TFM - TRAITÉS FRANÇAIS SUR LA MUSIQUE

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Author: Bethizy, Jean Laurent de
Title: Exposition de la théorie et de la pratique de la musique, Seconde Partie, Chapitres 1-8
Source: Exposition de la théorie et de la pratique de la musique, Suivant les nouvelles découvertes, 2e éd. (Paris: F. G. Deschamps, 1764), i-xvj, 56-182.
Graphics: BETHEX2 01GF-BETHEX2 04GF

[-56-] SECONDE PARTIE.

De l'Harmonie.

L'Harmonie est une suite agréable d'accords. On donne néanmois quelquefois à un accord le nom d'harmonie. On dit, par exemple, l'harmonie de la dominante, au lieu de dire l'accord de la dominante.

L'harmonie n'est pas une invention purement humaine; elle est un effet de la nature et de l'art.

La nature nous offre dans tout corps sonore le premier et le plus parfait de tous les accords, et nous en indique un autre qui ressemble à peu près à ce premier, et qui approche beaucoup de sa perfection. Elle fait plus. Elle nous présente parmi les notes de ces deux accords trois sons, dont elle nous apprend à former une basse fondamentale, qui est la source commune de la mélodie et de l'harmonie.

L'art a tiré de ces accords un grand nombre d'accords de différentes espéces, a multiplié les notes de cette basse, lui a fait faire d'autres mouvemens que ceux que la nature prescrit, et par ces moyens a donné à l'harmonie une variété, qui loin de ternir sa beauté naturelle, la releve et la fait valoir.

Je me propose de faire connoître dans cette Seconde Partie l'harmonie telle que la nature la présente, d'exposer les agrémens que l'art ajoute à sa beauté primitive, de prescrire les diverses maniéres [-57-] dont il faut l'employer suivant les différentes sortes de morceaux qu'on veut faire, et d'ajouter du détail des régles, certaines connoissances nécessaires à ceux qui s'adonnent à la composition.

Je commencerai par l'exposition de tous les accords qui ne sont formés que deux notes. Car la connoissance de ces accords est nécessaire préalablement à tout ce que je dirai dans la suite. Je découvrirai ensuite l'origine des accords, et les moyens par lesquels l'art les a tirés tous de deux accords primitifs. De-là je passerai à la basse fondamentale, et je ferai voir que sa marche est la source de la mélodie, comme de l'harmonie ou de la succession des accords. Je décrirai les routes de cette basse, et pour le faire avec ordre, je tracerai d'abord les mouvemens qu'elle fait dans un même mode. Je tirerai de ces mouvemens la succession diatonique des notes du monde; je parlerai des intervalles qui se trouvent entre ces notes; et pour les faire connoître parfaitement, j'exposerai en six échelles le rapport des intervalles de trois modes, à qui je donnerai successivement les deux modulations. Je tirerai de ces échelles les preuves de plusieurs propositions importantes de théorie, qui me conduiront à l'exposition du tempérament. Je reviendrai ensuite aux mouvemens de la basse fondamentale, et je dirai quelles routes elle suit dans les changemens de modes, dans les endroits où il n'y a point de modes, et dans certains genres de musique que l'art a imaginés. Enfin, pour ne laisser rien à désirer sur son sujet, je ferai voir qu'on peut sous un même trait de chant lui donner plusieurs marches différentes, et je parlerai de quatre espéces de cadences formées par quatre de ses [-58-] mouvemens. Après avoir fait connoître exactement la basse fondamentale, je ferai remarquer qu'il y a dans les chants beaucoup de notes qui ne doivent point servir à l'harmonie, et j'apprendrai à les discerner de celles qui peuvent former des accords. Je partagerai ensuite les accords en deux classes, et je les exposerai tous en détail; je ferai plusieurs observations importantes sur leur sujet; je dirai de quelle maniére il faut les employer, et en général ce qu'il faut faire pour bien composer un tout harmonieux, c'est-à-dire, une piéce de musique. Après cela je parlerai des parties qui composent les morceaux de musique, prémierement de la basse continue, ensuite des parties supérieures; je donnerai les régles particulieres des différentes espéces de morceaux, du duo, du trio, des piéces à quatre ou à plus de parties; j'entrerai même dans un certain détail des choses qui les exécutent, c'est-à-dire, des voix et des instruments; et je terminerai cet Ouvrage par enseigner la maniére la plus sçavante de composer un morceau, maniére qui consiste dans ce qu'on appelle imitation et fugue.

CHAPITRE PREMIER.

Des accords formés par deux notes.

UN accord est l'union de plusieurs sons qui plaisent entendus en même-tems.

Deux sons suffisent pour former un accord. Mais cet accord n'est qu'une partie d'un accord composé d'un plus grand nombre de sons. C'est pourquoi on divise les accords en accords complets et accords incomplets.

[-59-] Un accord complet est un accord formé de tous les sons qu'on peut faire entendre, tant au-dessus qu'au-dessous d'une note de la basse fondamentale, suivant le caractère de cette note.

Un accord incomplet est un accord formé de quelques-uns des sons d'un accord complet.

La définition que je donne des accords complets, peut être obscure pour ceux qui connoissent pas encore la basse fondamentale; mais elle deviendra claire pour eux quand ils la connoîtront. Il suffit pour le présent de sçavoir, qu'il y a des accords dont chacun n'est qu'une partie de la totalité d'un autre.

Je parlerai des accords complets dans le Chapitre XII.

Il y a des accords incomplets qui ne sont formés que de deux notes, il y en a qui en ont trois, et quelques-uns même qui en ont quatre.

Les accords incomplets formés de deux notes sont ceux de seconde, de seconde superflue, de tierce, de quarte, de triton, de fausse-quinte, de quinte, de quinte superflue, de sixte, de septiéme diminuée, de septiéme, de neuviéme et de onziéme.

On verra dans le Chapitre XII où je ferai l'énumération des accords complets, que plusieurs de ces accords ont les mêmes noms que des accords incomplets formés de deux notes; qu'il y a, par exemple, un accord complet qu'on appelle accord de seconde, qu'il y en a un autre qu'on appelle de seconde superflue. Mais cette communauté de nom ne peut point tromper le Lecteur. Il sçait que je ne parle ici que des accords formés de deux notes, et que dans le Chapitre XII je parlerai des accords complets.

L'accord de seconde est formé par deux notes, [-60-] dont l'une est un dégré au-dessus de l'autre. Ainsi ut et re forment un accord de seconde; mi et fa en forment un autre. Remarquez qu'il y a l'intervalle d'un ton entre ut et re, et qu'il n'y a entre mi et fa que l'intervalle d'un demi-ton majeur. Cette inégalité d'intervalle a fait diviser l'accord incomplet de seconde en accord de seconde majeure et accord de second mineure. Quand il y a un ton entre les deux notes, la seconde est majeure: elle est mineure, quand il n'y a qu'un demi-ton majeur entr'elles. Cette division n'a pas lieu par rapport à l'accord complet de seconde.

L'accord de seconde superflue est formé par deux notes, entre lesquelles se trouve un intervalle d'un ton et d'un demi-ton mineur. Ainsi fa et sol [x] forment un accord de seconde superflue.

L'accord de tierce est formé par deux notes, dont l'une est deux dégrés au-dessus de l'autre. Ainsi ut et mi forment un accord de tierce; re et fa en forment un autre. L'accord de tierce se divise en accord de tierce majeure et accord de tierce mineure.

L'accord de tierce majeure est formé par deux notes, entre lesquelles il y a un intervalle de deux tons. Tel est l'accord ut mi.

L'accord de tierce mineure est formé par deux notes, entre lesquelles il y a un intervalle d'un ton et d'un demi-ton majeur. Tel est l'accord re fa.

L'accord de quarte est formé par deux notes, entre lesquelles se trouve un intervalle de deux tons et d'un demi-ton majeur. Ainsi ut et fa forment cet accord.

L'accord de triton, qu'on appelle aussi accord de quarte superflue, est formé par deux notes, entre [-61-] lesquelles se trouve un intervalle de trois tons. Ut et fa [x] forment cet accord.

L'accord de fausse-quinte est formé par deux notes entre lesquelles se trouve un intervalle de deux tons et de deux demi-ton majeurs. Si et fa forment cet accord.

L'accord de quinte est formé par deux notes, entre lesquelles se trouve un intervalle de trois tons et d'un demi-ton majeur. Ut et sol forment cet accord.

L'accord de quinte superflue est formé par deux notes, entre lesquelles se trouve un intervalle de quatre tons. Ut et sol [x] forment cet accord.

L'accord de sixte est formé par deux notes, dont l'une est cinq dégrés au-dessus de l'autre. Ainsi ut et la forment un accord de sixte; mi et ut en forment un autre. L'accord de sixte se divise en accord de sixte majeure et accord de sixte mineure.

L'accord de sixte majeure est formé par deux notes, entre lesquelles il y a un intervalle de quatre tons et d'un demi-ton majeur. Tel est l'accord ut la.

L'accord de sixte mineure est formé par deux notes, entre lesquelles il y a un intervalle de trois tons et de deux demi-tons majeurs. Tel est l'accord mi ut.

L'accord de septiéme diminuée est formé par deux notes, entre lesquelles se trouve un intervalle de trois tons et de trois demi-tons majeurs. Ainsi ut [x] et si [rob] forment cet accord.

L'accord de septiéme est formé par deux notes, dont l'une est six dégrés au-dessus de l'autre. Ainsi ut et si, re et ut forment des accords de septiéme. L'accord de septiéme se divise en accord de septiéme majeure et accord de septiéme mineure.

L'accord de septiéme majeure est formé par deux [-62-] notes, entre lesquelles il y a un intervalle de cinq tons et d'un demi-ton majeur. Tel est l'accord ut si.

L'accord de septiéme mineur est formé par deux notes, entre lesquelles il y a un intervalle de quatre tons et deux demi-tons majeurs. Tel est l'accord re ut.

L'accord de septiéme majeure s'appelle accord de septiéme superflue, lorsqu'il est formé par une tonique et par une note sensible.

L'accord de neuviéme est formé par deux notes, dont l'une est huit dégrés au-dessus de l'autre. Ainsi ut et l'octave de re forment un accord de neuviéme, mi et l'octave de fa en forment un autre.

L'accord de onziéme, qu'on appelle aussi accord de quarte dissonnante, est formé par deux notes, dont l'une est dix dégrés au-dessus de l'autre. Ainsi ut est l'octave de fa forment un accord de onziéme.

Les octaves de la seconde superflue, de la tierce, du triton, de la fausse-quinte, de la quinte, de la quinte superflue, de la septiéme diminuée et de la septiéme, prises au-dessus, sont regardées comme les notes dont elles sont les octaves. Ainsi ut et mi forment toujours un accord de tierce, soit que mi se trouve élévé de deux dégrés seulement au-dessus d'ut, soit que mi se trouve élévé de neuf dégrés au-dessus de cette note, auquel cas on l'appelle dixiéme, soit même qu'il soit l'octave ou la double octave de la dixiéme. Ut et fa [x] forment toujours un accord de triton, ut [x] et sol un accord de fausse-quinte, ut et sol un accord de quinte, ut et sol [x] un accord de quinte superflue, ut et la un accord de sixte, ut [x] et si [rob] un accord de septiéme diminuée, ut et si un accord de septiéme, à telle distance que les deux notes soient [-63-] l'une de l'autre, pourvu que le fa [x], le sol, le sol [x], le la, le si [rob] et le si naturel, soient chacun au-dessus de la note avec laquelle il forme un accord.

Les octaves de la seconde et de la quarte sont regardées tantôt comme la seconde et la quarte, et tantôt comme la neuviéme et la onziéme. Ainsi ut et l'octave de re forment tantôt un accord de seconde et tantôt un accord de neuviéme; ut et l'octave de fa forment tantôt un accord de quarte et tantôt un accord de onziéme. La basse fondamentale fait discerner, comme on le verra dans la suite, quels accords ces notes forment dans les différens endroits où elles paroissent en même-tems.

Plusieurs accords sont, comme on le verra aussi, des renversemens d'autres accords. L'accord de seconde est le renversement de celui de septiéme, l'accord de quarte est le renversement de celui de quinte, l'accord de triton est le renversement de celui de fausse-quinte, l'accord de sixte est le renversement de celui de tierce.

La plûpart des accords choquent par eux-mêmes et ne plaisent que par le moyen de certaines précautions, dont je parlerai lorsqu'il en sera tems.

J'observerai ici qu'one note ne peut pas former un accord avec toute autre note. Une note naturelle ne peut pas former un accord avec une note de même nom portant un diese, ni avec une note de même nom portant un bémol. Par exemple ut ne peut jamais former un accord avec ut [x], soit qu'ut [x] ne forme avec ut qu'un intervalle d'un demi-ton mineur, soit qu'il se trouve un demi-ton au-dessus de l'octave d'ut et forme avec lui un intervalle qu'on appelle l'octave superflue, soit qu'il se trouve au-dessous d'ut et forme avec lui un intervalle [-64-] qu'on appelle d'octave diminuée. De même si ne peut point s'accorder avec si [rob]. Deux notes entre lesquelles il y a un intervalle de deux demi-tons majeurs, qu'on appelle intervalle de tierce diminuée, ni deux notes entre lesquelles il y a un intervalle d'un ton et le deux demi-tons majeurs, qu'on appelle intervalle de quarte diminuée, ne s'accordent jamais. Ainsi ut [x] ne peut point former un accord avec mi [rob] ni avec fa, quand mi [rob] et fa sont au-dessus de lui.

CHAPITRE II.

De l'origine des accords.

Tous les accords viennent de deux accords dont l'un est rendu par les corps sonores lorsqu'ils résonnent, et l'autre est indiqué par un effet qu'un corps sonore en résonnant produit sur d'autres corps sonores, qui, s'ils résonnoient feroient entendre les notes de cet accord indiqué. Je parlerai séparément de ces deux accords primitifs; j'exposerai ensuite les moyens par lesquels l'art en a tiré tous les autres accords.

Article Premier.

De l'accord rendu par les corps sonores lorsqu'ils résonnent.

Un corps sonore, lorsqu'il résonne, rend en même-tems plusieurs sons. L'un d'eux est beaucoup plus fort que les autres, et le seul qu'on entende [-65-] pour l'ordinaire: on l'appelle fondamental. Les autres sont l'octave, la douziéme, la double octave, et la dix-septiéme majeure au-dessus de ce premier son: on les appelle harmoniques. Ainsi la plus grosse corde d'un violoncelle, lorsqu'elle résonne, rend non-seulement un ut, mais encore plusieurs autres ut qui sont les octaves du premier, un sol qui est l'octave de sa quinte, et un mi qui est la double octave de sa tierce majeure. Cette vérité est prouvée par plusieurs expériences qu'on peut lire vers le commencement du Traité de le génération harmonique, par Monsieur Rameau.

Comment la nature produit-elle cet effet admirable? Par quel moyen joint-elle au son fondamental les sons harmoniques? Pour répondre à cette question, il faut exposer ce que c'est que le son en général, comment il est produit par le corps sonore, et comment il est transmis à l'oreille, d'où il passe dans l'ame.

Le son en général est dans l'ame un sentiment; dans le corps sonore, dans l'air et dans l'oreille c'est un mouvement qui consiste en des vibrations ou secousses successives.

Quand on compare des sons de toute espéce les uns aux autres, on y remarque entr'autres différences ces deux-ci, premier qu'ils sont les uns par rapport aux autres plus hauts ou plus bas, deuxiéme qu'ils sont plus foibles les uns que les autres.

Plus les vibrations qui forment un son se succédent avec rapidité, plus ce son est aigu; plus elles sont violentes, plus ce son est fort. C'est la fréquence des vibrations qui fait la hauteur d'un son, c'est leur force qui fait sa force.

Ainsi, l'on conçoit qu'un corps sonore, lorsqu'il [-66-] résonne, forme pendant un certain tems un certain nombre de vibrations, que ce nombre est toujours la même dans le même espace de tems, lors même que le son s'affoiblit, parce que l'affoiblissement du son vient de ce que les vibrations du corps sonore sont moins fortes, et non de ce qu'elles sont moins fréquentes.

Le mouvement du corps sonore se communique à l'air, et par le moyen de l'air à des fibres qui tapissent la conque de l'oreille. L'air et les fibres de l'organe font des vibrations ni plus ni moins fréquentes que celles du corps sonore.

Lorsque quatre corps sonores forment un accord, par exemple, l'accord ut mi sol ut, composé d'un ut, de sa tierce, de sa quinte et de son octave; chacun de ces corps fait dans un tems limité un nombre de vibrations qui lui est particulier, et qui forme son ton. Pendant que celui qui rend ut fait quatre vibrations, celui qui rend mi en fait cinq, celui qui rend sol en fait six, et celui qui rend l'octave d'ut en fait huit.

Chacun de ces corps sonores communique son mouvement à l'air, qui fait dans le même-tems le même nombre de vibrations que fait ce corps sonore. Mais l'air peut-il faire en même-tems quatre, cinq, six et huit vibrations?

Monsieur de Mairan de l'Academie des Sciences, a trouvé une solution très-ingénieuse à cette difficulté. Il suppose l'air divisé en une infinité d'espéces de particules, dont chacune est capable d'un ton particulier. Cette supposition admise, il est aisé de concevoir que quand plusieurs corps sonores en mouvement agitent l'air, chacun d'eux ébranle en particulier les petites parties d'air capables [-67-] de transmettre à l'oreille le son qu'il rend, et que les différens nombres de vibrations que l'air fait en même-tems ne sont pas faits tous par toutes les parties de l'air agité, mais que chacun de ces nombres de vibrations est fait par une certaine espéce de particules; que, par exemple, le corps sonore qui rend ut ébranle les particules qui peuvent rendre ce son, et qu'elles font en même-tems le même nombre de vibrations que fait ce corps; que celui qui rend mi en ébranle d'autres, et qu'il en est ainsi du corps sonore qui rend sol et de celui qui rend l'octave d'ut.

Quand je dis que chacun de ces corps sonores ébranle les particules d'air capables de rendre son ton; je ne veux pas dire qu'il n'ébranle qu'elles, mais seulement qu'il les ébranle plus fortement que d'autres particules. Car, comme je l'ai dit au commencement de cet Article, un corps sonore, lorsqu'il résonne, rend plusieurs sons, un son fondamental et des harmoniques. Ainsi chacun des quatre corps sonores dont nous parlons, rend plusieurs sons. Or suivant la supposition de Monsieur de Mairan plusieurs sons ne peuvent être rendus par la même espéce de particules d'air. Chacun de ces quatre corps sonores n'ébranle donc pas seulement les particules d'air capables de rendre son ton, mais encore celles qui peuvent rendre ses sons harmoniques.

La supposition de Monsieur de Mairan, après avoir fait concevoir comment l'air peut rendre en même-tems plusieurs sons divers, me fournit, comme l'on voit, la réponse à la question que j'ai proposée vers le commencement de cet Article. Par quel moyen la nature joint-elle au son fondamental de [-68-] chaque corps sonore les sons appellés harmoniques? C'est par le moyen des particules d'air capables de rendre ces sons, lesquelles sont ébranlées par le corps sonore, en même-tems que celles qui rendent le son fondamental.

Mais combien chacune de ces particules d'air forme-t-elle de vibrations? Chaque corps sonore n'a t-il point d'autres harmoniques que ceux que j'ai nommés? Les harmoniques d'un corps sonore ne sont-ils formés que par les particules d'air? Je vais répondre à ces trois questions.

Pendant que le corps sonore fait un vibration, les particules d'air qui rendent l'octave du son fondamental en font deux, celles qui rendent la douziéme en font trois, celles qui rendent la double octave en font quatre, et celles que rendent la dix-septiéme majeure en font cinq.

Ces harmoniques sont les seuls qu'on entende avec quelque facilité, quand on fait les expériences rapportés par Monsieur Rameau. Il y en a trois autres qu'on peut entendre, mais avec plus de peine. Ces harmoniques sont premier l'octave de la douziéme; deuxiéme un son qui n'est ni la vingtiéme ni la vingt et uniéme, mais qui est entre l'une et l'autre, et qui, suivant le rapport de Monsieur Rameau qui l'a distingué, ne paroît que comme un son perdu; troisiéme la triple octave du son fondamental. Les particules d'air qui rendent l'octave de la douziéme font six vibrations, celles qui rendent le son mitoyen entre la vingtiéme et la vingt et uniéme en font sept, celles qui rendent la triple octave du son fondamental en font huit, pendant que le corps sonore en fait une. On n'entend rien au-dessus de la triple octave. Ce n'est pas qu'il ne puisse y avoir des particules [-69-] d'air qui rendent des sons plus aigus. Mais ces sons, lorsqu'ils existent, sont trop foibles pour être entendus, et l'on ne compte que sept harmoniques, parce qu'on n'en apperçoit que sept. Moins les sons harmoniques sont aigus, moins ils sont foibles. C'est pour cela qu'on entend avec plus de facilité les quatre qui sont plus bas que les autres.

Les particules d'air mises en mouvement par un corps sonore agissent, ou, pour mieux dire, reagissent sur lui. Celles qui rendent les harmoniques, ne peuvent agir sur sa totalité, mais elles agissent sur celles de ses parties, qui agitées séparément peuvent rendre les mêmes sons que ces particules d'air forment. Je prends pour exemple la grosse corde d'un violoncelle qui donne un ut. Si l'on faisoit résonner séparément une moitié de cette corde, cette moitié rendroit l'octave au-dessus de cet ut; si l'on n'en faisoit résonner qu'un tiers, ce tiers rendroit la douziéme: un quart de cette corde rendroit la double octave, un cinquiéme rendroit la dix-septiéme majeure. Lorsqu'on fait résonner toute la corde, les particules d'air qui rendent l'octave, agitent les moitiés de la corde, et leur font rendre l'octave du son fondamental; les particules d'air qui rendent la douziéme, agitent les tiers de la corde, et leur font rendre la douziéme; les particules d'air qui rendent les autres sons harmoniques, agitent de même les portions de la corde qui peuvent rendre ces sons, et les leur font rendre effectivement.

Toutes ces espéces de particules d'air font sur les corps voisins qui sont à leur unisson, la même impression qu'elles font sur les parties du corps sonore. Ainsi lorsqu'un corps sonore résonne, s'il se [-70-] trouvoit dans son voisinage deux autres corps sonores accordés, l'un à la douziéme, l'autre à la dix-septiéme majeure au-dessus du son fondamental de ce corps qui résonne; les particules d'air qui rendent cette douziéme et celles qui rendent cette dix-septiéme majeure, feroient résonner ces deux corps voisins.

Entre les sons harmoniques que l'on entend avec le plus de facilité, ce ne sont pas les plus forts qu'on distingue le mieux. On confond souvent l'octave avec le son fondamental, et la double octave avec l'octave simple ou même avec le son fondamental. Deux sons qui sont à l'octave l'un de l'autre se ressemblent beaucoup, et paroissent souvent être à l'unisson; et quand l'un des deux est beaucoup plus fort que l'autre, il faut une grande attention pour distinguer le foible d'avec le fort. On ne confond pas de même la douziéme et la dix-septiéme majeure avec le son fondamental. On peut bien prendre et l'on prend effectivement quelquefois la douziéme pour la quinte, et la dix-septiéme pour l'octave de de la tierce ou même pour la tierce; mais on ne les prend jamais pour le son fondamental, ni pour les octaves de ce son, parce qu'elles ne lui ressemblent point. Ainsi des quatre sons harmoniques que l'on entend le plus facilement, la douziéme et la dix-septiéme majeure sont ceux qu'on distingue le mieux: ils sont même souvent les seuls qu'on apperçoive.

Ces deux sons harmoniques qu'on distingue le mieux, forment avec le son fondamental le plus parfait de tous les accords : on l'appele accord parfait majeur. Voyez l'exemple 1.[BETHEX3 01GF] J'ai indiqué dans cet exemple les octaves par des guidons, et je ne les [-71-] ai point écrites, parce que l'accord est complet sans elles. Car les octaves sont regardées dans l'harmonie comme les sons ou comme la répétition des sons dont elles sont les octaves, et les accords ont sans elles tous les sons qu'il leur faut pour être complets. Les chiffres marquent les différens nombres de vibrations que les particules d'air, le corps sonore et ses parties font dans le même espace de tems pour former les sons qui composent l'accord.

Article II.

De l'accord indiqué par un effet de le résonnance des corps sonores.

Les particules d'air qui rendent le son de la totalité d'un corps sonore, font un effet singulier sur les corps voisins capables de rendre la douziéme et et la dix-septiéme majeure au-dessous de leur son. Si l'on accorde avec un corps sonore deux autres corps sonores, l'un à la douziéme, l'autre à la dix-septiéme majeure au-dessous de ce premier; dès qu'on fera résonner le premier, les deux autres frémiront et se diviseront en parties égales, celui qui est à la douziéme en trois, celui qui est à la dix-septiéme en cinq. Par exemple, si l'on accorde ensemble trois cordes de maniére qu'une rende un ut, une autre rende un fa douziéme au-dessous de cet ut, et la troisiéme un la [rob] dix-septiéme majeure au-dessous de même ut; dès qu'on fera résonner celle qui rend ut, les deux autres, sans qu'on y touche, frémiront. Elles ne rendront aucun son, du moins qu'on puisse distinguer; elles ne frémiront pas dans leur totalité; mais celle qui [-72-] rendroit fa, si on la faisoit résonner, se divisera en trois parties égales; celle qui rendroit la [rob], se divisera en cinq parties égales, et chacune de ces parties frémira. Voyez la figure gravée après le premier exemple.[BETHEX3 01GF] J'ai désigné les cordes par les sons qu'elles peuvent rendre. La corde fa forme trois ventres, la corde la [rob] en forme cinq. J'ai mis un chiffre dans chaque ventre. Les ventres ont entr'eux des points qui demeurent fixe comme les extrêmités. J'ai marqué par des lettres ces points et ces extrêmités. Ainsi les endroits A, B, C, D de la corde fa, et les endroits A, B, C, D, E, F de la corde la [rob], sont immobiles, pendant que ce qui est entr'eux frémit.

Quand j'ai dit que dès qu'on fera résonner la corde ut, les cordes fa et la [rob] en frémissant ne rendront aucun son; j'ai ajouté: du moins qu'on puisse distinguer; parce que je ne puis concevoir qu'une corde capable de rendre un son frémisse sans résonner. Les vibrations d'un corps sonore forment toujours un son. Une corde en frémissant forme des vibrations: son frémissement est une suite de petites secousses. Je crois donc que dès que la corde ut résonnera, les deux autres cordes résonneront aussi. Mais on ne distinguera point leur son, parce qu'elles ne rendront qu'un foible unisson de la corde ut, et qu'un foible unisson d'un son fort se confond avec ce son, de maniére qu'il est impossible de le distinguer. Si l'on demande pourquoi elles ne rendront que cet unisson: en voice la preuve. Ces cordes ne frémiront et par conséquent ne résonneront qu'en se divisant, la corde fa en trois, et la corde la [rob] en cinq. La corde fa ne rendra par conséquent que le son de ses tiers: ce sont ses tiers qui [-73-] resonneront. La corde la [rob] ne rendra que le son de ses cinquiémes: ce sont ses cinquiémes qui résonneront. Le son des tiers d'une corde est la douziéme au-dessus de son que rend la corde entiére. Le son des tiers de la corde fa est la douziéme au-dessus de fa rendu par la totalité de la corde. Le son des cinquiémes d'une corde est la dix-septiéme majeure au-dessus du son que rend la corde entiére. Le son des cinquiémes de la corde la [rob] est la dix-septiéme majeure au-dessus de la [rob] rendu par la totalité de la corde. Or la douziéme au-dessus de ce fa et la dix-septiéme majeure au-dessus de ce la [rob] sont l'unisson de l'ut que rend la corde ut, puisque le son de la totalité de la corde fa est douziéme, et celui de la totalité de la corde la [rob] est dix-septiéme majeure au-dessous de cet ut. Les cordes fa et la [rob] ne rendront donc que l'unisson de la corde ut, qui en résonnant les fera frémir et résonner dans leurs parties.

Il résulte de ceci que la corde ut en résonnant ne forme point d'accord avec les cords fa et la [rob], puisque ces cordes, si elles résonnent, comme je le crois, ne rendent que l'unisson de la premiere. Mais si l'on faisoit résonner les trois cordes dans leur totalité, elles formeroient un accord qu'on appele de sixte. Voyez l'exemple 2.[BETHEX3 01GF]

Si à la place du la [rob] qui est la note la plus basse de cet accord, on mettoit son octave; on formeroit un autre accord, qu'on appelle accord parfait mineur. Voyez l'exemple 3. [BETHEX3 01GF]Ce dernier accord est composé des mêmes notes que l'accord précédent. Il est vrai qu'on y voit un la [rob] qui est l'octave du la [rob] de l'exemple 2;[BETHEX3 01GF] mais ces deux la [rob] doivent être regardés [-74-] comme une même note. Car les octaves d'une note ne sont que des répétitions de cette note, qu'on met tantôt plus haut et tantôt plus bas.

L'accord parfait mineur ressemble beaucoup à l'accord parfait majeur, et s'appelle comme lui accord parfait. Il n'est pas produit par un corps sonore; mais il est du moins indiqué par le frémissement qu'un corps sonore, lorsqu'il résonne, excite dans les corps voisins, qui, s'ils résonnoient dans leur totalité, rendroient deux notes dont on pourroit former cet accord, en les joignant au son fondamental du corps sonore qui résonne, et portant l'une des deux un octave plus haut qu'elle ne seroit rendue.

Le fa et le la [rob] placés comme ils le sont dans le deuxiéme exemple,[BETHEX3 01GF] peuvent s'appeller, mais improprement, harmoniques d'ut. Je dis improprement. Car il n'y a de vrais harmoniques que ceux que le corps sonore fait entendre. On ne peut appeller harmoniques ce fa et ce la [rob], que parce que la corde ut fait frémir, et, comme je le crois, résonner les cordes fa et la [rob], qui rendent alors l'unisson d'ut qu'on n'entend point, et qui rendroient fa et la [rob], si elles résonnoient dans leur totalité.

Monsieur d'Alembert dans la Premiere Édition de ses Éléments de Musique théorique et pratique, avoit parlé de cette expérience qui indique l'accord parfait mineur, c'est-à-dire, de ce frémissement que la résonnance d'un corps sonore excite en deux corps voisins accordés l'un à la douziéme, l'autre à la dix-septiéme majeure au-dessous; et en avoit tiré l'origine du mode mineur, que j'appelle modulation mineure, comme il avoit tiré de la résonnance [-75-] des corps sonores qui donne l'accord parfait majeur, le mode majeur, que j'appelle modulation majeure; parce que c'est de la différence des deux accords parfaits que viennent les deux modulations. Dans la nouvelle édition de cet Ouvrage il donne une autre origine à la modulation mineure, et veut que l'accord parfait mineur nous soit dicté par la nature, indépendamment de cette expérience dont il avoit déduit d'abord avec Monsieur Rameau cette modulation. La tierce mineure d'un son fait résonner la double octave de la quinte de ce son. Par exemple, mi [rob] qui est la tierce majeure d'ut, fait résonner comme dix-septiéme majeure sol double octave du sol qui est quinte d'ut. Le sol quinte d'ut et tierce majeure de mi [rob], est regardé comme le sol qui est douziéme d'ut, et comme ce sol dix-septiéme majeure de mi [rob], que cette note-ci fait résonner. Les notes qui sont à l'octave ou à la double octave l'une de l'autre, sont regardées comme une même note. Le sol quinte d'ut est par-conséquent regardé comme harmonique d'ut et de mi [rob]. D'où il suit que ces deux notes ont un harmonique commun. Monsieur d'Alembert en conclut que les notes ut, mi [rob], sol forment un accord dicté par la nature, et par conséquent que l'accord parfait mineur est naturel. "Ce nouvel arrangement ut, mi [rob], sol, dit-il pages 22 et 23, dans lequel les sons ut et mi [rob] font l'un et l'autre résonner sol, sans que ut fasse résonner mi [rob], n'est pas à la vérité aussi parfait que le premier arrangement ut, mi, sol; parce que dans celui-ci les deux sons mi et sol sont l'un et l'autre engendrés par le son principal ut, au lieu que dans l'autre le son mi [rob] n'est pas engendré [-76-] par le son ut: mais cet arrangement ut, mi [rob], sol est aussi dicté par la nature, quoique moins immédiatement que le premier; et en effet l'experience prouve que l'oreille s'en accommode a peu près aussi-bien."

Article III.

Des moyens par lesquels l'art a tiré des deux accords primitifs tous les autres accords.

L'accord parfait majeur et l'accord parfait mineur sont les deux sources d'où dérivent tous les autres accords. Et comme l'un se trouve dans la résonance des corps sonores, et que le frémissément qui indique l'autre est occasionné par cette résonance; on peut dire que le corps sonore en général est la source de tous les accords et le principe de toute harmonie.

Tout corps sonore est harmonieux. L'harmonie qu'il fait entendre est la plus parfaite et la plus pure. Il nous offre même les notes qui la composent, placées dans les distances les plus agréables à l'oreille. Car l'accord parfait majeur n'est jamais si brillant, que quand les deux notes le plus hautes sont, l'une la douzième, l'autre la dix-septiéme majeure de la note la plus basse, comme dans l'exemple 1.[BETHEX3 01GF]

On peut néanmoins, sans changer la nature de l'accord, rapprocher les notes qui le forment. Ainsi de l'accord ut sol mi, tel qu'il est dans le premier exemple, l'art a fait l'accord ut mi sol composé d'un ut de sa tierce et de sa quinte. Voyez l'exemple 4.[BETHEX3 01GF] Ces deux accords sont le même: ils sont tous deux l'accord parfait majeur. Il est vrai qu'on voit dans [-77-] le dernier une tierce au lieu d'un dix-septiéme, et une quinte au lieu d'une douziéme: mais dans l'harmonie la dix-septiéme est regardée comme la tierce, on lui donne même ordinairement le nom de tierce; la douziéme est regardée comme la quinte, et on lui donne ce dernier nom. Quand les notes de l'accord parfait majeur sont rapprochées, il se trouve composé de deux accords, l'un de tierce majeure, et l'autre de tierce mineure. Dans l'exemple 4 ut et mi forment le premier de ces accords, mi et sol forment le second.

Ce que l'art a fait par rapport à l'accord parfait majeur, il l'a fait aussi par rapport à l'accord parfait mineur, en rapprochant les notes de ce dernier accord. Voyez l'exemple 5.[BETHEX3 01GF] L'accord parfait mineur se trouve alors composé, comme l'accord parfait majeur, de deux accords, l'un de tierce majeure, l'autre de tierce mineure. Dans l'exemple 5 fa et la [rob] forment un accord de tierce mineure; la [rob] et ut en forment un de tierce majeure. La différence des deux accords parfaits, consiste en ce que dans l'accord parfait majeur, l'accord de tierce majeure est au-dessous de celui de tierce mineure; et que dans l'accord parfait mineur, l'accord de tierce mineure est au-dessous de celui de tierce majeure.

L'art en dérangeant seulement les notes de l'accord parfait majeur, c'est-à-dire, en mettant pour la plus basse, celle qui dans cet accord est la tierce ou celle qui est la quinte, en a tiré deux autres accords, dont l'un s'appelle accord de sixte, et l'autre est nommé accord de sixte-quarte. Le dérangement par lequel l'une des notes supérieures d'un accord devient la plus basse, s'appelle renversement; les accords produits par le renversement [-78-] s'appellent renversés, les autres s'appellent directs.

L'art par le même moyen, c'est-à-dire, par le renversement, a tiré de l'accord parfait mineur, deux autres accords appellés comme ceux qui viennent de l'accord parfait majeur, l'un accord de sixte, et l'autre accord de sixte quarte.

L'art a formé une nouvelle espéce d'accords qu'on appelle de septiéme, en ajoutant à l'accord parfait, soit majeur soit mineur, une nouvelle note, qui forme un troisiéme accord de tierce sur les deux qui composent l'accord parfait. Le renversement de cette espéce d'accord en a produit plusieurs autres.

L'art a formé un nouvel accord, en ajoutant au-dessous des deux accords de tierce qui composent l'accord parfait, une note qui forme un troisiéme accord de tierce. Ce nouvel accord est aussi un accord de septiéme.

L'art a formé encore deux autres accords, l'un en ajoutant aux trois tierces qui composent la premiere espéce d'accords de septiéme, une nouvelle tierce; l'autre en leur ajoutant une quinte: ces additions se font en dessous. Le premier est nommé accord de neuviéme, le second s'appelle accord de onziéme ou de quarte dissonante: ils ne se renversent pas.

L'art, en unissant deux accords de septiéme, et retranchant une note de chacun, en a formé un accord qu'on appelle de septiéme diminuée. Le renversement de cet accord en a produit plusieurs autres.

Enfin l'art, en ajoutant une septiéme au-dessous de ce dernier accord, en a formé un accord qu'on [-79-] appelle de septiéme superflue avec la sixte mineure: cet accord ne se renverse pas.

Je donnerai dans le Chapitre XII un détail exact des accords. Ainsi, après avoir montré dans cet Article qu'ils viennent tous de l'accord parfait, je me contenterai pour le présent de remarquer au sujet des accords directs, que de telle maniére qu'on arrange les notes supérieures d'un accord, cet accord reste toujours le même, et que le renversement d'un accord ne vient jamais que de la note qu'on met à la basse. On a vu que l'accord ut sol mi de l'exemple 1,[BETHEX3 01GF] est le même que l'accord ut mi sol de l'exemple 4.[BETHEX3 01GF] On verra dans le Chapitre suivant un accord de septiéme formé par les notes sol si re fa. De telle maniére qu'on arrange les notes si re fa, pourvu que sol reste dans la basse, l'accord est toujours le même. Ainsi sol re fa si, sol fa si re, sol re si fa font un accord direct, qui est le même que l'accord sol si re fa.

CHAPITRE III.

De la Basse fondamentale, et de sa marche dans un même mode.

La Basse fondamentale est une basse qui ne porte jamais au-dessus de soi que l'accord parfait, l'accord de septiéme, et un accord composé d'un accord parfait et d'une sixte ajoutée à cet accord. Elle n'est par conséquent formée que des notes les plus basses de ces accords. Le dernier de ces trois accords ne vient pas immédiatement de l'accord parfait, mais de l'accord de septiéme que l'art a [-80-] formé, en ajoutant aux notes de l'accord parfait une note qui forme un troisiéme accord de tierce, sous les deux accords de tierce dont l'accord parfait est composé.

La basse fondamentale est différente de la basse continue, excepté en certains endroits. Elle est la basse de la basse continue. Elle réduit les accords que porte celle-ci à l'accord parfait, à l'accord de septiéme, et à un accord qu'on appelle de sixte-quinte. Elle ne s'exécute point. L'on ne doit la faire que pour se guider dans la composition de ses ouvrages, ou pour servir de preuve aux ouvrages déja composés.

Elle est la source de la mélodie ou du chant, et de l'harmonie ou de la succession des accords; la source de la mélodie, parce qu'elle nous dirige dans la production des chants, qui sont tous formés de ses notes et des notes de ses accords; la source de l'harmonie, parce que la succession de tous les accords qu'on employe dans les piéces de musique, dépend de la succession des accords de cette basse.

Les accords de la basse fondamentale s'appellent fondamentaux. Leur succession vient de la succession des notes de cette basse; car chacun de ses accords est affecté à une de ses notes.

Pour faire connoître cette basse, je dirai de quelles notes elle peut être composée, et comment ses notes peuvent succéder les unes aux autres; ou, ce qui est la même chose, je tracerai ses différentes routes. Je commencerai par les mouvemens qu'elle peut faire dans un même mode.

La basse fondamentale d'un mode n'est composée naturellement que de trois notes, de la tonique, de la dominante et de la soudominante de ce mode, c'est-à-dire, [-81-] de la tonique, d'un de ses harmoniques en-dessus et d'un de ses harmoniques en-dessous. La basse fondamentale du mode d'ut n'est composée que d'ut, de sol douziéme au-dessus et de fa douziéme au-dessous de cet ut. Il est vrai qu'on peut à la place de ces douziémes employer leurs octaves, et je les employerai moi-même; mais ces octaves représentent ces douziémes, et tiennent leurs places. Il suit de-là que la résonance d'un corps sonore nous offre deux des trois notes de la basse fondamentale naturelle d'un mode, et nous indique la troisiéme. En effet, un corps sonore qui rend ut, nous offre ut et sol, et nous indique fa.

La basse fondamentale d'une mode ne peut donc en partant de la tonique, aller qu'à la dominante ou qu'à la soudominante. Elle ne peut pas aller de la dominante à la soudominante, ni de la soudominante à la dominante. Quand elle a passé de la tonique à l'une de ces deux notes, il faut qu'elle revienne à la tonique. Le mode de C sol ut naturel ou majeur nous fournira des exemples des mouvements de la basse fondamentale dans les modes majeurs. Cette basse ne peut dans ce mode faire d'autres mouvements que ceux-ci ut sol ut fa ut sol ut. Voyez l'exemple 6.[BETHEX3 01GF] La douziéme au-dessus et la douziéme au-dessous d'ut y sont marquées par des guidons. J'ai mis à leurs places tantôt leurs octaves et tantôt leurs doubles octaves. Au commencement de l'exemple, la basse monte de quinte pour aller d'ut à sol; à la fin de l'exemple, pour aller d'ut à sol, elle descend de quarte: ces deux mouvemens, c'est-à-dire, celui de quinte en montant et celui de quarte en descendant, sont regardés dans la basse fondamentale comme le même mouvement. Au commencement de l'exemple la basse descend [-82-] de quinte pour aller d'ut à fa; au milieu de l'exemple, pour aller d'ut à fa, elle monte de quarte: ces deux mouvemens, c'est-à-dire, celui de quinte en descendant et celui de quarte en montant, sont regardés comme un même mouvement dans cette basse. Quand elle va d'ut à sol, elle fait un mouvement différent de celui qu'elle fait en allant d'ut à fa, et ces deux mouvemens ne sont point regardés comme un même mouvement. Mais qu'elle monte de quinte ou qu'elle descende de quarte en allant d'ut à sol, elle fait le même mouvement, ou, si l'on veut, deux mouvemens qui sont regardés comme le même. Ainsi la basse fondamentale d'un mode ne peut faire naturellement que deux mouvemens, celui de quinte en montant ou de quarte en descendant, et et celui de quinte en descendant ou de quarte en montant.

Je ferai à cette occasion une remarque qu'il est important de bien retenir. La basse fondamentale comme on le verra dans la suite, peut faire toute sorte de mouvemens. Or le mouvement de seconde en montant est pour elle le même que celui de septiéme en descendant, le mouvement de tierce en montant est le même que celui de sixte en descendant, celui de sixte en montant est le même que celui de tierce en descendant, et celui de septiéme en montant le même que celui de seconde en descendant. Bien plus montrer de tierce ou de dixiéme, c'est pour elle la même chose. Monter de quarte, monter de onziéme, descendre de quinte, descendre de douziéme, ces quatre mouvemens sont le même pour elle. En un mot, quand la basse fondamentale doit aller d'une note à une autre, par exemple, d'ut à fa; qu'elle monte ou qu'elle descende, qu'elle [-83-] parcoure un intervalle plus ou moins grand, c'est pour elle le même mouvement.

La basse fondamentale engendre la mélodie. La basse fondamentale naturelle d'un mode n'offre que trois notes et deux mouvemens. Par conséquent trois notes et deux mouvemens doivent engendrer tous les chants naturels de ce mode. La voix forme un chant bien simple et bien naturel, lorsqu'elle parcourt les dégrés successifs d'un mode. Voyons comment les trois notes de la basse fondamentale de ce mode et ses deux mouvemens, peuvent produire ce chant; comment les trois notes ut, sol et fa, et les deux mouvemens, celui de quinte en montant ou de quarte en descendant, et celui de quinte en descendant ou de quarte en montant, produisent un chant qui s'éleve peu à peu en parcourant les dégrés successifs du mode d'ut. Voyez l'exemple 7.[BETHEX3 01GF] Chacune des notes qui en compose la basse engendre la note qu'on voit sur elle dans le dessus. Car toute note ou son, produit les notes ou sons qui sont ses harmoniques. Or chaque note qu'on voit dans le dessus de cet exemple, est harmonique de la note qu'on voit sous elle dans la basse. Ut est la double octave du premier ut de la basse, re est la douziéme du sol de la basse, mi est la dix-septiéme majeure du second ut de la basse, fa est la double octave du premier fa de la basse, sol est l'octave de la douziéme du dernier ut de la basse, la est la dix-septiéme majeure du dernier fa de la basse. Chaque note de la basse de l'exemple engendre donc la note du chant qui est sur elle, et la basse de l'exemple engendre tout le chant ut re mi fa sol la.

Si l'on rapprochoit le dessus et la basse l'un de l'autre, plusieurs notes du dessus ne seroient plus harmoniques [-84-] des notes de la basse. Néanmoins la basse seroit censée les engendrer. Voyez l'exemple 8.[BETHEX3 01GF] Re n'est que la quinte de sol, mi n'est que la dixiéme d'ut. Une quinte et une dixiéme ne sont point harmoniques. Sol est néanmoins censé engendrer re, ut est censé engendrer mi, parce que sol représente un autre sol qui seroit plus bas à la place marquée par un guidon, et qui engendreroit effectivement re, et qu'ut représente un autre ut qui seroit plus bas à la place marquée par un deuxiéme guidon, et qui engendreroit effectivement mi. Qu'un dessus soit éloigné ou près de la basse fondamentale ses notes sont toujours regardées comme les harmoniques de cette basse, et comme engendrées par elle.

Revenons à l'exemple 7.[BETHEX3 01GF] Je n'y fais monter le dessus que jusqu'au la, parce que la basse fondamentale ne me fournit point pour le présent de note que je puisse mettre sous le si. Après le fa qui est sous le la, la basse doit retourner à ut, qui ne peut porter le si qu'il n'engendre pas. Si je veux mettre si après la sur la basse fondamentale il faut que je mette sol entre ces deux notes. Voyez l'exemple 9.[BETHEX3 01GF]

Pour tirer de cette basse un chant, qui en s'élevant peu à peu offre toutes les notes d'un mode, ce qu'on appelle échelle diatonique de ce mode; il faut commencer cette basse par la dominante, et le chant par la note sensible. Voyez l'exemple 10,[BETHEX3 01GF] qui en commençant par la note sensible, vous présente toutes les notes du mode d'ut. C'est ainsi que les Grecs, formoient l'échelle diatonique d'un mode. Ils la partageoient en deux tétracordes, c'est-à-dire, en deux échelles de quatre notes chacunes. Ils partageoient l'échelle si ut re mi fa sol la de cette maniére, si ut re mi et mi fa sol la. Ces deux tétracordes [-85-] sont parfaitement semblables, c'est-à-dire, qu'on voit dans tous les deux les mêmes intervalles. En effet tous deux offrent d'abord un demi-ton majeur, ensuite un ton majeur et un ton mineur. Ils ont une note commune qui est mi derniere note du premier, et premiere note du dernier. C'est pourquoi on les appelle Tétracordes conjoints.

Il y a deux autres tétracordes qu'on appelle disjoints, parce qu'il n'ont point de note commune. L'échelle diatonique d'un mode commençant et finissant par la tonique, par exemple l'échelle ut re mi fa sol la si ut, se divise in ces deux tétracordes, qui en C sol ut sont ut re mi fa et sol la si ut. Dans le premier il y a un ton majeur, ensuite un ton mineur et un demi-ton majeur. Dans le second il y a un ton mineur suivi d'un ton majeur et du même demi-ton. Ils ne sont pas, par conséquent, parfaitement semblables comme les tétracordes conjointes.

Il y a plusieurs questions à faire au sujet des deux échelles dont je viens de parler, et des tétracordes qui les partagent. Les Grecs sont-ils les inventeurs de leur échelle et des tétracordes conjoints? Comment a-t-on pû imaginer cette échelle et ces tétracordes? L'autre échelle qui commence et finit par la tonique, et qui est celle dont nous nous servons, est-elle bonne? En peut-on faire la basse fondamentale?

Pour répondre à la premiere question, il faut consulter les Auteurs anciens. Or aucun d'eux ne nous fait connoître l'inventeur de la premiere échelle et des tétracordes conjoints. Les Grecs ont cultivé et perfectionné les arts et les sciences; mais il ne les ont pas inventés. Ils ont été long-tems [-86-] plongés dans l'ignorance la plus profonde. Cadmus leur a apporté l'usage des lettres et de l'écriture. Leurs Poëtes, leurs Philosophes, leurs Historiens et leurs Musiciens n'ont vécu qu'après Cadmus, et presque tous plusieurs siécles après ce Prince. Or de son tems et avant lui les sciences, les arts et en particulier la musique fleurissoient en plusieurs États de l'Asie et en Égypte. Rien n'engage donc à croire que les Grecs ont trouvé ce qu'on nomme leur échelle et les tétracordes conjoints.

On ne résoudra pas d'une maniére plus satisfaisante la seconde question. L'invention de cette échelle et de ces deux tétracordes semble supposer la connoissance de la basse fondamentale. Cette échelle commence par un demi-ton majeur. Tout homme qui veut entonner une suite diatonique de notes, est porté naturellement à mettre un ton entre les deux premieres: il n'y peut mettre un demi-ton que par réflexion. Ainsi l'inventeur de l'échelle des Grecs n'a dû la commencer par un demi-ton, que pour une raison qui s'est opposée à une inclination naturelle. Or quelle autre raison que celle qu'on peut tirer de la basse fondamentale a pû le déterminer? On n'en voit pas d'autre. Il sembleroit donc qu'il a connu cette basse. Mais nul Auteur ancien n'en parle. D'ailleurs on ne peut connoître cette basse sans connoître l'harmonie. Or on ne sçait si les Anciens ont connu l'harmonie. Ils parlent des intervalles de tierce, de quarte et de quinte; mais en parlent-ils comme d'intervalles qui se trouvent entre des notes qui plaisent entendues ensemble? Les Sçavans sont partagés sur ce sujet, et n'ont, je crois, pour preuves de leurs opinions que des conjectures.

[-87-] Quant à la troisiéme question, il résulte de ce que j'ai dit, que l'echelle diatonique d'un mode commencée et terminée par la tonique, n'est point un chant bien naturel; que les notes ut re mi fa sol la si ut, qui font ce qu'on appelle l'octave d'ut, ne forment point un chant inspiré par la nature. Car il n'y a de chant bien naturel que celui dont la basse fondamentale est naturelle. Ce que je dis pourra surprendre bien des personnes accoutumées par habitude et par prévention à regarder l'octave d'ut comme le chant le plus naturel et le plus simple de tous. Mais que ces personnes quittent leur préjugé, qu'elles entonnent posément cette octave: tout leur paroîtra doux jusqu'au la inclusivement, mais le si leur paroîtra dur. Qu'elles recommencent l'octave, et qu'elles entonnent si [rob] à la place de si naturel: le si [rob] leur paroîtra doux comme les autres notes, mais le si [rob] n'est point du mode d'ut.

L'invention de la dissonance a fourni le moyen de faire une basse fondamentale sous l'échelle diatonique de tout mode commencée et terminée par la tonique; de faire la basse fondamentale d'ut re mi fa sol la si ut. Avant que de le faire voir, il faut parler de l'invention de la dissonance et de son utilité.

La Dissonance en général est l'altération de l'accord parfait ou des accords dérivés de l'accord parfait par le renversement. L'accord parfait, lorsque ses notes sont rapprochées, est composé de deux tierces. L'altération de cet accord se fait par l'addition d'une nouvelle tierce aux deux tierces qui le composent. Trois tierces l'une sur l'autre forment un accord de septiéme. Ainsi l'accord de septiéme est un accord dissonant, le premier des accords dissonans, et celui dont viennent tous les autres.

[-88-] La dissonance choque par elle-même, et ne peut plaire que par le moyen de certaines précautions. Mais ce qu'elle a de désagréable sert à faire mieux sentir la beauté de l'harmonie naturelle, ou de l'accord parfait et des accords qu'il produit par le renversement. Elle est même nécessaire pour varier l'harmonie, et pour faire mieux distinguer les trois notes de la basse fondamentale d'un mode. Sans la dissonance ces trois notes portent toutes l'accord parfait, et la note tonique n'est distinguée des deux deux autres, que parce qu'elle peut seule terminer parfaitement ce mode. Par le moyen de la dissonance, la tonique, la dominante et la soudominante ont chacune un accord particulier, qui désigne le caractére de la note qui le porte.

La note tonique porte l'accord parfait; la dominante porte un accord de septiéme mineure, formé par une note qui fait un troisiéme accord de tierce sur les deux qui composent l'accord parfait; la soudominante porte un accord qu'on appelle de sixte-quinte, parce qu'il est composé de l'accord parfait, et d'une note qui est la sixte majeure de la note la plus basse de ce dernier accord. L'accord de sixte-quinte que porte la soudominante, vient d'un accord de septiéme, formé par l'addition d'une note, qui fait un troisiéme accord de tierce sous les deux qui composent l'accord parfait de la soudominante. De cet accord de septiéme on a formé l'accord de sixte-quinte, en mettant au lieu de la note ajoutée, son octave qui est la sixte majeure de la soudominante. Cette sixte doit monter d'un dégré, c'est-à-dire, être suivie d'une note plus haute d'un dégré, pendant que la basse fondamentale descend de quarte. La note qui fait la septiéme [-89-] sur la dominante, doit au contraire descendre d'un dégré, pendant que la basse fondamentale descend de quinte. Voyez l'exemple 11. [BETHEX3 02GF] L'accord parfait ne se chiffre pas, celui de septiéme est désigné par un 7, celui de sixte-quinte l'est par un 6 posé sur un 5.

Remarquez premier que la dominante et la soudominante se fournissent l'une à l'autre la note qui en altére l'accord. En C sol ut, la dissonance de sol dominant est fa octave de la soudominante, la dissonance de fa soudominante est re quinte de la dominante ou octave de cette quinte.

Deuxiéme Que la dissonance de la dominante et celle de la soudominante vont à la même note, l'une en descendant et l'autre en montant. Fa dissonance de sol dominante descend à mi, re dissonance de fa soudominante monte à mi. Ainsi c'est la médiante qui sauve l'une et l'autre dissonance.

Troisiéme Que l'accord de tierce ajouté par-dessous aux deux accords de tierce qui composent l'accord parfait de la soudominante, est le même que celui qui est ajouté par-dessus aux deux accords de tierce, dont l'accord parfait de la domin1 toerante est composé. C'est en C sol ut l'accord re fa, accord qui altére l'accord parfait de ces deux notes fondamentales et qui est lui-même altéré. Car re et fa forment en C sol ut, une tierce mineure diminuée d'un comma, comme vous le verrez dans la suite.

L'accord de septiéme qui a produit l'accord de sixte-quinte portée par la soudominante, a fait ajouter une quatriéme note aux trois notes qui composent la basse fondamentale d'un mode. Comme la note ajoutée par-dessous à l'accord parfait de la soudominante, porte cette accord de septiéme, qui n'est différent de l'accord de septiéme porté par la dominante, [-90-] qu'en ce que la tierce de cette note ajoutée est mineure, au lieu que la tierce de la dominante est majeure; on a regardé cette note ajoutée comme une dominante, comme dominante de la dominante, et on lui a donné le nom de dominante simple, et à l'autre celui de dominante-tonique. La soudominante du mode de C sol ut est fa. La note ajoutée au-dessous pour former la dissonance de cette soudominante, est un re. Ce re porte l'accord de septiéme re fa la ut, à peu près semblable à l'accord de septiéme sol si re fa, que porte la dominante sol. On a regardé pour cette raison ce re comme dominante de sol, et on en a fait une quatriéme note de la basse fondamentale du mode de C sol ut.

L'invention de la nouvelle dominante fait que la note ajoutée a un double emploi. Car on peut en conservant cette note, c'est-à-dire, en ne lui substituant point son octave pour faire l'accord de sixte-quinte, l'employer comme dissonance de la soudominante, ou comme dominante. Quand on l'employe comme dissonance, elle ne se trouve point dans la basse fondamentale mais dans la basse continue; quand on l'employe comme dominante, elle se trouve dans la basse fondamentale et elle est suivie de la dominante-tonique. Voyez l'exemple 12.[BETHEX3 02GF] Le re de la basse continue est une note ajoutée que j'emploie comme dissonance de fa soudominante; le re de la basse fondamentale est cette même note ajoutée que j'employe comme dominante. L'ut marqué d'un B. dans la partie la plus haute descend d'un dégré, parce qu'il est la septiéme d'une dominante; l'ut marqué d'un A, dans la même partie ne descend pas, parce qu'il n'est pas la septiéme d'une dominante, mais la quinte de la soudominante que la basse fondamentale offre au-dessous de lui.

[-91-] L'octave de la note ajoutée a de même un double emploi. Car on peut l'employer comme dissonance ou comme octave de la dominante simple du mode. Dans le premier cas il faut qu'elle se sauve en montant d'un dégré, pendant que la basse fondamentale va de la soudominante à la tonique: dans le second elle peut rester, pendant que la note qui fait septiéme sur la basse fondamentale se sauve, et que cette basse va de la dominante simple à la dominante-tonique. Vous verrez souvent la basse continue montant de la sou-dominante portant la sixte-quinte, à la dominante portant quelquefois l'accord qu'on appelle de sixte-quarte, et d'autres fois l'accord parfait ou celui de septiéme. Vous verrez, par exemple, en C sol ut l'accord fa la ut re, suivi tantôt de l'accord sol ut mi, et tantôt de l'accord sol si re ou de l'accord sol si re fa. Quand la dominante porte l'accord de sixte-quarte, l'octave de la note ajoutée a été employée comme dissonance. Quand la dominante porte l'accord parfait ou l'accord de septiéme, l'octave de la note ajoutée a été employée comme octave d'une dominante simple. Quand l'accord fa la ut re est suivi de l'accord sol ut mi, re a été employé comme dissonance. Quand ce premier accord est suivi de l'accord sol si re ou de l'accord sol si re fa, re a été employé comme octave de la dominante simple qui précéde la dominante tonique.

Par ce moyen du double emploi de la note ajoutée à l'accord parfait de la soudominante, on peut faire la basse fondamentale de l'échelle diatonique d'un mode, commencée et terminée par la tonique, on peut faire la basse fondamentale d'ut re mi fa sol la si ut. Voyez l'exemple 13.[BETHEX3 02GF] Le re de la basse fondamentale est dominante simple. Cette basse a quatre notes ut, sol, fa et re. Le re monte [-92-] de quarte à sol. Le mouvement de quarte en montant est le même que celui de quinte en descendant. Ainsi l'on peut dire que la basse fondamentale de cet exemple fait de suite deux mouvemens de quinte en descendant, celui de re à sol et celui de sol à ut. Le mouvement de quinte en descendant est le plus parfait de tous les mouvemens: la basse fondamentale le fait dans toute terminaison parfaite d'un mode. Le mouvement de quarte en descendant est moins parfait, mais il est meilleur que celui d'ut à re qu'on voit dans l'exemple. Celui-ci est un mouvement de seconde, occasionné par le double emploi de la dissonance de la soudominante: c'est un troisiéme mouvement que l'art a ajouté aux deux que la basse fondamentale du mode peut faire naturellement.

La perfection du mouvement de quinte en descendant, et l'invention d'une nouvelle dominante, ont donné lieu de multiplier les dominantes, en faisant faire consécutivement à la basse fondamentale trois, quatre ou même plus de mouvemens de quinte. Cette basse, par exemple, parcourt quelquefois cette suite de notes ut fa si mi la re sol ut, dans laquelle les notes fa si mi la sont des dominantes simples comme re, et portent comme lui l'accord de septiéme. Les suites de dominantes simples n'appartiennent à aucun mode, comme je le ferai voir. Ainsi je n'en dirai ici rien de plus. Elle feront la matiére de l'Article I du Chapitre VII.

Les notes qui forment les septiémes des dominantes, exigent certaines précautions dont il faut parler maintenant, puisque deux des quatre notes de la basse fondamentale du mode portent comme dominantes une septiéme. Ces précautions consistent à préparer et à sauver cette sorte de dissonance.

[-93-] On prépare de trois maniéres une septiéme, premier en la faisant précéder d'une note plus haute ou plus basse d'un dégré. Ainsi lorsqu'on veut mettre une septiéme sur un sol, si l'on met un mi immédiatement avant le fa qui fait cette septiéme, elle se trouvera préparée de la premiere maniére. Il en sera de même si l'on met un sol immédiatement avant ce fa, pourvu que ce sol n'ait point au-dessous de lui sol dans la basse fondamentale. Deuxiéme on prépare une septiéme par une note de son accord; mais il faut pour cela que la note de la basse qui doit porter la septiéme, paroisse auparavant sous cette note par laquelle on veut préparer la dissonance. Ainsi fa faisant la septiéme sur sol, peut être précédé par un sol ou par un si ou par un re, et la septiéme se trouve préparée de la seconde maniére, pourvu que sol paroisse dans la basse sous ce sol ou sous ce si ou sous ce re. Troisiéme On prépare une septiéme par la note même qui la forme, en faisant paroître cette note sur la note de basse qui précéde celle qui doit porter la septiéme. On sauve la septiéme premier en descendant sur une note plus basse d'un dégré, deuxiéme en descendant sur une des notes de son accord. Voyez les exemples 14, 15 et 16.[BETHEX3 02GF] Dans le 14, le fa qui fait deux fois la septiéme, est précédé la premiere fois par un mi, et la seconde fois par un sol. Dans le 15 où il fait aussi deux fois cet accord, il est précédé la premiere fois par un sol qui est de l'accord de septiéme, parce que la note de basse qui doit porter la septiéme paroît sous ce sol; il est précédé la seconde fois par un si et par un re qui sont de son accord. Dans le 16, il paroît sur le re comme tierce, avant que de paroître comme septiéme sur le sol qui suit ce re. Dans ces trois exemples, après [-94-] avoir fait la septiéme, il est suivi d'un mi, excepté dans le 15 à la lettre A, où il est suivi d'un re qui est de son accord.

On se dispense quelquefois de préparer la septiéme, sur tout lorsque la basse continue n'est pas la même que la basse fondamentale à l'endroit où paroît la septiéme. Voyez les exemples 17, 18 et 19.[BETHEX3 03GF] Toutes les notes marquées d'un A, font sur la basse fondamentale des septiémes sans préparation: celle de l'exemple 19 fait la septiéme sur les deux basses.

La troisiéme maniére de préparer une septiéme fait ce qu'on appelle une liaison. La liaison consiste dans une note commune à deux accords. Elle se trouve sur tous les mouvemens de quinte et de quarte que fait la basse fondamentale. Ainsi on l'apperçoit sur la basse fondamentale des modes, considérée dans son état naturel et avant l'invention de la dissonance. Voyez l'exemple 20.[BETHEX3 03GF] Quand la basse va d'ut à sol ou de sol à ut, sol dans une partie supérieure fait la liaison; quand elle va d'ut à fa, ou de fa à ut, la liaison est formée par ut dans une autre partie supérieure. On pourroit lier ensemble les trois ut consécutifs de la premiere partie pour en former un son continu, et lier de même les sol consécutifs de la seconde partie. Mais cette sorte de liaison ne feroit rien à l'harmonie. Des notes qui sont sur le même dégré et qui se suivent, sont regardées comme une seule et même note; et quand elles appartiennent à des accords différens, qu'elles soient liées ou non, elles en forment la liaison.

La liaison regne tant qu'un mode subsiste, et rien n'est mieux que de s'en servir, quand on passe d'un mode à un autre. Elle est double et quelquefois triple dans les enchaînemens de dominantes, comme on le verra dans la suite.

[-95-] Ce que j'ai dit sur les notes qui composent la basse fondamentale et sur sa marche en un même mode, est vrai, soit qu'on donne à ce mode la modulation majeure, soit qu'on lui donne la modulation mineure. Les notes et les mouvemens de la basse fondamentale sont les mêmes dans les deux modulations, excepté quand on employe un certain accord dont je parlerai bien-tôt; mais les accords de trois notes sont différens. Dans la modulation majeure, la tonique, la dominante et la soudominante portent une tierce majeure, et la dominante simple porte une quinte juste. Dans la modulation mineure, la tierce de la note tonique et celle de la soudominante sont mineures, et la quinte de la dominante simple est naturellement fausse: la dominante simple porte néanmoins quelquefois une quinte juste, parce que la sudominante qui forme cette quinte, va monter à la note sensible. Voyez les exemples 21, 22, 23,[BETHEX3 03GF] 24 25 et 26.[BETHEX3 04GF] Ils sont tous dans le mode naturel ou mineur d'A mi la, dont la dominante est mi, la soudominante est re, et la dominante simple est si. J'ai choisi ce mode naturellement mineur, parce qu'il a plus de relation qu'aucun autre mode naturellement mineur avec celui de C sol ut naturel ou majeur, qui m'a fourni tous les exemples que j'ai donnés jusqu'à présent dans ce Chapitre. Ces deux modes naturels ne demandent ni dieses ni bémols à la clef. Les accords de leurs notes toniques, qui sont l'accord ut mi sol et l'accord la ut mi, ont deux notes communes ut et mi.

En voyant les exemples remarquez qu'ils répondent chacun à un exemple précédent, que le 21 répond au 7, le 22 au 9, le 23 au 10, le 24 au 11, le 25 au 12 et le 26 au 13. Comparez ensemble ces [-96-] exemples, et vous appercevrez ce qu'il y a de semblable et ce qu'il y a de différent dans les accords fondamentaux des deux modes.

L'invention d'un certain accord qui est particulier à la modulation mineure, a introduit un cinquiéme son fondamental dans cette modulation. Cet accord est formé de deux accords, de celui de la dominante-tonique, et de celui de la soudominante ayant au-dessous d'elle sa dissonance. En A mi la naturel, l'accord de la dominante-tonique est mi sol [x] si re, l'accord de la soudominante ayant au-dessous d'elle sa dissonance est si re fa la. Unissez ces deux accords: vous aurez l'accord mi sol [x] si re fa la. Retranchez de cet accord-ci deux notes, la plus haute et la plus basse: vous aurez l'accord sol [x] si re fa. Ce dernier accord est un accord de septiéme diminuée, que l'on substitue quelquefois à celui de la dominante tonique; de maniére que la basse fondamentale au lieu d'aller de la note tonique ou de la dominante simple à la dominante-tonique, va à la note sensible: au lieu d'aller de la ou de si à mi, elle va à sol [x]. On peut, lorsque l'accord de dominante-tonique a paru, le faire suivre de l'accord de septiéme diminuée. On peut aussi faire succéder à ce dernier accord, celui dont il tient la place. Dans le premier cas la basse fondamentale va de mi à sol [x], dans le second cas elle va de sol [x] à mi. Elle peut même, après avoir passé de la dominante-tonique à la note sensible, revenir à la dominante-tonique, aller de mi à sol [x] et revenir à mi Voyez l'exemple 27.[BETHEX3 04GF] La note sensible est alors un cinquiéme son fondamental ajouté aux quatre notes fondamentales du mode, mais qui n'est introduit dans la basse fondamentale que pour y remplacer la dominante-tonique.

[-97-] Il ne me reste plus rien à dire au sujet des notes et des mouvemens de la basse fondamentale dans un mode, si ce n'est qu'on ne peut pas faire l'échelle diatonique de toutes les notes d'un mode, soit majeur soit mineur, en descendant, qu'en la commençant par la sudominante, comme dans l'exemple 28,[BETHEX3 04GF] où je commence l'échelle du mode d'ut par un la, et dans l'exemple 29,[BETHEX3 04GF] où je commence celle du mode de la par un fa.

Mais, dira-t-on, le chant ut si la sol fa mi re ut, qu'on appelle l'octave d'ut en descendant, n'est-il pas l'échelle diatonique du mode d'ut en descendant, comme le chant ut re mi fa sol la si ut en est l'échelle en montant? De même le chant la sol fa mi re ut si la n'est-il pas l'échelle du mode de la en descendant, comme le chant la si ut re mi fa [x] sol [x] la est en montant l'échelle de ce mode? Non. Car l'échelle d'un mode doit appartenir toute entiere à ce mode. Or le chant ut si la sol fa mi re ut n'appartient pas tout entier au mode d'ut, et le chant la sol fa mi re ut si la n'appartient pas tout entier au mode de la.

Quant à ce dernier chant, le sol y est naturel. Un sol naturel n'est point du mode de la. Le sol est toujours diese dans ce mode. Il y est pour l'ordinaire la tierce de mi qui paroît au-dessous de lui dans la basse fondamentale et qui n'y peut paroître que comme dominante tonique. Or il ne peut être la tierce de mi dominante tonique sans être diese, parce que la tierce d'une dominante tonique doit être majeure. Quand il n'est pas la tierce de mi, il est fondamental, ou octave d'une note fondamentale. Or il ne peut être fondamental ou octave d'une note fondamentale, que comme note sensible, caractére [-98-] qui dans ce mode lui fait porter un diese. Il ne peut donc pas être naturel dans ce mode. Ainsi le chant la sol fa mi re ut si la n'est pas tout entier dans le mode de la, et n'en est pas par conséquent l'échelle diatonique.

Toutes les notes qui composent le chant ut si la sol fa mi re ut, peuvent toutes chacune en particulier être du mode d'ut; mais elles ne peuvent pas lui appartenir toutes, lorsqu'elles forment ce chant. Car on ne peut faire la basse fondamentale de ce chant, sans sortir de ce mode. Voyez l'exemple 30.[BETHEX3 04GF] Je supose qu'on veut sans quitter ce mode faire cette basse. La basse fondamentale d'ut si en C sol ut est ut sol. Ainsi l'exemple présente ut sol sous ut si. Le si est suivi d'un la. Que mettre sous ce la? La basse fondamentale en C sol ut va toujours de sol à ut qui est indiqué par un guidon; mais un ut de basse fondamentale ne peut porter en C sol ut que l'accord parfait, il ne peut pas porter un la qui seroit une sixte. Il faut donc abandonner le mode d'ut pour faire la basse fondamentale d'ut si la sol fa mi re ut. D'où il suit que ce chant n'est point tout entier en C sol ut, et n'est point l'échelle diatonique de ce mode.

La basse fondamentale la plus naturelle de ce chant est celle de l'exemple 31.[BETHEX3 04GF] Les notes A, B, C sont du mode de G re sol; la note A en est la tonique, la note B en est la dominante-tonique, la note C en est d'abord tonique, et devient dominante-tonique du mode d'ut qui succéde à celui de G re sol. La reste de l'exemple est en C sol ut.

[-99-] CHAPITRE IV.

Des rapports des intervalles qui se trouvent dans les modes.

APrés avoir exposé le nombre des notes qui composent la basse fondamentale dans un mode, après avoir décrit les routes qu'elle parcourt tant qu'un même mode subsiste, et en avoir tiré l'échelle diatonique d'un mode majeur et celle d'un mode mineur; il faut encore, pour ne rien laisser à desirer par rapport aux modes, faire connoître exactement les intervalles qui se trouvent entre leurs notes.

J'ai déja parlé de ces intervalles dans l'Article II. du Chapitre I. de la Premiere Partie, et ce que j'en ai dit suffit pour la pratique. Car c'est assez pour ceux qui se bornent à la pratique, de sçavoir ce qu'il y a de tons et de demi-tons entre telle note d'un mode et une autre note du même mode, et ils n'ont qu'à lire cet Article pour s'en instruire. Mais cette connoissance des intervalles qui se trouvent entre les notes des modes, quoique suffisante pour ces personnes, est très-imparfaite en elle-même. Pour connoître parfaitement ces intervalles, il faut voir le rapport de chacun d'eux. Cette vue découvrira des choses dignes de la curiosité d'un homme d'esprit, qui fait son talent ou son amusement de l'art de la musique. Je vais donc exposer ces rapports. J'en tirerai ensuite ou j'avancerai à leur occasion plusieurs propositions de théorie, que je tâcherai de démontrer d'une maniére claire et à la portée du commun des lecteurs.

[-100-] Article Premier.

Exposition des rapports des intervalles qui se trouvent entre les notes des modes.

Lorsqu'il y a de la différance entre deux sons ou deux notes, il y a entr'elles ce qu'on appelle en musique un intervalle. On conçoit que plus la différence des deux sons est grande, plus est grand d'intervalle qui se trouve entr'eux.

On peut comparer la note tonique d'un mode à la sutonique, à la médiante, et ainsi de suite à toutes les autres notes de ce mode, à ses octaves propres et à toutes les octaves des autres notes: chaque comparaison offrira un intervalle particulier. On peut de même comparer la sutonique, ou la médiante, ou telle autre note qu'on voudra de ce mode aux autres notes. Ces comparaisons présenteront beaucoup d'intervalles nouveaux. Ainsi un mode offre un grand nombre de différens intervalles. Je veux les faire connoître tous parfaitement.

On connoît parfaitement un intervalle, ou, ce qui est la même chose, la grandeur d'un intervalle par son rapport. Mais qu'est-ce que le rapport d'un intervalle? Je l'ai fait sentir dans l'Article I. du Chapitre I. de la Premiere Partie: je voudrois en donner ici une définition claire.

Un intervalle est formé par deux sons différens. Chacun de ces sons consiste en des vibrations. Celles qui forment le son le plus haut se succédent avec plus de rapidité que celles qui forment le son le plus bas. Le plus et le moins de fréquence des vibrations fait la différence des deux sons, et par [-101-] conséquent la grandeur de l'intervalle qui les sépare.

Pour connoître donc parfaitement l'intervalle qui se trouve entre deux sons, il faut sçavoir combien le corps sonore qui rend le son le plus haut et le corps sonore qui rend le son le plus bas, font chacun de vibrations dans le même espace de tems, et comparer ensuite l'un à l'autre les deux nombres de vibrations faits dans le même espace de tems, chacun par l'un des deux corps sonores. La différence de ces deux nombres fera celle des deux sons et la grandeur de l'intervalle cherché.

Je puis à présent donner la définition du rapport d'un intervalle musical. Quand on parle du rapport de l'intervalle qui se trouve entre deux sons, le mot rapport signifie la même chose que comparaison. Ainsi le rapport d'un intervalle de cette espéce est une comparaison.

Le rapport d'un intervalle musical est la comparaison de deux nombres de vibrations, que forment pendant le même espace de tems deux corps sonores qui rendent deux sons, entre lesquels cet intervalle se trouve. Par exemple, le rapport du ton majeur est de 8 à 9. C'est la comparaison de 8 vibrations à 9 vibrations, ou de deux nombres de vibrations qui sont entr'eux comme 8 et 9; parce que deux corps sonores qui rendent deux notes entre lesquelles il y a un ton majeur, font dans tel espace de tems qu'on voudra supposer, l'un 8, l'autre 9 vibrations, ou bien l'un un certain nombre de vibrations et l'autre un autre nombre, par exemple, l'un 16 et l'autre 18 vibrations, desquels deux nombres le moindre est au plus grand, comme 8 est à 9.

[-102-] Les différens nombres de vibrations que forment deux cordes qui résonnent, viennent de la différente grosseur, ou de la différente longueur, ou de la différente tension de ces deux cordes, ou de plusieurs de ces causes à la fois. Plus une corde est grosse et longue, moins ses vibrations sont fréquentes, et plus le son qu'elle rend est grave. Plus une corde est rendue, plus ses vibrations sont fréquentes, et plus le son qu'elle rend est aigu. Quand deux cordes également grosses et tendues également rendent deux sons différens, cela ne peut venir que de l'inégalité de leur longueur. Si l'une est la moitié de l'autre, elle fait deux vibrations pendant que l'autre n'en fait qu'une, et rend l'octave au-dessus de son que l'autre rend. Si elle en est le tiers, elle fait trois vibrations contre une, et rend la douziéme au-dessus du son de l'autre; si elle en est le quart, elle fait quatre vibrations contre une, et rend la double octave; si elle en est le cinquiéme, elle fait cinq vibrations contre une, et rend la dix-septiéme majeure.

On peut tirer d'une même corde toujours également tendue des sons différens. Supposons une corde unique tendue sur un instrument, et qu'elle rende un ut. Si on la partage en deux par le moyen d'un chevalet, chaque moitié sera comme un corps sonore particulier, et rendra un ut octave de l'ut que rendoit la totalité. Si on la partage en trois par le moyen de deux chevalets, chaque tiers rendra sol douziéme de l'ut que rendoit la totalité. Si on la partage en quatre, chaque quart rendra la double octave de cet ut. Si on la partage en cinq, chaque cinquiéme rendra la dix-septiéme majeure de cet ut. On peut la partager en six, pour avoir l'octave [-103-] de sol douziéme; et en huit, pour avoir la triple octave de cet ut que rendoit toute la corde.

On peut encore, par le moyen d'un chevalet mobile, tirer de cette corde tous les sons de la gamme d'ut, et leurs octaves simples, doubles et triples. On peut même en tirer les gammes des autres notes.

Il résulte de tout ceci qu'en supposant toutes les notes rendues par un monocorde, c'est-à-dire, par un instrument qui n'auroit qu'une corde, on pourroit faire consister les rapports, des intervalles dans les comparaisons des différentes portions de la corde qui rendent chacune un son différent, comme dans les comparaisons des différens nombres de vibrations qui forment chacun un son particulier. Ainsi les rapports des intervalles que forment un ut, son octave, sa douziéme, sa double octave, sa dix-septiéme majeure, sa dix-neuviéme et sa triple octave s'expriment par 1, 2, 3, 4, 5, 6, 8, et peuvent s'exprimer par 1, 1/2, 1/3, 1/4, 1/5, 1/6, 1/8, qui sinifient toute la corde, sa moitié, son tiers, son quart, son cinquiéme, son sixiéme, son huitiéme. Chaque rapport tiré des longeurs, répond à un rapport tiré des vibrations, et lui est proportionellement opposé. La moitié répond au double, le tiers au triple, le quart au quadruple, et cetera. Par exemple, le rapport de l'intervalle de douziéme, tiré des vibrations est la comparaison de l'unité ou d'un certain nombre à son triple; tiré des longueurs, c'est la comparaison d'une certaine longueur de corde au tiers de cette longueur. C'est pourquoi on dit que les différens nombres de vibrations qui forment les intervalles, sont en raison renversée des longueurs.

En exposant les rapports des intervalles, je ne [-104-] les ferai point consister dans les comparaisons de différentes portions de corde, mais dans les comparaisons de différens nombres de vibrations. Cette derniere maniére ne suppose point, comme l'autre, un seul corps sonore ou une seule espéce de corps sonores, mais convient à tous les corps qui résonnent; elle n'est pas si embarrassante que l'autre, et elle est d un usage ordinaire.

Pour exposer les rapports des intervalles qui se trouvent dans un mode, il faut que je parcoure les notes de ce mode, et que je marque les différens nombres de vibrations que font dans un même espace de tems les corps sonores qui rendent ces notes. Après cela le lecteur, pour appercevoir ces rapports, n'aura qu'à prendre ces notes deux à deux de toutes les maniéres possibles, et à mesure qu'il en prendra deux, voir les nombres que j'aurai mis auprès d'elles: chaque fois qu'il verra ainsi deux nombres, il verra le rapport de l'intervalle qui se trouve entre les deux notes que ces nombres accompagneront.

Je ne me bornerai pas à parcourir les notes d'un mode. Je donnerai les échelles diatoniques de C sol ut, de G re sol et de D la re majeurs. J'y ajouterai même celles de ces trois modes avec la modulation mineure. Mais je ne mettrai dans celles-ci que les toniques, les médiantes et les sudominantes, parce que les sutoniques, les soudominantes, les dominantes est les sensibles sont les mêmes dans les deux modulations. Ainsi je donnerai six échelles. Chacune d'elles contiendra plusieurs octaves. Des raisons que l'on appercevra aisément, m'engagent à donner toutes ces échelles, et à les donner dans une si grande étendue.

[-105-] Les chiffres posés les uns sur les autres expriment des fractions d'un tout. Le nombre inférieur désigne l'espéce des parties du tout, et se nomme dénominateur; le supérieur marque le nombre de ces parties, et s'appelle numérateur. Par exemple, dans la fraction 4/5, 5 fait voir que le tout est divisé en cinq parties, dont on prend quatre désignées par le numérateur. Ainsi 1/2 signifie un moitié, 2/3 deux tiers, 3/4 trois quarts, 4/5 quatre cinquiémes, 7/8 sept huitiémes, 1 1/2 un et une moitié ou un et demi, 2 2/3 deux et deux tiers, 3 3/4 trois et trois quarts, 28 4/5 vingt-huit et quatre cinquiémes, 1 7/8 un et sept huitiémes.

Il faut commencer les colonnes par le bas. Ainsi la premiere colonne commence par la [rob] 1/5 dix-septiéme majeure au-dessous d'ut 1 principal ou tonique. L'échelle de C sol ut est continuée dans les colonnes suivantes, et finit à ut 128. L'échelle de G re sol majeur commence par mi [rob] 3/5 et finit à sol 96. Ainsi des autres.

[-106-] [Bethizy, Exposition, 106; text: Echelle diatonique du mode de C sol ut majeur. Harmonique. Principal ou tonique. Demi-ton majeur. Ton majeur. Ton mineur. fa, MI, re, UT, si, la, SOL, mi, sol, ut, LA, 5 1/3, 5, 4 1/2, 4, 3 3/4, 3 1/3, 3, 2 2/3, 2 1/2, 2 1/4, 2, 1 7/8, 1 2/3, 1 1/2, 1 1/3, 1 1/4, 1 1/8, 1, 0 2/3, 0 1/2, 0 1/3, 0 1/4, 0 1/5, 53 1/3, 48, 42 2/3, 40, 36, 32, 30, 26 2/3, 24, 21 1/3, 20, 18, 16, 15, 13 1/3, 12, 10 2/3, 10, 9, 8, 7 1/2, 6 2/3, 6] [BETHEX2 01GF]

[-107-] [Bethizy, Exposition, 107; text: Echelle diatonique du mode de G re sol majeur. Harmonique. Principal ou tonique. Demi-ton majeur. Ton majeur. Ton mineur. la, SOL, fa, mi, re, ut, si, sol, RE, 6 3/4, 6, 5 5/8, 5, 4 1/2, 4, 3 3/4, 3 3/8, 3, 2, 1 1/2, 1, 0 3/4, 0 3/5, 128, 120, 106 2/3, 96, 85 1/3, 80, 72, 64, 60, 54, 48, 45, 40, 36, 32, 30, 27, 24, 22 1/2, 20, 18, 16, 15, 13 1/2, 12, 11 1/4, 10, 9, 8, 7 1/2] [BETHEX2 02GF]

[-108-] [Bethizy, Exposition, 108; text: Echelle diatonique du mode de D la re majeure. Echelle du mode. Harmonique. Demi-ton majeure. Ton majeur. Ton mineur. Principal ou tonique. ut, si, LA, sol, fa, mi, RE, la, re, 33 3/4, 30, 27, 24, 22 1/2, 20 1/4, 18, 16 7/8, 15, 13 1/2, 12, 11 1/4, 10 1/8, 9, 6, 4 1/2, 3, 2 1/4, 1 4/5, 96, 90, 80, 72, 4 4/5, 4, 3 1/5, 2 2/5, 2, 1 2/5, 1 1/5, 1, 144, 135, 120, 108, 96, 90, 81, 72, 67 1/2, 60, 54, 48, 45, 40 1/2, 36] [BETHEX2 03GF]

[-109-] [Bethizy, Exposition, 109; text: Echelle du mode, de C sol ut mineur. Echelle du mode de D la re mineur. de G re sol mineur. si, sol, mi, ut, la, re, 14 2/5, 12, 9 3/5, 7 1/5, 6, 4 4/5, 3 3/5, 3, 128, 102 2/5, 76 4/5, 64, 51 1/5, 38 2/5, 32, 25 3/5, 19 1/5, 16, 12 4/5, 9 3/5, 8, 6 2/5, 144, 115 1/5, 86 2/5, 72, 57 3/5, 43 1/5, 36, 28 4/5, 21 3/5, 18, 14 2/5, 10 4/5, 9, 96, 76 4/5, 57 3/5, 48, 38 2/5, 28 4/5, 24, 19 1/5] [BETHEX2 04GF]

[-110-] J'ai marqué dans les trois premieres échelles, une note principale et ses harmoniques au-dessus et au-dessous. Ut 1 est la note principale de la premiere échelle. Pendant le même espace de tems qu'un corps sonore qui rendroit cette note seroit à faire une vibration, tous les corps sonores qui rendroient les autres notes de cette échelle et celles des cinq autres, feroient chacun le nombre de vibrations marqué par le chiffre qui accompagne la note qu'il rendroit. Par exemple, le corps sonore qui rendroit sol 1 1/2, feroit pendant cet espace de tems une vibration et demie, celui qui rendroit fa [x] 5 5/8 feroit cinq vibrations et cinq huitiémes de vibration; celui qui rendroit mi [rob] 9 3/5 feroit neuf vibrations et trois cinquiémes de vibration.

Il y a dans chacune des trois premieres échelles une octave où j'ai marqué les tons majeurs, les tons mineurs et les demi-tons majeurs. Ce que j'ai mis à une octave d'un mode, on peut le supposer marqué à toutes les autres octaves du même mode. Car les intervalles sont les mêmes dans toutes les octaves d'un mode tant qu'il conserve la même modulation.

On trouve dans une même octave trois tons majeurs, deux tons mineurs et deux demi-tons majeurs. Ces espéces d'intervalles se trouvent répétés dans les autres octaves. Il suit de-là que le rapport d'un intervalle peut être exprimé de bien des maniéres différentes. On voit dans l'octave de C sol ut où j'ai marqué les tons et les demi-tons, que le rapport du ton majeur est de 8 à 9, de 10 2/3 à 12, de 13 /3 à 15. On trouvera dans les autres octaves, qu'il est d'un à 1 1/8, de 2 à 2 1/4, de 16 à 18. et cetera. On verra aussi dans les échelles de G re [-111-] sol et de D la re majeurs, plusieurs autres maniéres de l'exprimer. Toutes ces maniéres offrent chacune deux chiffres ou nombres, dont le moindre est au plus grand ce que 8 est à 9. En voici la preuve. 1 est le neuviéme de 9, 8 contient huit fois 1 et par conséquent huit neuviémes de 9. Choisissez entre toutes les maniéres d'exprimer le rapport du ton majeur celle qu'il vous plaira: vous trouverez deux chiffres ou nombres, dont le moindre contiendra huit neuviémes du plus grand. Si, par exemple, vous choisissez celle qui exprime ce rapport par 2 comparé à 2 1/4, vous trouverez que 2 contiennent huit neuviémes de 2 1/4, parce qu'il y a neuf quarts dans ce dernier nombre, et qu'il y en a huit dans le premier.

Article II.

Propositions de théorie tirées des rapports des intervalles qui se trouvent dans les modes, ou démontrées à leur occasion.

Les échelles que j'ai données dans l'Article précédent, me donnent lieu de prouver sept Propositions.

Premiere Proposition.

Il ya a dans un même mode des notes qui forment des consonances qui ne sont pas parfaitement justes.

La sutonique et la soudominante d'un mode, forment ensemble une tierce mineure diminuée d'un comma; la sutonique et la sudominante d'un mode [-112-] forment ensemble une quinte diminuée aussi d'un comma.

La sutonique et la soudominante forment une tierce mineure diminuée d'un comma. Pour le prouver, je prends dans l'échelle de G re sol, la 27 sutonique de ce mode et ut 32 soudominante. Le rapport d'une tierce mineure juste est de 5 à 6, car mi en C sol ut forme avec sol une tierce mineure juste, et vous voyez dans l'échelle de ce dernier mode mi 5 et sol 6. Or le rapport de 27 à 32 n'est pas le même que celui de 5 à 6. La 27 et ut 32 ne forment donc pas ensemble une tierce mineure juste. Cette tierce est diminuée d'un comma. Car la 26 2/3 et ut 32 forment une tierce mineure juste: 26 2/3 sont à 32 comme 5 est à 6, c'est le même rapport. Or il y a un comma entre la 26 2/3 et la 27: ces deux nombres sont entr'eux comme 80 et 81. Il s'en faut par conséquent un comma, que la 27 ne forme une tierce mineure juste avec ut 32.

La sutonique et la sudominante forment une quinte diminuée d'un comma. Je prends pour exemple dans l'échelle de C sol ut, re 18 sutonique et la 26 2/3 sudominante. Le rapport d'une quinte juste est de 2 à 3. Car ut et sol en C sol ut forment une quinte juste, et vous voyez dans l'échelle de ce mode ut 2 et sol 3. Or le rapport de 18 à 26 2/3 n'est pas le même que celui de 2 à 3. Re 18 et la 26 2/3 ne forment donc pas une quinte juste. Cette quinte est diminuée d'un comma. Car re 18 et la 27 forment une quinte juste: 18 sont à 27 comme 2 à 3. Or il y a un comma entre la 26 2/3 et la 27. Ils s'en faut donc un comma que re 18 et la 26 2/3 ne forment une quinte juste.

[-113-] Seconde Proposition.

La division de l'échelle des Grecs en deux Tétracordes a été fort bien imaginée.

C'est une imperfection, que des notes forment ensemble des consonances altérées. Cette imperfection se trouve dans l'échelle des Grecs, comme dans la nôtre. Cette échelle en C sol ut est si ut re mi fa sol la. Re y forme avec fa un intervalle de tierce mineure diminuée d'un comma, et avec la un intervalle de quinte diminuée aussi d'un comma. La division de cette échelle en deux tétracordes ou échelles de quatre cordes, qui sont si ut re mi et mi fa sol la, fait disparoître cette imperfection. Car ces deux tétracordes tout-à-fait semblables sont parfaits chacun en particulier. On n'y apperçoit point les intervalles défectueux dont je viens de parler: ces intervalles ne se trouvent que dans l'union des deux tétracordes. Ainsi la division de l'échelle des Grecs en deux tétracordes a été fort bien imaginée.

Troisiéme Proposition.

Deux notes portant la même nom, n'ayant ni diese ni bémol qui les distingue l'une d'avec l'autre, et n'étant point l'octave l'une de l'autre, peuvent néanmoins n'être pas à l'unisson.

Il suffit pour la preuve de cette Proposition de renvoyer à l'inspection des trois premieres échelles. On trouve dans l'échelle de C sol ut majeur, [-114-] au-dessus de sol 12, la 13 1/3; et l'on voit dans les deux autres échelles, au-dessus du même sol 12, la 13 1/4. Aucun la en G re sol ni en D la re, n'a le même nombre qu'un la du mode de C sol ut. De même on trouve dans l'échelle de D la re majeur, au-dessus de re 9, mi 10 1/8, après avoir vû dans les deux autres échelles mi 10 au-dessus du même re 9. Aucun mi en D la re n'a le nombre d'un mi des deux premieres échelles.

La différence qui se trouve entre deux notes portant le même nom, n'ayant ni diese ni bémol qui les distingue, et n'étant point l'octave l'une de l'autre, vient de ce qu'elles sont données par différentes progressions.

Le mot progression est un terme qui exprime une suite de nombres, dans laquelle on trouve toujours la même proportion d'un nombre à l'autre, lorsque l'on compare chaque nombre avec le suivant. Ainsi cette suite de nombres 1, 2, 4, 8 est une progression qu'on appelle double, parce que chaque nombre est le double du précédent; cette suite 1, 3, 9, 27 est une progression triple, parce que chaque nombre est le triple du précédent; cette suite 1, 5, 25, 125 est une progression quintuple.

Lorsqu'on parcourt de suite dans les échelles les octaves au-dessus d'une note, on y trouve la progression double: on y voit ut 1, ut 2, ut 4, ut 8, et cetera. Sol 1 1/2, sol 3, sol 6, sol 12 et cetera. Cette progression est celle des octaves parce qu'un corps sonore rend l'octave d'une note, en faisant le double des vibrations qui fait le corps sonore qui rend cette note.

Lorsqu'on va de douziéme en douziéme en montant, on trouve la progression triple: on voit ut 1, [-115-] sol 3, re 9, la 27. Mais, direz-vous, dans l'échelle de C sol ut je vois la 26 2/3 comme douziéme de re 9. Il est vrai, mais cette douziéme est alterée d'un comma. La progression triple est celle des douziémes, parce qu'un corps sonore rend la douziéme d'une note, en faisant le triple des vibrations que fait le corps sonore qui rend cette note.

Lorsqu'on va de dix-septiéme majeur en dix-septiéme majeure en montant, on trouve la progression quintuple: on va d'ut 1 à mi 5, dont la dix-septiéme majeure est sol [x] 25. La progression quintuple est celle des dix-septiémes majeures, parce qu'un corps sonore rend la dix-septiéme majeure d'une note, en faisant le quintuple des vibrations que fait le corps sonore qui rend cette note.

Remarquez premier qu'en prenant une note et la suite de ses octaves, on reste toujours dans le même mode; deuxiéme qu'en partant d'une tonique pour parcourir des douziémes en montant, on sort du mode au troisiéme mouvement, qu'en partant d'ut 1 tonique de C sol ut, on va à sol 3 et à re 9 qui sont de ce mode, ensuite à la 27 qui n'en est pas; troisiéme qu'en partant d'une tonique pour parcourir de même des dix-septiémes majeurs, on sort du mode au second mouvement, qu'en partant d'ut 1 tonique de C sol ut, on va à mi 5 qui est de ce mode, ensuite à sol [x] 25 qui n'en est pas. Si l'on vouloit continuer cette derniere suite, on seroit bien-tôt hors des modes d'usage. Après sol [x] 25 on iroit à si [x] 125, ensuite à re [x][x] 625. Ainsi la progression triple ne peut offrir que deux mouvemens dans un même mode, et la progression quintuple n'en offre jamais qu'un.

[-116-] Ces deux progressions sont la cause de la différence qui se trouve entre les la du mode de C sol ut majeur, et ceux des modes de G re sol et de D la re; entre les mi de C sol ut et de G re sol majeurs, et ceux de D la re. La, en C sol ut majeur, a pour basse fondamentale naturelle fa: il est la dix-septiéme majeure de fa 1/3 soudominante de ce mode, ou une des octaves de cette dix-septiéme. C'est la progression quintuple qui donne les dix-septiémes majeures. Le quintuple d'un tiers est cinq tiers ou un et deux tiers. Ainsi la dix-septiéme majeure de fa 1/3 est la 1 2/3. Par la progression double qui donne les octaves en dessus, en partant du nombre 1 2/3 on trouve 3 1/3, 6 2/3, 13, 1/3 26 2/3, 53 1/3, 106 2/3; et ce sont les nombres qui accompagnent les la du mode de C sol ut majeur. La, en G re sol et en D la re, a pour basse fondamentale naturelle re. Il est douziéme de re 9 dominante-tonique du mode de G re sol et tonique du mode de D la re, ou une des octaves de cette douziéme. C'est la progression triple qui donne les douziémes. Le triple de 9 est 27. Ainsi la douziéme de re 9 est la 27. Par la progression double on trouve pour octaves au-dessus de la 27, la 54 et la 108. Par une progression contraire qu'on appelle soudouble, qui donne les octaves en descendant, et suivant laquelle chaque nombre est la moitié du précédent, on trouve pour octave au-dessous de la 27, la 13 1/2, la 6 3/4, la 3 3/8. Tous ces la sont ceux des échelles de G re sol et de D la re majeurs.

On voit à présent que les la du mode de C sol ut sont différens de ceux des modes de G re sol et de D la re, parce qu'un des la du mode de C sol ut est donné par la progression quintuple, et que les [-117-] autres en sont les octaves; au lieu qu'en G re sol et en D la re, un des la est donné par la progression triple, et les autres sont ses octaves. Ces deux progressions sont aussi la cause de la différence qui se trouve entre les mi de C sol ut et de G re sol majeurs, et ceux de D la re. Mi, en C sol ut et en G re sol majeurs, a pour basse fondamentale naturelle ut 1: un des mi de ces modes est la dix-septiéme majeure de cette ut, il est par conséquent donné par la progression quintuple, et les autres mi sont ses octaves. Mi, en D la re, a pour basse fondamentale naturelle la 27: un des mi de ce mode est la douziéme de la 27, il est donné par la progression triple, et les autres mi sont les octaves de cette douziéme.

Il faut remarquer ici, à l'occasion de ces deux progressions, que certains modes qui peuvent avec le mode principal se trouver dans un chant, sont doubles suivant la théorie, quoique suivant la pratique chacun d'eux soit un seul et unique mode; qu'il y a, par exemple, suivant la théorie deux modes de D la re, et deux modes d'A mi la, qui peuvent paroître dans un chant dont le mode principal est celui de C sol ut majeur.

Quand un chant dont le mode principal est celui de C sol ut majeur, passe de ce mode à celui de F ut fa, et de celui de F ut fa à celui de D la re; la note tonique de ce dernier doit être un re tierce mineure juste au-dessous de fa, et par conséquent plus bas que le re de la premiere échelle qui forme avec fa une tierce diminuée d'un comma, comme en G re sol la ne forme avec ut qu'une tierce ainsi diminuée, ce que j'ai démontré au sujet de la premiere proposition. Mais quand ce chant passe de C sol ut au mode de G re sol, et de celui de G re [-118-] sol à celui de D la re; la note tonique de ce dernier doit être un re quinte au-dessus de sol ou quarte juste au-dessous: il est alors le même que dans la premiere échelle. De même quand ce chant passe du mode d'ut à celui d'A mi la, la note tonique doit être un la de la premiere échelle; quand il passe du mode d'ut à celui de G re sol, de celui de G re sol à celui de D la re, et de celui de D la re à celui d'A mi la; la note tonique de ce dernier doit être un la de la seconde échelle, ou, ce qui est la même chose, de la troisiéme.

La différence de ces deux re et de ces deux la vient de ce que dans le premier cas re est donné par la progression quintuple, comme dix-septiéme majeure ou octave de la dix-septiéme majeure de si [rob] 1/9 douziéme juste au-dessous de fa 1/3 soudominante de C sol ut, et que dans le second il est donné par la progression triple, comme douziéme ou octave de la douziéme de sol 3; de ce que dans le premier cas la est donné par la progression quintuple, comme dix-septiéme majeure de fa, et que dans le second il est donné par la progression triple, comme douziéme de re.

Quatriéme Proposition.

Après avoir entonné avec justesse ut mi, si l'on entonnoit parfaitement les notes ut sol re la mi de l'exemple 32;[BETHEX3 05GF] le second mi seroit plus haut d'un comma que le premier, quoique ces deux mi soient naturels et placés sur la même ligne.

Je suppose que le premier ut est ut 16: cet ut seroit suivi de mi 20 qui en est la tierce majeure juste. [-119-] Après mi on reviendroit à ut 16, on iroit ensuite à sol 24 et à re 18. Ce re seroit suivi non de la 26 1/3 (car ce la n'en est pas la quinte parfaitement juste, comme je l'ai démontré) mais de la 27, qui en est la quinte parfaite. Après la 27 on iroit à mi 20 1/4: cette derniere note est la quarte juste au-dessous de ce la; elle est la double octave au-dessous de mi 81, qui est la douziéme au-dessus de ce même la dont il a trois fois le nombre. Or mi 20 1/4 est plus haut d'un comma que mi 20. Car 20 est à 20 1/4 comme 80 à 81. Si l'on entonnoit donc parfaitement les notes ut mi ut sol re la mi, on feroit le dernier mi plus haut d'un comma que le premier. Voyez l'exemple 32.[BETHEX3 05GF]

Cinquiéme Proposition.

Si l'on entonnoit les notes sol ut la re sol de l'exemple 33,[BETHEX3 05GF] en faisant les intervalles justes; on feroit le second sol plus bas d'un comma que le premier.

Cet exemple est de Monsieur Hughens qui fait cette proposition, sçavoir si l'on entonnera les deux sol à l'unisson dans cet ordre de sons sol 24, ut 32, la 27, re 36, sol 24. Monsieur Rameau qui rapporte cette proposition page 86 de la génération harmonique, la résout en ces termes. "Nous dirons d'abord aprés Monsieur Hughens, qu'on ne peut entonner le dernier sol à l'unisson du premier, si l'on donne à chaque consonance sa juste proportion dans cet ordre de sons, c'est-à-dire, si l'on y chante juste, puisqu'il s'y trouve une tierce mineure de 32 à 27 diminuée d'un comma, laquelle étant entonnée de 5 à 6, comme le doit suggérer la [-120-] résonance du corps sonore, qui lui assigne ce dernier rapport, le dernier sol devra se trouver pour lors un comma plus bas que le premier."

Cette solution est très-claire pour ceux qui sont versés dans la théorie de la musique, et ce que j'ai dit au sujet de ma premiere proposition, doit faire comprendre ce que Monsieur Rameau dit ici. En effet j'ai prouvé que la 27 et ut 32 ne formoient pas ensemble une tierce mineure juste, mais une tierce mineure, diminuée d'un comma; d'où il s'ensuit que si l'on entonnoit sol 24, ut 32, la 27, re 36, sol 24, on ne feroit pas tous les intervalles justes, puisqu'en passant d'ut 32 à la 27, on n'iroit pas à la tierce mineure juste au-dessous d'ut. Pour faire justes tous les intervalles, il faudroit aller d'ut 32 à la 26 2/3 qui est la tierce mineure juste au-dessous de cet ut, ensuite à re 35 5/9 qui est la quarte juste au-dessus de ce la, enfin à sol 23 19/27 qui est la quinte juste au-dessous de ce re.

Si l'on demande la preuve de ce que re 35 5/9 est la quarte juste au-dessus de la 26 2/3, et de ce que sol 23 19/27 est la quinte juste au-dessous de re 35 5/9, la voici.

Le rapport de la quarte juste est de 3 à 4. Sol et ut en C sol ut forment une quarte juste, et vous voyez dans l'échelle de ce mode sol 3 et ut 4. Ainsi la quarte juste au-dessus d'une note, doit être accompagnée d'un nombre qui contienne celui de la note dont elle est la quarte, et de plus le tiers de ce dernier nombre, comme 4 contiennent 3 et de plus une unité qui est le tiers de trois. Or 35 5/9 égalent 26 2/3, plus 8 8/9 qui sont le tiers de 26 2/3. Re 35 5/9 est donc la quarte juste au-dessus de la 26 2/3.

[-121-] Le rapport de la quinte juste est de 2 à 3. Ainsi la quinte juste au-dessous d'une note doit être accompagnée d'un nombre qui soit les deux tiers de celui de la note dont elle est la quinte, comme 2 sont les deux tiers de 3. Or 23 19/27 sont les deux tiers de 35 5/9. Sol 23 19/27 est donc la quinte juste au-dessous de re 35 5/9.

Sol 23 19/27 est un comma plus bas que sol 24; car 23 19/27 font à 24 comme 80 à 81. Ainsi une personne qui formeroit parfaitement les intervalles de l'exemple, feroit le dernier sol un comma plus bas que le premier, puisqu'elle entonneroit sol 24, ut 32, la 26 2/3, re 35 5/9, sol 23 19/27. Voyez l'exemple 33.[BETHEX3 05GF]

Sixiéme Proposition.

Une voix juste ne chante pas toujours juste, si l'on prend ce terme à la rigeur.

Une voix juste entonneroit de même les deux mi de l'exemple 32.[BETHEX3 05GF] Or pour entonner parfaitement les deux mi de cet exemple, il faut faire le second plus haut d'un comma que le premier, comme je l'ai démontré. Une voix juste ne chante donc pas toujours juste, si l'on prend ce terme à la rigeur.

Quelqu'un dira peut-être que je suppose gratuitement, qu'une voix juste entonneroit de même les deux mi. En voici la preuve. Si une voix juste n'entonnoit pas de même les deux mi, et faisoit le second plus haut d'un comma, comme la justesse l'exige; il s'ensuivroit que si cette voix répétoit trente fois de suite l'exemple, prenant à chaque répétition l'ut qui le commence une tierce majeure juste au-dessous de dernier mi, elle se trouveroit [-122-] avoir monté de trente commas, c'est-à-dire, de plusieurs tons. Or c'est ce qui n'arrivera jamais à une voix juste. On en peut fair l'expérience.

Septiéme Proposition.

Dans l'octave ut re mi fa sol la si ut accompagnée de la maniére ordinaire, le sol et le la ne sont point du mode de C sol ut.

Cette proposition paroîtra sans doute singuliere à bien des Lecteurs. Rien néanmoins n'est plus facile que de la prouver. Voyez l'exemple 34.[BETHEX3 05GF] Chacune des notes de la basse continue de cet exemple, porte sur elle l'accord qu'on a coutume de lui donner, quand cette basse parcourt l'octave de C sol ut en montant. Le second sol de la basse fondamentale n'est point du mode de C sol ut. Car un sol fondamental, dans le mode de C sol ut, doit porter ou pouvoir porter l'accord de septiéme comme dominante-tonique, et doit être suivi d'un ut, à moins qu'on ne quitte ce mode, auquel cas il ne peut être suivi que d'un la ou d'un mi. Or le second sol de la basse fondamentale ne porte point et ne peut point porter l'accord de septiéme, et il est suivi de re. Il n'est donc point du mode de C sol ut. D'où il suit que la note A de la basse continue qui est l'unisson de ce second sol de la basse fondamentale n'est point non plus de ce mode. Mais, dira-t-on, les Maîtres appellent cette note A la dominante. Il est vrai. Mais ce langage dément le systême que j'expose, ou ne signifie autre chose sinon que sol en général est dominante de C sol ut, et que le sol de la basse continue seroit cette dominante, si le mode subsistoit. On me demandera peut-être de quel mode est ce sol. [-123-] Je répondrai qu'il est d'une certaine espéce de notes qui portent l'accord parfait comme les toniques, et qui ne sont d'aucun mode. Je parlerai de ces notes dans le Chapitre VII. La note B de la basse continue n'est pas non plus du mode de C sol ut. C'est un la donné par la progression triple. Il est la quinte juste du re fondamental qui est au-dessous de lui, et il n'est point du nombre des la de l'échelle de C sol ut, qui ont pour basse fondamentale naturelle fa soudominante.

Pour accompagner l'octave ut re mi fa sol la si ut en conservant toujours le mode de C sol ut, il faut substituer aux cinq dernieres mesures de l'exemple 34 les cinq mesures de l'exemple 35, ou celles de l'exemple 36.[BETHEX3 05GF] Le sol de la basse continue de ces deux derniers exemples est dominante tonique, et le la est de la premiere échelle. Il faut remarquer néanmoins que la dans ces deux exemples a pour basse fondamentale re. Mais il n'est pas la quinte juste de ce re, parce que ce re n'est pas sa basse fondamentale naturelle, mais une basse fondamentale que l'art a donnée, en faisant de ce re dissonance de la soudominante une dominante simple. Il en est la quinte altérée, il est le même que si sa basse fondamentale étoit fa, et quoique porté par un re fondamental, il est engendré de fa par la progression quintuple.

Voilà les sept propositions que je me suis engagé de démontrer, par le moyen ou à l'occasion des échelles diatoniques, où j'expose les rapports des intervalles qui se trouvent en différens modes. Pour terminer ce Chapitre, je rassemblerai dans une seule Table, les rapports des différentes espéces d'intervalles qui peuvent se trouver entre deux notes, soit d'un même mode, soit de deux modes différens.

[-124-] Rapports des différentes espéces d'intervalles.

Le comma ordinaire qui fait la différence du ton majeur au mineur, est de 80 à 81. Exemple mi 80, mi 81.

J'ai dit dans la Premiere Partie qu'il y avoit deux autres commas, l'un de 2025 à 2048, l'autre de 524288 à 531441. Le premier de ces deux commas est plus petit, le dernier est beaucoup plus grand que le comma ordinaire.

Le demi-ton mineur est de 24 à 25. Sol 24, sol [x] 25.

Le demi-ton majeur est de 15 à 16. Si 15, ut 16.

La différence qui se trouve entre les deux demi-tons, est un quart de ton qu'on appelle enharmonique, et dont le rapport est de 125 à 128. Si [x] 125 dix-septiéme majeure de sol [x] 25 forme cet intervalle avec ut 128. Ce quart de ton n'est pas la quatriéme partie d'un ton: il est moindre qu'elle. Il est composé du comma de 80 à 81, et de celui de 2025 à 2048.

Le ton mineur est de 9 à 10. Re 9, mi 10.

Le ton majeur est de 8 à 9. Ut 8, re 9.

La différence du ton majeur au mineur, est le comma de 80 à 81.

L'intervalle de tierce mineure diminuée d'un comma est de 27 à 32. La 27, ut 32.

Cet intervalle est composé d'un ton mineur et d'un demi-ton majeur.

L'intervalle de tierce mineure est de 5 à 6. Mi 5, sol 6.

L'intervalle de tierce majeure est de 4 à 5. Ut 4, mi 5.

[-125-] L'intervalle de quarte est de 3 à 4. Sol 3, ut 4.

Celui de triton est de 32 à 45. Ut 32, fa [x] 45.

Celui de fausse-quinte est de 45 à 64. Fa [x] 45, ut 64.

Celui de quinte diminuée d'un comma est de 27 à 40. La 27, mi 40.

Cet intervalle est composé d'un ton majeur, de deux tons mineurs et d'un demi-ton majeur.

Celui de quinte est de 2 à 3. Ut 2, sol 3.

Celui de quinte superflue est de 16 à 25. Ut 16, sol [x] 25.

Ce sol [x] est la dix-septiéme majeure de mi 5.

L'intervalle de sixte mineure est de 5 à 8. Mi 5, ut 8.

Celui de sixte majeure est de 3 à 5. Sol 3, mi 5.

Celui de septiéme diminuée est de 75 à 128. Re [x] 75, ut 128.

Ce re [x] est la dix-septiéme majeure de si 15.

L'intervalle de septiéme mineur est de 9 à 16. Re 9, ut 16.

Celui de septiéme majeure est de 8 à 15. Ut 8, si 15.

Celui de l'octave est de 1 à 2. Ut 1, ut 2.

Chacun de ces rapports est celui d'un intervalle moindre que l'octave, excepté le dernier, qui est celui de l'octave même. Si des deux nombres qui expriment le rapport d'un intervalle on double le plus grand; on aura le rapport d'un intervalle bien plus grand, mais qui pour l'ordinaire est regardé comme le premier intervalle. Par exemple, le rapport de la tierce majeure est de 4 à 5. Doublez 5: vous aurez le rapport de 4 à 10, qui est celui de la dixiéme majeure. Le rapport de la quinte est de 2 à 3. Doublez 3: vous aurez le rapport de 2 à 6, qui [-126-] est celui de la douziéme. L'intervalle de dixiéme majeure est regardé comme celui de tierce majeure, et celui de douziéme comme celui de quinte.

CHAPITRE V.

Du Tempérament.

ON a vû dans le Chapitre dernier, qu'il y a dans le même mode des notes qui forment des consonances diminuées, et que la voix la plus juste ne chante pas toujours avec une parfaite justesse. Ces propositions me conduisent naturellement à l'exposition de ce qu'on appelle tempérament en musique. Car des consonances diminuées sont des consonances tempérées; et une voix juste, lorsqu'elle abandonne la parfaite justesse, tempére ses sons.

Le Tempérament est l'altération des notes qu'on porte plus haut ou plus bas qu'elles ne doivent être naturellement.

Le tempérament, considéré en lui-même, est par conséquent un défaut, mais un défaut très petit; car il échappe aux oreilles les plus délicates.

Le tempérament est nécessaire à la musique. Sans son secours on ne peut faire une bonne partie des instrumens, ni accorder les autres.

Plusieurs instrumens rendent de la même maniére deux notes différentes, par exemple, re [x] et mi [rob], dont l'un devroit former un demi-ton mineur, et l'autre un demi-ton majeur avec re naturel: un son mitoyen entre ces deux notes tient la place de re [x] en certains modes, et de mi [rob] en [-127-] d'autres modes. Ces instrumens offrent des demi-tons, des tons, des tierces, des quintes et d'autres intervalles plus ou moins altérés; et l'harmonie qu'ils rendent, n'est qu'une suite perpétuelle d'accords plus ou moins défectueux. Le tempérament fait l'imperfection de ces instrumens, et cette imperfection est inévitable. Sans elle ils ne pourroient point exécuter en différens modes. Il faut la souffrir ou rejetter ces instrumens.

Les autres instrumens ont moins besoin du secours du tempérament; mais ils en on besoin, et ne peuvent s'en passer. Je prends pour exemple le violon. Aucun instrument n'est plus parfait que lui: néanmoins de telle maniére qu'on l'accorde, il rend toujours des consonances altérées. Il a quatre cordes qui sont à la quinte l'une de l'autre, et qui rendent les notes sol, re, la, mi de l'exemple 37.[BETHEX3 05GF] Si vous l'accordez de maniére que sol re, re la, la mi forment trois quintes justes; le mi fera l'octave de la sixte majeure de sol, mais une octave trop haute d'un comma. Je suppose que la plus grosse corde rend sol 12, la voisine rendra re 18, celle d'après rendra la 27, et la chanterelle mi 40 1/2. Car le rapport de l'intervalle de quinte juste est de 2 à 3. Or 12 sont à 18, 18 sont à 27, 27 sont à 40 1/2, comme 2 à 3. Mi 40 1/2 est plus haut d'un comma que mi 40, et mi 40 est l'octave juste de la sixte majeure de sol 12. Car mi 40 est l'octave juste de mi 20. Or mi 20 est la sixte majeure de sol 12. Le rapport de la sixte majeure est de 3 à 5, et 12 sont à 20 comme 3 à 5. Ainsi l'on ne peut accorder les quatre cordes du violon à la quinte juste l'une de l'autre, sans faire une octave altérée de sixte majeure, ou, ce qui est la même chose, [-128-] une sixte majeure altérée. Cette altération de la sixte que la chanterelle forme sur le son de la plus grosse corde, occasionne l'altération d'autres consonances. Car le mi que rend la chanterelle n'étant pas parfaitement d'accord avec le sol que rend la plus grosse corde, il est impossible que les ut et que les si soient en même temps parfaitement d'accord avec ce mi et avec ce sol.

Pour adoucir la dureté de cette sixte majeure, il faut diminuer un tant soit peu les quintes, et c'est ce que font les habiles Maîtres. Tous les instrumens, jusqu'au violon même, ont par conséquent besoin du tempérament, et sans le tempérament il n'y auroit point d'instrument de musique.

Le tempérament n'est pas le même sur tous les instrumens. Celui de la viole n'est pas le même que celui du violon, ni celui du violon le même que celui de la flute. Je n'entrerai point dans le détail de ces différens tempéramens. Je me bornerai à parler de celui du clavecin.

Il y a deux maniéres d'accorder le clavecin, une ancienne qui est encore assez communement en usage, et une nouvelle qui a été trouvée par Monsieur Rameau.

Suivant l'ancienne, ut sol, sol re, re la, la mi forment des quintes assez foibles, pour que mi se trouve la tierce majeure juste d'ut; mi si, si fa [x], fa [x] ut [x], ut [x] sol [x] forment aussi des quintes foibles, mais moins que les premieres; fa ut, si [rob] fa, mi [rob] si [rob] forment des quintes qu'on a fortifié de maniére que sol [x] ou la [rob] forme avec re [x] ou mi [rob] une quinte à peu près juste. Voyez l'exemple 38.[BETHEX3 05GF] Toutes les autres notes du clavecin sont les octaves justes de celles de l'exemple.

[-129-] Suivant la maniére de Monsieur Rameau, ut sol, sol re, re la, la mi, mi si, si fa [x], fa [x] ut [x], ut [x] sol [x], sol [x] re [x], re [x] la [x], la [x] mi [x], mi [x] si [x] forment des quintes affoiblies, mais fort peu et le plus également qu'il est possible. Voyez l'exemple 39.[BETHEX3 05GF] Toutes les autres notes du clavecin sont les octaves justes de celles de l'exemple.

Par cette maniére-ci il ne manque pour la parfaite justesse de chaque quinte, que la douziéme partie d'un comma plus grand que celui de 80 à 81. Ce défaut est bien leger, et ne se trouve dans les quintes, que parce qu'il est impossible de les rendre toutes parfaitement justes. Pour comprendre ceci, remarquez qu'il y a douze quintes dans l'exemple, et que la douziéme est formée par mi [x] et si [x]. Ce si [x] est rendu sur le clavecin par la même touche qui rend ut naturel que vous voyez auprès de lui. Cet ut naturel est l'octave du premier ut de l'exemple. Le si [x] est par conséquent sur le clavecin le même son que cette octave. Or si toutes les quintes étoient justes; le si [x] seroit plus haut que cette octave, de la valeur du comma dont je viens de parler.

Pour vous en convaincre, donnez au premier ut de l'exemple le chiffre 1. La douziéme au-dessus de cet ut sera sol 3, la douziéme au-dessus de sol 3 sera re 9. Allez ainsi de douziéme en douziéme jusqu'à ce que vous soyez parvenu à si [x]: il aura pour nombre 531441. Revenez à ut 1. L'octave au-dessus de cet ut sera ut 2, l'octave d'ut 2 sera ut 4. Parcourez ainsi les octaves d'ut en montant: vous trouverez ut 524288. Cet ut est, comme vous le voyez plus bas que si [x] 531441, et la différence de ces deux notes est un espéce de comma, dont on attribue la [-130-] découverte à Pythagore, et dont le rapport est par conséquent de 524288 à 531441. Cette même différence se trouveroit entre l'octave simple d'ut 1 et le si [x] de l'exemple, si toutes les quintes en étoient justes. Ce si [x] seroit une des octaves au-dessous de si [x] 531441, et surpasseroit l'octave simple au-dessus d'ut 1, comme si [x] 531441 surpasse ut 524288, c'est-à-dire, du comma de Pythagore. Vous voyez présentement qu'il est impossible que toutes les quintes soient justes sur le clavecin, qu'il faut les affoiblir toutes ou en partie, et qu'en les affoiblissant toutes également, leur diminution n'est pour toutes les quintes ensemble que de la valeur du comma de Pythagore, et pour chacune que de la douziéme partie de ce comma; ce qui fait une altération fort petite.

Voilà les deux maniéres d'accorder le clavecin. Quelle est la meilleure? Je n'oserois décider, mais je vais exposer les avantages et les défauts de l'une et de l'autre.

Par l'ancienne plusieurs tierces sont beaucoup moins altérées que par la nouvelle, mais plusieurs quintes le sont beaucoup plus. Il se trouve entre les modes une variété qui rend les uns guais et brillans, les autres tristes et sombres; mais il y a des modes dont les notes sont si altérées, qu'ils sont insupportables à une oreille délicate.

Par la maniére de Monsieur Rameau, les quintes ont toute la perfection qu'on peut leur donner, le tempérament tombe principalement sur les tierces, il n'y a nulle variété entre les modes, parce que tous les demi-tons sont parfaitement égaux, aucun mode n'est par conséquent plus propre à une expression qu'un autre mode, aucun n'est plus défectueux [-131-] que les autres. Comme l'altération des tierces est ce qu'on reproche le plus à Monsieur Rameau, il fait pour se justifier ce raisonnement. "Sur quoi, dit-il (page 103 de la Génération harmonique) doit tomber la correction (l'altération) si ce n'est sur ce qu'il y a de moins parfait? Si vous n'osez altérer l'octave qui est plus parfaite que la quinte, pourquoi altérez-vous celle-ci plûtôt que la tierce, qui est moins parfaite qu'elle? Vous voyez vous-même, que le ton moins parfait que la tierce, et que le demi-ton moins parfait encore s'altérent à proportion de leurs imperfections, sans que l'oreille en soit offensée; elle ne sent pas la différence d'un comma entre le ton majeur et le mineur, elle ne sent pas, non plus, la diminution de l'un, ni l'augmentation de l'autre dans le tempérament; il en est de même des demi-tons, qui dans leur origine différent d'un quart de ton: ainsi, l'ordre de l'altération possible entre les intervalles vous est tellement assigné par la nature, qu'il est étonnant que vous y fassiez si peu d'attention."

Quelque tempérament qu'on choisisse pour accorder le clavecin, la plûpart des intervalles y sont défectueux, et par conséquent la plûpart des accords y sont faux; car la justesse des intervalles fait celle des accords.

Cet instrument rend de la même maniére deux notes, dont l'une doit faire un demi-ton mineur avec la note qui est immédiatement au-dessous, et l'autre un demi-ton majeur avec cette même note, par exemple, re [x] et mi [rob], dont l'un qui est re [x] doit faire un demi-ton mineur, et l'autre qui est mi [rob] doit faire un demi-ton majeur avec re naturel. [-132-] Deux sons rendus par cet instrument forment tantôt un accord de tierce mineure, et tantôt un accord de seconde superflue. Par exemple, deux sons forment tantôt l'accord de tierce mineure re [x] fa [x], et tantôt l'accord de seconde superflue mi [rob] fa [x]. Deux autres sons forment tantôt l'accord de triton ut fa [x], et tantôt l'accord de fausse-quinte ut sol [rob]. Deux sons qui forment une quinte superflue, forment une autre fois une sixte mineure; et deux sons qui forment dans un mode une sixte majeure, peuvent en un autre mode former une septiéme diminuée. La tierce mineure, la sixte mineure et la sixte majeure sont des consonances. La seconde superflue, la quinte superflue et la septiéme diminuée sont des dissonances.

Il n'y a par conséquent sur le clavecin aucune différence physique ou réelle entre le demi-ton mineur et le demi-ton majeur, entre la seconde superflue et la tierce mineure, entre le triton et la fausse-quinte, entre la quinte superflue et la sixte mineure, entre la sixte majeure et la septiéme diminuée, entre une consonance et une dissonance.

Comment deux sons peuvent-ils former tantôt un accord et tantôt un autre, tantôt un accord consonant et tantôt un accord dissonant? C'est par le moyen de ce qui précéde. La succession fondamentale fait sentir à l'oreille lequel des deux ils forment. Un exemple éclaircira ceci. Deux sons du clavecin sont tantôt ut [x] et la [x], tantôt re [rob] et si [rob], tantôt ut [x] et si [rob]. Quand ils sont ut [x] et la [x], ils forment un accord de sixte majeure. Ils forment le même accord quand ils sont re [rob] et si [rob]. Mais quand ils sont ut [x] et si [rob], ils forment un accord de septiéme diminuée. Lorsqu'ils frappent [-133-] ensemble l'oreille, comment sent-elle celui des deux accords qui est formé par ces deux sons? Le voici. La basse fondamentale ce guide intérieur le lui fait sentir. L'oreille a le sentiment de la succession des notes de cette basse. Cette succession régle celle des accords, et fait qu'après certains accords en certains modes, celui de sixte majeure formé par ut [x] et la [x], qu'après les mêmes accords en d'autres modes, cet accord formé par re [rob] et si [rob] peut paroître, et non celui de septiéme diminuée formé par ut [x] et si [rob]; qu'après d'autres accords en des modes différens de ceux dont je viens de parler, celui de cette septiéme peut être employé, et non celui de la sixte majeure; et l'oreille qui sent cette succession, se détermine par les accords qu'elle a entendus, à recevoir celui qu'elle entend pour ce qu'il est, c'est-à-dire, pour accord de sixte majeure, s'il est accord de sixte majeure, pour accord de septiéme diminuée, s'il est effectivement accord de septiéme diminuée.

Ceci est vrai à la lettre par rapport aux oreilles de ceux qui sont consommés dans l'art de la Musique, et vrai aussi en un sens par rapport à toute oreille sensible à l'harmonie. Qu'une personne qui ne connoît ni accord ni note, mais qui a l'oreille naturellement musicienne, entende dans une piéce de clavecin les deux sons dont je parle; elle ne sçaura pas si c'est un accord de sixte majeure ou un accord de septiéme diminuée qu'elle entend, mais elle sentira celui des deux accords qui est formé par ces sons. Chaque accord fait sur cette personne, comme sur le plus habile Musicien, une impression particuliere, et les impressions qu'elle aura reçues l'auront préparée à recevoir telle impression [-134-] et non une autre, l'impression de la sixte majeure, et non celle de la septiéme diminuée, ou celui de cette septiéme, et non celle de cette sixte.

Il est aisé de démontrer ce que j'avance. Quand une personne qui ne sçait point la musique, mais qui a l'oreille sensible à l'harmonie, entend dans une piéce de clavecin les deux sons qui sont tantôt ut [x] et la [x], tantôt re [rob] et si [rob], tantôt ut [x] et si [rob], et les entend dans un endroit où ils sont ut [x] et si [rob]; si celui qui exécute la piéce, joignoit à ces deux sons celui qui est tantôt fa [x] et tantôt sol [rob], il révolteroit l'oreille de cet Auditeur ignorant. Il ne la choqueroit pas, s'il y joignoit un sol naturel. Pourquoi cela? Si ce n'est que cet Auditeur, par les impressions que les accords précédens ont faites sur lui, est préparé à recevoir et reçoit effectivement l'impression de l'accord de septiéme diminuée ut [x] si [rob], auquel fa [x] ni sol [rob] ne conviennent pas, et sol naturel convient, parce que l'accord complet de la septiéme diminuée ut [x] si [rob] est ut [x] mi sol si [rob]. Ce son qui choqueroit l'oreille de cet Auditeur, s'il se rencontroit avec les deux autres lorsqu'ils font une septiéme diminuée, ne la choqueroit pas, s'ils se rencontroit avec eux lorsqu'ils font une sixte majeure. Cet Auditeur discerne donc par le sentiment quel accord forment en tel ou tel endroit d'une piéce de clavecin les deux sons qui sont tantôt ut [x] et la [x], tantôt re [rob] si [rob], et tantôt ut [x] si [rob]; c'est-à-dire, s'ils forment une sixte majeure ou une septiéme diminuée.

L'oreille en discernant quels accords sont formés par les sons du clavecin en tel ou tel endroit d'une piéce, reçoit comme justes des accords qui ne le sont pas, mais qui approchent de la justesse. [-135-] L'oreille n'examine pas à la rigeur ce qu'elle entend. Les sons et les accords à peu près justes, sont pour elle des sons et des accords justes, parce qu'elle n'apperçoit pas leur imperfection.

Remarquez à cette occasion que le tempérament n'étant pas le même sur tous les instrumens, il faut, quand plusieurs sortes d'instrumens exécutent une piéce, que certaines notes soient rendues un peu plus haut par les uns, un peu plus bas par les autres, et qu'il se rencontre à tous momens des octaves altérées et des unissons faux. L'oreille s'apperçoit-elle de cette cacophonie? Point de tout. Comme elle prend pour justes des sons à peu près justes, elle prend pour des unissons des sons à peu près semblables, et pour des octaves justes des sons qui approchent des octaves.

L'à peu près lui suffit: heureusement pour elle. Si elle étoit plus délicate, que de plaisirs de moins! Mais comment la voix s'ajuste-t-elle au tempérament des instrumens? Chante-t-elle juste, lorsqu'elle en est accompagnée, ou forme-t-elle comme eux des sons altérés? Je vais répondre à ces questions.

Je suppose d'abord que la voix n'est accompagnée que d'un seul instrument. Pour entonner la premiere note d'un air, elle se regle sur la note tonique du mode principal, telle qu'elle est rendue par l'instrument, et forme ensuite les différens intervalles du chant, conséquemment <à> cette note tonique dont l'oreille est préoccupée, et sans égard à l'altération des notes que l'instrument fait entendre. Ce n'est pas l'instrument, c'est la basse fondamentale qui la dirige, et qui lui fait entonner les notes comme la succession fondamentale l'exige. L'instrument la [-136-] force néanmoins quelquefois d'abandonner ce guide. Lorsqu'un nouveau mode paroît, la voix est obligée de se conformer à la maniére dont l'instrument rend la nouvelle tonique, et d'altérer cette tonique, si l'instrument l'altére. Car dans tout mode, l'oreille est toujours bien frappée du son principal tel qu'il est rendu par l'instrument, et la voix suit l'oreille. De même si la voix et l'instrument forment ensemble une tenue à l'unisson ou à l'octave, la voix est forcée de se conformer à l'instrument, parce qu'une note longue rendue par l'instrument frappe beaucoup l'oreille, et distrait l'ame du sentiment de la succession fondamentale. Ainsi la voix est guidée pour l'ordinaire par la basse fondamentale, et céde quelquefois au tempérament de l'instrument. Elle ne pourroit pas, quelqu'effort qu'elle fit, se regler toujours sur l'instrument, sur-tout si c'étoit un instrument à touches. Eh! comment pourroit-elle se prêter constamment à une altération continuelle, et combattue par un sentiment que la nature a mis dans tous ceux qu'elle a formés pour la musique?

Quand la voix est accompagnée de plusieurs instrumens, si l'un d'eux se fait mieux entendre que les autres; la voix se conduit, comme si elle n'étoit accompagnée que de cette instrument. Si tous ou quelques-uns se font entendre aussi bien l'un que l'autre; la voix, dans le début, ou lorsqu'elle est distraite du sentiment de la succession fondamentale, ne s'ajuste au tempérament d'aucun d'eux, à moins que ce tempérament ne tienne le milieu entre les autres, mais se fait alors un tempérament qui lui est particulier.

[-137-] CHAPITRE VI.

Des mouvemens de la Basse fondamentale dans les changemens du mode.

ON a vû dans le troisiéme Chapitre, premier que la basse fondamentale dans un mode majeur n'est composée que de quatre notes, de la tonique, de la dominante, de la soudominante et de la dissonance de la soudominante qui par le moyen du double emploi devient un quatriéme son fondamental; deuxiéme que cette basse ne peut faire dans ce mode d'autres mouvemens, que ceux d'aller de la tonique à la dominante, de la dominante à la tonique, de la tonique à la soudominante, de la soudominante à la tonique, de la tonique à la sutonique et de la sutonique à la dominante; troisiéme que dans un mode mineur la note sensible portant la septiéme diminuée est un cinquiéme son fondamental, ce qui fait qu'outre les mouvemens dont je viens de parler, mouvemens que la basse fondamentale fait dans les deux modulations, cette basse peut dans la modulation mineure passer de la tonique à la sensible, de la sensible à la tonique, de la sutonique ou de la dominante à la sensible, et de la sensible à la dominante.

Quand cette basse quitte un mode pour en prendre un autre, elle peut en passant de la derniere note du mode qu'elle quitte à la premiere note du mode qu'elle prend, faire des mouvemens différens de ceux qu'elle a faits ou pû faire, tant que le mode qu'elle abandonne a subsisté. J'exposerai ces mouvemens, mais auparavant je dirai qu'elle [-138-] peut changer de mode, sans faire d'autres mouvemens que ceux qu'elle a faits ou pû faire dans le mode qu'elle quitte, ou même sans faire aucun mouvement.

Il arrive fort souvent que le changement du caractére de l'une des quatre notes qui forment seules cette basse dans la modulation majeure, et qui la forment avec la note sensible dans la modulation mineure, opére le changement du mode. Tantôt c'est la tonique qui devient dominante-tonique ou soudominante. En ce cas cette note porte, soit en même-tems soit successivement, deux caractéres, et le changement se fait sans aucun mouvement dans la basse fondamentale. Tantôt c'est la dominante-tonique qui devient tonique; une autre fois c'est la soudominante qui devient tonique ou dominante-tonique; quelquefois même c'est la dominante simple qui devient dominante-tonique ou soudominante. Dans tous ces cas la basse fondamentale fait un mouvement en changeant de mode, mais un mouvement qu'elle a fait ou pû faire dans le mode qu'elle quitte. Elle va de la note tonique du mode qui finit à l'une des trois autres notes fondamentales, comme si ce mode devoit subsister; mais cette note à laquelle elle va, paroît avec un nouveau caractére qui fait que le mode change. Voyez l'exemple 40.[BETHEX3 06GF] et les suivans jusqu'au 45 inclusivement.[BETHEX3 07GF] Quoique je n'aye point encore donné les régles de la basse continue, j'ai néanmoins mis une basse continue dans ces exemples; mais je ne l'ai point chiffrée, parce que le Lecteur ne doit pas à présent faire attention aux accords qu'elle porte, mais à ceux que portent la basse fondamentale et qui sont marqués par les chiffres qu'on voit au-dessus d'elle.

[-139-] Les exemples 40, 41, 42 et 43[BETHEX3 06GF] sont des suites d'accords. On voit dans la basse fondamentale de chacun d'eux, ut tonique changer de caractére aux endroits désignés par la lettre A. Dans le 40, ut est successivement tonique du mode de C sol ut, et dominante-tonique du mode de F ut fa qui succéde à celui de C sol ut. Dans le 42, ut est successivement tonique du mode de C sol ut, et soudominante du mode de G re sol. Dans ces deux exemples, il porte d'abord comme tonique, l'accord parfait que j'ai marqué par un 3; il porte ensuite dans le 40, celui de septiéme comme dominante-tonique, et dans le 42, celui de sixte-quinte comme soudominante. On ne chiffre point l'accord parfait sur une note qui ne porte que lui, mais on le chiffre sur une note qui porte avant ou après lui un autre accord. Dans le 41, ut paroît d'abord avec l'accord de septiéme, parce qu'il a en même-tems deux caractéres, celui de dominante-tonique du mode de F ut fa qui commence, et celui de tonique du mode de C sol ut qui finit. Dans le 43, il paroît d'abord avec l'accord de sixte-quinte, parce qu'il a encore en même-tems deux caractéres, celui de soudominante du mode de G re sol qui commence, et celui de tonique du mode de C sol ut qui va cesser.

Remarquez à l'occasion des exemples 41 et 43, qu'une note peut appartenir en même-tems à deux modes; et qu'une note tonique, qui ne doit naturellement porter que l'accord parfait, peut néanmoins porter un autre accord quand elle a tout à la fois deux caractéres; mais qu'elle ne porte pas cet autre accord comme tonique, mais comme ayant un autre caractére en même-tems. Remarquez encore que l'accord parfait se trouve renfermé dans cet autre accord [-140-] qu'elle porte, et qu'ainsi cet autre accord n'empêche pas qu'elle n'ait au-dessus d'elle les notes qui lui conviennent comme à une tonique. Dans le 41, ut A comme tonique porte les notes mi sol, et comme dominante-tonique les notes mi sol si [rob]. Dans le 43, il porte comme tonique les notes mi sol ut, et comme soudominante les notes mi sol la ut.

Les exemples 44 [BETHEX3 06GF] et 45 [BETHEX3 07GF] sont aussi des suites d'accords. Dans la basse fondamentale du 44, à la lettre A, sol après ut tonique, paroît, non comme dominante-tonique, mais comme tonique lui-même, et le mode de G re sol succéde à celui de C sol ut. A la lettre B, fa après ut tonique, paroît comme tonique, et non comme soudominante: ainsi le mode de C sol ut est suivi de celui de F ut fa. Si après les huit premieres mesures de l'exemple, on met à la place des quatre suivantes, les quatre dernieres qui sont écrites séparément; ut marqué d'un C se trouvera immédiatement après sol tonique, et paroîtra, non comme soudominante, mais comme dominante-tonique, et le mode de F ut fa sera enchaîné à celui de G re sol. Dans la basse fondamentale de l'exemple 45, à la lettre A, re après ut tonique, paroît comme dominante-tonique, et non comme dominante simple: ainsi le mode de G re sol succéde à celui de C sol ut. A la lettre B, re après ut tonique, paroît, non comme dominante simple, mais comme soudominante, et le mode de C sol ut est suivi de celui d'A mi la.

Voyons à présent les mouvemens que la basse fondamentale peut faire dans les changemens de mode, et qui sont différens de ceux qu'elle a faits dans les deux derniers exemples. Elle ne fait ces mouvemens, [-141-] qu'en partant de la note tonique ou de la dominante-tonique.

En partant de la note tonique, elle peut en général monter de tierce mineure ou de tierce majeure, descendre d'un demi-ton ou d'un ton, ou d'une tierce soit majeure soit mineure, ou même de fausse-quinte. Si l'on joint ces mouvemens à ceux de quarte et de quinte en descendant qu'elle fait dans l'exemple 44,[BETHEX3 06GF] et à celui de seconde en montant qu'elle fait dans l'exemple 45,[BETHEX3 07GF] en partant de la note tonique et changeant de mode; il en résultera que dans les changemens de modes la basse fondamentale peut en général, partant d'une tonique, faire à peu près toutes sortes de mouvemens. Je dis en général; car elle ne peut pas en certaines circonstances faire après une tonique un mouvement, qu'elle pourroit faire après cette même tonique en d'autres circonstances.

Toutes les notes où elle peut aller en partant de la tonique d'un mode qui finit, ne peuvent pas prendre chacune indifféremment toute sorte de caractéres. Les unes ne peuvent prendre qu'un caractére, les autres en peuvent prendre plusieurs. Mais telle qui peut prendre un caractére en certaines circonstances, ne peut pas le prendre en une autre occasion.

Y a-t-il des regles qui suivant les circonstances restreignent le nombre des mouvemens que la basse fondamentale peut faire après une tonique, et décident du caractére ou des caractéres que la note où elle va peut prendre? Il n'y en a point assez pour embrasser toutes les circonstances, et il est bien des cas où le génie avec le goût est un meilleur guide que l'art. L'art conduit sûrement, mais presque [-142-] toujours en des routes battues; le génie cherche des routes nouvelles, et quand il est accompagné du goût, ses écarts sont toujours heureux.

L'art peut donc donner seulement certaines lumiéres sur ce sujet. Il nous apprend qu'il n'y a qu'un certain nombre de modes qui puisse succéder immédiatement à tel mode, et que chacun de ces modes ne peut pas lui succéder en toute circonstance. Il nous fait même connoître plusieurs de ces circonstances, et décide que la basse fondamentale en partant de la note tonique d'un mode qui finit, ne peut point en tel cas, et peut dans tel autre cas faire un certain mouvement; et que la note où elle va ne peut en certaine occasion prendre un caractére, qu'elle peut prendre en une autre occasion. Par exemple, suivant les regles de l'art, le mode de F ut fa majeur est du nombre de ceux qui peuvent succéder immédiatement à celui de G re sol majeur. Mais on ne peut pas toujours enchaîner ce mode à celui-ci. Quand le début d'un morceau est en G re sol majeur, et qu'après ce début on veut changer de mode; on ne peut pas enchaîner d'abord et immédiatement au mode de G re sol, celui de F ut fa majeur. Mais quand le commencement d'un morceau est en C sol ut majeur, et qu'on a passé au mode de G re sol; on peut aller tout de suite au mode de F ut fa majeur, qui fait alors un fort bon effet. Dans le premier cas la basse fondamentale ne peut pas aller de sol tonique à si [rob]; dans le second cas elle peut faire ce mouvement, parce que si [rob] est soudominante dans le mode de F ut fa, qui peut alors paroître immédiatement après celui de G re sol. La basse fondamentale en partant de la note tonique d'A mi la mineur, peut, suivant les regles de l'Art, passer [-143-] à ut; et cet ut, suivant ces regles, ne peut en certain cas prendre un caractére, qu'il peut prendre en un autre cas. Dans une piéce qui débute par le mode d'A mi la mineur, si la basse fondamentale après le début passe de la note tonique la à ut; ut ne peut pas être dominante-tonique, parce que le mode de F ut fa ne peut pas s'enchaîner alors à celui d'A mi la. Mais dans une piéce qui débute par le mode de D la re mineur, si la basse fondamentale ayant passé de ce mode à celui d'A mi la, va de la tonique la à ut; ut peut avoir le caractére de dominante-tonique, parce que le mode de F ut fa majeur peut alors s'enchaîner immédiatement à celui d'A mi la mineur, et faire un effet fort agréable.

Après ce que je viens de dire, le Lecteur ne doit pas s'attendre à un détail des circonstances qui décident des mouvemens que la basse fondamentale peut faire dans les changemens de modes en partant de telle ou telle tonique, et du caractére ou des caractéres que la note à laquelle elle va peut prendre. Je me borne à exposer en général les mouvemens qu'elle peut faire dans les changemens de mode, en partant de la tonique d'un mode soit majeur soit mineur, et à dire en général le caractére que peut prendre la note à laquelle elle va. Peut-être même quelques-uns de ces mouvemens ou de ces caractéres m'échapperont. Mais je tâcherai de n'omettre du moins aucun des mouvemens ordinaires, ni des caractéres qu'on donne communément à la note à laquelle la basse fondamentale va par l'un de ces mouvemens. Quant aux circonstances qui tantôt permettent un mouvement et tantôt le défendent, qui tantôt souffrent qu'une note prenne un caractére et tantôt s'y opposent; ce que j'ai dit dans la premiere [-144-] Partie sur la succession des modes, et plus encore le génie, feront découvrir les routes qu'elles ouvrent et celles qu'elles interdisent, les caractéres qu'elles admettent et ceux qu'elles excluent.

La basse fondamentale en partant de la note tonique d'un mode mineur, peut monter de tierce mineure; et la note qu'elle va chercher, est tonique ou soudominante ou dominante-tonique. Voyez l'exemple 46 [BETHEX3 07GF] qui en renferme trois petits, dans lesquels je suppose que la est tonique d'un mode qui cesse. La basse fondamentale monte de la sur ut, qui est tonique dans le premier de ces petits exemples, soudominante dans le second, et dominante-tonique dans le troisiéme. Ainsi dans le premier le mode de C sol ut, dans le second le mode de G re sol, dans le troisiéme le mode de F ut fa succédent à celui d'A mi la.

La basse fondamentale en partant de la note tonique d'un mode mineur, peut monter de tierce majeure; et la note qu'elle va chercher, ne peut être qu'une note sensible. Voyez l'exemple 47 [BETHEX3 08GF] où je suppose encore que la est tonique d'un mode qui finit. La basse fondamentale monte de la sur ut [x], qui porte l'accord de septiéme diminuée, et le mode d'A mi la est suivi de celui de D la re.

La basse fondamentale en quittant la note tonique d'un mode majeur, peut monter de tierce majeure; et la note qu'elle va chercher, est dominante-tonique ou dominante simple. Voyez l'exemple 48 [BETHEX3 08GF] qui en contient deux petits, dans lesquels je suppose qu'ut est tonique et termine son mode. La basse fondamentale monte d'ut sur mi, qui est dominante-tonique dans le premier, et dominante simple dans le second. Ainsi le mode d'A mi la dans le premier, et le mode de D la re dans le second, succédent à celui de C sol ut majeur.

[-145-] La basse fondamentale en quittant la note tonique d'un mode majeur, peut monter de tierce mineure; et la note qu'elle va chercher, est soudominante. Voyez l'exemple 49.[BETHEX3 08GF] La note A est un si [rob] qui suit sol tonique. Ce si [rob] est une soudominante, et le mode de F ut fa majeur succéde à celui de G re sol majeur. Cette succession est préparée par le début de l'exemple qui est en C sol ut.

La basse fondamentale en partant de la note tonique d'un mode majeur, peut descendre d'un demi-ton; et la note qui succéde à la tonique, est dominante simple. En partant de la note tonique d'un ton mineur, elle peut descendre d'un ton; et la note qui suit la tonique, est dominante-tonique ou tonique. Voyez l'exemple 50.[BETHEX3 08GF] La basse fondamentale descend de mi tonique d'E si mi mineur, sur re naturel marqué d'un A et dominante-tonique du mode de G re sol; elle descend de sol tonique du mode de G re sol majeur, à fa [x] marqué d'un B et dominante simple du mode d'E si mi; enfin elle descend de mi note tonique du mode d'E si mi mineur, à re naturel marqué d'un C et tonique du mode de D la re.

La basse fondamentale en partant de la note tonique d'un mode majeur, peut descendre de tierce mineure; et la note qui succéde à la tonique, peut être tonique ou dominante-tonique ou dominante simple ou soudominante. Voyez l'exemple 51 [BETHEX3 09GF] qui en contient quatre petits, dans lesquels je suppose qu'ut est tonique d'un mode qui cesse. La basse fondamentale descend d'ut sur la qui est tonique dans le premier, dominante-tonique dans le second, dominante simple dans le troisiéme, et soudominante dans le quatriéme. Ainsi le mode d'A mi la dans le premier, le mode de D la re dans le second, celui de G re sol dans [-146-] le troisiéme, et celui d'E si mi dans le quatriéme, succédent à celui de C sol ut majeur.

La basse fondamentale en partant de la note tonique d'un mode mineur, peut descendre de tierce mineure; et la note qui succéde à la tonique, est dominante simple ou dominante-tonique. Elle peut aussi descendre de tierce majeure; et la note qui suit la tonique, est une tonique nouvelle ou une soudominante. Voyez l'exemple 52 [BETHEX3 09GF] qui en contient quatre petits, dans lesquels je suppose que la marqué d'un A est tonique d'un mode qui finit. La basse fondamentale dans le premier et dans le second descend de la sur fa [x], qui dans le premier est dominante simple, et dans le second est dominante-tonique. Elle descend de la sur fa naturel dans le troisiéme et dans le quatriéme. Ce fa dans le troisiéme est une nouvelle tonique, et dans le quatriéme une soudominante. Ainsi le mode d'E si mi dans le premier, le mode de B fa si dans le second, le mode de F ut fa dans le troisiéme, et celui de C sol ut dans le quatriéme, succédent à celui d'A mi la mineur. Je remarquerai à l'occasion du troisiéme petit exemple, que la succession de deux toniques, dont la premiere est celle d'un mode mineur, et la deuxiéme plus basse d'une tierce majeure est celle d'un mode majeur, fait souvent un effet fort agréable. Lorsque dans une piéce dont le mode principal est majeur, on a passé au ton de la médiante; on peut par cette succession revenir tout d'un coup au mode principal. Lorsque dans une piéce dont le mode principal est mineur, on a passé au ton de la dominante; rien n'est mieux que cette succession pour aller à celui de la médiante.

Enfin la basse fondamentale en partant de la note tonique [-147-] d'un mode mineur, peut descendre de fausse-quinte sur une note sensible portant un accord de septiéme diminuée. Voyez l'exemple 53.[BETHEX3 09GF]

La basse fondamentale en partant d'une dominante-tonique, ne peut que descendre de quinte, monter d'un demi-ton soit majeur soit mineur, ou d'un ton, ou descendre de tierce. Quand elle fait le premier de ces mouvemens, elle ne change point de mode; car elle va chercher la tonique du mode de cette dominante. Il est vrai que cette tonique peut avoir un double caractére, et qu'un nouveau mode peut commencer aussi-tôt qu'elle paroît. Mais comme tonique elle est du même mode que la note qui la précéde, et la basse fondamentale en partant de cette note-ci, ne quitte point encore le mode qui doit finir, puisque cette note de laquelle elle part, n'est pas la derniere de ce mode.

Quand elle monte d'un demi-ton mineur, la note à laquelle elle va, est la note sensible d'un nouveau mode. Voyez l'exemple 54.[BETHEX3 09GF] Le sol des deux basses est la dominante-tonique du mode de C sol ut. Il est suivi de sol [x], qui est la note sensible du mode d'A mi la.

Quand pour changer de mode elle monte d'un demi-ton majeur, mouvement qu'elle ne peut faire qu'après la dominante-tonique d'un mode mineur; la note qui suit la dominante-tonique, est la tonique d'un nouveau mode. Voyez l'exemple 55.[BETHEX3 10GF] Le premier la de la basse fondamentale est une dominante-tonique, suivie de si [rob] marqué d'un A et note tonique du mode de B fa si [rob], qui succéde à celui de D la re mineur.

Quand la basse fondamentale en partant de la dominante-tonique d'un ton majeur, monte d'un ton pour changer [-148-] de mode; la note qui suit la dominante-tonique, est dominante simple ou dominante-tonique ou même tonique d'un nouveau mode. Voyez l'exemple 56.[BETHEX3 10GF] Chaque note marquée d'une lettre dans la basse fondamentale est un la, qui suit un sol dominante tonique du mode de C sol ut majeur. La note A est la dominante simple du mode de G re sol, la note B est la tonique du mode d'A mi la, la note C est la dominante-tonique du mode de D la re.

Quand la basse fondamentale en partant de la dominante tonique d'un ton majeur, descend de tierce pour changer de mode; la note qui succéde à la dominante-tonique, est dominante simple ou dominante-tonique d'un nouveau mode. Voyez les exemples 57 [BETHEX3 10GF] et 58.[BETHEX3 11GF] Il y a dans la basse fondamentale de chacun de ces exemples un mi qui suit un sol dominante-tonique du mode de C sol ut majeur. Le mi de l'exemple 57 est la dominante simple du mode de D la re; le mi de l'exemple 58 est la dominante-tonique du mode d'A mi la.

La basse fondamentale ne peut pas descendre de tierce après la dominante-tonique d'un mode mineur, quand cette note paroît comme une vraie dominante-tonique, c'est-à-dire, avec l'accord de septiéme mineure dont la tierce est majeure. Mais quand cette dominante-tonique paroît avec l'accord parfait, la basse fondamentale peut en la quittant descendre de tierce mineure sur une note sensible portant l'accord de septiéme diminuée, ou de tierce majeure sur la note tonique d'un mode nouveau. Voyez les exemples 59 et 60.[BETHEX3 11GF] Le premier la de la basse fondamentale de l'exemple 59, succéde à mi dominante simple du mode de D la re mineur, et porte l'accord parfait majeur: il est suivi de fa [x] marqué d'un A note sensible du mode de G re sol mineur. Le second la de la basse fondamentale de l'exemple [-149-] 60, suit re note tonique d'un mode mineur, et paroît avec l'accord parfait majeur: il est suivi de la note A tonique du mode majeur de F ut fa. Il pourroit être suivi immédiatement de la dominante-tonique de ce mode. Retranchez de cet exemple la note A et son accord: l'harmonie n'en sera pas moins bonne. Ainsi la basse fondamentale partant de la dominante-tonique d'un mode mineur, à laquelle on n'a donné que l'accord parfait, peut encore monter de tierce mineure, sur la dominante-tonique d'un mode majeur.

CHAPITRE VII.

Des mouvemens de la Basse fondamentale dans les endroits où il n'y a point de mode.

UNe piéce réguliére doit offrir du moins un mode, et si elle est un peu longue, elle en doit offrir plusieurs. Mais il n'est pas nécessaire que dès qu'un mode finit, il en paroisse aussi-tôt un nouveau. En effet on rencontre fréquemment dans les meilleurs morceaux, des endroits où il n'y a point de mode, et qui pour cela n'en sont pas moins agréables. La basse fondamentale de ces endroits est tantôt une suite de dominantes simples, et tantôt une suite de notes que j'appelle censées toniques, parce qu'elles portent l'accord parfait comme les toniques, quoiqu'elles n'ayent pas ce dernier caractére. Je parlerai séparément de ces deux espéces de notes, et des différens mouvemens que la basse fondamentale fait lorsqu'elle parcourt les unes ou les autres.

[-150-] Article Premier.

Des suites de dominantes simples.

La perfection du mouvement de quinte en descendant, et l'invention de la dominante simple qui est une des notes fondamentales des modes, ont donné lieu de multiplier les dominantes, et de faire faire à la basse fondamentale trois ou quatre ou même plus de mouvemens consécutifs de quinte en descendant. Voyez l'exemple 61.[BETHEX3 11GF] La basse fondamentale y parcourt les notes ut fa si mi la re sol ut. Je suppose que le premier ut est une tonique, et par conséquent que l'exemple fait partie d'un morceau où le mode de C sol ut paroît et se trouve terminé par cet ut. Les notes fa si mi la re sont des dominantes simples, sol est dominante-tonique du mode de C sol ut qui revient, ut qui suit ce sol est la tonique de ce mode. Dans tout l'exemple la basse fondamentale monte de quarte et descend de quinte, et comme ces deux mouvemens sont le même mouvement, on peut dire qu'elle descend toujours de quinte.

Chaque suite ou enchaînement de dominantes doit naturellement aboutir à une tonique, mais non pas toujours comme dans l'exemple à la tonique du mode qui a paru auparavant. Une pareille suite peut aboutir naturellement à la tonique de tout mode, qui suivant les régles de la modulation peut paroître dans la piece où cette suite se trouve.

Il faut remarquer à ce sujet, premier qu'une dominante qui précede une tonique est pour l'ordinaire une dominante-tonique, et que dans la plûpart des suites de dominantes qui aboutissent à [-151-] une tonique, la derniere dominante est par conséquent une dominante-tonique; deuxiéme qu'une note, pour être dominante-tonique, doit porter la septieme mineure avec la tierce majeure.

Les exemples 62, 63 [BETHEX3 11GF] et 64 [BETHEX3 12GF] offrent dans la basse fondamentale des enchaînemens de dominantes, qui commencent tous de même, et qui vont aboutir à des toniques différentes. Dans le 62 mi est rendu dominante-tonique par le moyen de sol [x], et l'enchaînement se termine dans le mode d'A mi la; dans le 63 l'ut [x] fait de la une dominante-tonique, et l'enchaînement finit en D la re; dans le 64 le fa [x] donne le même caractere à re, et l'enchaînement aboutit au mode de G re sol. Toutes les autres notes qui portent la septiéme dans ces exemples sont des dominantes simples. Je suppose que l'ut qui commence ces exemples est une tonique, et par conséquent que le mode de C sol ut précede chacun de ces enchaînemens. Le la de l'exemple 62, le re du 63 et le sol du 64, sont des toniques à chacune desquelles un enchaînement aboutit.

On a pris par rapport aux suites de dominantes, certaines licences qu'il faut exposer.

Toute dominante doit naturellement descendre de quinte. On s'est avisé néanmoins de faire des suites de dominantes, pendant lesquelles la basse fondamentale descend alternativement de quinte et de tierce. Voyez les exemples 65, 66 et 67.[BETHEX3 12GF] Dans le 67 on voit trois notes des parties supérieures, former une liaison chaque fois que la basse fondamentale descend de tierce. La liaison est un agrément dans l'harmonie, et cet agrément augmenté par le mouvement de tierce que fait la basse fondamentale répare le défaut de ce mouvement.

On a poussé la licence jusqu'à faire des enchaînemens [-152-] de dominantes, où la basse fondamentale descend de tierce plusieurs fois de suite. Voyez les exemples 68, 69 et 70.[BETHEX3 12GF]

Dans toutes ces suites de dominantes la basse fondamentale peut, après le mouvement irrégulier de tierce, entremêlé avec celui de quinte ou répeté plusieurs fois consécutivement, prendre le mouvement continué de quinte. Elle doit naturellement faire ce dernier mouvement après la derniere dominante. Comme le mouvement redoublé de tierce est fort irrégulier, elle ne doit le faire que rarement et pour la variété.

J'ai dit que les suites de dominantes simples ne sont d'aucun mode. L'Auteur des Elémens de musique théorique et pratique avoit dit dans la premiere édition (pages 160 et 161) que la suite des dominantes parcourues par la basse fondamentale dans l'exemple 71,[BETHEX3 12GF] appartient toute entiere au mode d'ut, parce qu'aucune de ces dominantes n'est dominante-tonique, excepté sol qui est la dominante tonique du mode d'ut, et que d'ailleurs l'accord de chacune de ces dominantes n'est formé que des sons qui appartiennent à la gamme d'ut. Dans la seconde édition (pages 198 et 199) il dit que cette suite appartient toute entiere, ou au moins peut être censée appartenir à ce mode. Ainsi je me trouve d'un sentiment contraire à celui d'un sçavant illustre, et dans l'obligation de prouver mon avis en combattant le sien.

La basse fondamentale d'un mode n'est composée naturellement que de trois notes. L'art y introduit une dominante simple, et, quand ce mode est mineur, la note sensible pour représenter la dominante-tonique. Il n'y a donc dans un mode, lorsqu'il est [-153-] majeur, que quatre notes fondamentales, la tonique, la dominante, la soudominante et la dominante simple. La basse fondamentale de C sol ut majeur n'est composée que des notes ut, sol, fa et re.

Monsieur Rameau (page 168 de la génération harmonique) s'exprime en ces termes. "Le même mode ne souffre que la succession fondamentale par quintes entre les trois sons fondamentaux qui en ordonnent, où cependant le double emploi de la soudominante peut introduire de tems en temps celle de la seconde en montant; la succession de tierce en descendant peut encore y être admise; bien que toutes les fois qu'on l'emploie, on menace de changement de mode; d'où elle ne doit être généralement reçue que pour ce dernier effet." On voit par ces dernieres paroles, que Monsieur Rameau admet dans la basse fondamentale du mode majeur un cinquiéme son. Pourquoi l'admet-il? Je n'en sçais rien.

La basse fondamentale d'un mode majeur n'est formée naturellement que d'un son principal, de sa quinte au dessus, et de sa quinte au-dessous. La basse fondamentale de C. sol ut n'est composée naturellement que d'ut, de sol et de fa. Si l'oreille y souffre la dominante simple re, c'est parce qu'on lui donne le change, et que l'accord de ce re (re fa la ut) étant le même que l'accord de fa soudominante ayant sa dissonance au-dessous de lui, quand la basse fondamentale va d'ut à re, l'oreille entend la même harmonie qu'elle entendroit si cette basse alloit d'ut à fa. Par quel moyen pourroit-on introduire dans cette basse un cinquiéme son? Je ne puis l'imaginer. Mais du moins Monsieur Rameau en y admettant un cinquiéme son, ne le regarde pas comme les quatre autres, et ne le reçoit que pour changer de mode. D'où il suit qu'il est bien eloigné [-154-] d'y admettre toutes les notes de la gamme, comme le fait l'Auteur des Elémens.

Il faut donc reconnoître avec Monsieur Rameau que l'exemple 71.[BETHEX3 12GF] n'est pas tout entier en C sol ut. Je suppose que le premier ut de la basse fondamentale est une tonique, et par conséquent que l'exemple commence en C sol ut. La basse fondamentale sort de ce mode au la qui suit cet ut, elle y rentre au premier sol, elle en sort une seconde fois au fa, et n'y rentre qu'au second sol. Ainsi toutes les notes marquées d'une lettre et les accords qu'elles portent, ne sont point du mode de C sol ut. Le second ut de la basse fondamentale a double caractere, celui de tonique et de dominante simple. Il est du mode de C sol ut comme tonique.

Les suites de dominantes simples ne sont d'aucun mode. Eh! comment des notes pourroient-elles appartenir à un mode, lorsquelles n'en font point éprouver le sentiment! Sentir un mode, c'est avoir toujours une certaine note présente à l'imagination, comme note principale de ce qu'on entend, c'est n'entendre rien qui ne doive naturellement ramener à cette note. Les suites de dominantes simples peuvent aboutir indifféremment à un mode ou à un autre, comme on l'a vu dans les exemples 62, 63 [BETHEX3 11GF] et 64.[BETHEX3 12GF] En les entendant on ne sçait à quelle tonique elles vont aboutir. Elles ne portent par conséquent dans l'ame le sentiment d'aucun mode. Chacune de ces suites est une belle route, qui peut ramener au mode qu'on vient de quitter, qui peut aussi conduire à d'autres modes, et dont on ne sçait l'issue, que lorsqu'on y est arrivé.

J'ai dit vers le commencement de cet article, que les suites de dominantes doivent naturellement aboutir à une tonique; et qu'une dominante qui [-155-] précéde une tonique, est pour l'ordinaire une dominante-tonique. Ces termes, naturellement et pour l'ordinaire, font assez entendre que ces suites n'aboutissent pas toujours à une tonique, et qu'entre celles qui aboutissent à une tonique, il y en a qui finissent par une dominante simple. En effet ces suites peuvent aboutir à une soudominante, qui soit une tierce au-dessous de la derniere dominante, comme on le verra dans le Chapitre X. Elles peuvent aussi aboutir à une note qui porte l'accord parfait, et qui ne soit pas néanmoins vraiment tonique, comme je le dirai dans l'article suivant. Elles peuvent même aboutir à une vraie tonique, et finir par une dominante simple, comme je le dirai encore dans le même article.

Voilà toutes les différentes manieres dont les suites de dominantes peuvent être terminées. Voici comment elles peuvent commencer. Une suite de dominantes commence après une tonique ou après une note censée tonique. Elle peut commen- par une note qui soit un degré au-dessus, ou par une note qui soit une quarte au-dessus, ou enfin par une note qui soit une tierce au-dessous de la note tonique ou de la note censée-tonique qui la précéde. Par exemple, ut tonique ou censé-tonique peut être suivi des notes re sol, ou des notes fa si mi la re sol, ou des notes la re sol; et ces notes peuvent former une suite de dominantes. Une suite de dominantes peut aussi commencer par une note qui soit une quarte au-dessous d'une note censée tonique qui la précede. Par exemple, sol après re dominante simple, ou après ut tonique, peut paroître avec le caractere de note censée tonique, et être suivi de re et de sol qui soient dominantes.

[-156-] Pour ne rien laisser à desirer au sujet des dominantes, il faut parler ici de certaines suites de notes portant septiémes. On pourroit croire que ce sont des suites de dominantes, que la basse fondamentale parcourt par des mouvemens fort irréguliers.

On voit quelquefois une note portant septiéme, descendre diatoniquement sur une note portant aussi septiéme, et la premiere septiéme sauvée par celle qui la suit. Voyez l'exemple 72.[BETHEX3 12GF] Si je n'y avois pas mis la basse fondamentale on auroit pû penser que la et sol de la basse continue marqués des lettres A et B, sont des dominantes. Mais la basse fondamentale fait connoître que la, quoique portant septiéme, n'est pas dominante, mais dissonance d'une soudominante, dissonance placée au-dessous de cette soudominante, comme la dissonance de la soudominante l'est primitivement. Cette soudominante est le second ut de la basse fondamentale. Le sol qui suit cet ut et qui dans la basse continue suit le la, a par conséquent un double caractere, celui de tonique de ce qui précéde, et celui de dominante de ce qui suit.

On voit aussi une note portant septiéme, descendre diatoniquement sur une autre note portant septiéme, et cette seconde note monter diatoniquement sur une troisiéme qui porte encore septiéme. Voyez l'exemple 73, lettres A, B, C.[BETHEX3 13GF] Ce dernier mouvement est une cadence rompue. J'en parlerai dans le Chapitre X.

Enfin, l'on voit cette seconde note portant septiéme, descendre diatoniquement sur une troisieme portant septiéme, et cette troisieme remonter diatoniquement sur une quatriéme qui porte aussi une septiéme. Voyez l'exemple 74 lettres A, B, C, D.[BETHEX3 13GF] Monsieur Rameau ne rend aucune raison de cette suite de notes portant septiéme. Il se contente de dire (génération [-157-] harmonique page 187) au sujet d'une dominante-tonique qui descend diatoniquement sur une note portant septiéme, que c'est un abus de la licence qui fait descendre une note portant septiéme sur une note portant ce même accord, et que cela est si rare et si peu nécessaire, qu'on ne doit pas y faire grande attention. Mais ne pourroit-on pas expliquer ce qu'il regarde comme abus, de la même maniere qu'il explique lui-même deux licences?

"Et finalement, dit-il, (génération Harmonique page 184) lorsque la note sensible est fondamentale, elle peut monter seule sur la tonique, pendant que le reste de son harmonie subsiste, et cela seulement dans une partie supérieure: or quoiqu'une pareille succession n'appartienne pas directement au fond de l'harmonie, la durée des sons oblige cependant quelquefois de donner à chacun d'eux sa basse fondamentale; de sorte que la tonique en question, ou plutôt son octave peut recevoir pour lors la dominante de la dominante-tonique pour basse fondamentale: mais comme la note où aura monté la sensible doit revenir sur ses pas, elle ne fait simplement que suspendre l'effet de cette note sensible, et par conséquent la basse fondamentale retourne également, après la nouvelle dominante, ou à cette même note sensible, ou à la dominante-tonique, selon la disposition de l'harmonie qu'on employe à ce retour, et qui dépend de la fantaisie de l'Auteur." Voyez l'exemple 75 [BETHEX3 13GF] qui est le XXVII de Monsieur Rameau, et où il y a une erreur, car il faut mettre re [x] à la place du si de la basse fondamentale.

"Cette maniere, dit-il encore, d'opposer quelques sons étrangers à une harmonie, dont l'oreille [-158-] et par conséquent la régle exigent une succession déterminée, n'est qu'un moyen d'en suspendre l'effet, comme nous venons de le dire, et de le faire souhaiter avec plus d'ardeur; de sorte donc que ces sons étrangers ne doivent jamais tenir au corps de l'harmonie: une dissonance qui doit être nécessairement sauvée, fait toujours souhaiter ce qui doit la suivre, et si vous la conservez au-dessus d'une autre harmonie que celle dont elle dépend, il faut nécessairement lui rendre sur le champ la sienne propre; de sorte que cette autre harmonie est comptée pour rien: il en sera de même d'une consonance rendue dissonance pour reprendre ensuite sa premiere forme: on ne change ainsi, pour un moment, le véritable fond d'harmonie, que pour mieux faire accorder entr'eux les sons qui marchent, pendant que la même dissonance, ou la même consonance subsiste fondamentalement, en restant toujours sur le même dégré jusqu'à ce qui doit la suivre naturellement. Exemple XXVIII. où la dissonance forme une consonance au-dessus de la note A, pour reprendre incontinent ensuite sa premiére forme, de même encore que la consonance qui devient dissonance au-dessus de la note B: remarquez au reste qu'une pareille licence ne peut se pratiquer que dans une succession diatonique entre toutes les parties." Voyez l'exemple 76 [BETHEX3 13GF] qui est le XXVIII. de la génération harmonique.

Suivant Monsieur Rameau, le premier mi de la plus basse des parties supérieures de l'exemple 75 et les notes A et B. de l'exemple 76 sont des sons étrangers, qui suspendent pour un moment la succession naturelle de la basse fondamentale et qui ne doivent jamais tenir au corps de [-159-] l'harmonie. Ne pourroit-on pas dire que le fa de la basse continue de l'exemple 74, que le la et le mi qu'on voit au-dessus de ce fa, sont de même des sons étrangers qui retardent pour un moment la suite naturelle des accords. En effet le sol dominante-tonique, qui précede ce fa et qui doit naturellement descendre sur ut, reparoît après ce fa avec le même caractere, et descend sur ut, comme l'oreille le desire. Je n'ai point donné de basse fondamentale à ces sons étrangers, parce que cette basse seroit elle-même étrangere au corps de l'harmonie. J'ai imité en cela l'exemple 76 qui est de Monsieur Rameau. Le sol de la basse fondamentale de l'exemple 74, qui est le même que celui de la basse continue paroît avant les sons étrangers, demeure pendant qu'ils passent et après qu'ils sont passés, et porte toujours la septiéme qui subsiste dans l'une des parties. Cette septiéme est une dissonance qui devient consonance par rapport à la basse continue et qui reprend ensuite sa prémiere forme, comme la septiéme de l'exemple 76.

Outre les licences que j'ai expliqués, il y en a encore une dont Monsieur Rameau ne parle pas dans son traité de la génération harmonique. Elle consiste à monter diatoniquement d'une dominante simple sur une dominante-tonique. Voyez l'exemple 77.[BETHEX3 13GF] Ce mouvement est une espece de cadence rompue.

Il ne me reste plus rien à dire par rapport aux dominantes, sinon qu'une dominante devient quelquefois soudominante. Un exemple fera connoître ce changement. Fa peut paroître dans une basse continue avec l'accord de septiéme fa la ut mi suivi de l'accord de sixte-quinte fa la ut re, et monter ensuite sur sol portant l'accord de sixte-quarte sol ut mi. En ce cas la basse fondamentale va de fa portant successivement l'accord de septiéme et celui de sixte-quinte, à ut tonique; [-160-] et par conséquent fa dominante devient soudominante en portant l'accord fa la ut re. Mais l'oreille qui ne pressent pas ce qui doit suivre cet accord, reçoit en l'entendant la même impression, qu'elle recevroit si la basse fondamentale descendoit de fa dominante à re portant le même caractere, et ne reçoit l'impression de soudominante, que lorsqu'elle entend ce qui suit l'accord de sixte-quinte.

Article II.

Des notes censées toniques.

J'appelle notes censées-toniques des notes qui portent l'accord parfait, et qui, ce me semble, ne sont point de véritables toniques, parce qu'il n'y a point dans la basse fondamentale de notes qui dépendent d'elles.

Ceux qui ont lu le Traité de la Génération harmonique, pourront dire que je forge ici une espece de notes inconnue à Monsieur Rameau; que selon ce célebre Musicien, toute note fondamentale est tonique ou dominante ou soudominante ou note sensible, et que s'il se sert du terme censée-tonique, c'est pour exprimer une tonique véritable.

J'en conviens. Monsieur Rameau appelle toniques les notes que j'appelle censées-toniques. En parlant d'une suite de notes qui portent toutes l'accord parfait, il fait entendre que chacune d'elles présente un mode, et dit qu'on peut faire succéder plusieurs toniques dans une marche de quinte en montant.

J'abandonne donc ici un Maître que je respecte, et dont l'autorité (si l'autorité étoit décisive en matiere de science) devroit me faire condamner sans m'entendre. Qu'on me pardonne cet écart. Il n'est pas considérable, et n'influe pas sur la pratique. [-161-] Après que j'aurai exposé mes raisons, l'on rejettera, si l'on veut, mon sentiment et mon langage.

Quand plusieurs notes portant toutes l'accord parfait se suivent immédiatement, chacune d'elles offre-t-elle un mode particulier, comme Monsieur Rameau le pense? Il n'y a aucune raison de le dire, si ce n'est l'accord parfait qu'elles portent. Mais il ne suffit pas que plusieurs notes consécutives portent toutes l'accord parfait, pour dire que chacune d'elles est tonique et présente un mode particulier. Si cela suffisoit, chaque mode n'auroit naturellement, c'est-à-dire, avant l'invention de la dissonance, qu'une seule note fondamentale, parce que chaque note fondamentale seroit une tonique. Car sans la dissonance toutes les notes de basse fondamentale porteroient l'accord parfait. Il faudroit dire que les exemples 6, 7, 9 et 10 [BETHEX3 01GF] de cette Seconde Partie, sont dans les modes de C sol ut, de G re sol et de F ut fa, que le 8 est en C sol ut et en G re sol, que la basse fondamentale de ces exemples change de mode à chacune de ses notes, et qu'il n'y a rien dans cette basse qui soit du mode d'ut, que la note ut. Or indépendemment de la dissonance chaque mode a trois notes fondamentales, et les exemples dont je viens de parler sont dans le seul mode de C sol ut. Monsieur Rameau en convient. Il ne suffit donc pas que plusieurs notes consécutives portent l'accord parfait, pour dire que chacune d'elles est une véritable tonique et présente un mode particulier.

L'oreille entend le seul mode d'ut dans les exemples 6, 7 et suivans, parce qu'elle prend ut pour un son principal et les deux autres sons fondamentaux sol et fa pour des sons subordonnés à ce premier. Si elle ne voyoit point cette subordination, chaque [-162-] note fondamentale seroit pour elle un son indépendant, et ne lui donneroit l'impression d'aucun mode.

Je puis ajouter que si toute note qui porte l'accord parfait, et qui ne peut porter que cet accord, étoit, comme le pense Monsieur Rameau, une vraie tonique et présentoit un mode, il faudroit reconnoître certains modes en des endroits où aucun musicien ni Monsieur Rameau lui-même ne les trouveroient pas. Voyez l'exemple 34.[BETHEX3 05GF] La note A est un sol qui ne porte et qui ne peut porter que l'accord parfait. Aucun musicien dira-t-il, et Monsieur Rameau lui-même soutiendra-t-il que ce sol est note tonique, et que le mode de G re sol paroît dans cet exemple?

Dans les suites de notes qui portent toutes l'accord parfait et que Monsieur Rameau regarde comme des toniques, chaque note est un son indépendant de ce qui précede et de ce qui suit; chaque note, excepté peut-être la premiere et la derniere, n'a rien auprès de soi qui lui soit subordonné. Je conclus de-là non-seulement que ces notes n'ont point de mode commun, mais même que chacune d'elles, excepté peut-être la premiere et la derniere, n'est point tonique, et n'offre point du mode particulier; parce qu'une tonique est une note principale qui doit avoir auprès de soi une ou plusieurs notes qui en dépendent, et qu'il n'y a point de mode où il n'y a point de subordination.

Des notes qui n'ont point de mode commun et qui n'offrent point de mode particulier, ne sont d'aucun mode, et forment une espece particuliére. Ainsi dans les suites de notes qui portent toutes l'accord parfait, il y en a qui ne sont d'aucun mode et qui forment une espece particuliére. Je leur donne le nom de censées-toniques, parce que n'étant point [-163-] toniques, elles portent l'accord parfait, comme celles qui ont ce caractére.

Je crois avoir suffisamment établi et justifié mon sentiment et mon langage, au sujet des suites de notes qui portent toutes l'accord parfait. Je vais maintenant exposer les différentes maniéres dont on forme ces suites, ou, ce qui est la même chose, les différens mouvemens que la basse fondamentale peut faire en portant toujours l'accord parfait.

La basse fondamentale portant toujours l'accord parfait peut monter de quinte plusieurs fois de suite, descendre alternativement de tierce et de quarte, monter alternativement de tierce et de quinte, monter ou descendre de tierce plusieurs fois de suite, et même descendre diatoniquement. Voyez les exemples 78,[BETHEX3 13GF] 79, 80 et 81.[BETHEX3 14GF] Dans le 78 elle fait trois mouvemens consécutifs de quinte en montant; car il faut se souvenir que le mouvement de quarte en descendant est le même que celui de quinte en montant. Dans le 79 elle fait alternativement celui de tierce en descendant, et celui de quinte en montant; dans le 80 elle monte alternativement de quinte et de tierce; elle fait deux fois de suite le mouvement de tierce, et deux fois aussi de suite celui de quinte en montant. Dans le 81 elle descend diatoniquement cinq fois de suite.

Il y a plusieurs remarques à faire par rapport à ces notes que j'appelle censées-toniques.

Premier. Une suite des notes censées-toniques ne doit être formée, que de notes qui suivant les regles de la modulation peuvent être de vraies toniques, dans la piece où cette suite paroît. Par exemple, fa [x] ni mi [rob] ne peuvent pas être notes censées-toniques, dans une piece dont le mode principal est [-164-] C sol ut majeur; parce qu'on ne peut employer dans une piece dont le mode principal est C sol ut majeur, le mode de F ut fa [x] ni celui d'E si mi [rob].

Deuxiéme. Toutes les fois que la basse fondamentale parcourant des notes censées-toniques, fait un mouvement de quinte en montant; l'on peut faire de la note qu'elle va chercher par ce mouvement une vraie tonique, en donnant l'accord de sixte-quinte à la note précédente. Voyez les exemples 82 et 83.[BETHEX3 15GF] Leur basse fondamentale est la même que celles des exemples 78 [BETHEX3 13GF] et 79,[BETHEX3 14GF] mais les accords fondamentaux ne sont pas les mêmes sur les mêmes notes. Le sol de la basse fondamentale de l'exemple 82, qui porte d'abord l'accord parfait comme note censée-tonique, porte ensuite celui de sixte-quinte qui le rend soudominante. Le re qui le suit est par conséquent une vraie tonique. Ce re, après avoir porté l'accord parfait, porte celui de sixte-quinte. Il devient donc soudominante, et le la qui suit est encor une tonique véritable. Le premier la et le second ut de la basse fondamentale de l'exemple 83, qui sont d'abord notes censées-toniques, deviennent de même soudominantes. Chacun d'eux est par conséquent suivi d'une tonique réelle. Ainsi certaines suites de notes fondamentales qui n'offrent aucun mode, en offriroient plusieurs, si l'on vouloit donner à quelques notes l'accord de sixte-quinte.

Troisiéme. Quand la basse fondamentale fait plusieurs mouvemens diatoniques en portant toujours l'accord parfait; la basse continue ne doit pas être la même que la basse fondamentale mais en former la tierce ou la quinte, et plutôt la tierce que la quinte, comme dans l'exemple 81.[BETHEX3 14GF] La succession diatonique des notes fondamentales, qui produiroit une harmonie insipide si les deux basses étoient réunies, en produit une très-agréable par le [-165-] moyen du renversement, c'est-à-dire, lorsque les deux basses sont différentes.

Quatriéme. La basse fondamentale peut dès le commencement d'une piéce parcourir une suite de notes censées-toniques. L'exemple 79 [BETHEX3 14GF] pourroit être le début d'une piéce. Une piéce dont la basse fondamentale commence par une suite de notes de cette espece, n'offre d'abord aucun mode suivant mon sentiment. Néanmoins quand le premier mouvement de cette basse est un mouvement de quinte en montant, ou un mouvement de tierce, ou un mouvement diatonique; le mode principal de la piéce est annoncé. Car l'oreille desire alors la premiere note de la basse fondamentale pour tonique de ce mode. Ainsi une piéce dont la basse fondamentale seroit au commencement la même que celle de l'exemple 78,[BETHEX3 13GF] auroit pour mode principal celui de C sol ut. Quand le premier mouvement de la basse fondamentale est un mouvement de quarte en montant, on ne sçait point par le début de la piéce quel sera précisément le mode principal, mais on sçait que la premiere note fondamentale sera tonique ou dominante-tonique de ce mode. Ainsi une piéce dont la basse fondamentale commenceroit comme celle de l'exemple 79,[BETHEX3 14GF] auroit pour mode principal celui de G re sol ou celui de C sol ut.

Cinquiéme Les suites de notes censées toniques peuvent, comme les suites de dominantes, ramener au mode qui les précéde ou conduire à un autre mode. Elles peuvent aussi aboutir à un enchaînement de dominantes. Celle qu'on voit dans l'exemple 80, [BETHEX3 14GF] ramene au mode de G re sol qui la précéde; celle qui se trouve dans l'exemple 81 [BETHEX3 14GF] précédée du mode d'E si mi, conduit à celui de G re sol; celle qui commence l'exemple 78,[BETHEX3 13GF] aboutit à un enchaînement de dominantes.

Sixiéme On voit fort souvent une note censée tonique [-166-] paroître seule, c'est-à-dire, sans être précédée ni suivie d'une autre note censée tonique. Les notes marquées d'un A dans les exemples 34 [BETHEX3 05GF] et 84,[BETHEX3 15GF] ne sont point des dominantes: ce sont deux notes censées toniques qui paroissent seules, l'une dans le premier et l'autre dans le second de ces exemples.

Septiéme Une dominante simple peut être suivie d'une note censée tonique. Le re qui précéde le second sol fondamental de l'exemple 34 [BETHEX3 05GF] unisson de la note A, est une dominante simple. Un enchaînement de dominantes peut aboutir à une note censée tonique. La derniere note d'un pareil enchaînement peut être une dominante simple. La suite de dominantes qu'on voit dans l'exemple 84, aboutit à la note A censée tonique, et la derniere dominante de cette suite est un re dominante simple. Si l'on substituoit aux trois dernieres mesures de cet exemple les trois mesures qui composent l'exemple 85,[BETHEX3 16GF] l'enchaînement aboutiroit à une vraie tonique, précédée d'une dominante simple, et suivie de la dominante tonique de son mode.

Huitiéme Une dominante-tonique peut être suivie d'une note censée tonique. Car lorsqu'elle monte d'un dégré pour former ce qu'on appelle cadence rompue, la note sur laquelle elle monte peut être note censée tonique. Telle est la note A de l'exemple 86 [BETHEX3 16GF] qui suit une dominante-tonique.

Neuviéme La basse fondamentale de beaucoup de piéces commence par deux notes censées toniques. Voyez l'exemple 87.[BETHEX3 16GF]

Dixiéme Enfin la basse fondamentale d'une piéce dont le mode principal est mineur, peut commencer par une note censée tonique, qui descende diatoniquement sur une dominante-tonique, ou qui monte diatoniquement sur une dominante simple suivie d'une [-167-] dominante-tonique plus basse de deux tons. Voyez les exemples 88 et 89.[BETHEX3 16GF] Re qui les commence est une note censée tonique, suivie d'ut dominante-tonique dans le 88, et de mi dominante simple qui descend sur ut dominante-tonique dans le 89. Cette note censée tonique annonce le mode principal de la piéce. Car l'oreille la desire pour tonique de ce mode.

CHAPITRE VIII.

Des mouvemens de la Basse fondamentale dans certains genres particuliers de Musique.

ON distingue dans la musique cinq genres différens, le diatonique, le chromatique, l'enharmonique, le diatonique enharmonique, et le chromatique enharmonique.

Le diatonique est celui où le chant, lorsqu'il monte ou descend par les intervalles les plus petits, parcourt toujours des tons entiers, ou des demi-tons majeurs, et jamais deux demi-tons de suite. Il est naturel. C'est le genre ordinaire, et le seul qu'on voie dans la plûpart des exemples que j'ai donnés jusqu'à présent.

Les quatre autres genres doivent leur naissance à l'art. Le chromatique est d'un usage assez fréquent. L'enharmonique n'est pratiqué en France que depuis quelques années. Les deux autres y sont peu connus. Je traiterai du chromatique dans un Article séparé; je ferai connoître ensuite les trois autres genres.

[-168-] Article Premier.

Du Chromatique.

Le chromatique est le genre où le chant procéde successivement par demi-tons majeurs et mineurs. Comme les demi-tons majeurs se trouvent dans le diatonique, ce sont les demi-tons mineurs qui caractérisent le chromatique.

Le demi-ton mineur est l'intervalle qui se trouve entre deux notes de même nom, mais différentes l'une de l'autre par un diese ou par un bémol. La progression triple et la progression quintuple produisent ensemble cet intervalle. Il se trouve, par exemple, entre sol 24 triple octave de sol 3 qui est douziéme d'ut 1 et sol [x] 25 dix-septiéme majeure de mi 5, qui est lui-même dix-septiéme majeure de cet ut.

Tous les chants où l'on apperçoit le demi-ton mineur, sont chromatiques dans les entroits où paroît ce demi-ton. On le trouve assez fréquemment dans le passage d'un mode à un autre. On voit, par exemple, en des morceaux dont le mode d'ut est principal, la tonique ut suivie d'ut [x] comme note sensible de celui de D la re. La basse fondamentale descend alors d'ut sur la, qui est dominante-tonique du nouveau mode, ou monte d'ut à ut [x] portant la septiéme diminuée. On voit sol dominante-tonique suivi de sol [x] comme note sensible du mode d'A mi la. Si sol a sous lui ut dans la basse fondamentale cette basse monte d'ut sur mi, ou va d'ut à sol [x]. S'il a sous lui sol, cette basse descend de sol sur mi ou monte de sol sur sol [x]. Mi comme dominante tonique [-169-] porte avec la tierce majeure la septiéme mineure. Sol [x] comme note sensible et fondamentale porte la septiéme diminuée. On voit encore si note sensible descendre sur si [rob] soudominante du mode de F ut fa. La basse fondamentale descend alors de sol dominante-tonique du mode qui cesse, sur ut dominante-tonique du nouveau mode.

Il y a quelquefois de longues suites de notes qui forment un chant chromatique, les unes en montant et les autres en descendant.

Dans le chromatique en descendant, les notes qui précédent des notes de même nom, sont ordinairement des notes sensibles, les notes qui suivent des notes de même nom, sont ordinairement des septiémes de dominantes-toniques, et la basse fondamentale parcourt alors une suite de notes qui descendent de quinte, et qui sont en même-tems toniques et dominantes-toniques, excepté celle qui est sous la premiere note sensible, car celle-là est dominante-tonique seulement. Voyez l'exemple 90.[BETHEX3 16GF] La basse continue offre un chante chromatique depuis la note A jusqu'à la note D, et depuis la note E jusqu'à la note K. Il y a une interruption du chromatique entre les notes D et E, parce que le chant parcourt de suite deux demi-tons majeurs. Les notes A, C, E, G et I sont des notes sensibles; les notes B, D, F, H et K sont des septiémes de dominantes-toniques. La basse fondamentale descend toujours de quinte depuis la note A jusqu'à la fin. Les notes B, C, D, H, I, K, L et M de cette basse ont chacune un double caractére, celui de tonique de ce qui précéde, et celui de dominante-tonique de ce qui suit; les notes A et G sont dominantes-toniques seulement. La note A se trouve [-170-] sous la premiere note sensible de l'exemple, et la note G sous la premiere note sensible qui paroît après l'interruption du chromatique. La note E est en même-tems tonique et dominante simple. Elle porte néanmoins l'accord des dominantes-toniques, et semble présenter le mode de F ut fa naturel; mais elle est suivie d'un fa [x], ce qui oblige à ne la regarder que comme une simple dominante. La note F est dominante simple seulement. Ces deux notes E et F se trouvent dans l'endroit où le chromatique est interrompu. La note N est en même-tems tonique et dominante simple, la note O est dominante simple seulement. Ces deux notes se trouvent dans l'endroit où le chromatique cesse, et sont suivies de la note P dominante-tonique du mode d'A mi la, par lequel le chant a commencé, et qui termine l'exemple.

Remarquez premier que la note E porte l'accord des dominantes-toniques, et n'est pas néanmoins une dominante-tonique, mais une dominante simple. C'est un ut naturel, suivi d'un fa [x] qui n'est pas tonique, mais dominante simple seulement. J'aurois pû, en faisant syncoper la note C du premier dessus, faire porter à cet ut une septiéme majeure. Mais pour prolonger le chromatique dans le premier dessus, j'ai fait succéder à cette note C qui est un si naturel, la note D qui est un si [rob]; et j'ai fait porter ainsi la septiéme mineure avec la tierce majeure, c'est-à-dire, l'accord des dominantes toniques, à une note qui n'a pas ce caractére.

Remarquez deuxiéme que les notes A, B, C, D, E, F, G et H du premier dessus de l'exemple forment aussi un chant chromatique; que les notes A, C, E et G sont des notes sensibles; que les notes B, F et [-171-] H sont des septiémes de dominantes-toniques; et que quand la basse fondamentale parcourt une suite de notes qui sont en même-tems toniques et dominantes-toniques, si les accords sont complets, il y a toujours deux parties qui forment un chant chromatique.

Dans le chromatique en montant, les notes qui précédent des notes de même nom, sont ordinairement toniques ou médiantes; les notes qui suivent des notes de même nom sont ordinairement notes sensibles. Voyez l'exemple 91.[BETHEX3 17GF] Les notes C et G sont toniques, les notes A et E sont médiantes, les notes B, D, F et H sont sensibles. Toutes les fois que le chromatique passe d'une médiante à une note sensible, la basse fondamentale ne fait aucun mouvement; mais la note qu'elle offre change de caractére, et de tonique devient dominante-tonique. Toutes les fois que le chromatique passe d'une tonique à une note sensible, la basse fondamentale descend de tierce, et va d'une tonique à une dominante-tonique.

Ce mouvement de tierce que la basse fondamentale fait dans le chromatique, me donne lieu de faire observer après Monsieur Rameau, que tout mouvement de tierce fait par cette basse produit naturellement un chant chromatique. Que la basse fondamentale partant de telle note qu'il vous plaira, monte ou descende de tierce majeure ou mineure; que partant, par exemple, d'ut, elle monte sur mi naturel ou sur mi [rob], qu'elle descende sur la naturel ou sur la [rob]: elle portera un chant chromatique, pourvû qu'on donne à chacune de ses notes l'accord parfait majeur, que tout son fondamental doit naturellement porter. Voyez l'exemple 92 [BETHEX3 17GF] qui en renferme quatre, dont chacun présente un mouvement de tierce fait par la basse fondamentale portant toujours l'accord parfait majeur. Deux des quatre [-172-] mouvemens fondamentaux produisent dans la partie la plus haute un chromatique en montant, les deux autres y produisent un chromatique en descendant.

Le chromatique soit en montant soit en descendant, pratiqué comme dans les exemples 90 [BETHEX3 16GF] et 91,[BETHEX3 17GF] offre des changemens fréquens de modes.

Sous le chromatique en descendant, chaque note de la basse fondamentale qui a un double caractére, appartient à deux modes différens, à l'un comme tonique, à l'autre comme dominante-tonique. Avec chacune de ces notes paroît un nouveau mode, qui est celui dont elle est dominante-tonique. Dans la basse fondamentale de l'exemple 90, celui de D la re paroît avec la note B, celui de G re sol avec la note C, celui de C sol ut avec la note D, celui d'A mi la avec la note H, celui de D la re avec la note I, celui de G re sol avec la note K, celui de C sol ut avec la note L, et celui de F ut fa avec la note M. Ainsi l'on voit pendant une suite de notes, un nouveau mode paroître avec chacune d'elles. Chaque mode a néanmoins deux de ses notes dans la basse fondamentale sa dominante-tonique avec laquelle il paroît, et sa tonique avec laquelle comme dominante paroît un autre mode. L'oreille n'aime point naturellement une succession si rapide de modes. Ainsi le chromatique pratiqué en descendant comme dans l'exemple 90, lui déplaît, à moins qu'il ne serve à peindre quelque objet ou à exprimer quelque sentiment. Il convient à la tristesse et à la terreur. Mais il faut observer que les notes qui le forment doivent être longues, ou qu'une même note doit être répétée plusieurs fois de suite. Le chant de la basse continue de l'exemple 90, s'il n'étoit lent, me paroîtroit insupportable.

[-173-] Sous le chromatique en montant, chaque note de la basse fondamentale n'a qu'un caractére, ou si elle en a deux, elle ne les a que successivement; et chaque mode subsiste seul pendant que le chant parcourt deux notes. Ainsi les changemens de modes y sont une fois moins fréquens que dans le chromatique en descendant. Le chromatique en montant est pour cela moins désagréable. Il convient à des objets et à des sentimens opposés. Il est quelquefois triste et quelquefois gai, suivant la maniére dont on l'employe. Il demande comme le chromatique en descendant à être formé de notes longues, à moins que la même note ne soit répétée plusieurs fois de suite. Le chant de la basse continue de l'exemple 91, s'il n'étoit lent, me paroîtroit fort dur, et choqueroit bien des oreilles.

Le chromatique, soit en montant soit en descendant, peut ne point offrir de changemens de mode. Il ne présente quelquefois qu'un changement de modulation. On voit alors dans la basse fondamentale une tonique, qui porte successivement une tierce majeure et une tierce mineure, ou une tierce mineure et une tierce majeure, par exemple, un ut note tonique, qui porte d'abord mi naturel et ensuite mi [rob], ou d'abord mi [rob] et ensuite mi naturel.

Le chromatique en descendant n'offre quelquefois aucun changement de mode ni de modulation. La basse fondamentale parcourt alors une suite de note censées toniques, ou une suite de notes qui n'ont d'autre caractére que celui de dominantes. Voyez l'exemple 93,[BETHEX3 17GF] et remarquez que la note A, quoique portant septiéme diminuée, ne doit point être regardée comme note sensible, mais comme dominante simple. Car si c'étoit une note sensible, elle tiendroit la [-174-] place de mi dominante-tonique, et ne descendroit pas sur un ut, mais sur un mi, ou monteroit sur un la. Le chant la sol [x] sol [sqb] fa [x] fa [sqb] mi qui fait la premiere basse de cette exemple, pourroit, si l'on changeoit les parties supérieures, avoir pour basse fondamentale une suite de notes censées toniques différente de celle qu'offre cet exemple. Cette suite feroit la mi si. La seroit sous la; mi seroit sous sol [x] et sous sol [sqb], et porteroit successivement l'accord parfait majeur et l'accord parfait mineur; si seroit sous fa [x]. On acheveroit cette basse en mettant sous fa [sqb] un sol [x] note sensible portant la septiéme diminuée, et sous mi un la qui seroit une vraie tonique. Cette basse fondamentale pourroit servir de basse continue au chant la sol [x] sol [sqb] fa [x] fa [sqb] mi, s'il se trouvoit dans une partie supérieure. Car la basse continue de ce chant pourroit être la mi mi si sol [x] la. Ce chant la sol [x] sol [sqb] fa [x] fa [sqb] mi dans une basse continue pourroit avoir pour basse fondamentale la sol [x] ut [x] fa [x] si mi. Cette basse fondamentale seroit fort singuliere. La porteroit l'accord parfait; sol [x], ut [x], fa [x] et si porteroient l'accord de septiéme diminuée; mi porteroit l'accord parfait majeur, ou l'accord des dominantes-toniques. On verroit une suite de notes portant la septiéme diminuée et produisant un harmonie fort dure, mais bonne pour exprimer certains sentimens.

Je finirai cet Article par une observation. Le demi-ton mineur et le demi-ton majeur forment ensemble un ton, comme je l'ai dit dans la Premiere Partie, Chapitre I. Article I. Ainsi quand la voix monte par dégrés chromatiques; chaque fois qu'elle a parcouru deux demi-tons, elle s'est élevée d'un ton. Mais il y a deux espéces de tons, le majeur et le mineur. Lequel des deux est formé [-175-] par le demi-ton mineur et par le demi-ton majeur réunis?

Pour répondre à cette question, je suppose sol [x] 25 placé entre sol 24 et la 26 2/3. Il y a suivant cette supposition, deux demi-tons, l'un mineur entre sol et sol [x], l'autre majeur entre sol [x] et la. Ces deux demi-tons sont parfaits, chacun en leur espéce. Car le rapport du demi-ton mineur est de 24 à 25, et celui du demi-ton majeur est de 15 à 16. Or il y a entre sol et sol [x] le rapport de 24 à 25, et entre sol [x] et la celui de 25 à 26 2/3, qui est le même que celui de 15 à 16. Ces deux demi-tons sont donc parfaits.

Si l'on demande la preuve de l'identité du rapport de 25 à 26 2/3 avec celui de 15 à 16, la voici. 16 égalent 15 plus 1 qui est le quinziéme de 15; 26 2/3 égalent 25 plus 1 2/3 ou 5/3 qui sont le quinziéme de 25, car dans 25 il y a soixante et quinze tiers, et 5/3 sont le quinziéme de soixante et quinze tiers. Il y a donc entre sol [x] 25 et la 26 2/3 un demi-ton, dont le rapport est le même que celui de 15 à 16, c'est-à-dire, un demi-ton majeur parfait; comme il y a un demi-ton mineur parfait entre sol 24 et sol [x] 25.

Ces deux demi-tons forment le ton qui se trouve entre sol 24 et la 26 2/3, et ce ton est mineur. Car le rapport du ton mineur est de 9 à 10. Or 24 sont à 26 2/3 comme 9 sont à 10. 10 égalent 9 plus 1 qui est le neuviéme de 9. De même 26 2/3 égalent 24 plus 2 2/3 qui sont le neuviéme de 24, parce qu'il y a soixante et douze tiers dans 24, et que dans 2 2/3 il y a huit tiers qui sont le neuviéme de soixante et douze tiers. Ainsi le ton qui se trouve entre sol 24 et la 26 2/3, est mineur, et l'union du demi-ton [-176-] mineur avec le demi-ton majeur forme cette espéce de ton.

Il résulte de là, que si l'on montoit toujours par demi-tons, depuis une note jusqu'à son octave inclusivement (comme dans l'exemple 6 de la Premiere Partie [BETHEX3 01GF]) faisant tous les intervalles justes, cette octave seroit diminuée de trois commas. Car il y a entre une note et son octave juste, trois tons majeurs, deux tons mineurs, et deux demi-tons majeurs. Or si l'on montoit comme je viens de le dire, on ne formeroit entre une note et son octave, que cinq demi-tons mineurs et sept demi-tons majeurs, qui vaudroient ensemble cinq tons mineurs et deux demi-tons majeurs. Trois tons mineurs tiendroient par conséquent la place de trois tons majeurs. Un ton mineur est moindre d'un comma qu'un ton majeur. Il se trouveroit donc dans l'intervalle de l'octave une diminution de trois commas.

Article II.

De l'Enharmonique, du Diatonique enharmonique et du Chromatique enharmonique.

L'Enharmonique est un genre où le chant procéde ou du moins est censé procéder par un certain quart de ton. Je dis: par un certain quart de ton, parce que cette intervalle n'est pas véritablement la quatriéme partie d'un ton, comme on l'a vu plus haut.

Ce genre est occasionné par le tempéramment des instrumens qui rendent de la même maniére deux notes différentes, entre lesquelles il doit naturellement y avoir ce quart de ton, par exemple, [-177-] sol [x] et la [rob]. Son effet est surprise causée par le passage d'un mode à un autre, qui ne peut naturellement s'enchaîner avec ce premier mode. Ceci s'éclaircira par un exemple.

La note sensible des tons mineurs paroît quelquefois dans la basse fondamentale et y représente la dominante-tonique. Elle porte alors l'accord de septiéme diminuée. Le renversement de cet accord en produit trois autres. Voyez l'exemple 94.[BETHEX3 17GF] La basse continue de cet exemple porte l'accord de septiéme diminuée sol [x] si re fa, et trois accords produits par le renversement de ce premier, sçavoir, si re fa sol [x], re fa sol [x] si et fa sol [x] si re. Ces trois derniers accords s'exécutent sur les instrumens dont je viens de parler, comme les trois accords que cette basse porte dans l'exemple 95,[BETHEX3 17GF] [BETHEX3 18GF] qui sont, si re fa la [rob], re fa la [rob] ut [rob], fa la [rob] ut [rob] mi double [rob]; c'est-à-dire que les mêmes touches du clavecin qui font entendre si re fa sol [x], font entendre en un autre endroit si re fa la [rob]; que celles qui font entendre re fa sol [x] si, font entendre ailleurs re fa la [rob] ut, [rob], et que celles qui font entendre fa sol [x] si re, font entendre fa la [rob] ut [rob] mi double [rob], mais dans un autre mode. Les quatre accords de l'exemple 94 sont du mode d'A mi la. Le premier de l'exemple 95 est du mode de C sol ut mineur, le second est du mode d'E si mi [rob] mineur, et le troisiéme est du mode de G re sol [rob] aussi mineur. Ces trois accords sont des accords de septiéme diminuée.

Par le moyen des trois derniers accords du premier exemple, un Auteur, pour donner à l'harmonie d'une piéce une variété extraordinaire, peut à son gré passer du mode d'A mi la mineur à celui de C sol ut mineur, ou à celui d'E si mi [rob] mineur, [-178-] ou à celui de G re sol [rob] mineur, quoique trois ces derniers modes soient fort étrangers au premier. S'il veut passer à celui de C sol ut mineur, il n'a qu'à employer l'accord si re fa sol [x] qui est le second de l'exemple 94, et lui faire succéder l'accord de septiéme diminuée si re fa la [rob] qui est le premier de l'exemple 95.

Ces deux accords sont très-différens. L'oreille ne peut recevoir de suite l'impression de ces deux accords sans en être choquée. Mais comme sur les instrumens qui rendent de même deux notes différentes, les quatre sons qui forment l'un, forment aussi l'autre; cette identité de sons qui détruit la justesse de ces deux accords, adoucit la dureté du changement de mode. Après l'accord si re fa sol [x], l'accord si re fa la [rob] paroît moins dur, quand il est formé par les quatre mêmes sons qui ont formé le premier.

Cette identité de sons diminue la dureté du changement de mode, mais ne la fait pas disparoître entiérement. Tant que l'oreille entend les quatre sons, qui suivant l'intention de l'Auteur, forment d'abord l'accord si re fa sol [x] et ensuite l'accord si re fa la [rob]; elle conserve l'impression du premier accord, parce qu'elle entend toujours les mêmes sons et ne pressent pas ce qui va venir. Mais dès qu'elle entend l'accord qui succéde à celui de septiéme diminuée, elle reçoit avec surprise l'impression de cet accord de septiéme diminuée en même-tems que celle du nouvel accord. Ce qui l'étonne, c'est le quart de ton qui doit naturellement se trouver entre sol [x] et la [rob]. Ce quart de ton qui fait la différence du demi-ton mineur au demi ton majeur, ne se trouve point sur les instrumens [-179-] qui rendent le même son tantôt pour sol [x] et tantôt pour la [rob]; mais il est censé y être, puisque ces notes y sont données pour justes, et que leur justesse exige ce quart de ton. Ainsi quand l'oreille reçoit l'impression de l'accord de septiéme diminuée, elle sent que la [rob] a succédé a sol [x]. Elle sent aussi qu'il doit y avoir le quart de ton enharmonique entre ces deux notes, quoiqu'elles soient réellement à l'unisson sur les instrumens dont j'ai parlé; elle suppose qu'il y est, et en est frappée à peu près comme s'il y étoit véritablement. Comme ce quart de ton fait le défaut de cette succession de notes, c'est lui aussi qui cause la surprise de l'auditeur, et sa répugnance pour une pareille succession.

La répugnance ne dure pas, et la surprise "se tourne, dit Monsier Rameau (génération harmonique page 153), en admiration, de se voir ainsi transporté d'un hémisphere à l'autre, pour ainsi dire, sans qu'on ait eu le tems d'y penser."

Le Lecteur doit connoître à présent le genre enharmonique. Par la maniére dont on peut passer d'A mi la mineur en C sol ut mineur, on conçoit comment on peut passer de ce premier mode en E si mi [rob] mineur ou en G re sol [rob] mineur; on conçoit aussi comment on peut enchaîner à tout mode mineur trois modes qui lui sont étrangers, comment, par exemple, on peut faire succéder au mode d'E si mi mineur celui de G re sol mineur, ou celui de B fa si [rob] mineur, ou même celui de D la re [rob] mineur.

En comparant les deux exemples l'un à l'autre, on voit que pour passer d'A mi la mineur en C sol ut mineur, la basse fondamentale va de sol [x] à si; que pour passer de ce premier mode à celui d'E si mi [rob] mineur, [-180-] elle va de sol < > à re; que pour passer à celui de G re sol <.> mineur, elle va de sol [x] à fa, et qu< >lle peut par conséquent dans le genre enha moniqu monter de tierce mineure, de fausse-quinte et de septiéme diminuée.

Pour revenir au mode d'où l'on est parti, on se sert des mêmes accords par le moyen desquels on a passé au mode étranger. Par exemple, pour revenir du mode de C sol ut mineur à celui d'A mi la naturel, on employe l'accord si re fa la [rob] auquel on fait succéder l'accord si re fa sol [x]. D'où il suit que dans l'enharmonique la basse fondamentale peut descendre des mêmes intervalles, desquels je viens de dire qu'elle peut monter.

Le Diatonique enharmonique est un genre où le chant procéde par deux demi-tons majeurs consécutifs. Il s'appelle diatonique, parce que les demi-tons majeurs sont du genre diatonique; il s'appelle enharmonique, parce que deux demi-tons majeurs forment un ton trop grand de ce quart de ton, qui est censé se trouver entre les notes que l'enharmonique parcourt, et qui pour cette raison est appellé Quart de ton enharmonique.

La basse fondamentale en montant alternativement de tierce et de quinte produit quelquefois ce genre. Voyez l'exemple 96,[BETHEX3 18GF] où cette basse fait alt< >rnativement ces deux mouvemens, et parcourt cinq notes, dont la premiere et la quatriéme portent l'accord parfait mineur, et les autres l'accord parfait majeur; ce qui produit dans le second dessus deux demi-tons majeurs consécutifs, qui se trouvent, le premier entre ut et si, et le second entre si et la [x].

Elle peut aussi l'engendrer en descendant toujours de quinte. Voyez les exemples 97 et 98.[BETHEX3 18GF] Dans le [-181-] dessus de ces deux exemples, les notes si [rob], la et sol [x] forment un chant diatonique enharmonique. La basse fondamentale du 97, pour produire ce chant, descend de so tonique sur ut dominante tonique, puis sur fa tonique et dominante simple en même-tems. Elle va ensuite à si dominante simple suivi de mi, qui porte l'accord parfait majeur, et qui pourroit comme dominante-tonique porter l'accord de septiéme mineure avec la tierce majeure. D'où il résulte qu'un chant diatonique enharmonique peut appartenir à trois modes différens. La basse fondamentale du 98, pour produire ce chant, au lieu d'aller de fa à si naturel pour aller ensuite à mi, va de fa à si [rob] et puis à mi. Le si [rob] est une dominante simple, qui tient la place d'une autre dominante simple plus haut d'un demi-ton. D'où il suit qu'un chant diatonique enharmonique peut être occasionné par une dominante simple, qu'on met à la place d'une autre, et qui est plus basse d'un demi-ton que celle dont elle tient la place.

Le Chromatique enharmonique est un genre où le chant procéde par deux demi-tons mineurs consécutifs. On l'appelle chromatique, parce que les demi-tons mineurs sont du genre chromatique; on l'appelle enharmonique, parce que deux demi-tons mineurs forment un ton trop petit du quart de ton enharmonique.

La basse fondamentale portant sur une même note l'accord parfait majeur après l'accord parfait mineur, descendant ensuite de tierce mineure, puis remontant de tierce majeure, et portant l'accord parfait majeur sur les deux notes auxquelles elle se porte par ces deux mouvemens, produit ce genre le plus extraordinaire de tous. Voyez l'exemple 95,[BETHEX3 17GF] [BETHEX3 18GF] où les notes [-182-] mi [rob], mi [sqb], mi [x] forment dans la partie la plus haute un chant de ce genre.


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