] grand maître, et c'est à lui seul de rompre les obstacles qui peuvent en ralentir les progrès; sans lui, l'art musical seroit encore rampant sous le joug des règles trop austères; c'étoit donc au génie à lui prêter ses ailes. Trop heureux Orphées du jour! soyez long-temps les organes à la faveur desquels l'ame enchantée reçoit un nouvel être: si les trophées de Mars ont plus d'éclat, n'en soyez point jaloux; les vôtres sont moins fastueux, j'en conviens; mais ils sont plus flatteurs et plus chers: j'en appelle à la sensible humanité, vos trophées sont dans son coeur.

82. En consultant les anciennes Musicines, on remarquera que le chant des airs étoit très-simple, par conséquent fort éloigné des combinaisons dont les nôtres sont susceptibles; combinaison qui se manifeste en vertu de la figure des notes que l'on peut, sans aucune restriction, employer dans toutes sortes d'airs et dans toutes sortes de mesures, selon l'intention du compositeur. Par la simplicité de la mélodie ancienne, on conçoit qu'il devoit y avoir pea d'inconvénient à employer toutes les mesures dont les anciens faisoient usage et qu'ils pouvoient étendre jusques dans le courant des airs selon l'exigence des cas; soit pour augmenter leur vîtesse actuelle, soit pour se conformer aux paroles qu'ils avoient à rendre, et cetera, et cetera, et cetera. C'est sans doute de ces changemens subits de mouvemens qu'ils tiroient la plus grande énergie et la plus grande variété de leur chant: il n'en est plus de même aujourd'hui; la succession des temps a apporté de si grandes différences dans les combinaisons musicales, qu'il a fallu procéder aux changemens que nécessitoient ces progrès successifs: qu'est-ce qui a dû se présenter d'abord aux nouveaux instituteurs? la nécessité de détruire en grande partie la somme des signes de mesure en usage alors, et de leur en substituer d'équivalens; ensuite celle d'augmenter la quantité des mouvemens dont ils faisoient usage, pour rendre les airs plus propres à toutes les différentes passions qu'ils avoient à exprimer, et à toutes les nuances dont ils sont susceptibles; de là l'insuffisance des cinq degrés de mouvemens primitifs exprimés à la clef, comme nous [-29-] l'avons vu dans le chapitre précédent, par conséquent l'introduction de nouvelles expressions propres à les représenter; c'est ce que l'on a fait en imaginaut de déterminer le mouvement des airs par l'emploi de certains mots écrits à leur tête, à la faveur desquels, les signes indicatifs des différentes mesures anciennes se trouvent en grande partie rejettés; ceci va se développer insensiblement.

83. Soit par habitude, soit par respect pour l'ancien usage, on voit encore dans la musique du dernier siècle, des mesures exprimées de deux manières, c'est-à-dire, avec le signe propre au mouvement de l'air et l'indication du mot; procédé qui est, malgré la duplicité du signe, plus conséquent que chez nos compositeurs modernes, où le signe d'une mesure lente est très-souvent démenti par un mot qui dit le contraire; un exemple suffira pour prouver ce que nous avançons. La triple simple 3/8, étoit chez nos anciens; une mesure vive ou le quatrième degré de mouvement (65); chez nous, cette mesure est souvent désignée par un mot italien qui indique le contraire; il ne faut, pour en être convaincu, que jetter les yeux sur nos productions modernes où l'on rencontre très-souvent de semblables absurdités. Avant d'analyser les mouvemens des anciens, il convient de dire un mot sur l'usage des expressions indicatives du mouvement de nos airs, et d'en donner l'ordre.

84. En consultant la Musique ancienne, il paroît que les auteurs français se sont servis des mêmes expressions dont les Italiens se servoiont alors; usage qui a tellement prévalu chez nous, que nous croirions commettre un crime de lèze-musique si nous osions nous servir d'expressions françaises en pareil cas; il paroît, dis-je, d'après Brossard, que les musiciens compositeurs donnoient au premier degré de mouvement, les expressions de largo, ou adagio, ou grave; au deuxième, celles d'adagio, ou lento, ou grave; au troisième, celles d'affectuoso, ou allegro; au quatrième, celles de presto, ou vivace, ou stretto; au cinquième, celle de prestissimo. On voit, malgré la simplicité qu'ils vouloient établir, l'incertitude qu'il y avoit encore, puisque le même mot [-30-] étoit propre à différens mouvemens, comme on vient de le voir. J. J. Rousseau en ayant reconnu le vice, y a fait d'heureux changemens; voici l'ordre qu'il a donné, et qu'il désigne par un seul mot pour chaque degré de mouvement, savoir: le mot largo représente le premier; l'adagio, le second; l'andante, le troisième; l'allegro, le quatrième; enfin le presto, le cinquième, pour tous signes de mesure quelconque: ces cinq premiers degrés de mouvement une fois déterminés et pour favoriser l'intention des auteurs, il a assigné des mouvemens intermédiaires aux cinq primitifs qu'il a désignés par cinq autres expressions italiennes qui leur servent tantôt d'augmentatifs, tantôt de diminutifs, et qu'il range dans l'ordre suivant, savoir: le larghetto, l'andantino, l'allegretto, l'allegro-assai, enfin le prestissimo: le larghetto sert de mouvement intermédiaire entre le premier et le second; l'andantino, entre le second et le troisième; l'allegretto, entre le troisième et le quatrième; l'allegro-assai, entre le quatrième et le cinquième; le prestissimo, après le cinquième; par conséquent l'expression du mouvement le plus vif de tous (figure 59. [THINOU 07GF]). C'est d'après cet exposé que nous allons rapprocher la comparaison et analyser les mesures anciennes par rapport à l'usage que nous en faisons; et montrer que la suppression des signes n'apporte aucun changement à leur mouvement, quant à l'effet. Nous allons suivre le même ordre que nous avons observé dans le chapitre précédent. Si l'on se rappelle ce que nous y avons dit, on verra que la quantité des mesures triples excède de beaucoup celle des mesures doubles; j'entends par mesures doubles ici, celles que l'on peut considérer sans avoir égard à la quantité des chiffres qui les constituent telles, selon l'opinion des modernes (48). Telles sont, par exemple, les mesures de quatre temps ou de C; de deux temps ou de [Cdim]; de 2/4, et toutes celles en général, dont probablement les anciens pouvoient faire usage et dont nous aurions parlé si nos recherches nous eussent fourni des exemples pour nous y autoriser; cependant, à leur défaut, l'analogie sembleroit nous permettre une conjecture, et la voici: comme toutes les mesures dont nous avons rendu compte jusqu'ici n'ont été mises [-31-] en usage que pour exprimer le mouvement des airs, ou pour déterminer les temps de chaque mesure, on peut présumer avec assez de vraisemblance que les mesures à temps imparfaits, dites doubles (40), étoient susceptibles de tous les différens mouvemens propres aux mesures à temps parfaits, dites triples; par conséquent, il est probable qu'ils avoient au moins cinq sortes de mesures imparfaites à la faveur desquelles ils en déduisoient cinq degrés de mouvemens: sans nous arrêter à ces considérations fort peu importantes aujourd'hui, nous allons passer à notre analyse.

PREMIERE SECTION.

Des mesures simples qui se battent à deux temps.

85. Nous avons vu (52), que le 2 ou le [Cdim] étoit la marque d'une mesure composée d'une ronde; qu'elle étoit simple, parce qu'un seul signe l'exprimoit: par l'ordre des degrés de mouvement donné par J. J. Rousseau, que l'on a vu (84), il est évident que l'on peut concevoir autant de mouvemens différens que toutes les expressions italiennes en désignent; ainsi donc dix degrés de mouvement propres pour une seule marque.

Deuxième. De la mesure double qui se bat à deux temps.

86. Cette espèce de mesure fort en usage parmi nous, ne peut être comparée à rien de la musique ancienne, du moins je n'ai rien vu qui y ait rapport; elle est double suivant les modernes, parce que deux chiffres sont sa marque distinctive; elle est double aussi par la vraie signification du mot comme nous l'avons vu (48); cette sorte de mesure se marque à la clef avec la fraction 2/4; elle est probablemeat dérivée de la mesure à quatre temps, par conséquent susceptible des dix degrés de mouvemens propres à la mesure à deux temps (85). Cette mesure est très-conséquemment employée chez nous dans les mouvemens très-lents, pour rappeller plus souvent le sentiment de la mesure (53).

[-32-] Troisième. Des triples mixtes ou binaires qui se battent à deux temps.

87. Des triples mixtes ou binaires, dont il a été question (depuis 54 jusqu'à 59), il ne nous est resté que celle de 6/8 qui, étant susceptible des dix degrés de mouvement, nous fournit beaucoup plus d'avantage avec une marque seule que si l'on faisoit usage des cinq expressions anciennes.

DEUXIEME SECTION.

Première. Des triples simples qui se battent à trois temps

88. Des triples simples qui se battent à trois temps, nous ne faisons usage que de celle que l'on marque à la clef par le chiffre 3, (60, 61).

Deuxième. Des mesures doubles qui se battent à trois temps.

89. Des mesures doubles qui se battent à trois temps, il ne nous est resté que les triples simples 3/4 et 3/8; cette dernière 3/8 ne devroit point être admise dans la pratique moderne, n'étant dans le fait, que la représentation de la première 3/4. Dans un mouvement plus vif, et comme il n'y a point d'inconvénient à supprimer le chiffre inférieur 4, il restera pour toute expression le chiffre 3 qui, à la faveur des dix degrés de mouvement, détruit naturellement les signes anciens (figure 57. a, b, e) [THINOU 06GF], et rejette deux signes des modernes, c'est-à-dire, les signes des mesures 3/4 et 3/8 (figure 57. c, d [THINOU 06GF]). Voyez les articles 61, 62, 63, 64, 65, 66.

Troisième. Des mesures triples composées qui se battent à trois temps.

90. Aucunes espèces de mesures triples composées ne sont d'usage dans la Musique moderne (figure 57. f, g, h, i, k [THINOU 06GF]); pour en tenir lieu, il est probable qu'on a imaginé une ligature de trois notes au-dessus desquelles on a été obligé d'écrire le [-33-] chiffre 3 (1), pour désigner que trois notes, de quelques figures qu'elles soient, ne valent que deux de la même espèce (figure 60. [THINOU 07GF]). On appelle communément cette sorte de ligature trois pour deux ou trioles; quelquefois cette ligature s'étend jusqu'à six notes, alors on les nomme des six pour quatre, ce qui revient absolument au même (figure 61. [THINOU 07GF]); malgré l'avantage qui résulte, pour la variété des chants, de l'usage, de la triole, je suis fâché que nous ayons perdu la mesure triple composée; elle imprime un caractère particulier dont on pourroit tirer un grand parti: ceux qui sont versés dans la Musique pratique, savent que la triole est employée dans toutes sortes de mesures, et qu'elle a bien moins de caractère que si elle étoit employée comme triple composée; nous aurons occasion d'en dire deux mots dans la suite, où nous essayerons de la faire revivre, n'y ayant pas plus d'inconvénient d'en admettre l'usage que de perpétuer celui de la triple binaire qui a fait le sujet de l'article trois de la première section de ce chapitre (87).

SECTION TROISIEME.

Des mesures simples et doubles qui se battent à quatre temps.

91. Des mesures simples et doubles qui se battent à quatre temps, nous ne connoissons que celle qui devroit avoir le chiffre 4 seul à la clef, et auquel nous substituons toujours la marque imparfaits C, comme nous l'avons dit (73), (figure 58. [THINOU 06GF]).

92. A l'égard des mesures doubles, elles se rapportent aux triples dosduples; et des cinq dont il a été question (depuis 75 jusqu'à 79) (figure 58. b, c, d, e, f [THINOU 06GF]), il ne nous est resté que celle qui se marque par 12/8, qui, comme toutes celles dont nous venons de parler, étant susceptible des mêmes différens degrés de mouvement, les représentent tous, (même figure, b, c, d, e, f [THINOU 06GF]).

[-34-] 93. Malgré l'ordre que nous avons cherché à établir pour présenter une théorie facile à saisir, il s'en faut beaucoup que nous ayons atteint le but que nous nous sommes proposé; mais ces difficultés s'applaniront par une seconde lecture qui, je crois, est très-nécessaire, sur-tout pour ceux à qui ces matières ne sont point familières: bientôt par une théorie plus simple, plus lumineuse, nous tâcherons de dédommager le lecteur, qui jusqu'ici n'a pas eu de trop que toute son attention pour nous suivre; je l'ai d'ailleurs observé dans la préface; j'y ai dit que cet ouvrage seroit plus facilement entendu par ceux qui pratiquent la Musique que par ceux qui ne la pratiquent point.

CHAPITRE QUATRIEME.

Première. Des signes de mesures en usage chez les modernes; et de ceux que l'on peut rejetter comme inutiles. Deuxième. Nouveautés et changemens proposés à tous les compositeurs.

SECTION PREMIERE.

Des signes de mesures en usage chez les modernes; et de ceux que l'on peut rejetter comme inutiles.

94. Si, d'après la récapitulation des mesures anciennes, on rejette toutes celles qui étoient encore restées en usage, il est facile de voir à quelle simplicité les signes de mesures sont parvenus, à la faveur des expressions employées pour déterminer le mouvement des airs; d'après cela, il résulte qu'il ne nous est resté que dix signes pour exprimer toutes nos mesures; savoir: pour les mesures qui se battent à deux temps; celles qui sont marquées à la clef par le 2, le [Cdim], le 2/4 et le 6/8 (figure 56. a, b, f [THINOU 06GF]). Pour les mesures qui se battent à trois temps; celles que l'on désigne par les marques 3, 3/2, quelquefois 3/4 et 3/8 (figure 57. b, c, d [THINOU 06GF]). Pour les mesures à quatre temps; celles qui se marquent par le C, et qui devroient toujours s'écrire avec le 4; et celle de 12/8 (figure 58. a, e [THINOU 06GF]); quantité que l'on peut encore [-35-] réduire à trois signes seulement, savoir: le 2, le 3 et le 6/8.

95. En se rappellant ce qui a été dit (84), on verra qu'au moyen des dix expressions italiennes, nous avons dix degrés de mouvement pour toutes ces sortes de mesures; on verra de plus que ces trois signes distinctifs, c'est-à-dire le 2, le 3 et le 6/8, représentent, dans leur simplicité, tout ce qui peut s'écrire en Musique quant aux mouvemens: pour nous en convaincre, suivons l'ordre ci-dessus établi et faisons voir la conséquence de ce que nous avançons.

96. Je dis donc, que la mesure à deux temps susceptible de dix gradations de mouvement, suffit pour nous autoriser à rejetter la marque du [Cdim] comme signe qui ne signifie rien absolument (52), sinon une augmentation de vitesse (47) qui ne peut jamais aller au-delà du prestissimo; ainsi le mot à la tête de l'air, suffit donc pour tenir lieu de la vîtesse que ce signe indique communément; il ne faut que de la bonne foi pour en convenir. Je dis que la marque 2/4 se détruit par la même raison, à moins que l'on ne prétende que de la plus ou de la moins grande vîtesse du frappé de la mesure résulte un caractère différent dans le morceau; c'est, je crois, ce dont on ne conviendra jamais: il en sera de même pour la mesure à quatre temps marquée avec le C; car en y appliquant le même raisonnement, ce signe se trouve exclu comme les deux précédens; l'usage semble même y autoriser; car présentement on ne bat presque plus la mesure à quatre temps, sinon dans les morceaux d'une certaine lenteur. Par les exemples que l'on va voir, on s'assurera mieux que le tout peut se réduire à la seule mesure à deux temps; la figure 62 [THINOU 07GF] représente différentes phrases de Musique, suivant la marque que les auteurs y ont employée; la seconde portée de l'accolade, appuyant mes raisons, fait voir, que sans rien changer ni au chant ni au caractère de l'air, la marque du 2 seul, et l'expression déterminative du mouvement, sont suffisantes en elles-mêmes, pour exclure, sans aucun inconvénient, les signes C, [Cdim], et 2/4 dont nous venons de parler.

[-36-] 97. Il est aussi évident, que la mesure marquée simplement par le 3, peut représenter tous les mouvemens qui ont rapport aux différens caractères des airs propres à cette mesure; que par conséquent, les mesures 3/2, 3/4, 3/8, fournissant des mesures de même genre, mais des différens degrés de vitesse, deviennent superflues et doivent être rejettées (figure 63. [THINOU 07GF]). La première partie de l'accolade représente plusieurs phrases telles que les auteurs les ont écrites, et la deuxième fait voir que le 3 seul peut les représenter toutes, en changeant seulement le mot écrit à la tête de l'air.

98. La triple binaire 6/8, étant une mesure qui tient un rang très-distingué dans la Musique moderne, et sa marque étant consacrée par l'usage, nous ne proposerons aucun changement à son égard pour le moment; d'ailleurs on ne connoît point de signe simple propre à lui être substitué; dans la section suivante nous tâcherons de rappeller le tout à une plus grande simplicité, ce qui nous conduira à nous en entretenir plus particulièrement.

99. A l'égard de la triple dosduple 12/8 en usage; il est facile de voir que ce n'est rien autre chose que deux mesures de triple binaire 6/8 écrites entre les bornes de cette première, et que cette marque 12/8 n'apportant dans le fait aucun changement dans le caractère de l'air, doit être rejettée comme signe embarrassant et superflu; première. embarrassant, parce que dans les airs d'une certaine lenteur où ce signe s'emploie, on s'impose presque toujours la loi d'en partager la mesure en deux parties égales par le frappé de la mesure; deuxième. superflu, parce que dans tous les cas on peut toujours la réduire à la triple binaire 6/8 (figure 64. [THINOU 08GF]) (1).

100. D'après toutes ces considérations, et ce qui vient d'être exposé, on voit que la quantité des dix signes encore en usage, [-37-] peut être réduite à celle de trois signes seulement; savoir: pour les mesures à deux temps, celui du chiffre 2; pour les mesures à trois temps, celui du chiffre 3; enfin, pour les triples, celui des chiffres 6/8.

101. Par tout ce qui précède, on voit que rien n'est plus propre à renverser les idées les plus claires et à perpétuer les abus, que cette duplicité de signes presque toujours contradictoires (83), dont les exemples fourmillent dans toutes nos Musiques modernes, et que rien n'est plus propre aussi à perpétuer l'arbitraire que presque tous les musiciens apportent dans l'exécution de toute Musique commise à leurs soins. Tous les auteurs devroient, ce me semble, s'occuper d'une réforme si nécessaire, d'autant plus qu'ils y ont le plus grand intérêt; ou bien admettre et faire usage des changemens que la raison peut leur fournir; par ce moyen ils rétabliroient la paix parmi tous les musiciens exécutans, qui ne s'accorderont jamais sur le vrai mouvement des airs, tant que l'incertitude et l'équivoque subsisteront.

DEUXIEME SECTION.

Nouveautés et changemens proposés à tous les compositeurs.

102. Jusqu'ici nous avons tâché de donner, le plus succintement qu'il nous a été possible, les connoissances relatives à la manière dont les anciens musiciens déterminoient le mouvement de leurs airs, celles des changemens successifs qui out concouru à perfectionner cette partie intéressante de la Musique; nous avons fait connoître à quel degré de simplicité elle étoit arrivée, et ceux dont elle pouvoit encore être susceptible: cette matière auroit été inépuisable s'il nous eût fallu entrer dans un plus grand détail; mais nous observons que nous ne prétendons point ramener aux anciens principes: ce que nous avons dit est suffisant pour faire voir ce que cette partie de la Musique étoit anciennement; cette connoissance nous a paru indispensable pour amener par gradation le lecteur à la réforme, aux changemens et aux nouveautés que nous projettions: les détails dans [-38-] lesquels nous sommes entrés, font assez connoître les abus que l'ignorance des principes a causés, soit dans la multiplicité des signes dont on fait encore usage, soit dans leur application vicieuse; il nous reste à proposer aux compositeurs, et à ceux qui s'intéressent aux progrès de l'art, quelques changemens utiles dans cette partie; la nouveauté et les avantages qui en pourront résulter, fixeront peut-être l'attention du lecteur.

103. En consultant le deuxième chapitre, on verra qu'anciennement les notes qui formoient les temps des mesures étoient figurées relativement à la vîtesse du mouvement des airs; que par conséquent toutes les différentes valeurs des notes étoient employées pour les représenter; les choses sont tellement changées à cet égard, qu'il ne reste plus guères aux modernes que trois figures de notes pour en déterminer la valeur; savoir: la blanche pour la mesure à deux temps (52); la noire pour les mesures à quatre temps (73), à trois temps (60, 64), et à 2/4 (53); et la croche pour la triple simple 3/8 (65), qui, étant rejettée (97), réduit cette quantité à deux figures seulement qui sont la blanche et la noire.

104. Les choses étant dans cet état, ne seroit-il point plus régulier, plus simple, d'employer dans nos différentes mesures, la noire seule pour en marquer les temps; il suivroit de là que le chiffre propre à chaque mesure exprimeroit la quantité de noires dont elle seroit composée; par exemple, le 2 à la clef représenteroit une mesure composée de deux noires, ou de leur valeur combinée et correspondante (figure 65. a [THINOU 08GF]); le 3, celle qui seroit composée de trois noires, ou de leur valeur combinée et correspondante (figure 65. b [THINOU 08GF]); le 4, celle qui seroit composée de quatre noires, ou de leur valeur combinée et correspondante (figure 65. c [THINOU 08GF]); lesquelles mesures, à l'aide des expressions déterminatives des mouvemens, fourniroient abondamment les ressources nécessaires pour tous les genres et especes d'airs propres à la Musique moderne, puisque chaque sorte de mesure seroit susceptible de dix degrés de mouvement (84),

105. A l'égard de la triple binaire 6/8 (58) et dosduple 12/8 (78), sans rien déranger aux chiffres indicateurs dont nous venons de [-39-] parler, l'addition de quelques points pourroit les exprimer; parce que la marque du 2: ainsi pointé, indiqueroit suffisamment que les deux noires qui en composent la mesure sont pointées; en effet, la mesure des 6/8 n'est rien autre chose; on pourroit donner à cette mesure le nom de mesure à deux temps pointés (figure 66. a [THINOU 08GF]); il en seroit de même pour exprimer la mesure 12/8 à laquelle on donneroit le nom de mesure à quatre temps pointés et que l'on écriroit ainsi 4: (même figure 66. b [THINOU 08GF]).

106. J'ai promis d'essayer de faire revivre une triple abandonnée qui imprime un caractère particulier et qui semble propre à fournir une grande ressource dans la variété et le chant de certains airs, je veux parler de la triple composée 9/8 (71); et que j'exprimerois à la clef avec le chiffre 3 pointé ainsi 3: par les mêmes raisons données ci-dessus, et que l'on pourroit, conformément aux deux mesures précédentes, appeller mesure de trois temps pointés (figure 67. [THINOU 08GF]). Que l'on ne s'y trompe point; bien que les modernes semblent avoir introduit la triole pour tenir lieu de la triple composée, et qu'ils l'emploient communément dans la mesure à trois temps, on verra, pour le peu que l'on pratique la Musique, qu'il est clair que la triole produite par une note simple, est bien différente de celle qui s'emploie dans la mesure de 6/8 où les trois croches ont leur juste valeur établie sur la noire pointée; ainsi des autres à proportion: un exemple rendra ceci plus sensible (figure 68. [THINOU 08GF]) (1).

107. Il suit de tout ce qu'on vient de dire, une théorie simple, lumineuse, qui, dégageant la pratique de signes superflus, tend à rendre l'exécution musicale plus exacte, moins arbitraire, [-40-] et à fixer mieux les idées; ainsi tout le mystère de cette nouveauté, consiste simplement à faire usage de trois chiffres que l'on posera à la clef selon l'usage ordinaire, et dont la propriété sera de fixer le nombre des noires simples ou pointées qui doivent composer la mesure des airs, lesquels chiffres sont, le 2, le 3, et le 4 pour les mesures premières (figure 69. a, b, c [THINOU 08GF]); et les mêmes chiffres pointés 2:, 3:, 4: pour les triples binaires (54), triples composées (67), et triples dosduples (74) (figure 70. a, b, c); sans exclure toutefois l'usage des trois pour deux ou trioles modernes, qui produisent, par leur emploi, mille variétés intéressantes dans la mélodie.

108. Si je ne craignois point de rebuter les practiciens par tant de réformes, je proposerois encore un moyen de simplifier cette théorie; par exemple, je supprimerois le chiffre et la mesure à quatre temps, parce qu'elle peut très-bien se résoudre à celle de deux temps; les praticiens font journellemeut l'expérience que la mesure à quatre temps employée dans les mouvemens lents, nécessite presque toujours à un partage de mesure embarrassant pour la lecture; embarras que les musiciens modernes évitent par l'emploi qu'ils font de la mesure composée de deux noires ou 4/4, (ou de celle que je propose, et que j'appelle mesure à deux temps) comme ils en font aussi de la mesure 4/4 à la place de celle de 12/8, c'est-à-dire, selon notre nouveauté, celle de deux temps pointés à la place de celle à quatre temps pointés (figure 70. a, c), qui dans les mesures lentes produit le même embarras par la nécessité de partager la mesure en deux parties; au surplus, rien n'empêche d'en faire tel usage qu'on jugera à propos; les modernes ne s'en servent plus guères que dans les mouvemens un peu vifs; d'ailleurs n'y ayant point d'inconvénient de la laisser subsister, je l'abandonne sans scrupule à l'usage de ceux qui trouveront convenable de ne la point rejetter; ainsi. sans vouloir nous prévaloir de la nouveauté qui fait le sujet de cette section, nous la soumettons au jugement de tous ceux qui professent la Musique et de ceux qui par amour pour l'art s'intéressent à ses progrès.

[-41-] CHAPITRE V.

Première. Examen des expressions italiennes qui servent à fixer le mouvement des Airs et de leurs significations. Deuxième. Si les expressions italiennes consacrées par l'usage et destinées à déterminer précisément le mouvement des Airs, remplissent bien leur objet. Troisième. Expressions nouvelles proposées, et des avantages qui peuvent en résulter pour la pratique.

109. Nous avous traité assez au long (84) de l'ordre que les expressions italiennes observent entr'elles, pour fixer, dans l'idée du musicien, les différens degrés de vîtesse auxquels les airs peuvent être assujettis; par ce qui a été dit dans la première section du dernier chapitre, on a dû voir que les dix signes de mesures usités encore dans la Musique moderne étoient réductibles à une bien moindre quantité, et que les trois signes auxquels nous nous sommes arrêtés (106) suffisoient pour tous, à la faveur des dix expressions en usage; à cet égard, il faut convenir que si l'obscurité et l'incertitude du vrai mouvement des airs subsistent toujours, il faut s'en prendre moins à l'ignorance des musisiens exécutans, qu'à cette duplicité de signes mal entendus, souvent contradictoires, qu'emploient les compositeurs dans presque toutes leurs productions; ce que l'expérience journalière prouve assez: les compositeurs ne resteront point sans réponse; et pour se disculper de l'imputation, ils diront sans doute, que tout musicien habitué, pour peu qu'il ait de talent, ne doit jamais se tromper sur le mouvement des airs, et que le caractère de chacun en particulier l'indique suffisamment. Supposons que cela soit, ainsi qu'ils le prétendent, ce qu'il faudroit prouver, je dis que le nombre de ceux qui semblent doués de ce tact superfin, est très-petit; j'avancerois même avec une sorte, d'assurance, qu'il n'y a peut-être pas un musicien, à moins que l'orgueil ou la vanité ne s'en mêle, qui convienne de bonne foi avoir [-42-] cette faculté qui fait saisir le caractère et le mouvement que l'auteur a prétendu donner à son air, d'après les signes ou expressions que la plupart emploient pour se faire entendre: si en effet ils y parviennent, ce ne sera jamais en laissant les choses dans l'état où elles sont. On fera un pas vers le but, si, comme nous l'avons proposé, on veut bien s'en tenir à ce qui a été dit (103, 104, 105, 106), et si les compositeurs en général veulent bien n'employer seulement que les expressions dont l'ordre a été donné dans le chapitre troisième, article (84); car il y a encore cela de singulier, que dans la Musique de certains auteurs, jamais une expression simple et déterminative ne suffit, si elle n'est accompagnée d'épithètes douteuses, souvent contradictoires, ou d'un verbiage inutile; dans d'autres, c'est le mot propre au caractère, ou au genre de l'air qui tient lieu de celui du mouvement; parcourez les auteurs, vous vous en convaincrez; vous verrez qu'assurément les mots cantabile, spiritoso, scherzando, gracioso, rondeau, menueto, et cetera, et cetera, et cetera, employés seuls, ne donnent aucune idée de mouvement: il est sûr que tant que cette partie de la Musique ne posera pas sur une base plus solide, le mouvement des airs sera toujours incertain, et qu'ils perdront une partie de leur énergie et de leur caractère distinctif. J'ai dit ci-dessus, que si les compositeurs vouloient bien n'employer que les expressions dont l'ordre a été donné (84), que l'on feroit un pas vers le but; je dis à cet égard que l'on en fera un de plus en les rejettant toutes, et en leur en substituant d'autres; objet dont nous traiterons à la troisième section de ce chapitre; avant il convient de donner l'explication des mots italiens, et de faire connoître l'inconvénient qui résulte de leur emploi; reprenons-en l'ordre.

[-43-] SECTION PREMIERE.

Examen des expressions italiennes qui servent à fixer le mouvement des Airs; et de leurs significations.

110. L'ordre simple des mots italiens qui déterminent généralement le mouvement des airs, se réduit, comme nous l'avons dit, aux mots largo, larghetto, adagio, andantino, andante, allegretto, allegro, allegro assai, presto et prestissimo. Parcourez les oeuvres de Musique dans tous les genres; outre ces dix mouvemens, vous en pourrez trouver peut-être quatre fois autant, qui tous reviennent à ceux-ci; superfluité qui jette encore de l'embarras et de l'incertitude relativement au juste mouvement qu'il convient de donner aux airs; sans nous arrêter à ces sortes d'abus dont les exemples fourmillent dans nos musiques, examinons littéralement ce que signifient les mots ordonnés ci-dessus.

111. Le largo est l'expression du premier mouvement; il signifie en français, large ou largement, c'est-à-dire, que les mouvemens de la main doivent s'exécuter d'une manière large, sans doute pour alonger les temps de la mesure; autrement cette expression ne signifieroit rien en Musique.

112. Larghetto, un peu large, diminutif de largo, les mouvemens de la main un peu plus serrés: ce qui indique un peu plus de vîtesse dans la mesure.

113. Adagio, est l'expression du deuxième mouvement; il signifie à l'aise, posément.

114. Andantino, exprime un mouvement moins vif que l'andante; il revient aux mots français allant modérément, ou à l'équivalent.

115. Andante est l'expression du troisième mouvement; il signifie allant.

116. Allegretto, est l'expression diminutive de l'allegro; il répond au français gaîté modérée, ou l'équivalent.

117. Allegro, est l'expression du quatrième mouvement; il signifie, allégresse, gaîté, ou l'équivalent.

[-44-] 118. Allegro assai, est l'augmentatif du mot allegro; il répond aux mots grande gaîté ou grande allégresse; c'est au moins l'interprétation des musiciens modernes.

119. Le presto, est l'expression du cinquième et dernier mouvement; il répond au français preste, leste, promptement ou vîte.

120. Le prestissimo, est l'expression augmentative du presto; il signifie très-preste, ou très-vîte, ou l'équivalent; d'où il suit, que pour se faire une idée un peu juste des différens mouvemens exprimés par tous ces mots italiens, il est d'une nécessité absolue de les savoir interpréter, et qu'un musicien qui n'est point italien peut fort bien prendre le change; cela est si vrai, que les trois-quarts des musiciens exécutans, abandonnés à l'impulsion des idées qu'ils se forment de toutes ces diverses expressions, prennent très-souvent l'une pour l'autre; les uns confondent l'allegro assai avec le presto; d'autres l'allegretto avec l'andante; d'autres l'adagio avec le largo, et cetera et cetera, et cetera; bizarrerie qui tient plus à l'ignorance de la langue, que peu de musiciens possèdent, qu'à une mauvaise intention de leur part: outre ce que nous venons d'observer, on rencontre très-communément, à la tête de beaucoup d'airs, des expressions qui contredisent l'intention même des auteurs; de sorte que vous ne savez le plus souvent à quoi vous en tenir, ni quel parti vous avez à prendre, à moins que l'auteur ne se charge de la conduite de ses ouvrages. Auteurs! auteurs! ne vous accorderez-vous jamais, ne vous persuaderez-vous point que votre gloire dépend de vous faire entendre si vous voulez être rendus?

SECONDE SECTION.

Si les mots italiens destinés à déterminer précisément le mouvement des Airs, remplissent bien leur objet.

121. Il est clair par ce qui vient d'être dit, que, si les auteurs s'imposoieut la loi de ne rien changer aux expressions italiennes dans l'ordre de leur succession, comme représentant dix degrés [-45-] de mouvement progressif, dont cinq principaux et cinq intermédiaires; celle aussi de ne les jamais confondre ni d'en admettre d'autres qui souvent n'ont aucun rapport à l'objet dont il s'agit (109); il est clair, dis-je, que cet arrangement et cette gradation pourroient suffire jusqu'à un certain point, pour fixer un peu mieux les idées sur ce sujet; mais il n'est point facile d'y parvenir; le sens littéral des expressions consacrées par l'usage, n'est point assez clair ni assez déterminé pour empêcher d'interpréter toutes ces expressions conformément à ses facultès et à son opinion.

122. Par exemple, le mot largo ou largement, fixe bien en moi l'idée d'une certaine lenteur de mouvement; mais je prendrai toujours celle qui me semblera la plus convenable à ma manière de sentir; par conséquent, je serai toujours à côté de l'intent/on de l'auteur: si je la saisis, ce ne sera jamais que l'effet du hasard.

123 Adagio, à l'aise, fixe peu l'idée de mouvement; à l'aise ne dit rien de déterminé; chacun peut prendre tel degré de vîtesse qu'il lui plaira, pourvu qu'il soit à son aise.

124. Andante, allant, ne dit rien qui puisse fixer mieux une idée de mouvement; allant, je puis aller vîte, je puis aller lentement; rien ne doit m'arrêter sur le parti qu'il me conviendra de prendre.

125. Allegro, gaîment, ne donne point du tout l'idée d'aucun mouvement; ce mot exprime que l'on doit jouer ou chanter avec gaîté, sans rien déterminer sur le degré de vîtesse convenable à l'air; il y a d'ailleurs mille exemples, que souvent rien n'est si triste que certains morceaux où cette expression est écrite en tête; elle ne signifie donc rien de plus que les autres; par conséquent rien de plus arbitraire que le mouvement que chacun est en droit d'y donner.

126. Enfin le mot presto qui sembleroit donner une idée plus fixe du cinquième degré de mouvement, n'a, selon moi, rien de plus déterminé que les quatre expressions précédentes; pour que le mot presto fût fixé absolument, il faudroit que tous les [-46-] musiciens eussent une règle invariable qui ne leur permît ni augmentation ni diminution de vîtesse dans ce cas; mais l'expérience journalière prouve que le presto d'un auteur diffère presque toujours du presto d'un autre auteur; ce qui est trop évident pour insister sur un objet dont nous aurons occasion de nous entretenir plus particulièrement.

127. Je ne parlerai point des cinq mouvemens intermédiaires; puisque le vice a son principe dans les cinq primitifs, il suit naturellement que les augmentatifs et diminutifs ne sont pas plus exempts des mêmes inconvéniens, et qu'ils ne doivent signifier rien de plus; ainsi-donc, est-ce sur de pareilles expressions que doit être fondée une théorie exacte, invariable pour tous les temps, comme pour tous les lieux? non sans doute. Si la Musique étoit un art propre pour une certaine nation, cette nation auroit le droit de faire la loi; mais comme la profession des arts n'est point exclusive, et que la Musique est connue assez généralement, il convient donc que tout ce qui peut concourir à la perfectionner, soit entendu sans équivoque de tous ceux qui la pratiquent, de quelque pays qu'ils soient; c'est ce qui va faire le sujet de la section suivante.

TROISIEME SECTION.

Expressions nouvelles proposées, et avantage qui en peut résulter pour la pratique.

128. Nous venons de voir que rien n'est plus illusoire que les expressions consacrées par l'usage pour déterminer le mouvement des airs; qu'elles impliquent souvent contradiction; qu'elles ne signifient presque rien, prises dans le sens littéral relativement à l'objet pour lequel elles sont destinées; que l'arbitraire qu'elles semblent tolérer est un vice très-conséquent dans la détermination du vrai mouvement des airs; que de là suit naturellement la nécessité de les rejetter toutes, et de leur substituer d'autres expressions plus générales et moins équivoques.

129. J. J. Rousseau a indiqué en quelque sorte cette réforme [-47-] par l'ordre qu'il nous a laissé: s'il a fait le premier pas vers la perfection dans cette partie de la Musique; encouragé par son exemple, j'en vais faire un second, et je finirai par un troisième qui fera le sujet de la seconde partie de cet ouvrage; après je laisserai le champ libre à ceux qui voudront y en ajouter d'autres, je me trouverai très-flatté si mon exemple est suivi.

130. Le deuxième pas dont il est question présentement consiste à rejetter tous les mots italiens par lesquels on a jusqu'à présent déterminé le mouvement des airs; ainsi à la place des mots écrits à leur tête, j'invite à écrire, selon le degré de mouvement que l'on voudra leur donner, le chiffre du degré, savoir: à la place du largo, le chifire 1; à la place de l'adagio, le chiffre 2; à la place de l'andante, le chiffre 3; a la place de l'allegro, le chiffre 4; enfin à la place du presto, le chiffre 5. A l'égard des mouvemens intermédiaires, on pourra se servir de l'abréviation du mot vif en l'écrivant immédiatement après le chiffre indicateur, comme premier vif et deuxième vif, et cetera; alors en place de l'ordre des dix expressions italiennes, on aura celui de premier, 1. v.; deuxième, deuxième v.; troisième, troisième v.; quatrième, quatrième v.; cinquième,cinquième v.; expressions qui ôtent tout équivoque, qui anéantissent toutes fausses interprétations, et qui donnent un tableau fort simple des dix degrés de mouvement, et un langage plus facile à saisir pour les musiciens de toutes les nations; on sent bien que le mot vif peut être exprimé par d'autres lettres chez les étrangers; mais quelle que puisse en être l'abréviation, il sera toujours clair, que le chiffre accompagné d'une lettre quelconque, répondra, selon notre intention, à une augmentation de vîtesse intermédiaire du chiffre actuel à celui du degré supérieur; par exemple, si le mouvement d'un air est du troisième degré, je dis que la lettre qui accompagnera le chiffre 3, sera le mouvement intermédiaire entre le troisièmc et quatrième degré, ainsi point d'embarras, mais il faut se conformer à notre manière; d'après cela, il est évident que les mouvemens seront moins variables; qu'un tableau aussi simple et aussi général ne peut manquer de produire l'effet qu'en doit attendre d'une certaine régularité dans la détermination [-48-] des mouvemens, et qu'il faudra avoir bieu peu de pratique ou bien peu d'intelligence pour en confondre les expressions; je dois m'attendre que l'on m'objectera, première. qu'il n'y a rien encore de bien déterminé dans tout ce qui a été dit jusqu'ici; deuxième. que l'arbitraire subsiste encore dans son entier, et qu'il subsistera tant qu'il n'y aura point d'autres moyens de fixer le mouvement des airs; troisième. qu'on ne voit rien encore dans les réformes proposées qui facilite les moyens de saisir parfaitement l'intention des auteurs, et qu'ils seront, malgré ce qu'on a dit, toujours les dépositaires exclusifs du vrai mouvement des airs de leur composition; quatrième. qu'enfin leur présence sera toujours nécessaire s'ils en chargent, soit un chef d'orchestre, soit un premier violon. Avant que de répondre à ces objections, on m'accordera au moins que les réformes proposées jusqu'ici peuvent servir à dégager la Musique nouvelle, d'une surabondance de signes et d'expressions qui ont jusqu'à présent causé beaucoup d'embarras et d'incertitude dans l'exécution musicale, et qui ne subsisteront plus si les compositeurs veulent bien se prêter à nos changemens et à nos réformes. La seconde partie de cet ouvrage va être destinée à répondre aux objections que nous venons de supposer, et à proposer des principes et des moyens pour que tout s'accorde sur cette partie de la Musique qui a rapport à la détermination du mouvement des airs, et que nous tâcherons de fixer invariablement pour tous les temps comme pour tous les lieux: puissent ces considérations fixer l'attention et vaincre les préjugés de ceux qui pourrout être contraires à ce que nous nous proposons d'y développer!

Fin de la première Partie.

[-49-] SECONDE PARTIE.

Projet d'un nouveau chronomètre destiné à fixer à jamais le mouvement de la mesure des airs dans toutes les compositions musicales.

131. Tout artiste qui ne s'occupera que du mécanisme de son art, ne trouvera jamais le moyen de le perfectionner; il pourra augmenter son talent sans rien ajouter aux découvertes antérieures; l'homme mort, tout est perdu, et l'art reste au même point; mais celui qui, non content d'avoir perfectionné son talent par un long et pénible exercice, y joint encore l'esprit de méditation, peut par ses recherches et par d'heureuses applications perfectionner l'art, et se rendre par-là utile après lui; c'est, je crois, où doivent raisonnablement aboutir toutes ses prétentions.

132. La machine que j'ai inventée n'est point nouvelle quant à son objet, il y a long-tems que l'on a proposé des chronomètres pour fixer le temps de la mesure des Airs; voyez Jean-Jacques Rousseau, Dictionnaire, à l'article chronomètre. Plusieurs journaux aussi ont fait mention de quelques tentatives à ce sujet; les moyens proposés alors ne m'étant point connus, j'ignore absolument sur quelle base, sur quels principes ils ont été établis; prêt à renoncer à la publication de mon chronomètre et au développement des principes sur lesquels je le fonde, j'ai appris que les moyens proposés n'ont point satisfait les compositeurs, puisqu'aucuns, que je sache, ne s'y sont encore assujettis; sans me flatter d'être plus heureux, je le hasarde donc; si mes raisons peuvent me faire quelques partisans, ce sera toujours autant de gagné pour l'art: dans ce moment-ci toute mon [-50-] ambition se réduit à être lu, et je prie le lecteur de peser sur mes raisons; je vais, le plus succintement qu'il me sera possible, donner la construction de mon Chronomètre, son principe, et faire voir les avantages que l'Art musical en pourra tirer. J'aurai fait au-delà de mes espérances si les compositeurs le jugent digne de quelqu'attention.

Description.

133. Mon chronomètre est composé d'une règle de bois de 8 à 9 pieds de hauteur environ, sur 3 pouces de largeur, et sur un d'épaisseur (figure 71. a, a, a [THINOU 09GF]) ; terminée par sa base en queue d'aronde, laquelle s'ajuste dans une coulisse d'un pied de long, pour qu'elle soit plus stable (b, b [THINOU 09GF]). Cette coulisse est assujettie par trois pieds destinés à porter la machine (c, c, c [THINOU 09GF]). L'extrémité supérieure de la règle est façonnée de manière à recevoir un cordonnet qui porte à chacune de ses extrémités un petit poids (d, d [THINOU 09GF]), d'un quart de livre environ, pour faciliter l'élévation et l'abaissement du poids de devant, afin de raccourcir ou alonger le pendule; sur le devant de la règle est vissé un clou fendu ou troué, ou quelque chose d'équivalent (e [THINOU 09GF]), pour que le cordonnet puisse se tenir à un pouce et demi de distance et en faciliter les oscillations. La règle que j'appelle échelle chronométrique est graduée relativement aux diflérens mouvemens de lenteur ou de vîtesse auxquels on veut assujettir la mesure dans la composition des Airs; je laisse à la machine toute sa longueur pour en faire mieux entendre la théorie, me réservant de la réduire quand il en sera temps.

Théorie.

Expérience fondamentale.

134. Nous avons vu, chapitre cinquième, section première, que le mouvement des Airs roule sur cinq principaux degrés que l'on désigne par autant d'expressions italiennes qui s'écrivent à la tête [-51-] des Airs; c'est à-peu-près sur cette convention que roulent les divisions de mon échelle chronométrique.

135. On sait que la ronde est une figure de note qui a le plus de valeur; cette note me sert de principe: l'oscillation d'un pendule de 128 pieds de longueur, d'après l'expérience, est la mesure raisonnable qu'une saine pratique puisse admettre pour le temps d'une mesure composée d'une ronde dans le mouvement largo, c'est-à-dire, dans la plus longue des mesures; et comme une pareille longueur de pendule seroit impraticable dans un appartement, j'ai réduit cette longueur de 128 pieds à celle de 8. C'est celle qu'est censée représenter la figure 71 [THINOU 09GF].

136. Il est démontré que pour avoir la longueur d'un pendule qui fasse pendant le même temps le double d'oscillations d'un pendule donné, il faut diviser la longueur du pendule donné par 4; par cette opération, divisant par 4 la longueur de 128 pieds que représente une ronde, le produit 32 pieds exprimera par une seule oscillation du pendule ainsi réduit, la valeur de la blanche; en divisant de même 32 pieds par quatre, le produit 8 pieds exprimera par une seule oscillation du pendule ainsi réduit la valeur de la noire; ainsi toutes mes opérations ont pour terme de comparaison, la noire exprimée sur l'échelle par toutes les divisions qu'elle représente; d'après l'expérience, j'ai trouvé que 8 pieds de pendule donnoient 37 <1/2> vibrations par minute, et un d'un pouce et demi 300, qui sont les deux mouvemens extrêmes; le plus lent et le plus vif, ou le largo et le prestissimo. Après beaucoup d'épreuves, j'ai scrupuleusement essayé sur mon instrument plusieurs Airs sur tous les mouvemens connus; ayant tâtonné diverses longueurs de pendule, j'ai trouvé que l'andante étoit le double du mouvement largo, par conséquent je l'ai fixé à deux pieds; l'allegro, double de l'andante, que j'ai exprimé par six pouces; et le prestissimo, double de l'allegro, que j'ai fixé à un pouce 1/2 (1); expériences que je soumets au jugement [-52-] de l'artiste praticien et de tout compositeur de bonne foi: à l'égard des mouvemens intermédiaires, j'ai cru devoir consulter plutôt la raison que l'oreille (qui s'y rapporte cependant), et pour les fixer, j'ai cherché les temps moyens des premières divisions, et cetera; j'ai trouvé par beaucoup d'expériences plusieurs fois répétées, une échelle représentant dix-sept degrés de mouvement; l'inspection de la figure 72 [THINOU 10GF] suffit pour rendre compte de mon procédé; d'où il résulte, que pour avoir les dix-sept degrés de mouvemens qu'elle représente, la longueur du pendule doit varier selon l'ordre qui suit, c'est-à-dire, de bas en haut, selon les différens degrés de mouvemens qui sont marqués sur la même figure 72 [THINOU 10GF].

[-53-] Table constructive de l'échelle chronométrique de 8 pieds de longueur.

[Thiémé, Nouvelle Théorie, 53; text: Expressions consacrées. Nouvelles expressions. 1. 2. 3. 4. 5. modéré. vif. Longueurs différentes du pendule pour tous les degrés de mouvement. pi. po. lig. 0, 6, 7, 8, 9, 10, 9 1-2, 7 1-2, 5 1-2, 1 2-3, 10 1-2, 6 2-3, Différens nombres de vibrations qui doivent s'exécuter par minute, selon les diverses longueurs du pendule. 300, 262, 225, 187, 150, 131, 113, 94, 75, 69 3-4. 65 3-4. 60 1-2. 56 1-4. 52, 47, 42, 37 1-2. Prestissimo. Prestissimo moderato. Presto. Presto moderato. Allegro. Allegro moderato. Allegretto. Allegretto moderato. Andante. Andante moderato. Andantino. Andantino moderato. Adagio. Adagio moderato. Larghetto. Larghetto moderato. Largo.] [THINOU 01GF]

Le tout par approximation, sans prétendre à une rigueur mathématique.

[-54-] On auroit pu trouver une autre échelle que celle-ci; j'en avois imaginé une plus régulière; mais l'ayant éprouvée, elle m'a semblé contrarier la pratique dans beaucoup d'endroits; j'ai donc cru devoir la rejetter: il faut pour instruire en tout, respecter quelques préjugés; et l'on ne perfectionneroit rien, en cherchant à les détruire en totalité, sur-tout en musique, où l'objet principal se rapporte plus au charme de l'oreille qu'à la spéculation.

Réduction de la machine.

137. Pour obvier à l'inconvénient que peut causer une machine de huit pieds, dont le transport seroit difficile et l'usage embarrassant, nous avons, par le même procédé de l'article précédent, réduit la machine à deux pieds et demi seulement. La figure 73 [THINOU 11GF] représente la règle divisée de haut en bas en trois parties, laquelle par conséquent donne trois règles distinctes, dont les divisions répondent à trois notes de différentes valeurs, c'està-dire, à la croche pour la première (a, a [THINOU 11GF]), à la noire pour la seconde (b, b [THINOU 11GF]), enfin à la blanche pour la troisième (c, c [THINOU 11GF]); de sorte que sur la première (a, a [THINOU 11GF]) sont marquées les huit premières divisions de la grande échelle (figure 72. [THINOU 10GF]), prises par le bas de la règle, qui, rapportées dans l'espace que bornent les mouvemens andante et allegro, expriment en proportion ceux de largo, larghetto, adagio, andantino, et leurs mouvemens moyens ou intermédiaires; de sorte qu'il faudra deux oscillations pour représenter la valeur d'une noire pour tous ces différens mouvemens; la seconde règle (b, b [THINOU 11GF]) représente les divisions couformément à la grande échelle; mais pour faciliter l'usage du chronomètre dans les mouvemens vifs, décrits depuis l'allegro jusqu'au prestissimo, dont la vîtesse et le raccourcissement du pendule favoriseroient trop peu ceux qui voudroient s'en servir pour s'exercer à la mesure, j'ai multiplié par quatre les diverses longueurs; par ce procédé j'ai obtenu les divisions qui sont écrites sur la troisième règle (c, c [THINOU 11GF]); de sorte que chaque division exprime [-55-] la longueur du pendule propre à former une blanche pour chaque oscillation: simplification qui ne peut apporter aucun embarras pour les divisions des temps de telle mesure que ce soit: par rapport à la mesure à trois temps, si l'on en trouvoit, alors la seconde règle répond à tout; car depuis l'andante jusqu'au prestissimo, les temps peuvent être exprimés par une seule oscillation du pendule: à l'égard des mouvemens écrits sur le première division, on sait qu'il faut deux croches pour une noire; comme chaque oscillation représente des croches, il s'ensuit que de quelque lenteur qu'on suppose la mesure à trois temps, ces temps seront toujours exprimés par deux oscillations, ce qui est évident.

Utilité du Chronomètre.

138. Dans l'hypothèse où les musiciens voudront bien se servir de l'un ou de l'autre chronomètre (1); le compositeur, primò, y trouvera l'avantage de perpétuer le vrai mouvement des Airs de toutes ses compositions par un signe simple rapporté d'une des divisions de l'échelle et mis à la tête de ses Airs; par-là, il en communiquera le vrai mouvement pour tous les temps, comme pour tous les lieux.

139. Secundò, le chef d'orchestre à la faveur de mon chronomètre et de l'indication à la tête de chaque air, pourra, sans erreur sensible, déterminer la valeur de la mesure des morceaux de musique dont la conduite lui aura été confiée; toujours d'accord avec l'auteur, il n'éprouvera plus l'humiliation d'être contredit dans un moment où l'amour-propre a le plus à souffrir, soit par l'auteur, soit par l'acteur instruit: en effet, qu'y a-t-il de plus humiliant pour un maître de musique, que de déterminer un mouvement que l'orchestre suit pendant la ritournelle, et de se voir publiquement démenti par le chanteur ou l'acteur qui presse ou ralentit le mouvement de l'Air qu'il a à chanter? [-56-] Cette considération seule ne devroit-elle point décider en faveur de l'usage d'un chronomètre?

140. Tertiò, tous les jours on se plaint de manquer à la mesure; que tel la ralentit, tel autre la presse, tel autre la bat inégalement; à la faveur du chronomètre, tout élève qui voudra s'exercer vis-à-vis d'un semblable au mien, se familiarisera insensiblement avec l'égalité des oscillations du pendule qui lui donnera les temps précis de la mesure des Airs sur lesquels il s'exercera, et par la suite il obtiendra une mesure réglée, et le sentiment du mouvement des Airs en particulier, de quelque genre et de quelque vîtesse qu'ils soient.

141. On objectera peut-être que l'attention partagée peut fort bien ralentir la célérité qu'exige la lecture de la musique; à cela je réponds que je ne prétends point fixer un corps de musiciens sur les mouvemens du pendule, l'exécution n'y gagneroit rien; mais je crois pouvoir assurer que ceux qui n'ont point une parfaite aptitude au sentiment de la mesure, profiteront beaucoup, s'ils font usage du chronomètre, comme je dis, de manière que les mouvemens soient apperçus en même temps que la musique s'exécute, c'est-à-dire, à côté ou derrière le pupitre; au reste l'expérience ne coûte rien; j'al déjà fait quelques essais relatifs à cet objet, qui m'ont parfaitement réussi. Je n'ignore point que tout le monde n'ait le sentiment de la mesure, mais il est bien différent de la battre ou de la sentir quand on n'a que cela à penser, que de la battre et de la bien sentir quand on est occupé du jeu d'un instrument, et de la lecture de la musique. Je ne vois rien de mieux que l'usage du chronomètre pour perfectionner une disposition heureuse, ou pour corriger un défaut qui se rencontre assez communément, c'est-à-dire, celui de perdre le sentiment de la mesure quand on a plus d'un objet qui préoccupe.

142. Quartò, l'avantage que peut procurer un chronomètre, et qui n'est pas moins essentiel que les précédens, est celui qui se tire du moyen de rendre l'équivalent de la machine portatif; ce moyen consiste en un cordonnet de soie divisé par des noeuds, [-57-] selon le même principe (figure 74. a, a [THINOU 11GF]); de sorte que tout amateur, tout musicien, curieux et convaincu que le mouvement des Airs importe singulièrement à leur caractère, pourra transporter par-tout la mesure des Airs des chef-d'oeuvres de nos compositeurs modernes, soit d'Allemagne, d'Italie, de France, et cetera: j'insiste. Et j'ai pour moi l'expérience de trente années pour faire sentir l'absolue nécessité d'un pareil instrument. J'ai mille fois éprouvé, comme maître de musique et chef d'orchestre, que, dans la conduite des opéra dont j'ai été chargé, qu'autant de chanteurs autant de mouvemens différens pour les Airs de leurs emplois. D'où cela vient-il? si ce n'est de l'arbitraire que laissent à chaque musicien les expressions dont on se sert pour les fixer, et que nous avons fait voir, au chapitre V, section seconde, être insuffisantes en elles-mêmes sans une règle admise universellement, et à laquelle on puisse se rapporter.

Objections.

143. On pourra objecter, première. qu'il seroit à souhaiter que cette machine marquât la mesure d'une manière sensible à l'oreille. Je réponds que je ne l'annonce point pour cela, et qu'il y auroit tant d'inconvéniens que ce seroit rendre la machine impraticable à beaucoup d'égards; et qu'une chose qui marque les temps est toujours préférable à une qui marqueroit les mesures entières, sur-tout dans les mouvemens lents; d'ailleurs je vise à l'économie, et un instrument comme on pourroit le désirer ne laisseroit pas que d'être coûteux.

144. Deuxième. Que les vibrations peuvent cesser dans le milieu d'un morceau, dans le cas où l'on voudroit s'en servir pour s'exercer à la mesure; à cela je réponds que j'ai expérimenté qu'un Air, quelque long qu'il puisse être, laissera beaucoup après lui le mouvement du pendule: comme cette objection pourroit être fondée par rapport au mouvement très-vif; la troisième règle sur laquelle sont marquées les divisions qui expriment les [-58-] blanches, fournira des longueurs suffisantes pour perpétuer le mouvement au-delà du besoin.

145. Troisième. Que des vibrations du pendule plus grandes dans le commencement que vers la fin, le mouvement de chaque noire doit diminuer en même raison; à cela la physique répond, et démontre qu'un pendule mis en mouvement exécute ces oscillations en temps égaux depuis la première jusqu'à la dernière; c'est ce que les physiciens appellent Isochronisme des vibrations.

146. Enfin, mon échelle chronométrique présente dix-sept degrés de mouvement depuis le plus lent jusqu'au plus vif, déterminés par l'expérience et sur la possibilité pratique, relativement à la vîtesse des doubles-croches dans le mouvement le plus vif, et aussi conformément à la théorie, et à la pratique journalière.

147. Je me suis renfermé dans les bornes des cinq principaux mouvemens reçus en musique, que je désigne par les simples expressions de premier, deuxième, troisième, quatrième, cinquième, conformément à la troisième section du chapitre V, et qui répondent à celles de largo, adagio, andante, allegro et prestissimo. A l'égard des augmentatifs et diminutifs exprimés par les mots larghetto, andantino, allegretto et presto, qui se trouvent intermédiairement, je les désigne par les marques de premier vif, deuxième vif, troisième vif et quatrième vif. A l'égard de ceux que les Italiens désignent par l'adverbe italien Assai, que l'on rencontre dans nos musiques après certains mots, comme allegro assai, andante assai, et cetera j'ai cru devoir en rejetter l'expression, attendu que dans certains cas assai exprime ralentissement, et dans d'autres augmentation de vîtesse dans le mouvement écrit; auquel j'ai substitué celui de modéré, qui ôte toute équivoque, et qui fixe mieux l'idée. En consultant la figure 73 [THINOU 11GF], on verra que j'emploie l'abréviation de ce mot après mes chiffres indicateurs, pour ne rien confondre et pour leur donner plus d'extension.

148. On pourroit croire que la quantité de dix-sept degrés de mouvement seroit suffisante pour exprimer tous les différens mouvemens [-59-] dont les Airs peuvent être susceptibles, mais j'ai fait l'expérience que cette quantité est insuffisante à quelques égards; et pour rendre nos préceptes plus généraux et notre théorie plus complette, je propose de marquer entre certaines divisions de l'échelle chronométrique (fig. 73. [THINOU 11GF]), des petites lignes ponctuées, à la faveur desquelles on pourra obtenir, outre les dix-sept degrés que représente notre échelle, sept autres qui seront désignés à la tête des Airs par la particule très, précédée du mot modéré selon le besoin. Nous observerons que ces mouvemens très-modérés sont autant de mouvemens surérogatifs bien faciles à confondre avec les mouvemens voisins; si je les propose, c'est pour me mettre à l'abri du reproche, préférant qu'il me soit fait sur l'excès plutôt que sur le défaut.

Application du chronomètre.

149. D'après tout ce qui vient d'être dit relativement au chronomètre, il ne reste plus qu'à fixer la manière dont il faut s'y prendre pour en tirer le plus de parti possible, et le rendre applicable à tout ce qui peut avoir rapport au mouvement des Airs en général. La troisième section du cinquième chapitre propose 3 chiffres, savoir; le 2, le 3, et le 4, pour indiquer la quantité de temps ou de noires considérées comme telles, dont la mesure peut être composée; les mêmes chiffres pointés 2:, 3:, 4:, pour exprimer les mesures triples, le 3: pointé admis, comma il a été dit (106); ceci posé, la première règle ou échelle du chronomètre réduit, dont les différentes divisions expriment des croches, peut servir à fixer la mesure de tous les mouvemens lents, depuis le largo jusqu'à l'andante modéré, ou, comme nous le proposons, depuis le premier degré de mouvement jusqu'au troisième modéré; sur quoi il faut remarquer que les diverses longueurs du pendule sur cette première règle doivent faire deux oscillations pour chaque temps des mesures marquées à la clef par les chiffres 2, 3 et 4; et former trois oscillations pour chaque temps par rapport aux mesures marquées à la clef par les mêmes chiffres pointés 2:, 3:, et 4:

[-60-] 150. A l'égard de la seconde règle ou échelle dont les divisions représentent tous les différens mouvemens depuis l'andante jusqu'au prestissimo, ou, comme nous le proposons, depuis le troisième degré de mouvement jusqu'au cinquième, je destine ces divisions pour exprimer, par une seule oscillation des différentes longueurs du pendule, les temps de l'une ou l'autre mesure, soit à 2, 3, 4 temps simples, soit à 2:, 3:, 4: temps pointés.

151. Pour la troisième règle ou échelle, elle ne peut être usitée que pour les mesures à 2 ou à 4 temps simples, et à 2: ou à 4: temps pointés; pour exprimer, à l'égard des mesures à 2 temps ou à 2: temps pointés, une oscillation pour chaque mesure; et pour les mesures à 4 temps ou à 4: temps pointés, deux oscillations pour chaque mesure.

152. La figure (75) [THINOU 12GF] représente trois tables de récapitulation; la première table répond à la première échelle de la figure 73 a, a [THINOU 11GF]; et donne sur la première colonne (A) les expressions en usage qui se rapportent aux nouvelles expressions décrites sur la deuxième colonne (B); la troisième colonne de la même table représente les expressions abrégées, comme il convient qu'elles soient écrites à la tête des Airs (C); la quatrième colonne (D) marque les chiffres de la clef, exprimant les temps des mesures à deux oscillations pour chaque temps simple; la cinquième colonne (E) marque les chiffres de la clef, exprimant les temps pointés des mesures, à trois oscillations pour chacun; la sixième colonno (F) représente les diverses longueurs du pendule pour les mouvemens correspondans; la septième colonne (G) marque la quantité d'oscillations par minute que donnent les diverses longueurs du pendule.

153. La seconde table répond à la deuxième échelle de la figure 73 b, b [THINOU 11GF], et ne diffère de la première, quant à sa construction, qu'aux deux colonnes (D E), comme on peut le voir sur la table; parce que les oscillations représentent chaque temps de la mesure.

154. La troisième table répond à la troisième règle ou échelle de la figure 73 c, c [THINOU 11GF], et ne diffère de la seconde, quant à sa construction, [-61-] dans les mêmes colonnes (D E), que parce que chaque oscillation représente deux temps de la mesure ou la valeur d'une blanche.

155. Pour donner plus de sanction à un ouvrage tel que celui-ci, il daudroit un nom et des talens supérieurs; les miens ne sont point assez recommandables pour faire loi; à leur défaut j'invite les maîtres de l'art, compositeurs et praticiens, de peser et d'analyser mes raisons; c'est à eux de juger en dernier ressort, de cet ouvrage et des avantages que l'art musical pourra en tirer. Si dans cette occasion il me reste quelques prétentions, elles se bornent seulement à l'utilité musicale: l'amour de l'art m'a suggéré cet écrit; puisse un pareil sentiment présider à son examen! c'est ce que je souhaite, et à quoi j'ose m'attendre.

FIN.

[-62-] TABLE ALPHABÉTIQUE DES MATIÈRES,

Avec la définition de plusieurs expressions techniques qui n'ont point été expliquées dans le texte.

A.

Accolade. Liaison de plusieurs portées dont le nombre est relafif à la quantité des parties dont un morceau de musique peut être composé.

Accord. Deux ou plusieurs sons entendus à-la-fois forment un accord.

Adagio. articles 113, 123

Air. Chant d'une certaine longueur, et composé, suivant certaines règles de convenance: cette expression est consacrée par l'usage, plus particulièrement encore dans les morceaux qui se dansent; on dit un bel Air de ballet, un Air bien dansant, Air simple aussi pour toute espèce de chanson quelconque, et assez indistinctement pour touts espèce de Musique, soit vocale, soit instrumentale; on dit tel opéra est rempli de beaux Airs, tel oeuvre de Musique fourmille d'Airs charmans, et cetera, et cetera, et cetera.

Allegretto. 116

Allegro. 117

Allegro assai. 118

Andante. 115

Andantino. 114

[-63-] B.

Bâton. 25

Bâton de mesure. Rouleau de cuir, ou quelque chose de semblable, dont se servent les maîtres d'orchestre pour marquer par leurs mouvemens les temps de la mesure, et quelquefois tout simplement la mesure.

Blanche. 13

Blanche pointée. 19

Brève. 6

Brève pointée. 20

C.

C, [Cdim]. 33, 40, 42, 43

Chant. Succession de sons qui flattent plus ou moins agréablement l'oreille: production du génie et du bon goût qui ne doit rien aux règles de l'art. On dit d'un morceau de Musique qu'il est bien chantant, ou que le chant en est trivial, baroque et de mauvais goût.

Chrome. 15

Chronomètre. Machine destinée à mesurer le temps, et à laquelle on peut donner toutes sortes de formes, sans en changer l'usage.

Clef. Signe qui, par son nom et sa position, détermine le nom des notes; il est toujours placé au commencement de la portée. Voyez Portée.

Croche. 15

Croche pointée. 21

D.

Demi-bâton. 26

Demi-pause. 28

Demi-quart de soupir. à la fin de l'article. 30

Demi-soupir. à la fin de l'article. 30

[-64-] Diminution. On appelle ainsi toute musique chargée de beaucoup de notes de peu de valeur: tout morceau brodé, varié, est dit formé de beaucoup de diminutions.

Dissonnance. Note qui entre dans certains accords, qui, par leur nature, ne peuvent terminer aucune phrase musicale, et dont la note qui dissonne doit se résoudre, selon les règles de l'harmonie; la dissonnance choque l'oreille, et sa résolution en est d'autant plus agréable que l'emploi en est plus heureux.

Double bâton. 24

Double croche. 16

Double croche pointée. 22

E.

Echelle chronométrique. Divisions quelconques marquées sur une règle de bois ou sur quelque chose d'équivalent pour fixer les diverses longueurs d'un pendule selon le besoin.

F.G.

H.

Harmonie. Science des accords; c'est celle qui donne les règles de leur composition et qui en dirige l'emploi et la succession.

I.

Isochronisme. Egalité du temps qui s'écoule dans les oscillations d'un pendule abandonné à lui-même depuis la première oscillation jusqu'à la dernière.

Intonation. Action dont le résultat est de former des sons, soit avec la voix, soil avec des instrumens, selon les règles de l'art qui en exigent la plus parfaite justesse.

L

Largo. 111, 122

Larghetto. 112

Longue. 5

Longue pointée. 19

[-65-] M.

Maxime. 4

Maxime pointée. 18

Mélodie. Voyez chant.

Mesure. Ce qui constitue la mesure est la régularité que l'on doit apporter dans les temps qui la composent; la mesure se marque dans la Musique avec différens signes qui suivent la clef, toutes les lignes transversales et perpendiculaires aux cinq de la portée, servent de bornes aux temps qui la composent, de sorte que chacune d'elles doit être exécutée dans le même temps, malgré toutes les combinaisons qui résultent de la valeur des notes.

Mesure à deux temps. 104

Mesure à deux temps pointés. 105

Mesure à quatre temps. 104

Mesure à quatre temps pointés. 105

Mesure à trois temps. 104

Mesure à trois temps pointés. 106

Mesure de deux temps. 52

Mesure de deux quatre. 53

Mesure de douze huit. 78

Mesure de six huit. 58

Mesure de trois huit. 65

Mesure de trois temps. 64

Mesure de trois un. 62

Mesures doubles. 48

Mesures simples. 47

Mesures ternaires. Toutes mesures que l'on peut battre à trois temps, et toutes celles dont les temps sont divisibles en trois parties égales.

Mesures simples. Voyez triples simples, et triples composés.

Minime. 8

Minime pointée. 22

Mode. 33

[-66-] Mode majeur imparfait. 36

Mode majeur parfait. 33

Mode mineur imparfait. 38

Mode mineur parfait. 37

Mouvement. Tout morceau de musique est susceptible de plus ou moins de vîtesse dans son exécution, selon qu'il est destiné à peindre quoique ce puisse être: delà la nécessité des mouvemens différens dont on fait usage, et que l'on désigne par des mots italiens écrits à la tête de chacun d'eux.

Musico-physico-mathématique. Expression consacrée par quelques théoriciens pour désigner la connoissance du rapport des sons, non-seulement considérés par rapport aux différentes impressions qu'ils peuvent faire éprouver sur l'organe de l'ouie, mais encore par les rapports qu'ils ont entr'eux lorsqu'on les soumet à la précision du calcul.

Musique, art et science. La science musicale a pour objet le son et ses rapports avec d'autres qui lui sont comparés, tant au grave qu'à l'aigu d'où sont émanés plusieurs systêmes; celui qui nous est resté a été fixé aux sept notes de musique dont les sons sont désignés par les noms d'ut, re, mi, fa, sol, la, si; l'art musical est ce qui comprend généralement l'emploi des sept notes de musique, soit pour en composer des pièces ou des morceaux de mélodie ou d'harmonie, soit pour les exécuter avec la voix ou avec des instrumens; c'est ce que l'on appelle plus ordinairement musique pratique.

Musique dramatique. Partie de l'art musical qui a pour objet la peinture de tous les sentimens qui nous animent, tant physiquement qu'intellectuellement. Généralement on entend sous la dénomination de musique dramatique, celle qui s'adapte à tout poëme quelconque, soit tragédie, soit comédie, soit motet, soit oratorio, soit cantate, et cetera.

Musique pratique. Voyez musique.

[-67-] N.

Noire. 14

Noire pointée. 20

Notes. On appelle ainsi, généralement, tout signe qui fixe l'intonation des sons, lesquels sont figurés différemment suivant la plus ou la moins grande vîtesse de leur exécution particulière.

O.

O, [Odim], [Od]. 39, 42

Oscillation. Allée et venue d'un pendule mis en mouvement.

P.

Pause. 27

Pendule. Cordon ou verge de métail au bout de laquelle est adapté un poids quelconque, destiné par son mouvement à mesurer les temps, en raison de sa longueur qui peut varier infiniment, et suivant le besoin que l'on en a.

Point d'augmentation. 18

Portée. On appelle ainsi, les cinq lignes parallèles sur lesquelles on écrit les notes de la musique.

Pratique. Voyez musique.

Presto. 119, 126.

Prestissimo. 120

Prolation imparfaite. 43

Prolation parfaite. 42

Q.

Quadruple croche. Sorte de note peu usitée, qui vaut la soixante-quatrième partie de la ronde.

Quart de soupir. Voyez la fin de l'article.30

[-68-] R.

Raison sou-double. On appelle raison sou-double, celle qui résulte d'une division quelconque en proportion géométrique. Par exemple dans cette série, 1, 1/2, 1/4, 1/8, et cetera 1/2 est en raison sou-double de l'unité 1; 1/4 l'est d'un 1/2, et cetera.

Récitatif. Espèce de chant déclamatoire fort usité dans la musique dramatique, où l'on ne s'assujettit à aucune espèce de mesure; le récitant suit ordinairement son goût, son génie et ses sensations exaltées.

Ritournelle. Trait de symphonie qui précède et termine assez généralement les morceaux destinés à être chantés.

Ronde. 12

Ronde pointée. 18

Rythme. Combinaison indépendante de l'intonation; c'est assez généralement l'effet qui résulte de l'entrelacement des différentes valeurs des notes de Musique dans une même phrase; le rythme peut être égal dans des chants différens, dès que les notes qui les forment se suivent exactement quant à leurs vîtesses respectives.

S.

Semi-brève. 7

Semi-brève pointée. 21

Semi-minime. 9

Semi-minime pointée. 23

Signe de mesure. Voyez à-peu-près vers le milieu de l'article 45.

Silences. 24, 25, 26, 27, 28, 29, 30.

Six pour quatre. Lisez la moitié de l'article 90.

Soupir. 29

Symphonie. Morceau de Musique destiné à être exécuté par plusieurs instrumens, tant à corde qu'à vent, et cetera. Toute ritournelle d'ariette peut passer pour une courte symphonie. Voyez ritournelle.

Systême. Voyez Musique.

[-69-] T.

Temps. 39

Temps imparfait. 40

Temps parfait. Voyez temps.

Théorie musicale. Connoissance de toutes, ou de quelques parties de la Musique, sans rien mettre en pratique.

Triole. Lisez la moitié de l'article 90.

Triples composées. 67, 68, 69, 70, 71, 72.

Triple croche. 17

Triples dosduples. 74, 75, 76, 77, 78, 79.

Triples mixtes. 54, 55, 56, 57, 58, 59.

Triples simples. 61, 62, 63, 64, 55, 66.

Trois pour deux. Voyez triole.

Fin de la Table des matières.

[-70-] ERRATA.

Page 24, ligne 16, est censée divisée; lisez, étoit censée divisée.

Page 27, ligne 20, relativement à la manière; lisez, relativement à notre manière.

Page 28, ligne 34, dont ils sont susceptibles; lisez, dont elles sont susceptibles.

Page 39, ligne 29, ou de neuf huitièmes; lisez, ou de neuf huit.

[Footnotes]

(1) [Cf. p. 1] Que les Airs français ne sont point des Airs. Il auroit été à desirer que l'auteur nous eût donné une définition de ce qu'est un Air essentiellement considéré, autrement nous sommes en droit de dire que nos Airs sont des Airs qui, à la vérité, ne sont ni Italiens, ni Allemands, ni Anglais, et cetera mais Français, tels que les compositeurs du temps les faisoient. D'où je conclus que les Français n'ont point de Musique, et n'en peuvent avoir (le même). Il faudroit, ce me semble, que la Musique ne fût susceptible que d'une seule définition, et pour cela qu'elle n'eût qu'un but défini; mais on sait [-2-] que la musique embrasse plus d'un objet, et que, considéré théoriquement, elle enfante des systémes; que, considéré physiquement, elle produit des sensations acoustiques plus ou moins agréables; que, métaphysiquement considéré, elle produit dans l'ame le sentiment intime de toutes nos passions; et que ces trois considérations peuvent produire plusieurs autres subdivisions, et cetera et cetera et cetera. D'où nous pouvons conclure que nous avons de la Musique comme les autres nations, mais que nous avons été long-temps privés de bons compositeurs dramatiques; c'est, je crois, ce que l'on peut raisonnablement opposer à la phrase de J. J. Rousseau, d'autant plus que l'expérience journalièe dément cette assertion; car assurement les Philidor, les Gluck, les Sacchini, les Piccini, les Grétry et autres, ont fait sur nos paroles de très-bonne et de très excellente musique. A l'égard de cette autre phrase, que si jamais les Français ont une Musique, ce sera tant pis pour eux: je ne vois point ce qui pourroit nous en arriver de fâcheux; pour moi j'encourrai volontiers l'anathême, j'aime trop la Musique pour vouloir m'y soustraire; et quoiqu'on en puisse dire, la Musique a trop d'empire sur nos sens, pour se refuser au plaisir que cet Art charmant dispense à ceux qui y sont sensibles. J ai peine à croire que le citoyen de Genève ait parlé ici sérieusement, autrement j'aurois desiré qu'il se fût expliqué: c'est ce qu'il n'a point fait.

(1) [Cf. p. 8] Il faut observer que les différentes notes dont nous allons parler, soit [-9-] des anciennes, soit des modernes, occupent le sommet d'une figure symétrique, représentant les diverses valeurs de chacune d'elles, et que nous désignerons par les lettres a, b, et cetera.

(1) [Cf. p. 12] Il faut excepter la mesure ternaire 3, dans la musique ancienne, où les bâtons de quatre et de deux mesures perdoient la moitié de leur valeur, ce qui nécessitoit à mettre un chiffre au-dessus pour marquer leur valeur actuelle. Voyez Brossard, Dict. page 197, troisième edition.

(1) [Cf. p. 16] Je n'ai point vu que le cercle barré apportât aucun changement dans la valeur de la brève; cependant par analogie on seroit porté à croire que la barre diminuoit la brève de la moitié de sa valeur, et la rendoit dans le temps parfait, une fois plus vive, comme le demi-cercle barré diminuoit le temps imparfait, de la moitié de la sienne.

(1) [Cf. p. 17] Nous observerons que les modes, les temps et la prolation datent de plus de 350 ans, et que leur usage est absolument perdu pour nous: si les mots nous sont restés, ils n'expriment plus les mêmes choses, ils servent à d'autres usages, même dans le plein-chant. On sait que chez les modernes, le mot temps se rapporte à la mesure, et celui de mode à notre systême de gamme, selon la place qu'occupent les deux demi-tons diatoniques qui entrent dans sa construction; qu'il y en a de deux sortes, savoir: le mode majeur et le mode mineur, et cetera.

(1) [Cf. p. 19] Selon mon sentiment, on ne devroit appeller mesure double, que celles qui se battent à deux temps, comme on appelle en général mesures ternaires, celles qui se battent à trois temps.

(1) [Cf. p. 26] Si toutefois on peut confondre dans la pratique les trioles, avec les triples, proprement dites, auxquelles les premières semblent supplier; ce qu'on pourroit croire par le fréquent usage qu'en font les compositeurs modernes: ailleurs nous ferons connoître leurs différences essentielles.

(1) [Cf. p. 33] Plus souvent on ne s'en sert point, l'usage y supplée.

(1) [Cf. p. 36] La petite astérique marque le partage de la mesure et l'endroit où elle se bat, ce qui répond absolument à la mesure six huit de la seconde ligne de l'accolade.

(1) [Cf. p. 39] La figure 68 [THINOU 08GF], représente un air composé sur la mesure de trois temps pointés ou de neuf huitièmes, selon le langage ordinaire et la marque ancienne; sur la seconde ligne de l'accolade est le même air dont la mesure est à trois temps, que l'on exécutera si l'on veut, pour mieux sentir la différence des trioles; on remarquera à l'exécution que ces deux sortes de mesures apportent dans l'air un rithme et un caractère très-différent. Si l'on pouvoit en douter, il faudroit croire que la mesure à deux temps pointés ou à six huit, ne diffère en rien de la mesure à deux noires ou deux quatre; je me flatte que l'on n'insistera point là-dessus; autrement, je n'admettrois en musique que deux sortes de mesures, c'est-à-dire, celles de deux et de trois temps.

(1) [Cf. p. 51] On voit que le mot prestissimo tient la place du cinquième et dernier mouvement, après lequel on n'en doit plus supposer; c'est tout ce qui diffère [-52-] de l'ordre des mouvemens établi ci-dessus, chapitre 5, dont les cinq mouvemens primitifs sont le largo, l'adagio, l'andante, l'allegro, et le presto, auquel celui de mon échelle ressemble, à la dernière expression près, puisqu'elle est construite sur les expressions largo, adagio, andante, allegro, prestissimo, comme mouvement extrême.

(1) [Cf. p. 55] La réduction du dernier, à deux pieds, est celui dont je fais usage, étant moins embarrassant que l'autre.

[-Pl. 1-] [Thiémé, Nouvelle Théorie, Pl. 1; text: Planche première. Figure premier. deuxième. troisième. 4. maxime, longues, breves, semi-breves, minimes. Semi-minimes. chromes. a, b, c, d, e, f, g, ronde, blanche, noires, croches, double, triples, quadruples] [THINOU 02GF]

[-Pl. 2-] [Thiémé, Nouvelle Théorie, Pl. 2; text: Planche 2. Figure 5. 6, 7, 8, 9, 10, Notes anciennes Pointées. modernes, Maxime, Longue, Breve, Semi breve, Minime, Semi minime, Ronde, Blanche, Noirs, Croche, Double, Triple, A, B, C, D, E, F, a, b, c, d, e, f, huit Mesures. quatre, deux, une, demie, un quart, double Bâton. demi, Pause, Soupir. Le double Bâton vaut 8 mesures, il répond à la maxime. 4, La pause vaut une mesure; elle répond à la demi breve. quart de Soupir. demi-quart, Point de notes modernes corréspondantes. id. 3] [THINOU 03GF]

[-Pl. 3-] [Thiémé, Nouvelle Théorie, Pl. 3; text: Planche 3. Figure 11. 12. 13. 14. 15. 16. 17. 18. 19. 20. 21. 22. 23. 24. 25. 26. 27. 28. 29. 30 31. 32. 33. 34. 35. 1, 2, 3, 4, 8, a. b. c. d. Signe en usage. Signe à substituer. vicieux, marques parfaites. imparfaites. Signe du mode majeur parfait. mineur, imparfait, breves, ou Maxime, Pour le temps ou le mode indistinctement. Pour la prolation. Longues, demi breves. minimes. Chiffre, Barre, id. Mesure simple à deux temps. double, Signe indicatif.] [THINOU 04GF]

[-Pl. 4-] [Thiémé, Nouvelle Théorie, Pl. 4; text: Planche 4. 1, 2, 3, 6, 8, 9, 12, 16, Figure 36, 37, 38, 39, 40, 41, 42, 43, 44, 45, 46, 47, 48, 49, 50, 51, 52, 53, 54, 55, Signe indicatif, Premier dégré de mouvement. Deuxième, Troisième, Quatrième, Cinquième] [THINOU 05GF]

[-Pl. 5-] Tableau Général.

des mesures usitées chez nos anciens Musiciens dont quelques unes sont restées en usage parmi les modernes, et de leurs valeurs particuliere<>.

[Thiémé, Nouvelle Théorie, Pl. 5; text: Figure 56. 57. 58. Mesures qui se battoient à deux temps. a. b. c, d, e, f, g, h, i, k, 1. 2. 3. 4, 6, 8, 9, 16, Mesure simple, double, Premier temps, Deuxième, triples Binaires. Troisième dégré des mouvement. Quatrième, Cinquième, à quatre temps. dosduples.] [THINOU 06GF]

[-Pl. 6-] Ordre des mouvements.

en usage aujourd'hui selon l'arrangement de Jean Jacques Rousseau.

[Thiémé, Nouvelle Théorie, Pl. 6; text: Figure 59. 60, 61, 62, 63, Premier dégré de mouvement. Deuxième, Troisième, Quatrième, Cinquième, Largo. Adagio. Andante, Allegro. Presto. Larghetto première intermediaire. Andantino, Allegretto, Allegro assai. Pestissimo cinquième Extrême, a. b. c. d. e. f. g. h. i. k. Trioles ou trois pour deux. Valeurs correspondantes. Exemple de 6 pour 4 par croches. double, 2, 3, 4, 6, Suite de la Figure 62] [THINOU 07GF]

[-Pl. 7-] [Thiémé, Nouvelle Théorie, Pl. 7; text: Planche 7. Figure 64, 65, 66, 67, 68, 69, a, b, c, 1. 2. 3. 4, 6, 12, Mesure à 2 temps pointés. Allegretto, Andante, deux, trois, quatre, signe] [THINOU 08GF]

[-Pl. 8-] [Thiémé, Nouvelle Théorie, Pl. 8; text: Planche 8. Figure 71. a, b, c, d, e] [THINOU 09GF]

[-Pl. 9-] [Thiémé, Nouvelle Théorie, Pl. 9; text: Planche 9. Figure 72. Echelle Chronometrique de 8. Pieds sur laquelle sont décrit proportionnellement les 5. degrés de mouvements primitifs et les 4 intermediares avec leurs divisions modérés exprimés par les lignes Ponctuées. Cinquième. Prestissimo, un Pouce 6 Lignes, Modéré, 2 Pouces 7 1/2, Quatrième v. Presto, Allegro. 10, Troisième Allegretto. Andante. 4, 6 2/3, Deuxième Andantino, Adagio. 3, 7, Premier Larghetto. Largo.] [THINOU 10GF]

[-Pl. 10-] [Thiémé, Nouvelle Théorie, Pl. 10; text: Planche 10. Figure 73. Regle chronométrique, reduite à 2 Pieds et figurée comme il est expliqué à l'article 137. telle qu'elle doit être appliquée sur la machine Figure 71. ou l'on voit que nous avons ajouté des mouvements tres modérés aux 5 primitifs at aux 4 intermédiaires. Point de Suspention. a, b, c, Cinquième ou Prestissimo. tres Modéré, Quatrième v. Presto. allegro. Troisième, andante, Deuxième andantino, adagio. allegretto. Premier, Larghetto, Largo. croche. noire. blanche. 74. Cordon Chronométrique ou Chronomêtre portatif, de deux pieds de longueur, divisé en dix-huit parties inégalles, sur la Regle Chronometrique de la Figure 73. pour pouvoir connoitre sur cette derniere le mouvement des Airs que l'on a entendu. dix-huitième, dix-septième, seizième, quinzième, quatorzième, treizième, douzième, onzième, dixième, neuvième, huitième, septième, sixième, Division] [THINOU 11GF]

[-Pl. 11-] [Thiémé, Nouvelle Théorie, Pl. 11; text: Planche onzième. Figure 75. TABLES DE RECAPITULATION. Table de la première Règle de la figure 73. a, a; exprimant des croches pour les mouvemens lents pour chaque oscillation du pendule. A. Expressions en usage. B. Nouvelles expressions. C. Expressions abrégées qui doivent s'écrire à la tête des airs. D. Mesures à 2, à 3, et à 4 temps simples qui s'écrivent à la clef, dont les temps sont exprimés par deux oscillations du pendule. E. pointes, F. Différentes longueurs du pendule, par approximation. G. Nombre d'oscillations qui s'exécutent par minute, par approximation. Andante moderato. Andantino. Adagio. Larghetto. Largo. ou 3. modéré. ou 2 vif. idem. 0 p. 6 pou. 3 l. 1/2 l. 7, 1, 2/3, 11, 10, 4, 5, 139. oscillations. 131. 122. 113. 103. 94. 84. 75. Table de la seconde Règle de la figure 73. b, b; exprimant des noires pour chaque oscillation du pendule. Une oscillation pour chaque temps pour les mesures. Prestissimo. Presto. Allegro. Allegretto. Andante. 7, 9, 300. 262. 225. 187. 150. troisième Règle de la figure 73. c, c; blanches, Mesure de 2 et de 4 temps; une oscillation pour 2 temps ou pour une blanche. pour deux temps pointés.] [THINOU 12GF]


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