TFM - TRAITÉS FRANÇAIS SUR LA MUSIQUE

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Fn and Ft: MEUDIC TEXT
Author: Meude-Monpas
Title: Dictionnaire de musique
Source: Dictionnaire de musique (Paris: Knapen et Fils, 1787; reprint ed., New York: AMS Press, 1978).

[-ij-] ERRATA.

Page 24, ligne 16, continue, lisez continuel.

Page 38, ligne 2, sieur Giroust, lisez le sieur Giroust.

Page 86, ligne 6, présent, lisez à présent.

Page 133, ligne 18, sourdit, lisez surdit.

Page 186, ligne 7, ne lisez qu'une fois simple.

Page 188, ligne 19, vilon, lisez violon.

Page 194, ligne 18, par exemple la comme du Roi, lisez par exemple, la Chapelle du Roi.

Page 209, ligne 17, tant pire, lisez tant pis.

Page 212, ligne 19, après la phrase suivante mettez une virgule, au bout de vingt ans de travail, et cetera.

[-iij-] DICTIONNAIRE DE MUSIQUE,

Dans lequel on simplifie les expressions et les définitions Mathématiques et Physiques qui ont rapport à cet Art; avec des remarques impartiales sur les Poëtes lyriques, les Vérificateurs, les Compositeurs, Acteurs, Exécutants, ect, ect.

Les discours trop savants ne parlent qu'aux oreilles.

Par J. J. O. de Meude-Monpas, Chevalier.

A PARIS, Chez Knapen et Fils, Librairie-Imprimeurs de la Cour des Aides, au bas du Pont Saint-Michel.

M. DCC. LXXXVII,

[-v-] PRÉFACE.

IL y a long-temps qu'on a dit, avec raison, que les Ouvrages Classiques et Elémentaires n'étoient intelligibles que pour les gens déjà savants. L'expérience m'a démontré cette vérité, puisque je n'ai pu comprendre tous les traités et tous les Dictionnaires de Musique, de Physique, de Mathématique, et cetera que lorsque j'ai été en état d'en composer moi-même. Or, rien n'est plus mal vu que ces dissertations abstraites, quand il s'agit de l'expliquer clairement aux commençants, qui n'entendent rien à [-vj-] tous ces grands termes. Mais, dira-t-on, ces mots sont techniques et n'ont pas de synonimes ni de correlatifs; plusieurs sont tirés du grec, du latin; il faut donc en conserver l'étymologie. Voilà bien le langage des gens qui ne sont que savants, mais non pas celui des êtres qui veulent applanir la route rocailleuse des sciences.

J'ai donc fait en sorte d'être intelligible, dans le Dictionnaire que je soumets au jugement du public; j'ai donc tâché de me rapprocher des personnes qui n'ont aucune connoissance des langues anciennes, non plus que des Mathématiques [-vij-] et de la Physique.

On me reprochera peut-être, des redites, mais je répondrai que j'ai cru devoir insister sur des points capitaux, et qu'il falloit détailler mes observations dans plusieurs articles, pour ne pas fatiguer le lecteur, en abusant de son attention sur un trop long chapitre. Ainsi, on trouvera des remarques analogues dans les mots adagio, agrément, chant, et cetera comme aussi dans les articles ballet, danse, entr'acte, intermède, pantomime, et cetera et dans les articles harmonie, opéra, répercussion, voix, et cetera, et cetera.

[-viij-] Au reste, on ne me reprochera aucune partialité dans mes remarques critiques. J'ai toujours haï les personnalités; elles dénotent la mauvaise foi et le peu de moyens d'avoir raison. Mon but a été d'être utile avec simplicité. J'ai parlé des Arts et non pas des Artistes, et j'aurois eu honte d'imiter l'Auteur (1) d'un gros Ouvrage sur la Musique, qui a noirci quatrevingt pages d'invectives contre l'illustre J. J. Rousseau, après avoir annoncé dans la Préface de [-ix-] cette compilation, qu'il ne parleroit seulement que des talents, et non du personnel de tous ceux qui ont écrit et travaillé en musique.

Quelqu'imparfait que soit ce Dictionnaire, je ne crois pas qu'il ennuie le lecteur; car je lui ai proposé des observations qui le mettront à même de déployer sa sagacité. Alors mes erreurs auront donné naissance à de bonnes idées. Un jour, peut-être, prouverai-je que je puis avoir raison de moi-même.

Quoique ce Dictionnaire soit [-x-] peu volumineux, il ne m'en a pas moins coûté pour le composer. Qu'on se ressouvienne de cette femme célèbre qui disoit, je n'ai pas eu le temps de vous en écrire moins.

Si quelqu'un me faisoit le reproche d'avoir publié un Dictionnaire de Musique, après celui de mon Maître, je ne répondrois qu'en indiquant la première phrase de cette Préface..... Je crois qu'on doit savoir bon gré à un babillard, tel que moi, d'avoir épargné les mots, et de n'avoir pas répété ce que tout le monde savoit.

[-xj-] La seule critique que je me sois permise, ç'a été de ne rien dire des individus que j'ai cru peu dignes de mes remarques.

Si j'ai été trop concis, c'est que j'ai pensé que beaucoup de mots n'annonçoient que peu de choses: comme un long plaidoyer dénote des moyens peu victorieux.

On trouvera sûrement de l'incohérence dans la contexture de ce Dictionnaire. Mais, à coup sûr, on ne me reprochera pas d'avoir employé des expressions trop abstraites et trop scientifiques. J'ai souvent abandonné la froide régularité [-xij-] du style, pour me faire entendre indubitablement. Les gens qui n'ont d'autre mérite que celui d'être anciens Régents de Collège, pourront critiquer plusieurs de mes phrases. A l'égard de mes idées, je les prie de se ressouvenir qu'il ne faut jamais parler de ce qu'on ne conçoit pas. Je ne suis porteur que de mes idées. Je les rends peut-être mal; mais ce sont mes enfants, que mon sot amour-propre ne sait point habiller. S'il y avoit des Frippiers en littérature, je les prierois de me prêter leur secours.

Enfin, je prie le beau sexe de [-xiij-] ne pas attribuer quelques-unes de mes remarques à un sentiment d'indifférence, qui, certainement, n'a jamais été dans mon coeur. J'eusse été le plus heureux des hommes, si j'avois mérité le reproche d'insensible; mais le besoin d'aimer, sans le moyen de plaire, chez moi, a changé en aigreur le plus noble et le plus doux sentiment de la vie. J'ai passé ma jeunesse au milieu des desirs et des plaisirs mondains: j'ai cultivé les talents avec quelques succès; je renonce à tout; et la Musique, cet Art enchanteur, qui fut souvent l'interprête décent des sensations délicieuses [-xiv-] que je voulois rendre: Eh bien ! J'y renonce aussi. Les gens qui me connoissent, m'approuveront de m'être éloigné des plaisirs apparents dont j'ai été dupe, et des talents qui m'ont attiré des désagréments si insoutenables. La paix est préférable à tout; et je trouverai peut-être dans les lettres, plus de repos que dans les talents, que de trop basses pratiques m'ont fait abandonner.

[-xv-] APPROBATION.

J'ai lu par ordre de Monseigneur le Garde des Sceaux, un manuscrit intitulé: Dictionnaire de Musique, et n'y ai rien trouvé qui doive en empêcher l'impression. A Paris, le 8 Août 1787. Signé, Guidi.

PRIVILEGE DU ROI.

Louis, Par la grace de Dieu, Roi de France et de Navarre, à nos amés et féaux Conseillers, les Gens tenant nos Cours de Parlement, Maîtres des Requêtes ordinaires de notre Hôtel, Grand-Conseil, Prévôt de Paris, Baillifs, Sénéchaux, leurs Lieutenants Civils, et autres nos Justiciers qu'il appartiendra: Salut. Notre amé le Sieur Knapen, Imprimeur, Nous a fait exposer qu'il desireroit faire imprimer et donner au Public le Dictionnaire de Musique, par Monsieur le Chevalier De Meude, s'il nous plaisoit lui accorder nos Lettres de Permission pour ce nécessaires. A ces causes, voulant favorablement traiter l'Exposant, nous lui avons permis et permettons par ces Présentes, de faire imprimer ledit Ouvrage autant de fois que bon lui semblera, et de le faire vendre et débiter par tout notre Royaume, pendant le temps de cinq années consécutives, à compter du jour de la date des Présentes. Faisons défenses à tous Imprimeurs, Libraires et autres personnes de quelque qualité et condition qu'elles soient, d'en introduire d'impression étrangère dans aucun lieu de notre obéissance, A la charge que ces Présentes seront enregistrées tout au long sur le [-xvj-] Registre de la Communauté des Imprimeurs et Libraires de Paris, dans trois mois de la date d'icelles; que l'impression dudit Ouvrage sera faite dans notre Royaume et non ailleurs, en beau papier et beaux caractères; que l'Impétrant se conformera en tout aux Règlements de la Librairie, notamment à celui du 10 Avril 1725, et l'Arrêt de notre Conseil du 30 Août 1777, à peine de déchéance de la présente Permisson; qu'avant de l'exposer en vente, le manuscrit qui aura servi de copie à l'impression dudit Ouvrage sera remis dans le même état où l'Approbation y aura été donnée, ès mains de notre très-cher et féal Chevalier Garde des Sceaux de France, le Sieur de Lamoignon; Commandeur de nos Ordres, qu'il en sera ensuite remis deux exemplaires dans notre Bibliothèque publique, un dans celle <d>e notre Château du Louvre, un dans celle de notre très-cher et féal Chevalier Chancelier de France le Sieur de Maupeou, et un dans celle dudit Sieur de Lamoignon; le tout à peine de nulli<>é des Présentes: Du contenu desquelles vous mandons et enjoignons de faire jouir ledit Exposant et ses ayans-cause pleinement et paisiblement, sans souffrir qu'il leur soit fait aucun trouble ou empêchement. Voulons qu'à la copie des Présentes, qui sera imprimée <t>out au long, au commencement ou à la fin dudit Ouvrage, foi soit ajoutée comme à l'original. Commandons au premier notre Huissier ou Sergent sur ce requis, de faire pour l'exécution d'icelles, tous actes requis et nécessaires, sans demander autre permission, nonobstant clameur de Haro, Charte Normande, et Lettres à ce contraires: Car tel est notre plaisir. Donné à Versailles le dix-huitième jour du mois d'Octobre, l'an de grace mil sept cent quatrevingt-sept, et de notre Règne le quatorzième. Par le Roi, en son Conseil. Signé, LEBEGUE.

Registrée sur le Registre XXIII de la Chambre Royale et Syndicale des Libraires et Imprimeurs de Paris, numéro 1301, folio 372, conformément aux dispositions énoncées dans la présente Permission; et à la charge de remettre à ladite Chambre les neuf Exemplaires prescrits par l'Arrêt du Conseil du 16 Avril 1785. A Paris, le 23 Octobre 1787. Signé, NYON, l'aîné, Adjoint.

[-1-] DICTIONNAIRE DE MUSIQUE.

A.

A mi la, ou simplement la. Sixième son ou note de la Gamme diatonique d'ut.

A livre ouvert, autrement dit à l'ouverture du livre, adverbe. Cette façon de parler signifie exécuter à la première vue tout ce qu'on vous présente. Beaucoup de Musiciens croient avoir lu à livre ouvert, quand ils ont observé scrupuleusement la donnée du mouvement et la valeur des notes. Mais ce n'est pas là tout, il faut encore saisir l'esprit de l'Auteur, et, sans se permettre de rien ajouter à ce qu'il a écrit, rendre correctement et avec intérêt le caractère du morceau.

Académie Royale de Musique. C'est [-2-] le titre que l'on donne à l'Opéra de Paris. (Voyez Opéra).

Accent, substantif masculin. Modification de la voix. Je ne répéterai pas ce que beaucoup d'Auteurs ont écrit à ce sujet. Je rappellerai seulement qu'au mois d'octobre 1785, j'agitai une question à laquelle plusieurs personnes répondirent par la voix du Journal de Paris, et que parmi ces réponses je trouvai des réflexions très-lumineuses. J'en dirai un mot à l'article (Voix).

Accidentel. On nomme signes accidentels, les bémols, les dièses et les bécarres qui ne sont pas marqués à la clef, et qui par conséquent n'influent pas sur la terminaison du mode du morceau.

Accolade, substantif féminin. Trait perpendiculaire aux lignes, tiré à la marge d'une partition, qui réunit les portées qui doivent être exécutées ensemble.

Accompagnateur, substantif masculin. Celui qui accompagne un morceau principal. Je n'approuve pas la manière dont l'illustre J. J. Rousseau a traité cet article; car un Accompagnateur ne [-3-] doit pas donner le ton ni décider le mouvement; au contraire, il doit suivre strictement et servilement le chant principal. En effet, accompagner, ce n'est pas tracer la route ni conduire, c'est suivre les intentions de quelqu'un. Ainsi, un bon Accompagnateur doit laisser briller le chant, et ne pas le couvrir ni l'obstruer par un amas de petites notes, chose toujours déplacée. C'est ce que peu de Musiciens veulent entendre: de-là plus de bruit que d'expression. A l'égard du ton et du mouvement, l'Accompagnateur doit donner le premier, mais jamais l'autre.

Accompagnement, substantif masculin. Manière d'accompagner: on emploie aussi ce mot en parlant d'une simple regle qu'on enseigne aux personnes qui ne savent pas encore la composition; et qui néanmoins veulent être en état d'accompagner, d'après la connoissance des chiffres qui désignent les accords.

Accord, substantif masculin. Réunion de plusieurs sons qui se font entendre à la fois. (Voyez Harmonie).

Accordeur, substantif masculin. Celui qui va dans les [-4-] maisons pour mettre d'accord un clavecin, un piano, et cetera. Pour l'ordinaire les Accordeurs sont aussi facteurs d'instruments.

Acte, substantif masculin. Partie d'un Opéra séparée d'une autre, dans la représentation, par un espace appellé entr'acte. On ne pourroit rien dire de mieux à ce sujet que ce qu'en a écrit Rousseau: ainsi j'y renvoie le lecteur.

Acteur, substantif masculin. Chanteur qui remplit un rôle dans la représentation d'un Opéra. Je dis Chanteur, parce que la partie du chant est à l'Opéra une chose importante. Premier. Il faut, pour être bon Acteur d'Opéra, que la voix soit assez étendue pour que l'auditoire ne perde rien des paroles; car, pour chanter, il ne suffit pas de gesticuler, mais encore il faut se faire entendre. Deuxième. Se bien pénétrer de l'esprit de son rôle, de manière qu'on ne distingue plus l'acteur d'avec le personnage qu'il représente. Troisième. Ne pas trop étudier ses gestes; car les gestes vrais sont ceux sans apprêt, et que la spontanéité des mouvements fait naître. Quatrième. Il faut prononcer franchement, (Voyez Articulation). [-5-] Comme le dit Rousseau, le célèbre Chassé a été le modèle des Acteurs de l'Opéra. Pour moi qui ne l'ai connu que depuis qu'il avoit quitté le théâtre, je ne puis que répéter d'après les autres les éloges qu'il a mérités. Le meilleur Acteur de mon temps, sans contredit, ç'a été Larrivée, peu Musicien, mais excellent pantomime, ayant une prononciation franche et nette, et le geste toujours vrai.

Adagio, adverbe. Ce mot italien signifie, à l'aise, posément; après le largo, c'est le mouvement le plus lent. Ce mot adagio se prend aussi substantivement lorsqu'on dit jouer un adagio. C'est le cas ici de répéter ce que j'écrivis à ce sujet dans le Journal de Paris, en Juin 1785. Je disois, "le reproche que je fais aux Musiciens, tant compositeurs qu'exécutants, c'est de dénaturer le caractère des morceaux d'expression, en les chargeant d'un amas de petites notes, qu'on nomme mal-à-propos agrément. Tous les Arts sont enfants de la Nature, et ne tendent qu'à l'imiter. Or, quand j'enrendrai un Musicien exécuter un [-6-] morceau d'expression avec une légèreté manièrée, et le rendre méconnoissable par l'apprêt qu'il y mettra, il me semblera voir une vieille coquette achevant sa toilette, et mettant sur son visage une innombrable quantité de mouches, parce qu'elle aura vu la veille une jolie femme qui avoit une mouche sous l'oeil. En effet, comme la Musique est l'expression du sentiment, et que le sentiment est simple comme l'éloquence; multiplier les moyens, c'est affoiblir les effets. Il peut être permis ou toléré, dans un air de bravoure, de faire briller l'organe du chanteur, par des traits d'exécution; mais les morceaux d'expression doivent être rendus simplement, et l'art doit disparoître pour ne laisser voir que la nature: alors, dénués de tous faux-fuyants, les chanteurs s'attacheroient avec plus d'attention à articuler davantage les paroles et la Musique, et donneroient une expression plus noble et plus soutenue aux morceaux de sentiment, tels que le largo, l'adagio, l'andante, et le cantabile.

"Ce que je viens de dire relativement [-7-] aux chanteurs, doit s'appliquer également aux virtuoses qui jouent des instruments. En effet, comme ils ne doivent se proposer d'autre but que d'imiter la voix, toutes les fois qu'ils sacrifient la belle simplicité à la difficulté, ils étonnent, mais ne plaisent pas; et c'est le cas de dire que leur seule gloire est d'avoir vaincu une stérile difficulté; et lorsqu'on applaudit à leurs tours de force, ils partagent les éloges avec les étonnants sauteurs de la Foire, ou bien avec les automates de l'ingénieux Vaucanson; et remarquez que les gens qui aiment tant les difficultés, sont ordinairement peu sensibles et peu spirituels".

Affettuoso, adverbe. Ce mot signifie d'une manière affectueuse.

Agogé, substantif masculin. Conduite: c'est une subdivision de la Mélopée des Grecs.

Agrément, substantif masculin. On nomme ainsi de petites notes ajoutées, qui toujours défigurent la belle simplicité du chant. (Voyez Adagio).

Aigu, adjectif. L'opposé au son grave.

[-8-] Air, substantif masculin. Chant mesuré; comme tout ce qui n'est pas mesuré n'est pas un air; tout ce qui n'est pas air n'est pas de la Musique: car il n'y a pas de Musique sans un mouvement décidé. Donc le plus beau récitatif n'est pas de la Musique, puisqu'il n'est pas soumis à la mesure.

Allegro, adjectif. Pris adverbialement, ce mot italien signifie gai ou gaiement. Quelquefois les Italiens l'emploient comme synonyme de fureur, d'emportement.

Allemande, substantif féminin. Air de danse à deux temps, qui vient de Suisse ou d'Allemagne.

Amateur, substantif masculin. Celui qui, sans professer l'état de Musicien, exerce la musique, ou a des prétentions à s'y connoître.

Ambitus, substantif masculin. Nom qu'on donnoit autrefois à l'étendue de chaque ton ou mode, du grave à l'aigu.

Amoroso, adverbe. Terme italien qui signifie amoureusement.

Andante, adverbe. Mouvement intermédiaire entre l'adagio et l'allegro.

[-9-] Anonner, verbe neutre. Mal lire et mal exécuter la musique: cela est assez commun.

Antienne; substantif féminin. Sorte de chant usité dans notre Eglise, et qui précède les Pseaumes, les Cantiques, et en marque l'intonation.

Arco. Archet. Con arco, est l'opposé de piccicato pincé, et veut dire jouer avec l'archet.

Ariette, substantif féminin. diminutif d'air. En France on nomme ainsi un morceau de mouvement gai, où, dessus quatre, six ou huit vers, le chanteur a de quoi défiler des roulades, et faire briller l'agilité de son gosier. Alors ce n'est plus du chant, mais des difficultés vaincus et des sonates de gosier. Au reste, il faut permettre à ces chanteurs de traits et de voyelles d'exécuter leurs concertos: sans cela ils ne seroient plus rien; car je les crois incapables de chanter simplement un bel air de sentiment, où l'ame dit plus que le gosier, et où la charge devient insipide.

Armer la clef. C'est décider le ton par la quantité de dièses ou de bémols.

Arpéger, verbe neutre. C'est passer successivement [-10-] sur les cordes d'un violon, et cetera sans pour cela lever l'archet. C'est embrasser les cordes qui se trouvent, comme de raison, d'une manière convexe sur le chevalet de l'instrument.

Articulation. substantif féminin. Il y a deux sortes d'articulations; l'articulation musicale, qui consiste à détailler les phrases; ensuite l'articulation des paroles, c'est-à-dire, la prononciation nette et exacte, qui constitue la supériorité de la voix sur les instruments. Un chanteur n'est donc supérieur à un instrument, que par la facilité que la parole lui donne d'exprimer directement un sentiment. Ainsi nos chanteurs, et nos cantatrices sur-tout, ont grand tort de sacrifier la belle prononciation à ce roucoulment de sons traînés, qui ne fait entendre que des voyelles, et jamais de consonnes. Que résulte-t-il de cette manière de chanter? que les auditeurs cherchent vainement à entendre ce que veulent dire ces chanteurs de sons. Delà plus d'intérêt; car il est impossible de s'intéresser à ce que dit quelqu'un qui parle sans se faire entendre. Encore une fois, c'est [-11-] la belle prononciation qui constitue la supériorité de la voix sur les instruments; jamais les difficultés vaincues et les passages de volubilité ne connoîtront le chemin de l'ame, comme cette articulation franche et noble qui distinguoit notre ancien chant françois, dans un temps où les auteurs des paroles ne craignoient pas l'exacte prononciation des chanteurs.

Enfin, quoique la Musique italienne soit supérieure à la nôtre, le caractère de cette Musique ne s'alliera jamais à nos paroles peu accentuées, et qui exigent un prononcé distinct et peu chargé de notes. Cette réunion est aussi impossible que le mélange du chaud et du froid; l'un doit détruire l'autre, ou, tout au plus, la tiédeur reste. Ainsi, que chaque nation ait une musique analogue à son idiôme.

Il y a deux ans que j'écrivis, à ce sujet, une lettre assez détaillée (1), où je reprochois à madame Saint-Huberty de donner tout au chant, et de sacrifier cette belle articulation dont nous [-12-] venons de parler. Malheureusement, mes remarques et mes avis ne furent pas suivis. On crut cependant que cette chanteuse avoit envie de mieux prononcer: au reste, tout le monde n'approuva pas ma lettre, adressée, disoit-on, à une femme incapable de profiter des conseils que je lui donnois. Je répondis à cela, que je n'attaquois pas madame Saint-Huberty individuellement, mais toutes les personnes qui veulent copier sa manière et sa carricature. En effet, dans toutes les positions de la vie, les êtres singes ne copient que les ridicules. Il est donc important de dévoiler les défauts des personnes à talent; il en résulte delà même, que les éloges qu'on leur donne ne sont pas suspects: car celui qui admire tout n'admire rien; et quand j'ai dit que madame Saint-Huberty étoit très-excellente actrice et pantomime, bonne Musicienne, et cetera, et cetera j'ai dit la vérité. Mais aussi j'ai eu raison de lui reprocher de forcer sa voix, de crier, et de ne jamais prononcer dans les morceaux de mouvement, après avoir très-bien et très-distinctement débité le récitatif. En [-13-] effet, si elle a la possibilité d'articuler le récitatif, pourquoi sa langue et ses lévres restent-elles immobiles, quand il faut chanter un air? Je sçais qu'il est plus difficile de bien prononcer en chantant qu'en parlant; mais il n'en est pas moins vrai qu'il faut toujours se faire entendre; ce qui devient impossible quand on sacrifie tout à ce roucoulement dont j'ai parlé ci-dessus, et que nous devons à la manie du chant italien. Je ne finirai pas cet article sans reprocher à ce même chant italien d'avoir troublé la franchise et la bonhomie de nos sociétés. Nos pères chantoient à table au dessert; la candeur et l'esprit y règnoient: alors on oublioit ses peines, et les esprits turbulens, occupés, ne fermentoient pas. Mais depuis que les françois se sont italianisés, il n'y a plus eu moyen de chanter à table; car la méthode italienne pompant, pour ainsi dire, les sons du fond du thorax, il seroit dangereux de chanter à la fin d'un repas, cela troubleroit la digestion du chanteur, et peut-être l'exposeroit à commettre quelque incongruité. Ainsi, j'ai donc raison de reprocher au chant [-14-] italien d'avoir désuni nos sociétés, banni nos plaisirs, et troublé nos digestions.

Assaï, adverbe. Augmentatif, qui, joint à un mot, signifie encore plus, et cetera.

Aubade, substantif féminin. Concert nocturne, mais à l'approche du jour; c'est la différence de Sérénade, qui se passe pendant la pleine nuit.

[-15-] B.

B, fa si. Nom de la septième note de la gamme d'ut.

Ballet, substantif masculin. Danse théâtrale guidée par la musique. Un ballet ne doit être qu'un simple divertissement. Je vais rapporter une remarque que je fis le premier Août 1785 dans le Journal de Paris, relativement au genre du ballet. Je disois, "en voyant le ballet intitulé le Premier Navigateur, (de la composition du fameux Gardel), je faisois les réflexions suivantes.

"Qu'est-ce qu'une pantomime? C'est une action exprimée par des gestes et des attitudes marquées. Les pantomimes des anciens étoient-elles manièrées, et pour ainsi dire, dansées comme les nôtres? Non. Elles étoient prononcées fortement d'une manière noble, et non pas sautillante. En effet, quel intérêt peut-on prendre à un homme qui saute pour exprimer sa douleur? Un geste noble produiroit bien plus [-16-] effets. Il est vrai que la prodigieuse exécution de l'étonnant Vestris, la régularité et le fini de l'excellent Gardel, la noblesse des positions de Mademoiselle Saunier, le moëlleux de Mademoiselle Guimard, et cetera. Il est certain, dis-je, que tous ces précieux talents méritent les plus grands éloges. Mais, qu'ils en conviennent eux-mêmes; tous ces genres de talents ne sont pas faits pour la pantomime, qui exige des moyens plus marqués, auxquels le fini de leur danse ne ressemble point. La preuve de ce que j'avance, c'est que s'il eût été possible d'exiger que chaque personne qui étoit hier à l'Opéra, fît l'explication du sujet du ballet, je suis sûr que très-peu se seroient accordées avec l'intention de l'Auteur. Pour remédier à cela, que fait-on? On imprime le sujet du ballet: et cela est inutile. Car, si la pantomime est bien exprimée, l'intérêt se développera de lui-même. Et si, au contraire, elle l'est foiblement, ce livret ne servira qu'à faire beaucoup desirer au spectateur, [-17-] et peut-être à le révolter contre la multitude de petits incidents, qui doivent nécessairement nuire à l'intérêt principal.

"Ainsi, la pantomime et la danse ne sont pas même chose: le geste d'un acteur tragique ou comique est bien de la pantomime; mais les entrechats, les jettés-battus, et cetera n'en sont pas. Il faut donc réserver notre danse pour les divertissements de nos Opéra; et non pas pour la pantomime, qui ôteroit à nos excellents danseurs l'arrondissement de leurs mouvements, par les gestes durs qu'elle exige, et cetera".

Après cet article, je rendois justice au personnel et aux talents de Gardel. Mais je l'interpellois lui-même, et je croyois qu'il ne pouvoit pas me savoir mauvais gré de prouver l'impossibilité de donner une expression et un genre déterminé à un Ballet, proprement dit.

Enfin, je crois avoir raison d'assurer que jamais la danse ne peindra la pantomime: car, la régularité des mouvements souples de la danse n'est pas une pantomime, mais une attitude. [-18-] La véritable pantomime vient du caractère de la figure. En effet, ce sont moins les mouvements vifs ou lents d'un homme, qui nous donnent l'idée de ses affections, que le prononcé de son visage. Un être immobile peut annoncer la joie ou la douleur. Ce ne sont donc pas ses gestes qui en sont les indices; mais encore une fois le caractère de sa figure.

Ainsi, la pantomime doit être exclue de notre Opéra, où l'intérêt vient moins de l'expression du visage, que du plaisir de voir gigotter un tel ou une telle. Il faut donc se résoudre à être petit quand on ne peut pas être grand. Et, comme je crois que dans le genre des arts et des talents, notre nation auroit tort d'avoir de grandes prétentions; il faut donc qu'elle se contente de s'amuser, sans donner pour règles ce qui lui fait plaisir.

Barcarolles, substantif féminin. Chansons des Gondoliers Vénitiens, qu'ils composent eux-mêmes. Ces chansons ne sont pas sans grace ni sans intérêt.

On sait qu'à Venise les Gondoliers [-19-] ont leurs entrées franches à tous les spectacles. Ce qui les met à même de déployer et d'exercer leurs dispositions musicales. En effet, s'il est nécessaire que les talents existent, ce ne doit pas être exclusivement pour les riches fainéants. Au contraire, je pense que les talents devroient être le délassement des travaux pénibles: car, les Grands d'un Etat ont assez d'honneurs pour être privés du charme des talents. Mais le peuple, cette classe obscure et laborieuse, a besoin de distraction à ses maux. C'est, je crois, ce qui a déterminé le Gouvernement Vénitien à donner les entrées des spectacles aux gens du peuple, tels que les Gondoliers; ce qui leur fait oublier leurs peines: car, lorsque l'esprit est occupé, le corps ne se ressouvient plus de ses plaintes, et la Musique a cet avantage, qu'elle entraîne tout entier l'individu qui en est amoureux. Ainsi, c'est un moyen politique de la République.

Bardes, substantif masculin. Sorte d'hommes très-singuliers, et très-respectés jadis des Gaules; ils étoient à la fois Prêtres, [-20-] Prophêtes, Poëtes et Musiciens. En langage Celtique, Bard signifie Chanteur. Autrefois les Prêtres de toutes les Religions étoient les plus instruits des contrées qu'ils habitoient, et s'appliquoient à composer et à spalmodier dignement les Cantiques en l'honneur de leur Divinité. On a conservé encore quelques chants des anciens Druides, qui ne sont pas sans mérite.

Baroque. Adjectif masculin et féminin. Une Musique baroque est celle qui est chargée de modulations trop dures à l'oreille, et dont le mouvement est interrompu mal-à-propos, et cetera. Rousseau pense que ce mot vient du Baroco des Logiciens.

Barré. C barré. Sorte de Mesure. (Voyez Mesure.)

Barres. substantif féminin. Traits tirés perpendiculairement à la fin de chaque mesure, pour marquer qu'elle est complette. L'origine des Barres ne remonte qu'à cent cinquante ans au plus. Comme dans ce temps la musique n'étoit pas compliquée, il n'y avoit que des rondes, [-21-] des blanches, des noires, et peu de croches; c'étoit proprement dit, les longues et les brèves qui, à l'exemple de la poësie ancienne, marquoient la mesure.

Baryton. substantif masculin. Sorte de voix entre la Taille et la Basse. (Voyez Concordant.)

Bas ou Grave. Ce terme est opposé à haut ou aigu; quelquefois ce mot signifie doux, à demi-voix.

Bas-dessus. substantif masculin. On nomme ainsi le genre de voix d'une femme qui descend jusqu'aux sons les plus graves. C'est l'opposé de dessus. Mademoiselle Duplan, de l'Opéra, avoit un fort beau Bas-dessus. Ce genre de voix est nécessaire dans les rôles à Baguette, autrement dit de Magicienne, et cetera.

Basse. substantif féminin. Partie constitutive de l'harmonie. C'est le point d'appui sur lequel les autres parties d'accompagnement se règlent. J'en parlerai à l'article Harmonie. (Voyez Harmonie.)

Basse. substantif féminin. Autrement dit Violoncelle. Instrument monté de quinte, et plus gros trois ou quatre fois que la Violon, [-22-] dont il a la forme. Son nom vient de ce qu'il exécute la partie de la Basse.

Baston. substantif masculin. Sorte de barre épaisse qui traverse perpendiculairement les lignes d'une portée, et qui contient la valeur de plusieurs pauses ou mesures. On met ordinairement au-dessus des barres, des chiffres qui désignent la quantité de mesures qu'on a à compter. Ainsi, les barres sont donc inutiles, puisqu'on ne suit que les chiffres. Ces derniers sont suffisants.

Baston de Mesure. substantif masculin. C'est souvent un morceau de papier dont le Maître de Musique se sert pour conduire l'Orchestre. A l'Opéra, c'est un morceau de bois, parce qu'il faut que les Choristes et les Danseurs puissent entendre la mesure que décide le Conducteur de l'Orchestre. Ainsi, Rousseau a eu tort de reprocher aux Maîtres de Musique de l'Opéra de Paris, de faire trop de bruit avec leur baton; pendant qu'en Italie, disoit-il, tout alloit sous la conduite d'un premier Violon. En Italie, les Opéra ont moins de spectacle qu'en France, [-23-] presque pas de Ballets, et point de Choeurs. Il est donc plus facile de conduire un Opéra sans Choeurs et sans Ballets que celui de Paris, où tous ces accessoires sont regardés comme chose essentielle. Le bâton de mesure est nécessaire en France, où les organes, peu sensibles, ont besoin d'un guide dur et frappant. Ce que je dis ne doit pas être regardé comme une épigramme; car il est certain que la nation Françoise n'est pas née pour la Musique, et qu'elle a assez d'autres ressources sans envier à l'Italie les dispositions que la nature lui a données aux Arts. Il y a en France plus de Savans et de Littérateurs que jamais n'en a produit l'Italie: mais pour des Poëtes, des Peintres, des Musiciens, et cetera je nie le fait. Ce n'est pas le climat seul qui constitue la différence des dispositions nationales, c'est la forme du Gouvernement qui influe sur ces dispositions. L'Italie, cet ancien trône du monde, n'est plus qu'une division partagée par l'Eglise et quelques petits Etats. Delà, plus de réunion, et par conséquent plus d'abondance, de commerce, ni d'influence. [-24-] Il a donc fallu que les Italiens eussent recours aux arts pour exister: et une fois devenus artistes, ils le sont demeurés dans toutes les positions possibles. En effet, ce peuple ne jouit pas d'une réputation de franchise, et, tout au moins, l'art est employé dans ses procédés particuliers ou généraux.

Battement. substantif masculin. C'est ce qu'on nomme autrement Cadence. (Voyez Cadence.)

Batterie. substantif féminin. Manière de frapper et de répéter successivement sur les cordes d'un instrument les différens sons qui composent un accord; et de passer ainsi d'un accord à un autre. C'est un arpège continue, mais dont les notes sont détachées au lieu d'être liées, comme dans l'arpège ordinaire.

Batteur de Mesure. (Voyez Mesure.)

Battre la Mesure. (Voyez Baston.)

Bécarre. substantif masculin. Caractère de musique opposé au Bémol, en ce qu'il hausse d'un sémi-ton la note qu'il précède.

Bémol. substantif masculin. Caractère de musique auquel on donne la figure d'un B. Le Bémol baisse la note qu'il prédède d'un demi-ton mineur.

[-25-] Bémoliser. verbe actif. Armer la clef par un Bémol.

Blanche. substantif féminin. Note qui vaut deux noires et la moitié d'une ronde.

Bourdon. substantif masculin. Basse continue qui raisonne toujours sur le même ton. On nomme aussi Bourdon la plus grosse corde d'un violon, d'une basse, et cetera, dont le son est le plus grave.

Bourrée, substantif féminin. Sorte de danse à deux temps gais, et qui commence par une noire, avant le frappé.

Brailler, verbe neutre. C'est excéder le volume de la voix, et prendre les cris pour de l'expression et du chant. C'est ce qui arrive souvent à ceux qui croient que frapper fort vaut mieux que frapper juste.

Bréve, substantif féminin. Note de moindre valeur, car il en est des notes de Musique, comme des syllabes d'un idiôme: il y en a de longues et de bréves.

Broderie, substantif féminin. (Voyez l'article Adagio ou Articulation).

Bucoliasme, substantif féminin. Ancienne Chanson des Bergers.

[-26-] C.

C. barré. Signe de la mesure à quatre temps vîtes. Il se marque en traversant le C du haut en bas par une ligne perpendiculaire.

C. sol ut. Première note de la Gamme.

Cacophonie. substantif féminin. terme dérivé du grec, et qui signifie mauvais ensemble.

Cadence. substantif féminin. Terminaison d'une phrase harmonique.

Cadence. substantif féminin. Signifie aussi mesure bien marquée, et l'on dit danser en cadence, c'est-à-dire, d'à-plomb.

Cadence. substantif féminin. Est aussi un battement successif et très-prompt de deux notes, qui commence par la note supérieure. Il ne faut pas être prodigue de cadence, car cela deviendroit ridicule, et même insipide.

Cadenza. substantif féminin. Mot italien qui signifie point d'orgue non écrit, et qui par conséquent est à la volonté du chanteur. Cette sorte de point d'orgue [-27-] n'est pas assujettie à la mesure. A bien dire, c'est un prélude, où les accompagnements n'ont rien à faire, et qui achève le morceau.

Canarder. verbe neutre. C'est produire un son qui approche du cri du canard. Les mauvais chanteurs et les médiocres joueurs d'instruments à vent sont sujets à canarder. Excepté le correct Bézozzi, presque tous les joueurs de hautbois ont canardé.

Canon. substantif masculin. Sorte de fugue qu'on nomme perpétuelle, parce que les parties, partant l'une après l'autre, répètent sans cesse le même chant.

Cantabile. adjectif. italien, qui signifie facile à chanter.

Cantate. substantif féminin. Petit poëme lyrique qui se chante avec des accompagnements, et qu'autrefois on exécutoit dans les concerts. La cantate n'est plus de mode.

Cantique. substantif masculin. Hymne que l'on chante en l'honneur de la Divinité.

Canto. Mot italien, qui signifie à l'unisson de la partie chantante.

[-28-] Caprice. substantif masculin. Sorte de point d'orgue où l'exécutant se livre au délire de son imagination. Un bon prélude ou caprice annonce un homme bien organisé. On reproche ordinairement aux Dames de n'avoir pas l'imagination assez féconde, pour préluder avec force et énergie; tandis que d'ailleurs elles ont tout-plein de graces à rendre ce qu'elles savent, et ce qui exige plus de volubilité que d'expression marquée. A-t-on raison?

Caractère de Musique. substantif masculin. Signe qu'on emploie pour établir la différence et la valeur des notes.

Carillon. substantif masculin. Assemblage de cloches dont le son est différent: ce qui peut rendre un air, mais rarement juste.

Castrato. substantif masculin. Musicien qui chante le dessus. Hélas!

Cavatine. substantif féminin. On appelle ainsi un air court qui se trouve au milieu d'un récitatif obligé, et qui souvent est coupé par ce même récitatif.

Chaconne. substantif féminin. La chaconne est un morceau de danse à trois temps, dont le mouvement est modéré. Ordinairement [-29-] les mêmes idées s'y représentent, puis sont contrastées par d'autres effets qui font ressortir le chant principal.

Chanson. Couplets mis en musique.

Chant. substantif masculin. Modification de la voix. Il y a long-temps qu'on a agité la question suivante; savoir, en quoi la voix qui forme la parole diffère de celle qui forme le chant. Quoi qu'en dise l'illustre Rousseau, le chant est dans la nature, non pas comme un signe qui annonce toujours la joie, mais comme un procédé physique. Les animaux chantent, et leur chant est un exercice qui leur devient salutaire. L'aspiration qu'exige le chant renouvelle l'air, et excite des mouvements favorables. A l'égard de la différence qui existe de la voix de chant à la voix qu'on emploie en parlant, je n'essaierai pas de la définir. Je dirai seulement qu'un être dont la voix de chant est belle, doit l'avoir de même en parlant; mais qu'il n'en est pas ainsi d'un homme qui parle d'une manière sonore. Car l'articulation correcte de la parole ne vient que du procédé de la langue et de la bouche; au lieu qu'il n'y a pas [-30-] moyen d'avoir une belle voix de chant quand on n'en a reçu qu'une mauvaise. L'art peut bien adoucir la rudesse de l'organe, en déployer le volume, et cetera mais il ne rendra jamais belle une voix rauque. Ce sera, tout au plus, une voix factice.

Chanter. verbe neutre. (Voyez l'article précédent).

Chanter. verbe neutre. C'est former avec la voix des sons variés et appréciables. (Voyez Chant).

Chanterelle. substantif féminin. Celle des cordes d'un instrument qui est la plus mince et le plus haut montée.

Chanteur. substantif masculin. Celui qui chante.

Chantre. substantif masculin. Celui qui chante au choeur dans une église.

Chasse. substantif féminin. Air de mouvement où l'on introduit un bruit de fanfares et de cors, ce qui donne l'idée de la chasse. Le mouvement d'une chasse ne doit pas être très-vîte. On le marque par 3/8 ou 6/8.

Chévrotter. C'est imiter le chant d'une chèvre, en tremblottant la voix mollement, [-31-] et en faisant de mauvaises cadences.

Chiffre. substantif masculin. (Voyez Chiffrer).

Chiffrer. C'est marquer par des chiffres la nature des accords. Actuellement on ne chiffre plus guères.

Choeur. substantif masculin. Morceau d'harmonie à plusieurs parties. (Voyez Harmonie). A l'Opéra, on nomme petit choeur quelques Musiciens d'élite qui se placent plus près du Conducteur de l'Orchestre, et qui sont toujours sur leurs gardes, au cas où les chanteurs se tromperoient.

Choriste. substantif masculin. Musicien qui chante dans les choeurs.

Chorus, substantif masculin. Faire chorus, c'est répéter à l'unisson ce qui vient d'être chanté par une seule personne.

Chreses, substantif féminin. Une des parties de l'ancienne Mélopée.

Chromatique, adjectif. pris quelquefois substantivement. Genre de musique qui procède par plusieurs demi-tons consécutifs. Le Chromatique ne doit être employé que pour peindre la [-32-] douleur; car les intervalles diminués par le genre chromatique, donnent l'idée des plaintes et du déchirement d'un sentiment douloureux. Au reste, quoique le chromatique produise les plus grands effets, il faut en être avare; car l'excès du sentiment affadit. Eh! combien n'avons-nous pas vu d'êtres dégoûtés d'un plaisir prodigué!

Chronomètre, substantif masculin. Instrument qui calcule le dégré de mouvement que doit avoir un morceau de musique. Cet instrument ne peut être utile que pour décider le mouvement d'un morceau dont l'auteur est absent, et qu'il aura cependant désigné par un signe connu et de convention; mais il ne peut pas servir à marquer la mesure pendant la durée du morceau: car non-seulement le battement uniforme de cet instrument ne pourroit pas se modifier dans les doux et dans les forts; mais encore il ôteroit aux exécutants toute l'élégance dont ils pourroient être susceptibles, et à force d'être conduits et réglés par des machines, les Musiciens le deviendroient eux-mêmes.

[-33-] Clavecin, substantif masculin. Instrument à touches, dont les cordes sont de métal.

Clavier, substantif masculin. Assemblage de toutes les notes qu'on peut exécuter au clavecin: autrement dit, ce sont les touches. On dit d'un Claveciniste, qu'il connoît bien son clavier, pour dire qu'il a une bonne méthode de doigter, et qu'il parcourt facilement son clavier. Monsieur Balbâtre a été charmant Claveciniste. Ma manière de voir me l'a fait placer dans cette classe plutôt que dans celle des premiers Organistes.

Clef, substantif féminin. Caractère qui marque la note d'où il faut partir, pour comparer les autres notes. Il n'y a que trois sortes de clefs: savoir, celle d'ut, celle de fa et celle de sol. On place ces trois clefs, tantôt sur une ligne, tantôt sur une autre, pour la facilité du diapason des voix ou des instruments, et, pour éviter d'ajouter des lignes aux cinq qui composent chaque portée. Au reste, ces trois clefs n'en font qu'une, puisque ce mot n'est autre chose que l'indication de la note d'où on part: ce qui sert de principe pour toutes les autres.

Comma, substantif masculin. Intervalle très-petit dans [-34-] l'intermédiaire d'une note à une autre. Il y a trois espèces de comma: savoir, le majeur, le mineur et le mixte. Les Musiciens entendent par comma la huitième ou la neuvième partie d'un ton; mais ce calcul ne peut être qu'arithmétiquement supputé, et non pas apprécié par l'oreille.

Composer, verbe actif. Inventer de la musique, et mettre sur le papier des idées nouvelles.

Compositeur, substantif masculin. Celui qui compose de la musique. Pour être compositeur, il ne suffit pas de bien savoir les règles de l'art, et d'être harmoniste au point de vouloir tout peindre, en employant des accords plaqués et bruyants. Il faut être né homme de génie, car on ne devient pas plus musicien que poëte; et tel qui passe à Paris pour être un bon harmoniste, n'est autre chose qu'un ouvrier, un manoeuvre qui emploie des matériaux. La progression des accords appartient à la chose et non pas à l'artiste. Mais la mélodie d'un beau chant est décidément l'enfant du compositeur. J'en dirai davantage,

(Voyez l'article Harmonie).

[-35-] Composition, substantif féminin. C'est l'art de composer et de bien faire parler les parties qui doivent accompagner le chant principal.

Concert, substantif masculin. Assemblée de Musiciens qui exécutent des pièces de musique vocale ou instrumentale.

Concert spirituel, substantif masculin. Concert qui n'a lieu que les jours de grandes fêtes, et dans la quinzaine de Pâque, temps où les spectacles sont fermés. Il est établi au Château des Tuileries. L'institution de ce Concert avoit pour but d'engager les fidèles à entendre chanter les louanges du Seigneur. Insensiblement on a permis à quelques virtuoses d'y employer leurs talents sur différents instruments. Enfin, depuis l'enthousiasme, ou plutôt la manie du genre italien, on chante à ce concert des ariettes et des morceaux dont les paroles sont un peu libres, et n'ont guère de rapport au genre oratoire. Ainsi, au lieu de motets, ce sont des fragmens d'opéra; chose à la vérité beaucoup plus gaie, mais qui n'est guère analogue à l'institution de ce concert. Au reste, quand nos chanteurs [-36-] françois ont la complaisance d'exécuter ces airs italiens, ils ont la scrupuleuse attention de rendre les paroles inintelligibles, afin de ne pas scandaliser les oreilles chastes.

Concertant, participe, pris substantivement. On appelle ainsi celui qui fait nombre dans un orchestre, et qui ne récite pas seul.

Concertante, ou plutôt symphonie concertante, substantif féminin. Pièce de musique où plusieurs instruments récitent, tour à tour, des traits de chant ou d'exécution. Une symphonie concertante est une lutte perpétuelle; c'est ordinairement où les talents du second ordre se plaisent à décrocher des notes à qui mieux mieux. Mais l'homme d'un véritable talent ne voudra pas se compromettre avec le premier venu, qui souvent récitera des passages et des notes, de manière à l'éclipser. Communément une symphonie concertante ressemble à une grande échelle à deux côtés; et les exécutants à deux écoliers qui se défient à qui y montra le mieux: ainsi, on peut se faire une idée du résultat d'une pareille rivalité.

[-37-] Concerto, substantif masculin. Mot italien francisé qui signifie un morceau de musique, composé pour faire briller un seul instrument que plusieurs accompagnent. Un concerto est composé d'un allégro, d'un adagio ou andante, et pour dernier morceau, d'un presto ou rondeau. Dans un concerto, il y a des ritournelles ou tutti, qui précèdent et suivent les solos, et qui donnent à l'instrument principal le temps de se reposer. Je ne dirai rien de ce qu'il faut pour la perfection d'un concerto, crainte que le public ne me reproche de donner de bons avis aux autres, et de n'en pas faire usage moi-même. Au reste, comme j'ai mis au jour une oeuvre de mes concertos, ç'a été à ce même public à juger s'ils étoient dignes de lui être offerts.

Concordant ou Baryton, substantif masculin. Celle des parties de la musique qui tient le milieu entre la taille et la basse. En Italie ce genre de voix se nomme Tenor. C'est la voix la plus ordinaire.

Concours. substantif masculin. Assemblée de musiciens et connaisseurs autorisés, où l'on décerne un prix à l'auteur du morceau [-38-] jugé le meilleur. Je me ressouviens qu'il y a vingt ans Sieur Giroust, (actuellement Sur-Intendant de la musique du Roi et de la Chapelle,) envoya au concours de Paris deux excellens Motets, d'un genre et d'une facture diamètralement opposés l'un à l'autre. Les Musiciens nommés pour examiner les ouvrages envoyés au Concours, s'arrêtèrent sur ces deux Motets, dans lesquels il trouvèrent de si grandes beautés, que ne voulant pas couronner l'un au détriment de l'autre, ils formèrent un second prix pour completter les lauriers. Mais quel fut leur étonnement, quand ils sçurent que ces deux productions étoient du même maître! enfin, le triomphe de l'Abbé Giroust fut complet et sans exemple; et s'est toujours soutenu à Versailles, où il engage à être dévot, par la bonne musique qu'il fait exécuter à la Chapelle; et ce n'est pas vouloir déprimer le talent des autres Compositeurs, que de donner la palme au Sieur Giroust; car, dans ce genre, elle lui appartient.

Au reste, il n'y a plus de Concours à Paris. On appelle aussi Concours le [-39-] choix de maître de Musique, d'Organiste, de Chanteur, qu'on élit dans une Eglise.

Connexe. adjectif. Terme de Plain-Chant.

Consonnance. substantif féminin. Rapport d'un corps sonore à un autre. Je détaillerai le mot Consonnance à l'article Harmonie.

Consonnant. adjectif. (Voyez Harmonie.)

Contra. substantif masculin. (Voyez Haute-Contre.)

Contraint. adjectif. Ce mot s'applique à l'harmonie ou au chant, quand par la nature du dessein, on s'est assujetti à une loi d'uniformité.

Contraste. substantif masculin. Opposition de caractères. Le changement de mouvement se nomme aussi Contraste. Il ne faut pas employer trop souvent ces moyens. Le Contraste en musique est intéressant quand il n'est pas prodigué. Ainsi les Compositeurs n'ont pas raison de croire que les Tableaux et les Contrastes annoncent le génie. J'en dirai quelque chose à article Musique.

Contre-Danse. Air de danse à deux tems. La Contre-danse doit toujours commencer en levant, et être d'un chant facile. [-40-] Le nommé Vincent en a composé de très-agrébles.

Contre-Fugue, ou Fugue Renversée, substantif féminin. Sorte de Fugue dont la marche est contraire à celle d'une autre Fugue qu'on a établie auparavant dans le même morceau; ainsi, quand la Fugue s'est fait entendre en montant de la tonique à la dominante, ou de la dominante à la tonique, la Contre-fugue doit se faire entendre, en descendant de la dominante à la tonique, ou de la tonique à la dominante.

Contre-Point. substantif masculin. Partie ajouté à un sujet donné. Le Contre-Point n'est en usage qu'à l'Eglise; heureusement.

Contre-Sens. substantif masculin. Défaut d'entente du sujet. (Voyez Musique.)

Copiste. substantif masculin. Celui qui fait profession de copier de la musique. Pour être bon Copiste, il ne suffit pas de rendre servilement ce qu'on voit écrit; il ne faut rien y ajouter; mais il ne faut pas non plus copier les fautes grossières. Un bon Copiste n'est pas aisé à trouver; puisqu'il faut lui supposer [-41-] beaucoup de connoissances en musique.

Un bon Copiste de Partition est rare, car il doit caser scrupuleusement la valeur des parties qui composent la colonne. J'entends par colonne tous les accompagnements qui suivent le chant principal. Il doit encore faciliter au lecteur l'exécution de la Partition, en détaillant les phrases musicales, et en lui indiquant les endroits où les accompagnements doivent être serviles, et les endroits où ils doivent faire corps, et cetera et cetera. Au reste, que les Copistes consultent à ce sujet l'article où J. J. Rousseau en parle. Que pourrois-je dire, non pas de mieux, mais aussi bien!

Corde. substantif féminin. Espèce de fil, composé de différentes matières; telles que le boyau, le fer, et cetera. Lorsque les chevilles d'un instrument resserrent et tendent les cordes, elles rendent le son de ces mêmes cordes plus aigu que si elles étoient lâches.

On appelle aussi Corde l'étendue décidée de la voix humaine, et l'on dit: cet homme a deux, trois, quatre [-42-] belles Cordes, pour dire que ce différent nombre de sons est égal en beauté, en résonnance; ainsi, cette expression est très-énergique.

Coryphée. substantif masculin. Celui qui conduisoit les choeurs des Spectacles Grecs. Aujourd'hui on nomme Coryphée celui qui récite, seul, un ou plusieurs couplets dans un Opéra. Ordinairement c'est un homme des choeurs qu'on lâche à cet effet.

Coulé. Participe pris substantivement. Ce terme désigne la transition facile et imperceptible d'un son à un autre. C'est l'opposé de détacher ou détaché.

Couper. verbe neutre. C'est ne pas soutenir la valeur d'une note, et cependant ne pas altérer la mesure. A à bien dire, c'est ne marquer que le premier tems d'une note longue.

Couplet. substantif masculin. Nom qu'on donne aux Vaudevilles et autres Chansons. Le défaut des Couplets, c'est que chaque Strophe étant composée du même nombre de vers, on y adapte toujours le même air, sans avoir égard aux longues et aux brèves qui différencient [-43-] ces couplets; ainsi, il est bien rare que plusieurs Couplets puissent être chantés sur le même air.

Couronne. substantif féminin. Espèce de C. renversé, avec un point dans le milieu. C'est le signe qui indique le point d'Orgue. Alors les accompagnemens se taisent, et le mouvement est suspendu.

Crier. verbe neutre. C'est forcer la voix, et prendre le bruit pour de l'énergie et de l'expression.

Croche, substantif féminin. Note de musique qui ne vaut que la huitième partie d'une ronde. On a donné à cette note le nom de croche, à cause de l'espèce de crochet qui la distingue.

Crochet, substantif masculin. Abbréviation qui évite au compositeur ou au copiste le soin de marquer toutes les croches, doubles-croches, et cetera qui doivent remplir la mesure. Ainsi, au lieu de marquer huit croches qui portent la même harmonie, je mettrai une ronde et un crochet au-dessous.

Croque-note, substantif masculin. Nom dérisoire qu'on donne à certains Musiciens qui ne savent que déchiffrer servilement [-44-] la note. Ces pauvres êtres n'inspirent que de la commisération et de la pitié. Que pourroit-on exiger d'eux? La méthode habituelle, et le besoin de vivre; tout cela ôte à l'individu l'énergie dont il eût été susceptible dans une autre position sociale. On a beau dire, ce sont les circonstances où se trouve l'homme qui le déterminent au bien ou au mal: or, ce bien ou ce mal donne une secousse au caractère, et déploie, pour ainsi dire, la tendance de ces individus.

Ainsi, ce qu'on nomme croque-notes étant dans une position obscure, ne peut pas déployer des talents. Ce sont des manoeuvres qui ne font que préparer le plâtre. On auroit donc tort d'exiger d'eux les desseins et l'ordre dont le génie d'un habile Architecte est susceptible. Un croque-note n'est donc qu'un Musicien à l'heure ou à la toise.

[-45-] D.

D. Cette lettre signifie dolce doux, non-seulement comme opposé à fort, mais encore à rude.

D. C. da capo. Ces deux mots signifient reprenez au commencement, ou bien al segno, au signe.

Débit, substantif masculin. Manière de réciter.

Débiter, verbe actif. pris dans un sens neutre. On ne doit débiter que le récitatif: tout morceau mesuré n'est pas susceptible de ce qu'on appelle débit: car le débit n'étant autre chose que la manière volontaire de hâter ou de ralentir à son gré le mouvement de la parole chantée, il est donc incompatible avec l'air dont le mouvement doit être égal et jamais altéré, par quelque motif que ce soit.

Déclamation, substantif féminin. C'est, en musique comme autrement, l'art de rendre par les inflexions et le nombre de la mélodie, l'accent grammatical et l'accent oratoire. (Voyez Accent, Récitatif).

[-46-] Démancher, verbe neutre. C'est monter la main qui tient le manche, pour parvenir aux sons aigus.

Demi-jeu ou à demi-jeu. Manière d'indiquer le dégré de son qui est l'intermédiaire de fort à foible, ou doux.

Demi-mesure, substantif féminin. Espace de temps, ou, pour mieux dire, signe qui doit marquer la durée de la moitié d'une mesure. On ne marque la demi-pause que dans la mesure à quatre temps; mais dans la mesure à trois temps, on marque la moitié de la mesure par un soupir et un demi-soupir.

Demi-pause, substantif féminin. (Voyez l'article précédent).

Demi-soupir. Caractère de musique qui marque la durée du silence que doit avoir une croche.

Demi-ton ou semi-ton. Intervalle valant la moitié d'un ton.

Dessein, substantif masculin. C'est établir le plan d'un sujet qu'on se propose de suivre exactement. C'est la distribution bien entendue de tout ce qui doit concourir à la bonté d'un ouvrage, et cetera.

Dessiner, verbe actif. (Voyez Dessein).

[-47-] Dessus, substantif masculin. La partie la plus aigue de la musique. Dans la musique vocale, le dessus s'exécute par des femmes, des enfants, des castrati.

Détaché, participe, pris substantivement. C'est l'opposé de coulé; c'est, sans altérer la mesure, ne pas marquer en entier la valeur de la note.

Détonner, verbe neutre. Sortir de l'intonation, chanter ou jouer faux.

Diacoustique, substantif féminin. C'est la recherche des propriétés du son réfracté en passant à travers différents milieux. Ce mot est dérivé du grec, et signifie, j'entends par le moyen de, et cetera.

Dialogue, substantif masculin. Composition à deux voix ou à deux instruments, qui se répondent tour-à-tour. Les Organistes appellent ainsi des traits d'imitation d'un clavier et d'une main à l'autre.

Diapason, substantif masculin. Etendue de la voix. Et l'on dit qu'un chanteur a excédé les possibles de son Diapason, pour marquer le tort qu'il a eu de forcer sa voix.

Diapason, substantif masculin. Sorte de flageolet qui marque l'a-mi-la.

[-48-] Diatonique, adjectif. Procédé de tons et semi-tons. (Voyez cet article dans le Dictionnaire de Rousseau).

Dièse, substantif masculin. Caractère de musique qui hausse la note qu'il précède d'un semi-ton.

Dièser, verbe actif. C'est armer la clef de Dièses.

Discordant, adjectif. Intonation fausse et vicieuse, dont les rapports ne s'accordent pas.

Dissonnance, substantif féminin. Accord désagréable à l'oreille. (Voyez Harmonie).

Divertissement, substantif masculin. On nomme ainsi des fêtes, des ballets qui coupent l'intérêt d'un Opéra (Voyez Opéra).

Doigter, verbe neutre. C'est faciliter et simplifier les moyens que doit employer un Exécutant, pour rendre un morceau instrumental: ce qui demande de la part du Compositeur des connoissances pratiques de l'instrument pour lequel il travaille: car, un trait peut être très-difficile sans être brillant. Au contraire, si les traits d'exécution doivent être jamais permis, c'est quand [-49-] ils sont faciles à rendre et faciles à entendre; et que l'auditoire peut dire:

"j'en ferois autant".

Dominante, substantif féminin. C'est la quinte ou cinquième note.

Double, substantif masculin. Chanteur en sous-ordre, qui ne paroît que lorsque les principaux acteurs ne veulent plus jouer un rôle. Il seroit à desirer qu'on exerçât davantage les doubles: car, ce seroit non-seulement le moyen de perfectionner leurs dispositions, mais encore de diminuer la morgue capricieuse des premiers acteurs qui, se trouvant seuls capables, font la loi au public. D'ailleurs, ce seroit un moyen de diversité, si utile aux hommes; et bientôt d'émulation pour tous les subalternes, qui aujourd'hui ne croient pas devoir tant se perfectionner pour rester ignoré!

Double-Croche, substantif féminin. Moitié d'une Croche.

Double-emploi, substantif féminin. Accord qu'on peut employer de deux manières.

Doux, adjectif pris adverbialement. Ce mot est opposé à fort.

[-50-] Dramatique, adjectif. On donne cette épithete à la musique imitative, telle que celle des Opéra, qu'on nomme aussi lyrique (Voyez Opéra).

Duo, substantif masculin. Musique à deux parties: c'est un dialogue chanté ou joué.

Dur, adjectif. On nomme ainsi les accords composés de dissonnances majeures, tels que le triton, la quinte superflue, et cetera. Mais ces accords bien ménagés ne font que rendre l'harmonie plus variée: comme le clair-obscur d'un tableau fait valoir le coloris et l'ensemble. Dur se dit aussi d'un son rauque et mal ménagé.

[-51-] E.

E si mi, ou simplement mi. Troisième note de la gamme d'ut.

Échelle, substantif féminin. C'est la succession de plusieurs notes, quand le procédé est diatonique.

Effet, substantif masculin. Résultat des moyens qu'on a employés. Je parlerai plus au long des effets à l'article Harmonie, et à celui Opéra.

Élévation, substantif féminin. Mouvement du pied ou de la main, qui marque le temps levé de la mesure; les anciens avoient une méthode opposée: car, ils annonçoient le temps frappé en levant la main.

Ensemble, adverbe. souvent pris substantivement. C'est l'union parfaite de tous les instruments. Or, rien n'est plus rare que l'ensemble des parties concertantes; premier parce que l'Orchestre n'est pas toujours bien placé, bien distribué; deuxième parce qu'il est presqu'impossible de supposer dans un grand nombre [-52-] de Musiciens une organisation qui soit une; troisième parce qu'il faudroit répéter cent fois un morceau d'effet, pour que l'Orchestre pût en bien saisir l'esprit. Et enfin, parce que la vibration des différents instuments et corps sonores qui composent un Orchestre, n'étant pas et ne pouvant pas être la même, il s'ensuit de-là plus de bruit que d'effet. Au reste, voyez l'article Harmonie.

Entonner, verbe actif. C'est décider l'intonation d'une note. A l'Eglise, ce mot signifie commencer un pseaume, une antienne, et cetera.

Entr'acte, substantif masculin. Espace d'un acte à un autre. On nomme aussi entr'acte un divertissement qui se donne pendant l'intervalle d'un acte à un autre: et cela est mal nommé et mal inventé. Car, si l'entr'acte est analogue, et fait partie du sujet, il ne peut que l'affoiblir, ne faisant que répéter foiblement ce qui aura déjà été dit. Et si, au contraire, cet entr'acte n'a pas de rapport avec le sujet, il est nuisible à l'intérêt de la pièce, en ce qu'il fait oublier ce qu'on a déjà vu. Ainsi, soit en [-53-] faisant partie ou non de la chose, un divertissement pendant un entr'acte est une chose ridicule. Il peut être à propos quelquefois de donner quelques divertissements au milieu d'un Opéra: mais ce doit toujours être en présence des personnages de la Pièce. Quand ils s'en vont de dessus la scène, il faut que tout se taise; quand la Pièce est finie, à la bonne heure, dansez, chantez, et cetera; mais ne cherchez jamais à distraire le Spectateur, en lui donnant des gambades pour de l'intérêt.

Je sais bien qu'à Paris tout est bien, pourvu que les yeux soient satisfaits; mais il n'en est pas moins vrai que le bon goût y souffre, et qu'insensiblement, à force de vouloir accumuler les plaisirs, sans ordre et sans entente, notre nation se trouveroit blasée; car, il en est de nos goûts comme de la manière de planter et semer les végétaux: quand ils sont accumulés, ils se nuisent mutuellement et périssent misérablement.

Entrée, substantif féminin. On nomme ainsi l'introduction, l'annonce d'un ballet. Ce [-54-] terme s'emploie aussi pour désigner le moment où chaque partie se fait entendre.

Épitalame, substantif masculin. Chant nuptial que les anciens récitoient aux nouveaux mariés. Aujourd'hui ce genre n'est plus d'usage, et l'on ne croit pas devoir chanter au nez d'un mari.

Eptacorde, substantif masculin. Lyre à sept cordes qu'on attribuoit à Mercure.

Espace, substantif masculin. En Musique, on nomme ainsi un intervalle blanc, ou distance, qui se trouve dans la portée entre une ligne et celle qui la suit immédiatement, au-dessus ou au-dessous. Il y a quatre espaces entre cinq lignes: et il y en a encore deux, l'un au-dessus de la portée, et l'autre au-dessous.

Étendue, substantif féminin. Effet de la résonance des corps sonores. En Musique, on nomme étendue la possibilité qu'une voix ou un instrument a de produire des sons. Les voix les plus étendues ne vont guères au-delà de deux octaves, d'un son plein et égal.

Exacorde, substantif masculin. Instrument à six cordes.

Exécutant, participe, pris substantivement. [-55-] Musicien qui exécute un morceau.

Exécuter, verbe neutre. C'est rendre correctement ce qui est écrit.

Exécution, substantif féminin. Disposition facilité à exécuter un morceau de Musique. Cet article, à mon avis, n'a pas été exactement traité par l'immortel Rousseau. Car, par exécution, on n'entend pas habileté à lire à livre ouvert; mais connoissance parfaite et bien exercée de l'instrument. En effet, on ne dit pas qu'un chanteur a une belle exécution. Encore une fois, cette dénomination n'est adaptée qu'aux Joueurs d'instruments, qui, souvent, n'ont qu'une grande volubilité de mouvements.

A l'égard de l'exécution d'un Orchestre, on nomme cela ensemble, et cet ensemble ne vient que d'une grande obéissance envers le conducteur de l'Orchestre: sans quoi, ce ne sont plus que des chevaux attelés par derrière et par devant.

Expression, substantif féminin. Moyen de rendre le sentiment qu'on éprouve. L'expression [-56-] en musique ne consiste pas à maniérer son chant, ni à le surcharger d'agréments; mais, au contraire, à ne déployer qu'une simplicité franche et intelligible. Les doux et les forts n'influent que sur le volume du son, et non pas sur l'expression d'un morceau. A Paris, on croit bonnement qu'un chanteur, qui crie bien fort, veut peindre la colère ou le courage; et qu'il exprime la tendresse quand il chante doux. Je ne crois pas avoir besoin de relever cette erreur. Je dirai seulement que l'expression et ce qu'on appelle goût, ne sont pas même chose. La première vient de l'ame; et la seconde de l'art et de la méthode: ainsi, il n'y a pas de règles pour l'expression: car, chacun rend comme il éprouve. Il en est de l'expression comme du génie, qu'on n'acquiert pas: et du goût comme de la mode, qu'il est facile de suivre. L'esprit appartient à l'homme qui en est doué; et l'art n'est qu'un emprunt qu'on n'acquitte jamais; car, il est impossible de recueillir quand on n'a pas semé.

Extension, substantif féminin. Aristoxène nommoit [-57-] ainsi une des quatre parties de la mélopée, qui consiste à soutenir long-temps certains sons, et au-delà même de leur quantité grammaticale. Mais communément, on entend par extension la difficulté du méchanisme, et la distance d'un son à l'autre. Ainsi, on dit que l'intervalle d'une dixième est une extension; cependant on se sert plus ordinairement de ce mot pour désigner les intervalles que les instruments ont à parcourir: et l'on dit "ce Concerto de violon, de clavecin est très-difficile à cause des extensions dont il est rempli, et cetera".

[-58-] F.

F, ut fa, ou simplement fa. Quatrième note de la gamme diatonique d'ut.

Face, substantif féminin. On nomme ainsi la position d'un accord: ainsi, un accord peut avoir autant de faces qu'il y a de notes qui le composent. Par exemple, l'accord parfait d'ut a trois notes, qui sont, ut, mi, sol: donc il peut avoir trois faces. La première, comme nous venons de dire, ut, mi, sol. La seconde mi, sol, ut, et la troisième sol, ut, mi, c'est-à-dire, en substituant la seconde note à la première, et la troisième à la seconde. Ainsi, c'est donc très-mal à propos que les compositeurs appellent renversement, ce qu'ils doivent nommer déplacement successif. Les accords dissonnants ou de septième, ont ordinairement quatre notes, et par conséquent quatre faces.

Facteur, substantif masculin. Ouvrier qui travaille à des clavecins ou à des orgues.

Fanfare, substantif féminin. Sorte d'air militaire, [-59-] exécuté ordinairement par des trompettes et des tymbales. Dans son Dictionnaire, Rousseau dit, "que durant les dernières guerres, les paysans de Bohême, d'Autriche et de Bavière, tous Musiciens nés, ne pouvant pas croire que des troupes réglées eussent des instruments si faux et si détestables, prirent tous ces vieux corps pour de nouvelles levées, qu'ils commencèrent à mépriser: et l'on ne sauroit dire à combien de braves gens les tons faux ont coûté la vie. Tant il est vrai que, dans l'appareil de la guerre, il ne faut rien négliger de ce qui frappe les sens!"

En effet, ce fut par un bruit, ou pour mieux dire, une musique militaire que Tirthée excita les Grecs aux combats. Il avoit l'art d'émouvoir leurs sens, cet empire puissant qui nous domine! Il savoit que le même moyen qui rend l'homme obscur et énervé, peut l'illustrer, quand il le guide à propos. Oui, tout est bien: les passions même. Ce n'est que le mauvais emploi des forces et des possibles qui avilit l'homme. Il est vrai que l'homme de génie passe souvent pour un fou. [-60-] Mais aux yeux de qui? des imbécilles.

Fantaisie, substantif féminin. Pièce de musique faite in-promptu, et qui diffère du Caprice en ce que ce dernier n'est souvent que le produit incohérent d'un génie échauffé, au lieu qu'une fantaisie est un morceau suivi et mesuré que l'on compose à l'instant, sans l'écrire.

Faucet. (Voyez Fausset).

Fausse-quinte. substantif féminin. Intervalle dissonnant.

Fausset. substantif masculin. Genre de voix qui n'est pas naturel: car, au lieu de chanter du gosier, on a, pour ainsi dire, l'air de chanter du toupet. Cette méthode de chanter le fausset nous vient encore d'Italie.

Faux. adjectif et adverbe. Mot opposé à juste. Chanter faux, c'est ne pas proportionner le degré que les intervalles ont entr'eux. Il n'y a pas de voix fausses, mais bien des oreilles. En effet, la voix n'est autre chose que la modification des sons, et cette modification que le résultat de l'intention du chanteur. Or, l'oreille seule est fausse, qui ne compare pas bien les sons, et non [-61-] pas la voix. Ainsi, toutes les voix sont justes, quoiqu'elles ne soient pas toutes également étendues et belles. Mais, encore une fois, toutes les oreilles ne le sont pas.

Faux-bourdon. substantif masculin. Musique qu'on ne chante plus que dans les églises. Le faux-bourdon est simple et sans mesure marquée; et les notes sont presque toujours syllabiques.

Feinte. substantif féminin. Altération d'une note ou d'un intervalle, par un dièse ou un bémol.

Fête. substantif féminin. Divertissement de chant et de danse qu'on introduit dans un acte d'Opéra, et qui interrompt ou suspend toujours l'action. Rousseau dit que ces fêtes ne sont amusantes, qu'autant que l'Opéra même est ennuyeux: dans un drame intéressant et bien conduit, il seroit impossible de les supporter. La différence d'une fête à un divertissement, c'est que la fête s'applique plus particulièrement aux tragédies, et le divertissement aux ballets simples.

Filer. verbe neutre. Filer un son, c'est ménager sa voix, ensorte qu'on puisse prolonger [-62-] long-temps le son, sans reprendre haleine. Il n'y a qu'une manière de filer un son (quoi qu'en dise mon maître Rousseau): c'est, si j'ose me servir de l'expression, décrire avec la voix un demi-cercle. Le son doit d'abord être assez doux, pour que l'augmentation et le crescendo soient sensibles: ensuite il retombe au degré de force d'où il étoit parti. Ainsi, filer un son, c'est l'enfler: et soutenir un son, c'est conserver le même degré de force et de volume, de manière que le timbre vibre toujours également. La méthode françoise a adopté les sons filés, et l'italienne les sons soutenus.

Fin ou Fine. substantif féminin. Ce mot marque la terminaison d'un morceau.

Finale. substantif féminin. Note principale ou tonique par où on doit finir un morceau de musique. Les Italiens appellent aussi finale un morceau chanté par plusieurs interlocuteurs, morceau qui ordinairement termine une scène ou un acte. En 1777, quand les bouffon italiens sont revenus en France, on a applaudi très-justement plusieurs de leurs finales, qui étoient en quinque, sextuor ou septuor. [-63-] Mais, quoiqu'on ait reconnu le mérite de leurs finales, il n'en est pas moins vrai que nos plus agréables Compositeurs françois ont échoué, en voulant imiter les italiens dans ce genre. De ce nombre a été le charmant et spirituel Grétry, qui s'est un peu blousé dans un morceau de ce genre qu'il a introduit dans son opéra-comique des événements imprévus: il faut parler, et cetera. En effet, c'est plutôt du galimathias que des contrastes et de l'expression. Car les Italiens ont beau faire chanter leurs finales par six ou sept personnes, il y règne néanmoins une clarté et une précision que nous ne pouvons pas espérer d'atteindre. Au reste, il ne faut pas être la dupe de ces six ou sept parties: car, dans la musique italienne, il n'y a presque jamais que trio, chanté, à la vérité, par plusieurs individus dont le genre de voix est différent. Les gens qui n'ont pas de connoissance en musique, croyent qu'un morceau chanté par quatre personnes est un quatuor, ils ne savent pas que cent personnes peuvent ne chanter qu'un trio, et que les octaves en haut et en bas ne compliquent pas [-64-] l'harmonie. Ainsi, une finale est un morceau où les actions qui sont sur la scène à la fin du dernier acte, se réunissent en choeur. (Voyez Choeur ou plûtôt Harmonie).

Flatté. substantif masculin. Ancien terme qui désignoit un prétendu agrément du chant françois. C'étoit un ridicule usage dont les François ont eu honte d'avoir admis la pauvreté.

Foible. adjectif. Temps foible (Voyez Temps).

Fondamental. adjectif. Son qui sert de fondement à l'accord. (Voyez Accord ou Harmonie).

Fort. adverbe. Nom opposé à doux. Ce mot est d'un grand secours aux Musiciens françois.

Fort. adjectif. Temps fort. (Voyez Temps).

Forte-piano. substantif masculin. On nomme ainsi l'art d'adoucir ou de renforcer les sons.

Forte-piano. substantif masculin. C'est un instrument à touches, semblable à peu près au clavecin, mais qui lui est supérieur, en ce qu'il marque les forte et les piano que le clavecin ne peut pas rendre.

Fragment. substantif masculin. On emploie ce mot plus [-65-] ordinairement au pluriel qu'au singulier. Des fragments sont des actes d'Opéra qui n'ont aucun rapport les uns aux autres, et qui cependant complettent la durée que doit avoir le spectacle. J. J. Rousseau a eu bien raison de condamner la méthode ancienne de donner des fragments. Car trois, quatre ou cinq actes, qui n'ont aucuns rapports entr'eux, doivent nécessairement révolter le spectateur délicat. En effet, si les règles du bon goût ont prescrit l'unité d'intérêt; ces fragments, dont la conduite est, pour ainsi dire, décousue, doivent être bannis. L'unité d'intérêt est plus essentielle qu'on ne pense; car il en est de cela comme de tous les objets, qui nous attachent: s'ils sont multipliés, l'effet est moindre. Je réserve à l'article Opéra, mes observations détaillées, relativement à ce sujet.

Frappé. adjectif pris substantivement. C'est le temps où la main ou le pied frappe pour marquer la mesure. Les François ne frappent ordinairement qu'au premier temps de la mesure, et marquent [-66-] par des gestes les autres temps. Au contraire, les Italiens marquent toujours les deux premiers temps des mesures à trois et à quatre; et cela, en frappant ces deux temps. Au reste, quiconque sent bien la mesure, n'a pas besoin de bâton pour la suivre exactement. Un mouvement donné est aussitôt senti par un Musicien né. Delà on voit que les Musiciens françois ont besoin d'être guidé par un Bâton.

Fredon, substantif masculin. Vieux mot qui signifie un passage rapide et presque toujours diatonique de plusieurs notes sur la même syllabe; c'est une espèce de roulade qui est moins longue et moins constatée.

Frédonner, verbe neutre. Faire des frédons. Vieux mot, qu'on n'emploie qu'en dérision.

Fugue, substantif féminin. Morceau de musique à plusieurs parties, qui poursuivent alternativement le même sujet. La fugue est un morceau d'étude: mais jamais elle ne prouvera autre chose, sinon que son auteur est un bon harmoniste. [-67-] Dans les choeurs et dans la musique d'église, on fait grand cas de la fugue; mais ceux qui en font grand cas, ce sont de savants théoriciens, et non pas de simples élèves de la nature. A coup sûr, ces gens-là doivent faire peu de cas de la belle mélodie.

[-68-] G.

G-re-sol, ou simplement Sol. Cinquième son ou note de la gamme diatonique d'Ut.

Gamme, substantif féminin. C'est une échelle composée de huit sons ou notes; autrement, c'est la progression diatonique d'un son à son octave.

Gavotte, substantif féminin. Air de danse à deux temps, coupé par deux reprises, dont chacune commence avec le second temps, et finit sur le premier.

Génie, substantif masculin. Don de la nature, dont peu de Compositeurs sont gratifiés. Je dirai, à ce sujet, ce que je pense. (Voyez les articles Mélodie et Opéra.

Genre, substantif masculin. Expression caractérisée, qui distingue l'organisation de chaque individu. Le genre ne s'acquiert pas. A bien dire, il en est du genre, en musique, comme du coloris, en peinture. On ne peut pas établir de règles pour l'un ni pour l'autre.

Gigue, substantif féminin. Air à trois huit, d'un mouvement vif.

[-69-] Gout, substantif masculin. Présent de la nature, que l'art ne peut pas suppléer. C'est donc une erreur de croire qu'un maître puisse donner des leçons de goût. Autant vaudroit exiger qu'un Ecuyer changeât l'encolure du cheval qu'il fait manoeuvrer. L'art peut bien adoucir une voix aigre, ménager adroitement les intonations, marquer suffisamment la prononciation, et cetera et cetera mais je trouve toujours ridicule qu'un pauvre diable de maître à chanter exige qu'une jeune et aimable écolière exprime un morceau, à sa manière à lui. Que ce maître lui enseigne à suivre scrupuleusement la mesure, à bien prononcer, à porter les sons sans efforts, et cetera à la bonne heure: mais, encore une fois, vouloir trouver un maître de goût, c'est croire que l'esprit se transmet; c'est vouloir changer sa constitution primitive; c'est moins cultiver la portion de goût qu'on a reçu de la nature, que substituer de froids agréments à de la véritable chaleur. Chacun a son organisation, il faut donc s'y conformer; et il seroit très-déplacé de faire chanter un air de la même manière à une blonde aux yeux languissants, qu'à une brune piquante. [-70-] La joie et la douleur sont exprimées différemment par les êtres qui en éprouvent les effets. L'art s'acquiert, mais le goût et l'expression ne s'acquièrent jamais. Ainsi, un maître de goût est un charlatan, qui profite de la foiblesse des ignorants: et tous ces mots, restez-là, enflez le son, légèrement, mettez de l'ame, et cetera sont autant de manières de débiter de l'orviétan.

Grave, adjectif. opposé à aigu.

Gravé. Gravement. Ce mot, dérivé de l'italien, signifie mouvement lent et plus posé que l'adagio. Adverbe quelquefois substantif.

Gravité, substantif féminin. Modification du son, considéré comme grave ou bas, par rapport à d'autres sons appellés hauts ou aigus.

Guidon, substantif masculin. Petit signe qu'on met à la fin d'une ligne, pour indiquer la position ou la ligne sur laquelle doit être la note qui suit.

[-71-] H.

Harmonie, substantif féminin. En musique, on nomme ainsi plusieurs notes ou sons qui se font entendre en même temps; et je crois qu'on a tort: car, dans l'ordre de la nature, l'harmonie n'est-elle pas un concours, un ensemble parfait? Or l'harmonie musicale étant remplie de dissonnances, me paroît contre-naturelle. La résonnance des corps sonores ne produit que des accords majeurs: cela est incontestable. Les Grecs nommoient harmonie la consonnance de l'octave, ce qu'ils appelloient antiphonie. Ils avoient raison de croire que la véritable et seule Musique est celle où les sons se succèdent, et non pas où plusieurs sons, pour ainsi dire, plaqués, se font entendre à la fois. En effet, de tous les sons appréciables celui de la voix n'est-il pas le plus naturel et le plus pur? Or, la voix ne produit que des sons successifs et non pas d'accords: ainsi, la mélodie seule [-72-] est dans la nature, et non pas ce qu'on appelle harmonie musicale.

La Musique est l'expression des sensations dont nous sommes affectés; nous n'éprouvons à la fois qu'une sorte de sensation, c'est-à-dire, que nos sensations se succèdent, car on n'est pas triste et joyeux en même-temps. La Musique étant décidément l'expression de ces mêmes sensations, elle doit donc se restreindre à l'unité de moyens, puisqu'il n'y a qu'unité d'intérêt. La Musique est un langage: donc il faut écouter celui qui parle, et ne pas l'interrompre: donc un assemblage d'instruments qui jouent à la fois, n'est autre chose qu'un bruit confus et non pas un concert, concentus. Quand je dis à la fois, j'entends qui exécutent des accords, et non pas l'unisson ou l'octave; (résonnance délicieuse et qui exige l'accord le plus parfait entre les exécutants).

Pour prouver encore que cette réunion d'accords et ce placage de sons ne sont pas dans la nature, faites entendre votre musique à de simples paysans, sans art et sans connoissance. [-73-] Ils en seront effrayés et étourdis; mais après tout le bruit de vos orchestres, faites chanter un morceau simple et mélodieux, sans accompagnements; c'est alors que l'empire puissant de l'émotion agira sur ces êtres que vous trouviez grossiers, parce qu'ils n'admiroient pas tous les efforts dont vos sens émoussés ont besoin pour être frappés et non pas touchés. Votre harmonie est une saveur rude qui répugne au goût simple et délicat de l'homme de la nature. Chez vous, frapper fort vaut mieux que frapper juste. Vous croyez que beaucoup de moyens produisent beaucoup d'effets.

Voulez-vous atteindre en tout la perfection? Consultez la nature. En poësie, en musique et en peinture, le plus simple est le meilleur; et il en est des ornements comme de la toilette des femmes. La plus belle femme est ordinairement la moins parée: elle est belle de sa beauté; car on a beau faire, les ornements ne donnent pas de beaux yeux, de beaux cheveux, de belles dents, et cetera. L'art cache les défauts, mais ne fait pas naître de qualités.

[-74-] Enfin, l'harmonie musicale n'est autre chose qu'une convention. Elle n'est pas dans la nature, puisqu'il est vrai que la Musique est l'expression d'un sentiment, et qu'un sentiment seul, ne peut pas être rendu par une multitude de moyens, tels que ceux qu'emploie l'harmonie musicale; encore une fois, la musique étant un langage, vingt instruments qui exécutent en concert, ressemblent à vingt personnes qui parlent à la fois: la parité est exacte.

Harmonieux, adjectif. Effet de ce qu'on nomme harmonie musicale.

Harmonique, substantif des deux genres. Du masculin quand on sous-entend son, et du féminin, quand on sous-entend le mot Corde. (Voyez Sons Harmoniques).

Harmoniques, adjectif. On nomme ainsi les divisions de l'harmonie.

Harmoniste, substantif masculin. On appelle ainsi un Musicien qui est savant en harmonie. Pour l'ordinaire on ne nomme harmonistes [-75-] que ceux qui donnent tout aux effets brillants, ou, pour mieux dire, bruyants. Alors ces Musiciens ne sont pas Compositeurs, puisqu'ils ne font qu'employer des placages d'accords, au lieu de faire parler la mélodie, qui vraiment est la seule musique. (Voyez Mélodie et Opéra).

Harmonomètre, substantif masculin. Instrument propre à mesurer les rapports harmoniques.

Harpalise, substantif féminin. Chanson des anciennes Filles Grecques.

Haut, adjectif. Synonyme d'aigu, par conséquent opposé à grave ou bas. Haut signifie aussi fort, et l'on dit chanter plus haut, c'est-à-dire, plus fort. Haut est encore l'épithète qui distingue le diapason de la voix. Comme on dit, Haute-contre, Haute-taille, Haut-dessus. (Voyez les articles suivants).

Haut-dessus, substantif masculin. partie supérieure qui doit toujours chanter. Car s'il faut se résoudre à introduire des accords dans la musique, la partie inférieure [-76-] doit donc ne faire qu'accompagner; et il seroit ridicule d'entendre des sons aigus accompagner des sons graves.

Haut-dessus, substantif masculin. Signifie aussi un genre de voix plus aigue.

Haute-contre, altus ou contra, substantif féminin. Voix d'homme opposée à basse-contre en ce qu'elle n'a que des sons aigus, et qu'au contraire la basse-contre n'a que des sons graves. La haute-contre est une voix factice, elle n'est pas dans la nature: la véritable voix de l'homme, c'est la taille, basse et haute. Mais la haute-contre a toujours de l'aigreur, et rarement de la justesse.

Haut-taille, substantif féminin. autrement dit tenor. Taille dont les sons sont plus aigus que ceux de la basse-taille, et dont l'étendue va plus haut.

Hémi, substantif masculin. Mot grec, fort usité en musique. Il signifie demi ou moitié. (Voyez Semi).

Homophonie, substantif féminin. Les Grecs nommoient ainsi l'unisson, par opposition [-77-] à l'antiphonie, autrement dite musique toujours à l'octave; chose délicieuse.

Hymée, substantif féminin. Chanson des anciens Meuniers Grecs.

Hymenée, substantif féminin. Chanson de noces chez les anciens Grecs, autrement dite épithalame. Comme les maris ne chantent plus, il est inutile de parler de ces chansons.

Hymne, substantif féminin. Chant en l'honneur des Dieux ou des Héros.

[-78-] I.

Ialème, substantif masculin. Chant funèbre en usage chez les Grecs, comme le manéros chez les Egyptiens.

Jeu, substantif masculin. L'action de jouer d'un instrument. (Voyez Jouer).

Imitation, substantif féminin. Ce mot me paroît vuide de sens, en musique. Quoi qu'en ait dit l'illustre Rousseau, la musique ne peut pas peindre tous les incidents d'une pièce de théâtre. Le Compositeur qui essayeroit de le faire, ressembleroit, (comme je l'ai écrit quelque part) à un enfant qui voudroit ramasser tous les coquillages qui sont au bord de la mer. Je détaillerai davantage mes raisons à ce sujet. (Voyez l'article Opéra).

Improviser, verbe neutre. C'est faire et chanter in-promptu des Chansons, dont on fait subitement les paroles et la musique. Ce genre n'est qu'un Charlatanisme, qui a quelquefois réussi à certains Italiens, mais qui ne peut jamais atteindre à la perfection; car, [-79-] donner de l'idée, de la césure, de la rime et du nombre à sa poësie: et d'un autre côté, adapter à tout cela une musique neuve et originale, me paroît impossible sans préparations. Ces improvisateurs ressemblent assez à nos faiseurs de vers de société, qui ont toujours leurs poches pleines d'in-promptu, qu'ils ont l'art de préparer, en amenant adroitement la conversation à un sujet qui prête et qui est analogue à leurs in-promptu faits à loisir.

Instrument, substantif masculin. Machine artificielle qui produit des sons modifiés, soit par le rétrecissement du calibre qui contient l'air, soit par la diminution de la vibration des cordes. Les instruments à vent produisent et modifient les sons par la collision, autrement dit obstacle de l'air, lequel air, enfermé dans des tuyaux, cherche à s'évaporer, ce qui produit le son plus ou moins grave ou aigu, à proportion de l'espace et de l'opposition. Le son d'un instrument à corde devient, par la même raison, plus ou moins grave, à proportion [-80-] du rétrecissement de la corde, produit par l'appui des doigts. C'est pourquoi les joueurs d'instruments à cordes ne peuvent tirer un son beau et décidé, qu'autant qu'ils le déterminent et l'assurent par l'appui du doigt, ou par un pincé délicat, comme procèdent les habiles joueurs de harpe. On appelle aussi quelquefois Instrument le genre de la voix, de l'organe, et l'on dit d'un Chanteur, son instrument est beau: ou, il a beaucoup de talent, mais n'a qu'un mauvais instrument, et cetera pour dire que sa voix n'est pas belle ni aventageuse.

Instrumentale, adjectif. On nomme ainsi la musique qui ne peut être exécutée que par des Instruments. On dit qu'un Musicien entend bien la partie instrumentale, pour dire qu'il connoît bien leur diapason, leur tablature, et cetera.

Intermède, substantif masculin. On appelle ainsi ce qui remplit le vuide d'un entr'acte. Je n'approuve pas du tout la manière dont Rousseau traite cet article. Je crois qu'un Intermède, suspendant l'intérêt qu'on doit prendre à la pièce déjà commencée, coupe le fil de [-81-] l'histoire; en effet, si l'Intermède est étranger au sujet de la pièce; il est déplacé: ce n'est plus qu'une chose qui vous interrompt, et s'il y a du rapport, il partage l'intérêt et l'affoiblit; c'est pourquoi j'ai toujours blâmé les Intermèdes et les Ballets Pantomimes. Je dis plus, je trouve mal-à-propos de vouloir essuyer les larmes délicieuses que les spectateurs d'une Tragédie viennent de répandre, et cela par le moyen d'une petite Pièce de bas Comique. Car, si l'auditoire a été susceptible de sentir les beautés et les traits d'héroïsme d'une Tragédie ou d'un Drame, comment peut-on croire qu'il oubliera ce qui vient de l'affecter vivement? Pourquoi? Pour des balivernes, qui tout au plus ne pourroient le faire rire que de pitié. Quoiqu'on ait besoin de délassements, la farce de la Foire n'est pas plus de la gaieté que le rire éclatant n'est un signe de la joie; sentiment peu bruyant, et qui ne s'évapore pas par des signes extérieurs.

Intervalle, substantif masculin. Distance ou espace d'un son à un autre. La différence [-82-] qu'il y a de l'Intervalle à l'Etendue, c'est que l'Intervalle est regardé comme indivisible, puisqu'on n'y considère que la distance, et qu'ainsi c'est l'intermédiaire d'un son à un autre; au contraire, l'Etendue a différentes modifications, et l'on emploie souvent ce mot pour désigner le volume de la voix. Au reste, pour rendre plus claire cette explication, l'Intervalle est tout l'espace qu'un son a à parcourir pour arriver à un autre.

Intonation, substantif féminin. Action d'entonner. C'est l'épithète qu'on met à côté de ce mot qui en différencie la nature; et l'on dit, Intonation juste, fausse Intonation.

Jouer d'un Instrument, c'est s'en servir pour exécuter différents morceaux, verbe neutre. on dit, "jouer du Violon, de la Basse, de la Flute, du Haut-Bois; toucher l'Orgue, le Clavecin; Sonner de la Trompette; donner du Cor; pincer de la Harpe, de la Guitarre, et cetera." Mais comme la dénomination trop correcte de ces termes pourroit passer pour une pureté affectée et à prétention, le mot Jouer [-83-] devient générique, pour désigner la manière dont on se sert des instruments.

Juste, adjectif. Epithète qui convient au rapport parfait que les intervalles doivent avoir entr'eux. Quoiqu'un son isolé paroisse juste, n'étant pas comparé à d'autres sons, il n'en est pas moins vrai qu'un son isolé peut être faux, quand sa vibration est incertaine, et non pas bien décidée. C'est pourquoi la voix tremblante d'un vieillard ne peut pas former de sons justes.

[-84-] L.

LA sixième note de la gamme diatonique d'ut, inventée par Gui Arétin.

Larghetto, substantif masculin. Diminutif de Largo, pris quelquefois adverbialement.

Largo, adverbe. Le plus lent des mouvements.

Légérement, adverbe. Ce mot veut dire avec élégance, et sans force.

Levé, adjectif. C'est le temps qu'on ne marque pas en frappant, et qu'on sousentend. Cependant, il y a des occasions où le conducteur d'un grand Orchestre est obligé de marquer plusieurs temps de suite, pour décider le mouvement; car le frappé d'un premier temps ne décide pas du dégré de lenteur ou de vîtesse, puisqu'une chose isolée ne peut pas fournir d'objets de comparaison.

Liaison, substantif féminin. Ce mot appartient simplement à un signe de Musique, dont la forme décrit le demi-cercle, et qui [-85-] sert à enseigner qu'il faut réunir plusieurs Notes.

Licence, substantif féminin. En Musique, il en est de la licence comme en Poësie. Elle n'est permise qu'aux êtres assez grands pour se croire, avec raison, au-dessus de la règle. Tout le monde sait qu'un fameux Italien, voulant corriger une progression de quintes, qu'il avoit introduite dans les plaintes que proféroit un des principaux personnages d'un Opéra qu'il avoit mis en Musique; tout le monde sait, dis-je, que ce Virtuose gâta sa Pièce, et que les gens de goût lui redemandèrent cette belle faute, dont les effets portoient à l'ame, et cetera.

Liées, adjectif. On appelle Notes liées celles qui, pour ainsi dire, paroissent fondues ensemble, soit avec la voix, soit d'un seul coup d'archet.

Ligne, substantif féminin. C'est un trait horizontal qui est tiré dans la largeur du papier de Musique, et sur lequel, et au-dessus et au-dessous duquel on place les Notes. Il faut cinq lignes pour completter une portée. Le Plain-Chant n'en a que quatre.

[-86-] Livre ouvert, ou a l'ouverture du Livre, adverbe. (Voyez a Livre Ouvert.)

Longue, adjectif féminin. C'étoit le nom qu'on donnoit à une Note quarrée, sous laquelle étoit une queue à droite; présent que cette Note est surannée, par Longue, on n'entend plus que la Note qui précède ou suit une brève.

Loure, substantif féminin. Sorte de Danse dont l'air est lent, et se marque ordinairement par la mesure 6/4. La Loure tire son nom de celui d'un instrument ainsi nommé, sur lequel on jouoit l'air de la Danse dont il s'agit.

Lourer, verbe actif et neutre. C'est former des sons sourds, et, pour ainsi dire, concaves. Sur les Instruments, la manière de bien Lourer est agréable, en ce qu'elle consiste à forcer adroitement, ou à diminuer le dégré de son. Mais dans la Musique vocale, on ne doit jamais Lourer les sons, parce que la partie essentielle de la Musique vocale, qui est la prononciation, perdroit nécessairement de sa parfaite articulation, si le Chanteur enfloit la première syllabe d'un mot, et foiblissoit [-87-] sur la seconde ou la dernière.

(Voyez Articulation, Chant, Voix.)

Luthier, substantif masculin. Artiste qui fait des Luths, des Violons, des Basses, et cetera. Je dis Artiste, parce que je ne mets pas dans la classe des Ouvriers et des Artisans, quiconque a le talent de proportionner et de prévoir les effets que doit produire le volume et la nature du bois qu'il emploie pour la construction d'un Instrument. S'il ne s'agissoit, pour être bon Luthier, que de rabotter du bois, je nommerois un Luthier un Ouvrier. Mais comme il faut être habile Physicien, homme bien organisé, homme dont les organes soient assez exercés pour apprécier la justesse des intervalles musicaux, je crois avoir raison de nommer Artiste un bon Luthier.

Lutrin, substantif masculin. Pupître, sur lequel on met les livres de Choeur.

Lyrique, adjectif. Qui appartient à la Lyre. Les anciens donnoient cette épithète au genre de Musique qui n'étoit pas adapté aux sujets nobles et héroïques. [-88-] Souvent c'étoit une simple chanson, accompagnée de lyre ou de citare, par le chanteur même; au lieu que le genre dramatique exigeoit des accompagnements d'orchestre. Aujourd'hui on n'appelle lyrique, que le genre de poësie qui est propre aux Opéra, ou au moins, aux chants soutenus. Je m'étendrai davantage sur ce mot. (Voyez Opéra).

[-89-] M.

Majeur, adjectif. On appelle ainsi le mode dont les tierces et les quintes sont parfaites. Le mode majeur a des consonnances parfaites, et le mode mineur de dissonnantes progressions.

Maître, substantif masculin. On nomme ainsi en Musique, comme en toute autre chose, celui qui enseigne les règles de l'Art. Un Maître enseigne à prononcer distinctement la Musique vocale et instrumentale (1), à régler la mesure, à ne pas mettre mal-à-propos des ornements, rarement bien placés, et cetera mais il seroit ridicule de croire qu'un pauvre diable de Musicien, (d'ailleurs fort homme de bien) pût décider l'organisation et le sentiment d'une jeune écolière. Enfin, le Maître enseigne

la route, mais c'est à l'écolier à la parcourir. Au reste, un bon Maître [-96-] à chanter est très-difficile à trouver. Peut-être les sieurs Richer et d'Arondeau sont-ils les seuls en France.

Maître de Musique, substantif masculin. Musicien qui conduit un orchestre, sans jouer d'aucun instrument. C'est celui qui bat la mesure, en se servant d'un bâton. Un bon Maître de Musique est un homme rare. Car il ne suffit pas de marquer régulièrement la mesure, ni d'indiquer les rentrées, les doux, les forts, et cetera mais il faut encore que le Maître de Musique, pour ainsi dire, communique son intelligence aux Musiciens qu'il conduit. Pour être bon Maître de Musique d'Opéra, il faut avoir un vrai talent. Premier Savoir parfaitement la composition, pour entendre aisément tous les effets. Deuxième Connoître ce dont sont capables les chanteurs, afin de les relever, soit d'un signe, soit en faisant couvrir leurs défauts par l'orchestre. Troisième Indiquer avec précision les rentrées des acteurs principaux, des choeurs, des ballets, les évolutions des machines, et cetera. Enfin, non-seulement il faut qu'un Maître de Musique d'Opéra ait tous ces [-91-] talents, mais encore celul de décider et de prévoir, à l'essai, l'impression qu'un ouvrage qu'on lui montre, doit produire généralement, et par conséquent le succès qu'il doit avoir. Ainsi, il faut qu'il connoisse le goût du public. Personne n'a eu ce talent comme le Sieur Lebreton, ancien Directeur de l'Opéra, pour lequel même il avoit travaillé avec quelques succès, n'étant encore que Maître de Musique de ce spectacle. Cet homme, sans avoir un grand génie, voyoit d'un coup-d'oeil, l'effet que devoit produire l'Opéra qu'on lui présentoit. Il embrassoit toutes les parties, et, en Maître souverain de l'orchestre, il lui donnoit un dégré de fermeté inconcevable alors. (Car on sait qu'il y a quarante ans la musique instrumentale n'étoit pas si compliquée que de nos jours). Encore une fois, le talent d'un Maître de Musique n'est pas une chose commune.

Marche, substantif féminin. Air militaire, à deux temps lents. (Voyez à ce sujet l'article que J. J. Rousseau a si bien traité dans son Dictionnaire de Musique).

[-92-] Marcher, verbe neutre. Terme qui s'emploie figurément en musique, et qui désigne la succession des sons et des accords: et l'on dit, cette basse marche bien.

Martellement, substantif masculin. Nom qu'on donnoit jadis à une espèce d'agrément mal entendu, et qui rendoit le chant françois traînant.

Médiante, substantif féminin. En harmonie on appelle ainsi la troisième note d'un accord. La distance de son intervalle décide du mode majeur ou mineur. Ainsi, quand l'intervalle est parfait, le mode est majeur: et mineur, quand il est moins large ou moins étendu.

Médium, substantif masculin. Dérivé du latin, signifiant milieu. C'est le son plein de la voix humaine, et même d'un instrument, qui tient le milieu entre le grave et l'aigu.

Mêlange, substantif masculin. C'étoit une des parties de la Mélopée des Grecs, appellée aussi agogé, qui consistoit à savoir entrelacer et mêler à propos les différents modes et les différents genres. (Voyez Mélopée).

[-93-] Mélodie, substantif féminin. Succession de sons qui forme un chant agréable. On a vu, article Harmonie, que la mélodie seule est la vraie Musique. En effet, elle peint toutes les affections de l'ame; et avec peu de moyens apparents, elle produit des émotions inconcevables: car c'est une des merveilles de la nature que de voir tous les jours un beau morceau de musique, d'un chant simple, affecter l'auditoire, au point de changer, pour ainsi dire, l'organisation de chaque auditeur. Au reste, comme il n'y a pas de musique sans mélodie, je renvoie à l'article Musique.

Mélodieux, adjectif. Qui produit de la mélodie. On met cette épithète après les mots suivants, son, voix, et l'on dit un son mélodieux, une voix mélodieuse; mais on ne doit pas dire une musique mélodieuse, puisque cela va sans dire, et qu'il n'y a pas de musique sans mélodie.

Mélopée, substantif féminin. C'étoit, du temps des Grecs, la règle qu'ils prescrivoient à leur mélodie, d'où ce mot est dérivé. [-94-] Voyez cet article dans le Dictionnaire de Rousseau.

Melos, substantif masculin. Mot grec qui signifie miel, d'où nous vient mélodie. On n'emploie plus ce mot.

Menuet, substantif masculin. Air de danse qu'on dit nous venir de Poitou. La mesure du menuet est toujours à trois temps, d'un mouvement modéré. Le menuet doit marcher de quatre en quatre, de huit en huit, de façon que la mesure s'accorde avec les quatre temps que les danseurs forment dans chaque pas de menuet. Ainsi les phrases doivent être quarrées, de sorte que les danseurs ne soient pas incertains de la mesure ni du repos qui aboutit à chaque reprise. Autant que faire se peut, il faut éviter d'employer beaucoup de notes. Plus les temps sont marqués simplement, plus la mesure est facile à suivre. Actuellement on ne danse plus guères de menuets, par la même raison que le renard donnoit, en refusant de manger les raisins.

Mesure. substantif féminin. Division de la durée du temps. Il n'y a, proprement [-95-] dit, que deux sortes de mesures; savoir, à deux et à trois temps. Toutes les autres mesures ne sont que des dérivés. Il seroit plus simple de ne se servir que de ces deux mesures principales, et de décider le degré du mouvement par le titre du morceau. Ces mesures à quatre temps lents deviennent très-difficiles à exécuter, en ce que les battements ne reviennent pas assez souvent, et suspendent trop le marqué de la mesure. Ainsi, on devroit s'en tenir aux deux mesures principales, puisqu'il est vrai que la mesure à quatre temps n'est qu'un double de celle à deux, et que les mesures à 3/2 et à 6/8 ne sont que des dérivés inutiles de la mesure à trois temps. Encore une fois, ce devroit être l'intitulé du morceau qui en marquât le mouvement.

Mesuré, participe. On emploie ce terme pour désigner le morceau de mouvement qui suit un récitatif. A l'égard du récitatif, qui est une espèce de mètre, il ne peut pas être mesuré, car alors il change de nom et devient air. (Voyez Récitatif).

Mezza-voce. A demi-voix. (Voyez Sotto-voce).

[-96-] Mezzo-forte. (Voyez Sotto-voce).

Mi. Troisième note de la gamme d'ut, inventée, comme on sait, par Gui-Arétin.

Mineur, adjectif. Mode dont la tierce n'est pas parfaite. (Voyez Mode.)

Minime. adjectif. On appelle intervalle minime ou moindre, celui qui est plus petit que le mineur de même espèce, et qui ne peut se noter. C'est une résonnance inappréciable à l'ouie. Le semi-ton minime est la différence au semi-ton moyen, dans le rapport de 125 à 128. Voyez Semi-ton.

Mode, substantif masculin. Disposition de l'intonation. Il n'y a que deux sortes de modes; le majeur, qui est dans la nature; et le mineur, qui est enfant de l'art. En 1751, un sieur Blainville, savant Musicien, que j'ai beaucoup connu, proposa l'essai d'un troisième mode, qu'il appelloit mode mixte. Malgré le mérite de l'homme et de son projet, sa tentative n'eut point de succès; et on trouva que c'étoit bien assez d'avoir inventé un second mode, sans en imaginer encore un troisième.

[-97-] Modéré, adjectif. Mouvement moyen entre le gai et le lent. Ce mot est quelquefois adverbe: alors il signifie modérément, moderato.

Modulation, substantif féminin. C'est l'art de la transition des accords; c'est passer adroitement d'un mode à l'autre, d'un ton à l'autre, et cetera.

Moduler, verbe neutre. C'est suivre les règles de la modulation.

Moeurs, substantif féminin. Partie considérable de la Musique des Grecs, qui consistoit à connoître et à choisir le bien-séant en chaque genre; et à ne pas faire de contre-sens, et cetera. Enfin, il en étoit en Musique, des règles prescrites par le bon goût, comme chez toutes les Nations bien policées, il en est en moral, c'est-à-dire, que l'ordre et la convenance étoient toujours observés.

Moindre, adjectif. (Voyez Minime).

Monocorde, substantif masculin. Instrument qui n'a qu'une corde. Cet instrument n'est plus en usage: le Monocorde avoit plusieurs chevalets mobiles, qui produisoient le même effet que les doigts [-98-] qui récrécissent la vibration des cordes; la différence c'est que les doigts sont dessus, et que les chevalets du monocorde étoient, comme de raison, dessous. La trompette marine est une espèce de monocorde.

Monologue, substantif masculin. Scène d'opéra où l'Acteur est seul et ne parle qu'avec lui-même. En Musique, un monologue est une chose difficile à traiter grandement; car il n'y a pas de faux-fuyants, de jeu d'Acteurs, ni d'accessoires étrangers. Il faut se montrer à nud. Il faut être assez grand pour dédaigner d'étre joli. Communément le monologue ne convient qu'au genre sérieux. Le bouffe a besoin du contraste des interlocuteurs, et il n'y a que le sentiment qui, tantôt savoure tout seul ses délices, tantôt déplore avec une énergie mâle et déchirante les maux qui l'accablent. Enfin, on peut comparer ce genre à la douleur concentrée d'un héros; au lieu que le vulgaire fait part à tout le monde de ces chagrins et de sa joie.

Monotone, substantif féminin. En musique, ce mot [-99-] a la même signification que par-tout ailleurs.

Monter, verbe neutre. C'est faire succéder les sons du grave à l'aigu.

Motif, substantif masculin. Sujet qu'on se propose de suivre d'une manière unique dans le courant d'un morceau. Par exemple, la ritournelle d'un morceau doit toujours en annoncer le motif. Encore, dans plusieurs variations, on doit ne pas s'écarter du motif, c'est-à-dire, faire toujours sous-entendre le chant principal, (Voyez les articles Ouverture ou Variations).

Mottet, substantif masculin. Aujourd'hui l'on donne ce nom à un morceau de musique sur des paroles latines, à l'usage de l'Eglise ou d'un Concert spirituel. Comme le Mottet est du genre noble et imitatif, je renvoie le lecteur à l'article Opéra. Car, pour chanter les louanges du Seigneur, il est ridicule d'employer beaucoup de moyens: comme on n'a pas besoin de grandes phrases pour parler des héros, ni pour faire briller la raison, dans tout son éclat.

Mouvement, substantif masculin. Dégré de vîtesse ou [-100-] de lenteur d'un morceau qu'on exécute. L'intitulé qui est à la tête du morceau doit expliquer le dégré de mouvement. Ainsi, le mot adagio, veut dire lent, comme presto veut dire vîte, et cetera.

Muances, substantif féminin. On appelle ainsi les diverses manières d'appliquer aux notes les syllabes de la gamme. (Voyez Gamme).

Musette, substantif féminin. Sorte d'air convenable à l'instrument qui porte ce nom. La mesure de la musette est à deux ou trois temps lents, et a pour basse une seule note tenue; chose à mon avis, d'une monotonie insupportable.

Musical, adjectif. Qui appartient à la Musique, (Voyez Musique).

Musicalement, adverbe. D'une manière musicale, dans les règles de la Musique.

Musicien, substantif masculin. Homme qui compose de la Musique. Par abus du mot, on donne ce nom à celui qui exécute la musique des autres; mais c'est très-improprement. Tout le monde sait que les anciens Musiciens étoient des [-101-] Poëtes, des Philosophes, des Orateurs du premier ordre. Tels étoient Orphée, Terpandre, Stésichore, et cetera. Aussi, comme le dit Rousseau, Baëce ne veut-il pas honorer du nom de Musicien celui qui pratique seulement la musique par le ministère servil des doigts ou de la voix; mais celui qui possède cette science par le raisonnement et la spéculation. Comme le dit encore Rousseau, il semble que pour s'élever aux grandes expressions de la Musique oratoire et imitative, il faudroit avoir fait une étude particulière des passions humaines et du langage de la nature. Cependant les Musiciens de nos jours, bornés, pour la plupart, à la pratique des notes et de quelques tours de chant, ne seront guère offensés, je pense, quand on ne les tiendra pas pour de grands philosophes. A quoi j'ajouterai les réflexions suivantes, pour prouver que le nom de Musicien n'appartient qu'aux compositeurs et non aux simples exécutants; c'est que les Arts d'imagination, tels que la Poésie, la Peinture et la Musique, ne peuvent pas se restreindre à de froids récits. En effet, quel [-102-] cas fait-on d'un Copiste de Tableaux ainsi que d'un Traducteur de Poëmes? La meilleure copie d'un Tableau de Raphaël vaut-elle l'incorrection d'un Tableau d'un Auteur médiocre? De même une traduction littérale d'Homere, vaut-elle les égarements du génie et de l'originalité? Encore une fois, le titre de Musicien ne doit appartenir qu'aux Compositeurs, et non pas aux exécutants, qui ne font que répéter les idées des autres. Autant vaudroit-il donner le titre d'Auteur à quelqu'un qui ne fait que lire les oeuvres d'autrui. Imitatores servum pecus.

Ainsi, comme il est reconnu que la Musique n'est pas seulement une combinaison de sons, mais encore un langage; pour être décidément Musicien, il faut parler d'après soi, et ne pas répéter servilement ce que les autres ont dit.

Musique, substantif féminin. Combinaison de plusieurs sons successifs. Je ne répéterai pas ce que beaucoup d'Auteurs ont écrit touchant la Musique. Je ne parlerai pas de son origine, etc. Je dirai seulement qu'on pourroit diviser la Musique [-103-] en deux genres: savoir, genre actif et genre passif. Par genre actif, j'entends une musique qui exprime un sentiment; et par genre passif, une musique qui fait naître un sentiment. Les anciens écrivains différent entr'eux sur la nature, l'objet, l'étendue et les parties de la Musique. En général, ils donnoient à ce mot un sens beaucoup plus étendu que celui qui lui reste aujourd'hui. Non-seulement, sous le nom de Musique ils comprenoient, le geste, la danse, la poésie; mais encore la collection de toutes les sciences. Le Philosophe Hermès définit la Musique, la connoissance de toutes choses. C'étoit aussi la doctrine de l'école de Pythagore, et de celle de Platon, qui enseignoient que tout dans l'Univers étoit musique.

Pour revenir donc à mon systême de musique active et passive, je dirai seulement que la Musique active fait naître des sensations, et que la Musique passive les éprouve. Et, pour rendre cela plus clair, je compare la premère à un Orateur qui émeut son Auditoire; et la seconde à ce même Auditoire qui rénd le sentiment qu'il [-104-] éprouve et qui lui a été communiqué. Ainsi, non-seulement la Musique exprime les sensations qu'on éprouve, mais encore elle en fait naître d'autres dans les individus qui l'entendent. En effet, les différents genres de Musique inspirent différentes affections aux Auditeurs. Tirtée excitoit les Grecs aux combats en leur faisant entendre une musique guerrière. On pourra voir au mot Fanfare, dans le Dictionnaire de Rousseau, à quel point la musique guerrière peut animer le courage du Soldat. Ce bruit militaire séduit les sens de l'Être brave et sensible, et étourdit l'Être pusillanime, qui, sans cela, seroit effrayé des dangers et de la mort. Il est donc plus utile qu'on ne pense, d'avoir une Musique militaire: car, l'Être dont les sens sont séduits, pense peu aux dangers.

Enfin, en général, la Musque est l'expression de nos affections. On pourra voir, à l'article Opéra à quel point la Musique peut être expressive et imitative; et si elle peut tout peindre, et cetera. Au reste voyez les articles Opéra, Voix, et cetera.

[-105-] N.

Naturel, adjectif. En Musique ce mot a plusieurs sens. Premier. Musique naturelle est celle que forme la voix humaine, par opposition à la Musique artificielle, qui s'exécute avec des instruments. Deuxième. On dit qu'un chant est naturel, quand il est d'une mélodie facile. Enfin, on nomme généralement naturel le chant dont la résonnance est majeure et parfaite.

Net, adjectif. pris souvent adverbialement. Ce mot ne se met qu'après les substantifs suivants, tels que, jeu net, voix nette, prononciation nette: et l'on dit jouer net pour exprimer la précision et la clarté de l'exécution.

Noels, substantif masculin. Airs qu'on chante la veille et le jour de Noël. Ces airs ont un caractère champêtre et pastoral qui convient à la simplicité des paroles, et à celle des Bergers qu'on suppose les avoir chanté en allant rendre hom- [-106-] hommage à l'Enfant Jesus dans la Crèche.

Ordinairement on varie les airs des Noëls. Mais ne faut pas en défigurer la simplicité par trop d'ornements. On pourra voir à l'article Variations ce que je pense à ce sujet.

Noire, substantif féminin. Note de musique qui vaut la quatrième partie d'une ronde.

Nome, substantif masculin. Chez les Grecs ce mot signifioit une règle qu'il n'étoit pas permis d'enfreindre.

Nomion, substantif féminin. Sorte de Chanson d'amour chez les Grecs, (Voyez Chanson).

Nomique, adjectif. Le mode Nomique étoit consacré, chez les Grecs aux louanges d'Apollon. On tâchoit d'en rendre les chants brillants et dignes du Dieu auquel ils étoient consacrés.

Note, substantif féminin. Signe ou caractère dont on se sert pour écrire la Musique.

Les Grecs et les Latins écrivoient leur Musique avec des lettres de l'alphabet. Ce n'est que dans l'onzième [-107-] siècle qu'un Bénédictin, nommé Gui d'Arezzo substitua à ces lettres des lignes parallèles, sur lesquelles il posa des points, et en détermina la valeur. C'est lui aussi qui inventa les différentes clefs qui marquent la position des notes. On dit aussi qu'un Chanoine de Paris, nommé Jean de Muris, donna en 1338 différentes figures aux notes, qui jusqu'alors n'étoient pas compliquées.

Note sensible, substantif féminin. On appelle ainsi la septième note de la gamme, dont l'intervalle à la note qui forme octave, n'est que d'un demi ou semi-ton; et comme ce rapprochement est sensible à l'oreille, la note porte le nom de sensible.

Note de gout, substantif féminin. On nomme ainsi les petites notes qui ne portent pas harmonie, et qui, pour ainsi dire, ne sont que de passage. Elles se marquent sur le papier en petits caractères, pour les distinguer des notes principales qui complettent la mesure. On a vu à l'article agrément ce que je pensois de [-108-] l'abus que les Musiciens font de ces petites notes, qu'ils appellent d'agrément. L'exécutante Dlle Renaud trouvera une remarque passagère, qui la concerne, à la fin de l'article Voix.

Noter, verbe actif. C'est écrire de la Musique avec les caractères destinés à cet usage.

Ce n'est pas seulement la beauté de la note qui constitue l'habileté du copiste, mais encore sa manière de phraser et de détailler les traits de Musique, de façon qu'il n'y ait aucune confusion à l'oeil du lecteur. (Voyez l'article Copiste).

Nourrir, verbe actif. Nourrir les sons, c'est leur conserver, durant toute leur valeur, le même volume. L'ancien chant françois avoit une autre méthode: c'étoit d'enfier, autrement dit, de filer les sons, de manière qu'ils donnoient à l'ouie l'idée qu'un demi-cercle produit à la vue. (Voyer Filer, et cetera). Les Italians nourrissent et soutiennent les sons: et je crois que cette méthode est préférable à l'autre. Car la vibration de la voix ou de l'instrument est bien plus décidée.

[-109-] Au reste, on peut se permettre quelquefois de filer des sons, car ce n'est pas contre le bon goût, et cela peut faire variété.

Nunnie, substantif féminin. Chez les Grecs, c'étoit la chanson particulière aux nourrices. (Voyez Chanson). Ce mot vient de nutrix, nourrice.

[-110-] O.

Obligé, adjectif. On appelle partie obligée celle qui paroît nécessaire à l'accompagnement d'un chant principal. On nomme aussi récitatif obligé, un débit cadencé qui annonce un air.

Octacorde, substantif masculin. Instrument composé de huit cordes. La lyre de Pythagore se nommoit ainsi.

Octave, substantif féminin. La première des consonnances dans l'ordre de leur génération. L'octave est la plus parfaite des consonnances; en ce qu'elle accorde la résonnance du son aigu avec le son grave. Par exemple, ce qui paroît unisson, souvent n'est autre chose qu'octave. Les chants à l'unisson, exécutés par des voix d'hommes et de femmes, en fournissent la preuve.

Ainsi, un dessus qui semble chanter à l'unisson chante à l'octave de la voix de taille, et à la double octave de la basse.

Quoiqu'il soit défendu, en composition, [-111-] de faire deux octaves de suite, entre différentes parties, cela est souvent élégant, quand les accompagnements suivent à l'octave inférieure la mélodie d'un chant facile.

Ode, substantif féminin. Mot grec qui signifie chant. Il y a tout à croire, d'après l'union que la Musique et la Poésie avoient du temps des Grecs, que le chant consacré à l'Ode étoit aussi noble que le sujet: et que dans les temps barbares qui ont succédé aux beaux jours de la Grèce et de Rome, le nom d'Ode est resté à un genre de strophes soutenues et nobles. Car les strophes étant composées de vers égaux, cela suppose qu'elles étoient faites pour être chantées sur le même air.

Odéum, substantif masculin. Chez les Anciens, c'étoit un lieu destiné à la répétition de la Musique qui devoit être chantée sur le théâtre. A ce sujet on ne sauroit donner trop d'éloges à l'administration de l'Opéra de Paris, qui a établi un conservatoire où on déploie les dispositions des jeunes enfants honnêtes et pauvres, qui se destinent, ou qu'on destine au théâtre. Le meilleur ordre [-112-] règne dans l'administration de cet établissement, et les moeurs même sont en grande recommandation. Car on croit, avec raison, que la débauche énerve les facultés morales, comme elle détruit le physique. Cet établissement est donc autant utile aux moeurs qu'aux Arts.

OEuvre, substantif féminin. Quoique ce mot soit féminin quand il désigne les ouvrages de littérature, il est masculin quand il annonce des morceaux de musique. Ainsi, on dit premier, second oeuvre d'un tel.

Onzième, substantif féminin. Replique ou octave de la quarte, ou quatrième intervalle. Comme toute la magie de la musique consiste dans la position grave ou aigue des sons, les Musiciens ont multiplié les noms des notes ou sons qui, dans le fond, ne sont que les mêmes, placées tantôt en haut, tantôt en bas.

Opéra, substantif masculin. On nomme ainsi un spectacle dramatique et lyrique.

Les parties constitutives d'un Opéra sont, le Poëme, la Musique, la Décoration [-113-] et les Ballets. La Poésie parle à l'esprit et à l'imagination, la Musique à l'oreille et au coeur, les Décorations offrent à la vue tout ce que la Poésie peint à l'imagination, et les Ballets, quoiqu'accessoires, deviennent de jour en jour plus intéressants, par la diversité des objets qu'ils présentent. Comme tout le monde sait que l'invention de l'Opéra tire son origine des Tragédies grecques, qu'on récitoit ou scandoit d'une manière très-semblable au chant; je ne parlerai donc pas de l'étymologie du mot Opéra. Je vais seulement détailler ce qui me paroît indispensable à la perfection d'un Opéra.

Premier. Comme l'Opéra est une chose qui tient du genre merveilleux, il faut mettre beaucoup de mouvement et d'action dans le Poëme. Car, un intérêt qui ne seroit que simple, et point susceptible d'émotions subites, seroit peu propre au Poëme lyrique. Et, ces règles du Théâtre, inventées, moins par Aristote que par le bon goût, ne doivent pas être observées à l'Opéra, où l'unité de lieu, d'intérêt et de temps, ôteroit à ce spectacle tout son merveilleux. [-114-] En effet, un Poëme propre à être mis en musique doit avoir le genre du Poëme épique. C'est moins la raison qui doit y dominer que l'énergie et le sentiment. Dans nos Tragédies françoises, c'est autre chose. Comme le but d'un Théâtre national est de traiter des sujets vastes et nobles, qui élévent l'ame du spectateur, rien ne doit choquer la vérité ou les apparences. Delà les trois unités, et cetera, et cetera. Mais encore une fois, l'Opéra seroit moins susceptible d'action si on y étoit stricte sur ces unités. Ainsi, le Poëme d'un Opéra doit prêter beaucoup au merveilleux. La Poésie en doit être moins nombreuse que douce, affectueuse, sonore, de façon que la Musique s'y allie sans efforts. Les dipthongues et syllabes nasales doivent en être exclues. Autant qu'il est possible, il faut que les vers soient du même nombre, autrement dit quantité; car les phrases musicales étant quarrées, et répondant les unes aux autres, les vers doivent être assujettis à cette règle. A la bonne heure, dans le récitatif, on peut enfreindre cette règle, inconnue des anciens, et même du fameux Quinault [-115-] et de ses successeurs, qui faisoient des paroles lyriques en vers libres. Au reste, cette règle n'est établie que depuis que les phrases musicales sont quarrées, ce qui remonte environ à trente ans: car le célèbre Rameau ne la connoissoit pas, et ses ouvrages, sublimes d'ailleurs, péchent par le défaut d'à-plomb de phrases, ce qui doit être toujours une chose essentielle.

Ainsi, un Poëme lyrique doit beaucoup prêter à l'imagination du Musicien.

De tous les Poëtes lyriques, Quinault est sans doute le premier; il a sçu réunir à la beauté des sujets, la douceur et la mélodie des expressions. Et l'on peut dire même, qu'il faisoit la musique en composant le Poëme: car il indiquoit au Musicien le genre de musique qui convenoit aux paroles. Par exemple, quand Renaud, dans l'ivresse des plaisirs, soupire les vers suivants:

Plus j'observe ces lieux, et plus je les admire, et cetera.

On s'attend à une musique simple et enchanteresse qui peigne la situation [-116-] et le délire de Renaud. Et dans ceux-ci:

Un son harmonieux se mêle au bruit des eaux,

Les oiseaux enchantés se taisent pour l'entendre, et cetera.

Alors les sens sont dans l'extase, et chacun retient sa respiration, crainte d'interrompre ce concert si sublime et si simple.

Je ne m'étendrai pas plus sur le genre nécessaire au Poëme lyrique. Je me suis quelquefois permis, dans les Journaux, des réflexions à ce sujet. D'ailleurs, j'ai assez bonne opinion de mes Lecteurs, pour ne leur parler qu'à demi mot, et ne pas tout dire. Et si, dans un Dictionnaire de Musique, j'ai traité de la poétique du genre lyrique, c'est que j'ai cru qu'il n'étoit pas possible de composer une musique expressive et énergique sur des paroles sans intérêt et sans accent. Quoique Rameau ait fait souvent de fort belle musique sur des poëmes médiocres, il faut avouer que jamais il n'a déployé sa verve comme dans l'opéra de Castor et Pollux, dont les paroles sont vraiment nombreuses et susceptibles de [-117-] grandres expressions. Cependant, dans la première scène du premier acte de cet Opéra, à l'instant où Phébé dit:

Je ne fais qu'étonner ce qu'elle rend sensible.

(En parlant de sa soeur Télaïre), Rameau auroit pu rendre ce vers d'une manière plus vraie. En effet, Phébé, en disant ces mots, doit marquer les regrets plutôt que la colère; et c'est ce que Rameau a mal saisi. Il a cru que Phébé devoit être furieuse de l'empire que sa soeur avoit sur les coeurs: mais ce même Rameau n'a pas vu que le vers précédent:

Un coup d'oeil lui rend tout sensible.

Il n'a pas vu, dis-je, que ce vers ne devoit pas être prononcé par une furie, mais par une femme susceptible de tendresse, et qui, en enviant le pouvoir des charmes de sa soeur, devoit plutôt s'abandonner aux regrets qu'à la fureur. Phébé dans cet instant est un lion apprivoisé. C'est en quoi le Poëte Bernard a outré son caractère. Il a fait parler Mégère, et non pas une tributaire de l'amour. Enfin, en voilà assez sur le genre du poëme lyrique. [-118-] Je vais m'étendre sur le genre musical qui convient à l'Opéra.

Quoique la musique d'un Opéra doive être analogue aux paroles, cependant il ne faut pas qu'elle essaie de peindre tous les incidents. Quoiqu'elle soit un enfant du génie et de l'imagination, ses possibles ne sont pas aussi étendus que ceux de la poésie. En effet, la poésie est un langage exalté, enfant du merveilleux: pourvu qu'une idée soit rendue avec esprit, elle passe à l'aide de la poésie: il n'en est pas de même des autres beaux Arts, tels que la Musique, la Peinture et la Sculpture. Ils sont bornés à l'imitation. La musique d'un Opéra doit être asservie aux paroles, comme l'exécution d'un tableau ou d'un grouppe doit rendre strictement et simplement le sujet que l'Artiste s'est proposé de traiter. Or, un Musicien a donc tort de vouloir peindre tous les incidents que détaillent les paroles; il doit seulement saisir le sujet et la donnée principale, et ne pas tout exprimer. Par exemple, rien n'est si commun que de voir nos compositeurs françois faire vingt tableaux, pour ainsi dire, hachés, et [-119-] cela dans un seul récit. Si le héros ou autre personnage de la pièce, récite une action grande et périlleuse, le Musicien croira bien faire de peindre toutes les catastrophes, et de changer, à chaque instant, d'air et de mouvement. Tantôt on entendra le canon, le ravage, puis il vous retracera l'image de la mort: tantôt il vous peindra le calme, le doux murmure d'un clair ruisseau, le chant et le gazouillement des oiseaux, et cetera, et cetera. Cet homme aura cru bien faire, parce qu'il n'a pas reçu de la nature le moyen de faire mieux, en n'employant que des procédés simples et peu nombreux, en laissant toujours à la parole la prééminence qu'elle doit avoir: enfin, en s'asservissant, comme nous venons de le dire, à une unité d'intérêt dans le récit de chaque morceau, et par conséquent d'expression. Ainsi, la musique lyrique ne doit pas tout peindre. Comme un homme qui vous fait un récit quelconque ne doit pas gesticuler pour rendre toutes les actions dont il a été témoin.

Lorsque le célèbre Lully mit en musique les poëmes lyriques de Quinault, [-120-] il n'employa pas de moyens superflus, pour augmenter, en apparence, les effets de l'intérêt principal. Plusieurs de nos bons Contemporains croient que c'étoit par le défaut d'exécutants. Ils se trompent, c'est que ce fameux Compositeur étoit justement persuadé que l'orchestre doit être subordonné au chant, et ne jamais l'interrompre, par des desseins, des tableaux, qui affoiblissent l'intérêt principal, s'ils le partagent, et l'anéantissent, s'ils sont épisodiques.

Depuis Lulli, est venu Rameau, homme de génie, mais non pas d'esprit. La preuve de ce que je dis, c'est que le récitatif de ses Opéra est très-négligé, et que cette partie est importante et plus difficile à traiter que les autres. C'est dans le récitatif que se déploie le plus grand intérêt d'un Opéra. Il ne faut qu'avoir un peu de naturel, pour composer un air. Mais donner une marche rapide et bien sentie au récitatif; observer toutes les règles de prosodie, de bon goût; enfin avec si peu de moyens, varier tous les effets; c'est un travail du premier ordre, et c'est ce que le célèbre Chevalier Gluck [-121-] a fait au suprême dégré. Avant qu'il nous eût donné ses chefs-d'oeuvres, nous n'avions qu'un récitatif traînant, monotone, et les plus détestables chanteurs croyoient ajouter aux effets, en introduisant dans le récitatif même, des trils, des cadences, de mauvais pompons, et cetera chose qui suspendoit l'intérêt des paroles et de l'action en général.

Qu'a donc fait le Chevalier Gluck? Il a d'abord rendu au récitatif la marche qu'il avoit du temps de Lully: ensuite,

il lui a donné le caractère de prononcé et de noblesse qu'avoit le chant des Grecs.

Tout le monde sait que J. J. Rousseau avoit écrit, qu'il étoit impossible de faire de bonne musique sur des paroles françoises, et cetera. Mais quand Gluck vint en France, Rousseau alla entendre ce superbe Opéra d'Iphigénie en Aulide. Il se plaça dans un coin du parterre: je l'apperçus, et nous nous réunîmes. Il fut tellement pénétré des beautés sublimes de ce chef-d'oeuvre, qu'en sortant, il court chez lui et écrit à Gluck la lettre suivante. "Vous m'avez enivré, Monsieur, [-122-] j'avois écrit que l'idiôme françois étoit trop peu accentué pour s'allier à la musique imitative: j'ai fait chanter des Bergers; mais il n'appartenoit qu'à un génie tel que le vôtre de faire des miracles. Recevez mon admiration," et cetera.

Voilà à peu près la lettre que Rousseau envoya sur le champ au Chevalier Gluck: et en effet, ce grand homme la méritoit bien. Quel génie! quelle force! quelle variété dans les moyens! Les ennemis de ce grand Compositeur croient diminuer son mérite, en disant que les morceaux de ses Opéra sont dénués de chant et de mélodie, puisqu'on ne peut pas les exécuter en concert. Ce reproche ressemble assez à celui qu'on feroit à un beau Grenadier de n'être pas joli garçon, si on l'habilloit en Berger. En effet, ce qui est beau perdroit trop à être gentil, et je crois qu'on devroit faire le reproche aux grands Maîtres Italiens, de ne pas assez mettre de relations entre les morceaux qui composent leurs Opéra, de façon qu'ils ne soient pas susceptibles d'être démembrés, comme on le fair tous les jours dans nos concerts. [-123-] Si vous voulez avoir de la musique vocale dans vos concerts, faites des cantates, des scènes isolées, mais ne hachez pas vos Opéra: car un Opéra est un tout qui ne doit pas être séparé. Que faites-vous journellement? Vous prenez au hasard une scène d'Opéra, qui commence par un récitatif, auquel on n'entend rien, puisqu'il vient sans être emmené et sans propos; ensuite un cantabilé ou un air de bravoure termine tout cela. Voilà qui est bien, pour les gens qui n'ont que des oreilles, et n'aiment que l'exécution et les passages. Mais l'homme de goût est révolté de ce déplacement des choses. Je le répète, faites des morceaux exprès pour vos concerts: mais, dans votre cabinet, ne donnez pas d'échantillons d'Opéra.

Reste à savoir quel est le genre de musique qui convient à l'opéra. Une mélodie douce et affectueuse vaut-elle mieux qu'une déclamation vigoureusement prononcée? D'abord, pour répondre à cette proposition, il faut examiner quelle est la nature du poëme lyrique. Un opéra est un drame ou une comédie en musique. La musique n'est [-124-] donc que secondaire: la musique ne doit donc pas y jouer le premier rôle: enfin la musique n'est donc pas la partie constitutive dé l'opéra. Ainsi, le genre dramatique du Chevalier Gluck est donc le seul propre aux grands opéra: et la musique mélodieuse, mais sans force, des maîtres d'Italie ne convient qu'aux pastorales et aux intermèdes. Quelque beaux que soient les airs des opéra italiens, ils sont trop pleins de musique, pour être subordonnés à l'expression des paroles. Comment les grands maîtres italiens composent-ils un morceau de musique? Premier En essayant de peindre toutes les situations qu'expriment les paroles, (erreur que j'ai déjà démontrée). Deuxième En entrecoupant le sens de ces paroles par des accompagnements, qui, loin d'ajouter à l'intérêt, interrompent la succession du motif. Troisième En revenant vingt fois sur un vers, pour profiter d'un chant heureux et facile. Quatrième En introduisant dans leurs airs de bravoure des traits d'une exécution plus étonnante que touchante. Enfin, en donnant tout aux effets harmoniques, au détriment de l'intérêt de la pièce.

[-125-] Or, ayant posé que la musique n'étoit que secondaire dans le genre lyrique, et ayant aussi reproché aux Maîtres d'Italie de trop donner à la musique, et pas assez à l'unité d'intérêt: il est donc évident que les Italiens ne sont pas propres à traiter de grands sujets.

A Dieu ne plaise que je veuille attaquer la réputation justement méritée des Jomelli, des Porpora, des Galuppi, des Piccini, des Sacchini, des Paisiello, enfin de tous ces fameux Compositeurs. Mais je ne crois pas errer, en doutant que leur genre soit propre aux grands sujets lyriques. Car, je le répète, la mélodie seule ne suffit pas à la perfection d'un opéra. Cet ouvrage, difficile à faire, au point que le proverbe suivant, c'est un opéra, annonce une chose presque impossible, cet ouvrage, dis-je, exige des connoissances raisonnées, indépendantes des secours de la Musique.

A l'égard des parties constitutives qui coopèrent à la perfection d'un opéra, comme nous avons parlé des deux principales, la poésie et la musique, il ne nous reste plus qu'à détailler les deux autres, savoir la danse et les décorations. [-126-] Je mettrois même les décorations avant la danse, en ce qu'elles forment une des trois unités, la plus nécessaire à l'opéra, c'est-à-dire, celle de lieu. Car on peut et l'on doit même multiplier les incidents d'un opéra. Mais, autant que le genre merveilleux le permet, il faut conserver l'unité de lieu, et ne pas finir en Egypte la catastrophe qui a été commencée à Rome. Il faut toujours que les choses soient vraisemblables.

Je ne dirai rien de la partie des ballets; on a pu voir quel étoit mon sentiment sur la nature du ballet; au reste, cette partie n'est pas la moins agréable: elle offre d'ailleurs un moyen de diversité: de plus, les sujets intéressants qui dansent sur notre théâtre de l'Opéra, feroient chérir la danse, fût-elle contraire à la rapidité de l'action.

Opéra Comique. On nomme ainsi une espèce de comédie bouffe, tantôt en prose, tantôt en vers. L'origine de l'opéra comique en France ne remonte qu'à trente-cinq ans. Ce fut à la foire Saint Laurent, que plusieurs Poëtes badins, tels que Pannard, Favart, l'Abbé [-127-] de Voisenon, et cetera firent jouer de petites comédies mêlées d'ariettes, composées par différents Musiciens, tels que Duni, Philidor, Monsigny, et cetera. Ce genre de spectacle plut tellement au public, que bientôt on le réunit au théâtre d'Arlequin, que Louis le Grand avoit protégé, pour engager la Nation Françoise à apprendre l'italien. Depuis ce temps les poëtes, ou, pour mieux dire, les versificateurs, n'ont pas dédaigné de travailler pour le genre de l'opéra comique. De ce nombre sont Messieurs Sedaine, Marmontel (confrères), Laujon, et cetera. Il est vrai que les drames qu'ils nous ont donnés ne sont pas tout-à-fait comiques; mais n'importe, ils ont intéressé; et voilà le point. Après le naïf Duni, le trop savant Philidor, l'incorrect et naturel Monsigny, est venu le spirituel et célèbre Grétry; homme intelligent, mais peut-être trop prodigue de cet esprit, que tout le monde lui connoît (1). Au reste, il seroit injuste de lui reprocher quelques excès de coquetterie, quand on doit [-128-] être reconnoissant de vingt opéra-comiques charmants que cet Auteur nous a donnés.

Je pourrois aussi faire mention des talents de Messieurs Martini, Dezède, Champein, d'Aleyrac, et cetera mais je ne ferois que répéter les éloges et les remarques que le public a déjà prononcés; ce qui n'est pas mon projet.

Au reste, quoique le Déserteur, Félix, Silvain, et autres drames, ayent eu beaucoup de succès, il est impossible de nier que le genre larmoyant soit déplacé à l'Opéra comique. En effet, chaque spectacle doit avoir son genre et son caractère; et telles sublimes que soient les tragédies de Corneille et de Racine, ce n'est pas au théâtre de la foire qu'on prendra plaisir à les voir représenter. D'ailleurs, comment supposer que le même Acteur, qui vient de jouer le rôle d'un personnage noble et héroïque, descende au genre pastoral ou badin? Delà la difficulté d'avoir assez d'Acteurs pour jouer différents rôles, ou le ridicule d'affubler un individu de caractères qui ne lui conviennent pas.

Ainsi, opéra comique signifie opéra [-129-] bouffon. Ce n'est donc pas-là qu'on doit s'attendre à voir déployer de grands sentiments. A votre grand Opéra, exposez non-seulement des sujets merveilleux et fabuleux, mais encore des traits historiques et profitables: c'est-là le lieu convenable. Et à votre Opéra-comique, égayez-vous, et ne faites pas pleurer amèrement de bonnes gens, qui, tristes ou joyeux, à coup sur, n'emploient pas, pour exprimer leurs sensations, les phrases ronflantes que vos Académiciens leur prêtent. L'Auteur des petites Affiches a eu raison de donner l'épithète de mulâtre à ce genre mixte.

Opéra. Ce mot italien signifie OEuvre. Opera prima, secunda, et cetera.

Oratoire, substantif masculin. Mot tiré de l'italien oratorio. A bien dire, c'est une scène d'un genre noble et dramatique. Autrefois les oratorio n'étoient consacrés qu'aux morceaux d'Eglise, et tout le monde sait que ce mot signifie prière. Depuis une quinzaine d'années, nos Compositeurs de musique de Chapelle ont traité des sujets vastes et religieux qu'ils ont fait exécuter au Concert Spirituel. [-130-] De ce nombre est le sieur Méreaux, homme de génie et d'esprit, qui a donné des preuves d'un vrai talent dans les oratoires de Samson et d'Esther. Ce Compositeur, qui d'ailleurs a mérité des éloges dans son grand opéra d'Alexandre, et dans plusieurs opéra comiques, et cetera est un de nos virtuoses nationaux qui ait l'imagination la plus poëtique. Peut-être seroit-on en droit d'exiger un peu plus de clarté dans ses partitions.

Depuis ce virtuose, plusieurs Maîtres de Musique ont composé des oratoires. Mais je pourrois leur adresser le même reproche que j'ai déjà fait aux autres Compositeurs: c'est qu'ils ont trop voulu peindre d'effets, et que les tambours, trompettes et fanfares étourdissent les oreilles plûtôt qu'elles ne prêtent d'idées à l'imagination.

L'oratoire doit beaucoup peindre, mais non pas être inconcevable: c'est la remarque que je ferai en passant à Monsieur l'Abbé Lesueur, Maître de Musique de Notre-Dame, qui d'ailleurs est un très-habile homme, puisqu'il se soutient, en succédant à l'Abbé du Gué, peut-être le plus savant Harmoniste [-131-] de France, homme profond en musique, et auquel il ne manquoit qu'un orchestre pour bien rendre les effets de ses motets, taillés dans le grand. Le seul reproche qu'on ait été en droit de lui faire, c'est d'avoir été trop savant. Au reste, il est inutile de dire à quel point ses productions musicales peignent la franchise et la bonté d'un coeur qui a fait tant d'ingrats vaniteux.

Orchestre, substantif masculin. ou fém. On prononce comme s'il y avoit Orquestre. Chez les Grecs c'étoit la partie inférieure du théâtre; elle étoit faite en demicercle, et garnie de sièges tout autour. On l'appelloit orchestre, parce que c'étoit-là que s'exécutoient les danses. L'orchestre faisoit une partie du théâtre. A Rome, il en étoit séparé et rempli de sièges destinés pour les Sénateurs, les Magistrats, les Vestales et les autres personnes de distinction.

Aujourd'hui on appelle orchestre le lieu qu'occupent les Musiciens; il y a bien des choses à observer pour la perfection et l'ensemble d'un orchestre.

Première. L'emplacement y fait beaucoup, [-132-] et l'on doit observer les règles suivantes: savoir; de mettre les seconds dessus en face, et non pas à côté des premiers; de placer les basses le plus près possible des premiers dessus; car dans l'harmonie, la basse est la partie constitutive des accords: ensuite, de réunir les instruments à vent, tels que les haut-bois, les flûtes, les cors, et cetera et de terminer tout cela par la partie de l'alto ou quinte.

De tous les orchestres, le mieux composé et disposé étoit, sans doute, celui du Concert de l'Hôtel de Soubise, autrement dit des Amateurs. Cependant, on y avoit trop éloigné les basses du premier-dessus, et je me souviens, qu'à l'exemple du fameux violon Lamotte, lorsque j'y exécutois des solos, j'avois le soin de prier les célèbres Duport ou Jannson de s'approcher de moi, pour indiquer et marquer strictement la mesure que l'orchestre devoit suivre. Car le retardement du son, occasionné par les distances, doit nécessairement troubler l'ensemble musical; et, comme la basse est le principe d'un concert, il faut donc qu'elle soit voisine du chant.

[-133-] Ainsi, après le premier et le second dessus, mettez la basse: alors l'ensemble sera parfait.

Je n'ai pas parlé de la construction et de l'enceinte d'un orchestre d'Opéra, parce que tout le monde sait qu'il faut que l'enceinte en soit d'un bois sonore, tel que le sapin: qu'en outre cet orchestre doit être élevé pour que les sons puissent sortir aisément. Enfin, qu'il faut une certaine distance, marquée par une séparation, de l'orchestre aux Auditeurs qui sont dans le parterre, sans quoi, l'approximation des corps lourds et sourds atténue la vibration du son; comme le moindre corps étranger qui touche à un instrument quelconque le sourdit sensiblement, et cetera.

Oreille, substantif féminin. Ce mot s'emploie figurément en terme de musique, et l'on dit, cet homme a de l'oreille, pour désigner la justesse et la précision de son tact musical. Pour chanter juste et aller en mesure, il faut avoir de l'oreille. Ainsi le mot oreille, qu'on n'emploie qu'au singulier, se prend toujours pour la finesse de la sensation [-134-] ou pour le jugement du sens, et dans cette manière de parler, on se sert toujours de l'article partitif de.

Organe, substantif masculin. Disposition de la voix. (Voyez Voix ou Articulation).

Organiste, substantif masculin. Musicien qui touche ou joue de l'orgue. Pour être bon Organiste, il faut avoir vraiment du génie: car il ne suffit pas de parcourir sur le clavier tous les possibles de l'harmonie et de ses accords, mais il faut encore imaginer et créer à l'improviste, tantôt des chants nobles, tantôt des chants d'un genre pastoral, et cetera.

Enfin, rien n'est plus rare qu'un bon Organiste. Les meilleurs qu'on ait connus en France ont été les sieurs Calviere et Desmasures: il y a encore actuellement les sieurs Couperin, Séjan et Charpentier, qui, sans contredit, sont les premiers Organistes du Royaume. Il y en a d'autres qui ont beaucoup de talent; mais comme il ne suffit pas d'avoir du talent et de la gentillesse pour être Organiste, et que le génie, et non la science, est l'essentiel, ces Messieurs les gens à talent ne me sauront donc pas mauvais gré de ne [-135-] pas les avoir rangés dans la classe des Organistes du premier ordre.

On pourra voir à l'article prélude, ce que je pense des idées rendues in-promptu; mais avant d'aller jusqu'à cet article, je ne croirai pas étrangère à celui que je traite actuellement la réflexion suivante: c'est que rien n'est moins commun qu'un bon prélude. Tous les jours j'entends des virtuoses qui exécutent avec la plus grande habileté et la plus grande volubilité les morceaux les plus difficiles. Eh bien! ces mêmes virtuoses sont incapables de composer sur le champ un petit air affectueux.

C'est sur-tout chez le beau sexe qu'on s'apperçoit de cette disette. Les femmes ont certainement plus d'esprit et de graces que nous; mais pour du génie et de l'imagination, je le nie. Il y a long-temps qu'on a remarqué qu'aucune femme n'avoit pu faire une bonne Tragédie, ni un Poëme épique. Le beau sexe n'est donc pas propre aux arts d'imagination. Non-seulement les femmes n'ont jamais pu atteindre le suprême dégré dans les arts d'imagination; mais encore elles nuisent au [-136-] beau genre, puisqu'elles dédaignent ce qu'elles ne connoissent pas, ou ce à quoi elles ne croient pas parvenir.

Je demande pardon aux belles dames, de cette réflexion, qui est un peu étrangère à mon sujet; mais je n'ai pu m'empêcher de leur reprocher d'avoir efféminé notre génie, et nos beaux arts qui en sont les enfants. En effet, ne sont-ce pas les femmes qui donnent le ton en Europe? Et le ton ne fait-il pas la musique?

Au reste, plaisanterie à part, s'il y a moins de bons Organistes en France qu'on devroit en trouver, c'est que le petit genre des Clavecinistes féminins, et le peu d'habitude du caractère de musique qui convient à l'Eglise, c'est que tout cela, dis-je, a émoussé les dispositions naturelles qu'avoient reçus beaucoup d'individus, qui ont été forcés d'être petits, puisque la mode le vouloit ainsi.

Orgue, substantif masculin. Le mot Orgue est masculin au singulier, et féminin au pluriel. Orgue est un instrument très-volumineux qu'on met ordinairement dans les Eglises. C'est avec des tuyaux [-137-] que des soufflets remplissent de vent, que l'orgue produit des sons. Il a un clavier semblable à celui d'un clavecin, qui forme des sons modifiés, comme les doigts qu'on met et qu'on ôte dessus une flûte, laissent sortir l'air soufflé et comprimé dans le tube de cet instrument.

Ouverture, substantif féminin. Morceau de symphonie qui expose et annonce la nature du sujet qu'on va traiter. Je n'approuve pas l'opinion de J. J. Rousseau, qui nie qu'une ouverture doive peindre le sujet de la pièce. Car l'ouverture est à un Opéra ce que l'exposition est à une pièce dramatique ou comique. C'est elle qui doit disposer les sens de l'auditoire aux différentes impressions que les incidents de la pièce lui feront éprouver. Il ne faut pas pour cela tout annoncer, tout peindre, tout détailler; mais encore une fois, il faut exposer le sujet.

Ce qui avoit peut-être porté Rousseau à croire que l'ouverture n'étoit qu'un simple morceau de symphonie, et n'avoit pas de rapport à l'Opéra qu'elle précéde; c'est, dis-je, parce [-138-] qu'étant enthousiaste de la musique italienne, il s'étoit habitué à ne pas voir dans les ouvertures des Opéra italiens, de relation avec le corps de l'ouvrage. En effet, cinq à six airs, tant cantabile qu'airs de bravoure, quelques duos, trios, et cetera voilà un Opéra italien tout fait. Point d'intérêt dans le poëme, et pourvu que les oreilles soient satisfaites, le bon sens et l'énergie n'ont rien à reclamer. L'ouverture n'a donc pas besoin d'exposer un sujet auquel on prend si peu d'intérêt: elle ne fait, pour ainsi dire, qu'avertir que la pièce va commencer; et ses fonctions sont, en Italie, a peu près les mêmes que celles des Huissiers de nos Tribunaux qui crient paix-là.

Mais en France c'est différent: nous voulons du mouvement, de la chaleur, et ce n'est pas seulement de la musique qu'il nous faut, mais des choses. Enfin, si l'on pouvoit douter de la vérité de ce que je viens de dire, les belles ouvertures des Opéra du Chevalier Gluk, et notamment celle d'Iphigénie en Aulide, tout cela ne prouveroit-il pas qu'il faut qu'une ouverture d'Opéra expose le sujet de la [-139-] pièce? Quel juste enthousiasme ces morceaux sublimes n'ont-ils pas produit généralement! Ce ne sont pas de jolis petits morceaux, de jolies petites ricandènes; mais ce sont des tableaux vigoureusement peints, et qui disposent l'assemblée aux impressions qu'elle doit éprouver dans le courant de la pièce.

Ouverture du livre, ou à l'ouvertur du livre. (Voyez à--livre ouvert ou livre ouvert).

[-140-] P.

P. par abbréviation, P signifie piano, mot italien qui veut dire doux. Les deux PP signifient par conséquent, pianissimo, autrement dit très-doux.

Pantomime, substantif masculin. On appelle ainsi un Acteur dont les gestes sont bien marqués et bien naturels: ordinairement ce mot ne s'emploie que pour désigner le talent d'un Acteur qui joue bien la scène muette.

Pantomime, substantif féminin. Air sur lequel un ou plusieurs Danseurs figurent un sujet quelconque. L'origine de la pantomime vient de ce que les théâtres des anciens étant trop vastes pour que tous les Auditeurs pussent entendre les Acteurs chantants et parlants, il fallût imaginer des moyens d'exprimer une action par des gestes, qu'on appercevoit de plus loin que la voix n'auroit pu parvenir. Au reste, on a pu voir, à l'article Ballet, quelle est mon opinion au sujet de la Pantomime.

[-141-] Papier reglé, substantif masculin. On appelle ainsi le papier tout préparé avec des lignes et des portées tracées d'une manière parallele, et susceptible d'être notées. Il ne faut pas que les lignes du papier reglé soient trop noires, car les signes musicaux ne pourroient plus ressortir.

Parfait, adjectif. Ce mot ne s'emploie qu'avec les termes suivants, accord parfait, c'est-à-dire accord dont la résonnance est agréable et parfaite. Cadence parfaite, c'est-à-dire, chute d'un accord dissonant à l'accord tonique ou principal.

Parodie, substantif féminin. On ne nomme plus ainsi que la musique étrangère, faite aussi sur des paroles étrangères, et traduite en langage national.

On sent à quel point il est difficile de traduire un Opéra italien, et de conserver le même genre de l'ouvrage, la quantite, la même expression des paroles, et d'ajouter à tout cela l'embarras de la rime. C'est pourquoi les gens oisifs, qui n'apprécient rien, parce qu'ils n'ont d'idées de rien, critiquent souvent quelques phrases des Opéra italiens, parodiés en françois.

[-142-] Je ne finirai pas cet article sans rendre justice aux travaux de Monsieur de Framery, homme de lettres très-éclairé, et à qui la France a l'obligation de beaucoup de traductions italiennes, dont nous n'aurions jamais joui, sans les soins inouis qu'il a bien voulu prendre à cet effet: ce qui, non-seulement étoit un travail très-pénible, mais encore ce qui eût été impossible à tout autre littérateur qui n'auroit pas eu le talent musical de Monsieur de Framery. Je ne parlerai pas des parodies qu'on joue au théâtre italien. Les gens de goût en devineront la raison.

Paroles, substantif féminin pluriel. C'est le nom qu'on donne au poëme que le Musicien met en musique: il est inutile de répéter ici tout ce qu'on a écrit à ce sujet, et l'on sait bien qu'il faut que les paroles aient de l'énergie pour que le Musicien soit inspiré par elles. Ainsi, le propos suivant, qu'on attribue faussement a Rameau, qui étoit de mettre la Gazette de Hollande en musique, est dépourvu de sens et de probabilité, sur-tout d'un homme tel que Rameau, qui devoit être persuadé de l'identité [-143-] que les paroles et la musique doivent avoir, et par conséquent de l'impossibilité d'exprimer plus que les paroles ne signifient. Un homme capable de tenir un tel propos n'auroit jamais fait que de la musique à la toise, et non pas tant de chefs-d'oeuvres.

Partie, substantif féminin. C'est le nom de chaque voix ou mélodie séparée, dont la réunion forme le concert. Lorsque les parties qui doivent être exécutées ensemble par plusieurs voix ou plusieurs instruments, sont réunies, alors on nomme cette réunion partition.

Mais communément on nomme partie, ce qui est écrit sur un papier séparé de la partition, et, lorsqu'on dit distribuer les parties, cela signifie, donner à chaque exécutant le papier de musique qui lui convient.

Partition, substantif féminin. Réunion de toutes les parties qui composent un ou plusieurs morceaux de musique. C'est par une accolade, autrement dite ligne perpendiculaire, qu'on fait cette réunion.

Comme je ne veux pas donner ici de règles de composition, je ne parlerai donc pas de la bonne manière d'écrire [-144-] la partition. Je répéterai seulement ce que j'ai dit à l'article Maître de Musique, qu'il faut que celui qui conduit un orchestre, et sur-tout celui de l'Opéra, ait une grande connoissance et une grande intelligence de la partition, et cetera.

Partition, substantif féminin. Est encore, chez les Facteurs d'orgues et de clavecin, une règle pour accorder l'instrument, en commençant par une corde ou un tuyau de chaque touche, dans l'étendue d'une octave ou un peu plus, prise vers le milieu du clavier; et sur cette octave ou partition, l'on accorde après tout le reste.

Passacaille, substantif féminin. Espèce de chaconne dont le chant est plus tendre et le mouvement plus lent que dans les chaconnes ordinaires.

Passage, substantif masculin. On donne ce nom à des traits de volubilité et d'exécution. On a vu à l'article Agrément ce que je pensois de tous ces prétendus ornements.

Passe-pied, substantif masculin. Air de danse du même nom, dont la mesure est triple, se marque ainsi 3/8 et se bat à un temps; [-145-] le mouvement en est plus vif que celui du menuet, le caractère de l'air à-peu-près semblable, excepté que le passe-pied admet la syncope, et que le menuet ne l'admet pas.

Pastorale, substantif féminin. Opéra d'un genre champêtre, dont les personnages sont des Bergers, et dont la musique doit être assortie à la simplicité de goût et de moeurs qu'on leur suppose.

On appelle aussi pastorale, tout morceau de musique naïf et convenable aux habitants des champs.

Pathétique, adjectif genre noble. Quoi qu'en dise Rousseau, c'est le mouvement qui change la nature d'un morceau de musique; car, jouez très-vîte un morceau fait pour être exécuté lentement, vous lui ôterez tout son caractère. Le genre pathétique vient donc, non-seulement de la noblesse du sujet, mais encore du dégré de mouvement: et, quoique les vers qu'Oreste débite dans sa fureur, soient du grand genre, on ne dira jamais qu'ils soient pathétiques, parce que le mouvement de la fureur est un emportement et non pas un genre noble et soutenu.

[-146-] Ainsi, en musique, comme en toute autre chose, le mot pathétique signifie lent, genre noble, et dont les idées et les expressions sont soutenues.

Pavane, substantif féminin. Air d'une danse ancienne du même nom; cette danse n'est plus en usage. Le nom de Pavane lui fût donné, parce que les figurants faisoient, en se regardant, une espèce de roue à la manière des paons. L'homme se servoit, pour cette roue, de sa cape et de son épée, qu'il gardoit dans cette danse; et c'est par allusion à la vanité de cette danse qu'on a fait le verbe réciproque, se pavaner. Messieurs les jeunes gens, cette expression vous est-elle étrangère?

Pause, substantif féminin. Signe de musique qui indique la durée du silence, pendant l'espace que doit avoir une mesure. La pause vaut une ronde et se divise en demi-pause ou blanche, c'est-à-dire, représentant la valeur d'un blanche, et cetera, et cetera.

Pauser, verbe neutre. Appuyer sur une syllabe en chantant. On ne doit pauser que sur les syllabes longues, et jamais sur les e muets.

[-147-] Péan, substantif masculin. C'étoit chez les Grecs un chant de victoire en l'honneur des Dieux, et sur-tout d'Apollon.

Pentacorde, substantif masculin. Chez les Grecs, c'étoit, tantôt un systême formé de cinq sons, et tantôt un instrument à cinq cordes.

Phrase, substantif féminin. En Musique comme en Littérature, le mot phrase signifie ensemble relatif. Il n'y a pas long-temps que les Compositeurs connoissent et observent les règles des phrases musicales. Autrefois on ne savoit pas la correspondance que les phrases doivent avoir entr'elles. Il n'y a pas plus de trente ans que les Compositeurs François ont reconnu l'indispensable nécessité de rendre les phrases quarrés.

Phraser, verbe neutre. C'est bien détailler les phrases, en composant un morceau. On emploie plus ordinairement ce mot pour désigner un chanteur ou un joueur d'instrument qui exécute clairement les repos, et qui, pour ainsi dire, respire à propos.

On ne peut guères donner de règles pour apprendre à bien phraser. On [-148-] peut bien enseigner à observer strictement la valeur des notes, et cetera; mais il n'y a que le goût et l'intelligence qui indiquent à l'exécutant l'instant où, comme je viens de le dire, il doit respirer. Et c'est cette intelligence qui place un artiste au-dessus des gens qui ne font que croquer la note, en la rendant scrupuleusement et servilement.

Phrygien, adjectif. C'étoit un des plus anciens et des quatre principaux modes de la musique des Grecs; il fut inventé par Marsias Phrygien.

Pièce, substantif féminin. Ouvrage de musique d'une certaine étendue. On ne donne ordinairement le nom de pièces qu'aux morceaux propres à être exécutés par des instruments à cordes, tels que le clavecin, l'orgue, le piano, la harpe. Mais on ne dit pas une pièce de violon, de flûte, de cor, et cetera. On dit alors une sonate, un concerto.

Pied, substantif masculin. C'étoit une mesure en usage du temps des Grecs, et que nous n'avons conservée que pour les vers latins. On sait que dans ce temps la [-149-] musique étoit composée de longues et de brèves, indépendamment de la valeur musicale assignée à chaque note.

Pincé, adjectif. C'est le résultat du moyen qu'on emploie en serrant les cordes d'un instrument avec les doigts, sans se servir d'archet.

Autrefois on nommoit pincé une sorte d'agrément qui ne différoit du trill ou tremblement, que parce que celui-ci se battoit avec la note supérieure, et le pincé avec la note inférieure.

Pincer, verbe neutre. C'est employer les doigts au lieu de l'archet pour faire sonner les cordes d'un instrument. Lorsque le genre du pincé paroît nécessaire à l'accompagnement, le Compositeur l'indique par le mot italien piccicato ou pizzicato.

Piquer, verbe neutre. (Voyez Pointer).

Pizzicato ou piccicato. (Voyez pincer).

Plagal, adjectif. ton ou mode plagal. On ne se sert plus de ce terme que pour le plain-chant.

[-150-] Plain-chant, substantif masculin. C'est le nom qu'on donne au chant d'Eglise; je ne parlerai pas de l'origine ni des règles du Plain-chant.

Si l'on veut avoir des détails sur le Plain-chant, il faut lire l'article du Dictionnaire de Rousseau.

Plein-jeu, se dit du jeu de l'orgue, lorsqu'on a mis tous les registres, et aussi lorsqu'on remplit toute l'harmonie. Il se dit encore des instruments à archer, lorsqu'on en tire tout le son qu'ils peuvent donner. Pour tirer d'un instrument à archet tout le son dont il est susceptible, il faut d'abord que les doigts de la main gauche appuyent perpendiculairement: sans quoi, les cordes n'étant pas maîtrisées par les doigts, et l'archer comprimant ces mêmes cordes, la vibration est vicieuse et les cordes siflent.

Point, substantif masculin. Autrefois le point avoit différentes propriétés; aujourd'hui il n'en a qu'une, qui est d'annoncer la moitié de la valeur de la note qui le précède. Ainsi, dans une mesure à quatre temps, un point qui suit une [-151-] blanche forme avec cette blanche les trois quarts de la mesure, et cetera.

Point-d'orgue, substantif masculin. autrement dit Point de repos. L'origine de ce mot vient de ce qu'à l'exemple des Organistes, on peut se permettre, à la fin d'un morceau où il y a un Point-d'orgue marqué, de donner l'essor à son imagination, sans avoir égard à la mesure ni au mouvement du morceau. Alors, les accompagnements se taisent, jusqu'à ce que le récitant principal annonce qu'il reprend le chant du morceau déjà commencé, soit par une cadence, soit par un autre signe de convention.

Un point-d'orgue est un produit in-promptu du génie. Il ne doit donc jamais être préparé.

Quoique j'aie dit qu'un Point-d'orgue étoit un caprice où l'imagination étoit libre; cependant il ne faut pas qu'il soit opposé au caractère du morceau. Par exemple, il n'est que trop commun d'entendre d'habiles Exécutants terminer un adagio, un andanté, et cetera par un point-d'orgue rempli de traits d'exécution et de volubilité. [-152-] C'est donc ici le cas de leur reprocher leur erreur. Comment? Après avoir exprimé, ou tout au moins essayé d'exprimer des sanglots, des plaintes, enfin des signes de sentiment; est-il placé de finir par des cabrioles et des tours de force? j'en fais juge mon Lecteur. Ces gentillesses sont placées comme un rigaudon le seroit au milieu d'un enterrement.

Pointer, verbe neutre. C'est mettre des points après des notes pour augmenter leur valeur de la moitié. On met aussi quelquefois des points au-dessus des noires, des croches et des double-croches, pour indiquer aux Exécutants qu'il faut les détacher et les marquer d'une manière sautillante et sensible; mais ces points n'ajoutent rien à la valeur des notes: ils ne font que désigner un genre sautillant.

Ponctuer, verbe actif. C'est le synonime de phraser. C'est marquer les repos plus ou moins parfaits, et diviser tellement les phrases qu'on sente par la modulation et par les cadences, leurs commencements, leurs chûtes et leurs liaisons plus ou moins grandes, comme [-153-] on sent tout cela dans le discours, à l'aide de la ponctuation.

Port-de-voix, substantif masculin. Mauvaise et ancienne méthode de monter diatoniquement d'une note à une autre, en tremblant la voix par un coup de gosier. C'étoit un hoquet méthodique et insipide.

Portée, substantif féminin. La Portée en musique est de cinq lignes, sur lesquelles et entre lesquelles on pose les notes.

Porter la voix. C'est traîner la voix d'un son à un autre, sans marquer les intervalles qui sont intermédiaires entre un son et un autre. Cette méthode est vicieuse en ce qu'elle ressemble à un roucoulement, et que l'articulation y perd. En effet, pourquoi traîner un son du grave à l'aigu? Autant vaudroit prendre le chemin de la cave pour aller au grenier.

Chaque son est fait pour avoir sa résonnance, sa vibration particulière; il est donc déplacé de traîner et de confondre tous les sons.

Position, substantif féminin. Lieu de la portée où est [-154-] placée une note, pour fixer le dégré d'élévation du son qu'elle représente.

On appelle aussi Position dans les instruments à manche, le lieu où la main se pose sur le manche. La Position naturelle est celle où la main ne fait point d'extension, et où le premier doigt ou index est proche du sillet. Les autres positions ont leurs noms particuliers.

Prélude, substantif masculin. Trait de génie musical, qu'on exécute subitement et in-promptu. Rousseau a eu tort de nommer préludes les ouvertures d'Opéra et les ritournelles qui précèdent les morceaux: on a dû en voir la raison à l'article Ouverture.

Préluder. verbe neutre. C'est, tantôt parcourir les possibles de l'harmonie, tantôt composer subitement un air mélodieux qui succède aux accords. Quoique l'homme de génie prélude avec tous les instruments, et même avec la voix; cependant il faut avouer qu'il y a certains instruments, tels que l'orgue, le clavecin, le piano, la harpe, qui fournissent plus de moyens à l'exécution de l'être qui prélude.

[-155-] C'est à la manière de préluder qu'on connoît le génie d'un homme: rien n'est plus commun que de rencontrer des virtuoses, incapables d'imaginer un bon prélude. Car, il ne s'agit pas de plaquer des accords, ni de courir d'un bout de l'instrument à l'autre, en exécutant des traits de difficulté: il faut créer et non pas répéter mille choses triviales.

C'est donc à la manière de préluder qu'on reconnoît le génie d'un véritable virtuose, et non pas dans l'exécution d'un morceau apprêté, qu'il a répété mille fois auparavant de le jouer en public.

En musique, un prélude ressemble à l'abandon d'une belle femme sans toilette, et qui se montrant les cheveux épars, décèle mille beautés ravissantes: au lieu que l'apprêt des talents nous donne l'idée de l'habillement d'une coquette, qui cache sous des pompons et des ornements somptueux, très-souvent de grandes difformités. Car, on n'ignore pas que les modes ont été inventées pour cacher les défauts, et que les femmes qui n'en avoient aucuns, ont eu la simplicité [-156-] de s'assujettir aux modes établies par les coquettes contrefaites.

Préparer, verbe actif. Préparer une dissonnance, c'est la traiter de manière qu'à la faveur de ce qui précède, elle soit moins dure à l'oreille qu'elle l'auroit été sans cette préparation.

Presto, adverbe pris quelquefois substantivement. Ce mot veut dire vîte, et n'a que le duplicatif prestissimo dont le mouvement soit plus vif.

Prima-intenzione. Mot italien qui signifie composition subite, et dont les parties forment un tout parfait. Enfin, c'est le produit d'une première idée heureuse et non étudiée.

Progression, substantif féminin. C'est l'action de monter d'un son à un autre.

Prologue, substantif masculin. Sorte de scène qui précède un Opéra. Autrefois les prologues étoient fort en usage; mais depuis on a reconnu, avec raison, qu'ils étoient déplacés: car, si le prologue est étranger à l'Opéra qu'il précéde, que vient-il faire? Et s'il y a quelque rapport, alors ce n'est plus [-157-] un prologue, mais un acte qui appartient à l'Opéra.

Proportion, substantif féminin. Egalité entre deux rapports.

Proprement, adverbe. C'est exécuter avec pureté et précision, sans absorber la musique d'ornements qui en gâtent toujours la simplicité et le beau naturel. (Voyez Agrément).

Propreté, substantif féminin. On nomme ainsi la manière nette et finie d'exécuter.

Prosodiaque, adjectif. Le nome prosodiaque se chantoit en l'honneur de Mars, et fut, dit-on, inventé par Olympus.

Prosodie, substantif féminin. Quoique le mot prosodie ne paroisse pas être du ressort d'un Dictionnaire de Musique, cependant je le crois trop nécessaire à la perfection de la musique vocale, pour ne pas l'identifier avec les règles musicales. Ainsi, il me paroît donc nécessaire de dire que la prosodie est l'observation des longues et des brèves, et qu'il faut qu'un Compositeur ait des connoissances de grammaire, pour amalgamer son chant au nombre et à la nature des paroles.

[-158-] La prosodie tire son origine de l'ancienne manière dont les Poëtes récitoient leurs vers; ainsi, à bien dire, c'est une méthode pour scander; et jamais un Compositeur et un Chanteur ne seront excusables de blesser la prosodie, tels agréables que soient d'ailleurs les traits d'exécution qu'ils font entendre.

Psalmodier, verbe neutre. C'est chanter ou réciter les pseaumes et l'office d'une manière particulière, qui tient le milieu entre le chant et la parole: c'est du chant, parce que la voix est soutenue; et c'est de la parole, parce qu'on ne module pas, et qu'on garde presque toujours le même ton. C'est presque un récitatif.

[-159-] Q.

Quadruple-croche, substantif féminin. Note de Musique qui ne vaut que la quatrième partie d'une croche, et qui par conséquent se passe quatre fois plus vîte.

Quantité, adjectif féminin. En musique comme en poësie, ce mot signifie observation des longues et des brèves. La quantité produit le rythme, comme l'accent produit l'intonation. Ainsi, comme la musique vocale est asservie aux paroles, elle doit observer la quantité qui leur est relative. (Voyez l'article prosodie).

Quarré, adjectif. C'est le signe qu'on appelle aujourd'hui bécarre. (Voyez B).

Quarrée, adjectif. Ancienne note dont on ne fait plus d'usage. Elle valoit deux rondes.

Quart-de-soupir, substantif masculin. Signe qui marque la quatrième partie d'un soupir, lequel soupir vaut une noire (Voyez soupir).

Quart-de-ton, substantif masculin. Aristoxène, dit-on, [-160-] est celui qui a introduit, dans le genre enharmonique cet intervalle, d'ailleurs plus idéal qu'appréciable par le sens de l'ouie. Les opérations géométriques peuvent en démontrer l'existence, mais encore une fois l'oreille ne peut pas l'apprécier.

Quarte, substantif féminin. La troisième des consonnances dans l'ordre de leur génération. Pour simplifier cette explication, il faut dire que la quarte est la quatrième note, à compter de la note d'où on est parti.

Quarter, verbe neutre. C'étoit, chez nos anciens Musiciens, une manière de procéder dans le déchant ou contrepoint plutôt par quartes que par quintes.

Quatorzième, substantif féminin. Réplique ou octave de la septième. On nomme ainsi cet intervalle parce qu'il faut former quatorze sons pour passer diatoniquement d'un de ces termes à l'autre.

Quatuor, substantif masculin. C'est le nom qu'on donne à un morceau de musique à quatre parties. J. J. Rousseau parle du Quatuor de la manière suivante:

[-161-] "Il n'y a point de vrais Quatuors, ou ils ne valent rien. Il faut que dans un Quatuor les parties soient presque toujours alternatives; parce que dans tout accord il n'y a que deux parties, tout au plus, qui fassent chant, et que l'oreille puisse distinguer à la fois; les deux autres ne sont qu'un pur remplissage, et l'on ne doit point mettre de remplissage dans un Quatuor".

On a pu voir aux articles accord et harmonie ce que je pense de la musique à plusieurs parties. Cependant, en croyant très-fermement que l'harmonie musicale n'est pas dans la nature, il faut que je convienne que l'usage l'a en quelque sorte naturalisée, de façon que la mélodie, toute seule, paroîtroit trop nue à nos oreilles endurcies et habituées au bruit des accords. La mélodie est un aliment simple, et l'harmonie un assemblage d'épices qui rehaussent le goût de ceux qui l'ont blasé, et qui prennent beaucoup de bruit pour beaucoup d'effets.

Queue, substantif féminin. La queue est un trait qui tient à la tête de la note, et qui [-162-] monte ou descend perpendiculairement, en traversant les lignes de la portée.

Quinqué, substantif masculin. On prononce cuincué. Morceau à cinq parties. S'il n'y a point de vrais quatuors, à plus forte raison le Quinqué n'est pas dans la nature.

Quinte, substantif féminin. On prétend qu'elle est la seconde des consonnances dans l'ordre de leur génération.

Quinte, substantif féminin. est aussi, tantôt la partie sur laquelle est écrite la Quinte, et tantôt l'instrument qui l'exécute, et qu'autrement on appelle alto viola. Cet instrument est accordé comme la basse, et est plus gros qu'un violon.

Quinzième, substantif féminin. Intervalle de deux octaves.

[-163-] R.

Ranz des vaches. Air célèbre parmi les Suisses, et que leurs jeunes bouviers jouent sur la cornemuse en gardant le bétail dans les montagnes. Cet air étoit si chéri des Suisse qu'il fut défendu, sous peine de mort, de le jouer dans leurs troupes; parce qu'il faisoit fondre en larmes, déserter, ou mourir, ceux qui l'entendoient, tant il excitoit en eux l'ardent désir de revoir leur pays. On chercheroit en vain dans cet air les accents énergiques capables de produire de si étonnants effets. Ces effets, qui n'ont aucun lieu sur les étrangers, viennent de l'habitude, des souvenirs, de mille circonstances qui, retracées par cet air à ceux qui l'entendent, et leur rappellant leur pays, leur anciens plaisirs, leur jeunesse et toutes leurs façons de vivre, excitent en eux une douleur amère d'avoir perdu tout cela. La musique alors n'agit pas précisément comme musique, mais comme signe mémoratif. Cet air, quoique toujours [-164-] le même, ne produit plus aujourd'hui les mêmes effets qu'il produisoit ci-devant sur les Suisses; parce qu'ayant perdu le goût de leur première simplicité, ils ne la regrettent plus quand on la leur rappelle. Tant il est vrai que ce n'est pas dans leur action physique qu'il faut chercher les plus grands effets des sons sur le coeur humain.

J'ai pris plaisir à transcrire cet article du Dictionnaire de Rousseau. En effet, il est impossible de mieux définir l'impression que le souvenir fait sur nos sens. Je connois un homme, (et très-particulièrement) qui ne peut pas entendre certain morceau de musique, sans ressentir à l'instant un frémissement glacial, qui arrête la circulation du sang, ce qui indubitablement l'étoufferoit, s'il s'obstinoit à rester jusqu'à la fin de ce morceau. La cause de cette impression vient du souvenir d'avoir entendu chanter cet air à une femme qu'il idolatroit: air qu'elle chantoit très-médiocrement, mais qui cependant ravissoit l'homme qui l'entendoit sortir de la bouche de l'objet qu'il adoroit.

Combien n'y a-t-il pas de vieillards [-165-] enchantés d'entendre des airs de leur ancienne musique! Or, cela ne vient pas seulement de l'habitude de les avoir toujours entendus, mais encore une fois, du doux souvenir des plaisirs qu'ils goûtoient dans le temps où ils chantoient ces airs, et du regret d'en être éloignés sans retour. Tout ce qui nous retrace nos anciens plaisirs est délicieux, et porte avec lui le charme des objets qu'il nous rappelle.

Ravalement, substantif masculin. C'est l'étendue du clavier d'un orgue, d'un clavecin, d'un piano. Ces ravalements de clavecins ont ordinairement cinq octaves.

Ré. Seconde note de la gamme diatonique d'ut, inventé par Gui l'Aretin.

Recherche, substantif féminin. Espèce de prélude ou de fantaisie sur l'orgue ou sur le clavecin: à bien dire c'est un point d'orgue imitatif.

Récit, substantif masculin. Nom générique de tout ce qui se chante à voix seule, par opposition au choeur, où plusieurs personnes chantent ensemble. Le récit est [-166-] un solo avec des accompagnements.

Récitant, participe. C'est célui qui récite seul un morceau de musique; on lui donne ce nom pour le distinguer des chanteurs des choeurs.

Récitatif, substantif masculin. Discours récité et débité d'un ton musical et harmonieux. C'est une déclamation qui imite la manière dont les anciens scandoient. Le récitatif ne doit jamais être chanté: il doit faire marcher l'action, et emmener à propos l'air.

Le récitatif est la base d'un Opéra; c'est lui qui déploie les incidents de la pièce; c'est lui qui prouve le génie des auteurs, et l'intelligence des acteurs: car il ne suffit pas de composer beaucoup d'airs mélodieux, des choeurs et des morceaux d'orchestre bien entendus, pour faire un bon Opéra; il faut intéresser l'auditoire par une action importante et bien ménagée. Le récitatif est donc la partie dominante d'un Opéra.

Je ne répéterai point ce que tout le monde a dit à ce sujet: je dirai seulement que le récitatif doit toujours être débité d'une manière vraie, et non pas [-167-] merveilleuse: car rien n'est beau que le vrai.

A ce sujet, je ne puis m'empêcher de faire une remarque particulière; c'est que depuis plus de vingt-cinq ans que je vais à l'Opéra, j'y ai entendu souvent une manière de débiter le récitatif tout-à-fait opposée à l'intention de l'auteur du poëme. Par exemple, on a beaucoup disputé sur l'inflexion et l'expression qu'Armide devoit donner au vers suivant,

Ah! quelle cruauté de lui ravir le jour!

(en parlant de Renaud qu'elle avoit voulu poignarder). Les Comédiens françois, qui ont presque toujours beaucoup aimé à faire ronfler les vers, ont assuré qu'Armide devoit insister sur l'infinitif ravir. Au contraire, Rousseau vouloit qu'elle appuyât sur le mot cruauté. Pour moi je crois que ni les uns ni les autres n'avoient raison. Car dans quelle position Armide dit-elle ces mots? Dans un moment où, après avoir juré la perte de son plus cruel ennemi, dans un temps, dis-je, où l'amour l'asservit à ce même ennemi, dont alors elle devient esclave; <dans un> [-168-] temps où la langueur de son ame doit être peinte sur son visage; enfin dans un temps où elle ne peut pas avoir la force de prononcer cruauté ni ravir; mais où elle contemple Renaud; mais où le desir de s'en faire adorer doit éteindre à jamais cette colère qui la portoit à la vengeance. Ainsi ce vers doit, pour ainsi dire, étre coulé; et le mot cruauté veut dire alors, quel dommage!

A l'égard du récitatif mesuré, ces deux mots sont contradictoires: car lorsqu'on sent la mesure, ce n'est plus du recitatif, mais du chant. Le récitatif n'est donc que la voix parlante, dont l'accent est plus soutenu, et dont les sons sont plus variés que dans le discours ordinaire Ainsi, le récitatif prétendu mesuré et le récitatif obligé, tout cela ne fait que multiplier de nombreux et petits moyens qui ne produisent aucun effet: et ces petits tableaux hachés, où le Musicien essaye de peindre tous les incidents qu'expriment les paroles, en entrecoupant vingt fois le mouvement, et en introduisant des accompagnements qu'on nomme pittoresques; tous ces moyens, dis-je, détruisent l'unité d'intérêt. [-169-] Encore une fois, le récitatif doit exposer le sujet, faire marcher l'action; mais jamsis il ne doit chanter, parce qu'alors il ne seroit plus récitatif, mais air.

Réciter, verbe actif et neutre. C'est chanter ou jouer seul. (Voyez Récit).

Refrain, substantif masculin. Terminaison de tous les couplets d'une chanson, par les mêmes paroles et le même chant, et qui se répète souvent en chorus.

Règle de l'octave, substantif féminin. Formule harmonique publiée en 1700 par un sieur Delaire. Cette règle détermine, sur la marche diatonique de la basse, l'accord convenable à chaque degré du ton, tant en mode majeur qu'en mode mineur, et tant en montant qu'en descendant.

Régler le papier, verbe neutre. (Voyez Papier réglé).

Remisse, adjectif. Ce mot se rapporte moins à la gravité du son qu'à la cause de cette même gravité. Un son remisse est l'opposé d'un son intense ou fort. Ainsi une corde lâche, comme l'est un bourdon, est remisse; et une chanterelle [-170-] tendue, comme elle doit l'être, se nomme intense.

Renforcer, verbe actif pris en sens neutre. C'est passer du doux au fort, ou du fort au plus fort, mais non pas tout d'un coup: c'est une gradation qui enfle et augmente le son. Ordinairement on se sert du mot crescendo ou rinforzando.

Rentrée, substantif féminin. Retour du sujet, ou, pour mieux dire, au sujet. C'est, après avoir modulé, ou s'être arrêté sur un point de repos, revenir au chant principal.

Renversement, substantif masculin. Changement d'ordre dans les sons qui composent les accords. Le renversement consiste à mettre en haut la note qui étoit en bas. Ainsi, dans l'accord parfait d'ut, voici un exemple. Premier. L'accord est composé de trois sons qui sont, ut, mi, sol. Le premier renversement est mi, sol, ut, et le second sol, ut, mi. Ainsi un renversement ne consiste donc qu'à mettre successivement les sons les uns sur les autres. C'est pourquoi je ne trouve pas l'expression de renversement propre à désigner ses fonctions. En effet, renverser c'est mettre une chose du haut [-171-] en bas: et ce qu'on nomme renversement fait justement tout le contraire: on devroit nommer cela déplacement gradué ou progressif.

Renvoi, substantif masculin. Signe fait ordinairement en forme de croix et entouré de quatre points. Ce signe indique qu'il faut reprendre à l'endroit où se trouve un signe semblable.

Répercussion, substantif féminin. Quoique ce terme ne paroisse pas être du ressort de la Musique, mais bien de la Physique, je le mets cependant dans ce Dictionnaire, pour emmener une remarque utile aux Compositeurs; je veux dire l'observation du lieu où ils exécutent ou font exécuter leur musique. Les Maîtres de Chapelles sur-tout ne font pas assez d'attention à l'espace que le son a à parcourir, et par conséquent à l'étendue du local. Ils devroient savoir que les morceaux vifs, exécutés dans un endroit vaste et sonore, ne produisent que du bruit confus, et non pas une exécution nette et détaillée. Il faut donc, dans un grand local, ne donner que des morceaux d'un chant facile, noble et posé: car, encore une fois, [-172-] les morceaux de mouvement n'y font que du tapage.

En effet, le son n'est autre chose que le résultat de l'air comprimé, qui résonne plus ou moins, à proportion de la résistance qu'il éprouve. Or le son devant être plus long-temps à parvenir jusqu'aux murs d'une grande église ou autre grand vaisseau, sa résonnance doit être plus tardive dans ces lieux que dans un endroit petit où il se trouve resserré.

Il ne faut donc dans les églises que des chants larges. Alors on y trouvera le genre noble qui convient aux louanges de Dieu, et la netteté et la précision dont la Musique ne sauroit se passer.

La remarque que je viens de faire me paroît utile, non-seulement aux compositeurs, mais encore à de graves personnages d'un ministère tout différent: je veux parler des Prédicateurs et autres Orateurs qui débitent en public et dans des lieux vastes. Qu'ils profitent de mon observation, et qu'ils sachent que ce n'est pas en donnant beaucoup de voix qu'ils se font mieux entendre, mais en articulant avec facilité, [-173-] et non pas avec une précision affectée, ce qui ôte l'énergie et les graces. Qu'ils sachent sur-tout qu'en criant bien fort, non-seulement on ne se fait pas entendre distinctement, mais encore qu'on effraie et étourdit les oreilles, sans rien dire à l'ame; car l'éloquence persuasive est comme la belle mélodie, qui n'a pas besoin de tambours ni de trompettes. Enfin j'ai voulu prouver qu'on devoit étudier et consulter l'espace du lieu où on faisoit exécuter de la musique, et je crois l'avoir démontré.

Répétition, substantif féminin. Essai que l'on fait d'une pièce qui doit être jouée en public. Les répétitions d'un Opéra sont très-nécessaires, en ce qu'elles font connoître aux compositeurs les effets de leurs pièces; et de plus, parce qu'elles apprennent aux exécutants à saisir l'esprit de l'ouvrage. En outre, elles servent à vérifier si les parties d'orchestre sont scrupuleusement copiées.

Les répétitions doivent toujours être faites en petit comité. Comme on ne répète que pour convenir des faits, pour revenir sur soi-même, pour élaguer [-174-] ou ajouter, enfin pour recevoir les avis d'un petit nombre de connoisseurs, il ne faut donc pas rendre le public témoin de toutes ces additions ou diminutions. Les répétitions sont une étude à laquelle les curieux inutiles ne doivent point assister. En effet, que résulte-t-il de cette permission qu'on accorde au public d'être présent aux répétitions? C'est que ce même public, n'étant pas en état d'apprécier la valeur d'un ouvrage qui n'est pas encore sçu, et qui n'est que sur le métier, se prévient souvent contre l'ouvrage, et sort de la répétition pour aller dire par-tout que la pièce ne vaut rien. De-là ces jugements trop précoces, puisqu'ils sont portés avant que l'Opéra soit établi et exécuté correctement. Il est inutile de dire combien une nombreuse assemblée retient un Auteur et l'empêche de faire des observations aux Acteurs, à l'orchestre, et cetera.

Ainsi, une répétition d'Opéra doit être faite à parte comme l'observent les Comédiens François.

Réplique, substantif féminin. En musique, ce terme signifie la même chose qu'octave.

[-175-] Répons, substantif masculin. Espèce d'antienne redoublée, qu'on chante dans l'Eglise après les leçons des Matines ou les Capitules, et qui finit en manière de rondeau, par une reprise appellée réclame.

Réponse, substantif féminin. C'est, dans une fugue, la rentrée du sujet par une autre partie, après que la première l'a fait entendre; mais c'est sur-tout dans une contre-fugue, la rentrée du sujet renversé de celui qu'on vient d'entendre.

Repos, substantif masculin. C'est la terminaison d'une phrase musicale. Il ne faut pas confondre ce mot avec les silences. (Voyez Silences). Le repos ne peut s'établir que par une cadence pleine. Un point d'orgue au milieu d'un morceau n'est pas un repos, mais une interruption ou suspension de mouvement. Ainsi, un repos ne peut avoir lieu que sur un accord consonnant, et jamais sur une cadence évitée ou dissonnante.

Reprise, substantif féminin. Partie d'un air qu'on répète deux fois. On désigne ordinairement la reprise par deux bâtons posés perpendiculairement et accompagnés de points.

[-176-] Reration, substantif féminin. Rapport qu'ont entr'eux les deux sons qui forment un intervalle, considéré par le genre de cet intervalle.

Résonnance, substantif féminin. Prolongement ou réflexion du son, soit par les vibrations continuées des cordes d'un instrument, soit par les parois d'un corps sonore, soit par la collision de l'air renfermé dans un instrument à vent. Les voûtes elliptiques et paraboliques résonnent, c'est-à-dire, réfléchissent le son. (Voyez son).

Rester, verbe neutre. C'est prolonger une syllabe plus que ne le permet la prosodie: c'est une licence. Rester signifie aussi se permettre d'altérer, ou pour mieux dire, d'atténuer le mouvement, jusqu'à ce que le sentiment de la mesure soit oublié. Comme nous venons de le dire, c'est une licence qu'on ne doit se permettre que très-rarement.

Rhytme, substantif masculin. C'est, dans la définition la plus générale, la proportion qu'ont entr'elles les parties d'un même tout. En musique c'est la différence du caractère d'un morceau, et celle du mouvement plus ou moins vîte, de la [-177-] longueur ou de la briéveté des temps; enfin, du prononcé plus ou moins décidé.

On peut mettre au nombre des parties le Rhytme, les silences et les intervalles d'une note à une autre. Car, comme nous l'avons déjà dit, que la musique étoit un idiome, un langage, il faut donc convenir qu'elle doit observer les repos qui servent, pour ainsi dire, à pomper la respiration. En effet, indépendamment de la beauté des idées et des expressions d'un Orateur, on doit s'attendre à des repos, à une respiration nécessaire à sa poitrine, et souvent le charme de l'éloquence vient moins de ce qu'on dit, que de ce qu'on fait sous-entendre par un silence énergique. Par exemple, on ne peut nier que le célèbre Avocat Gerbier soit un Orateur du plus grand ordre, et peut-être unique; Eh bien! Il ménage tellement ses repos, ses inflexions; il soupire si à propos; sa figure dit tant, quand sa bouche se tait, qu'on croiroit que sa langue est allée consulter son ame, et que cette ame n'ayant plus d'autres moyens de rendre ses affections, s'explique par [-178-] les rayons pénétrants de l'oeil, et par la vérité des gestes jamais étudiés.

Enfin, le rhytme musical est à la progression des sons, ce que la prosodie et la cadence, la ponctuation et le nombre, sont à la poësie et au langage soutenu.

Rigaudon, substantif masculin. Danse dont l'air est à deux temps: c'est de cette danse qu'est venu le pas qu'on nomme ainsi. On prétend que ce nom vient d'un certain Maître de Danse appellé Rigaud. C'est donc à tort que l'Académie Françoise écrit Rigodon, comme le dit J. J. Rousseau.

Rippiéno, substantif masculin. Mot italien qui signifie tous. Depuis une quinzaine d'années qu'on a adopté le genre des symphonies-concertantes, on nomme Rippiéno les premier et second violons obligés qui ne récitent pas, mais qui accompagnent ces mêmes symphonies.

Ritournelle, substantif féminin. Morceau de symphonie qui annonce un chant principal. C'est dans la partie vocale ce que sont les tutti dans l'instrumentale. Tantôt la ritournelle annonce le chant, tantôt elle le suit.

[-179-] Rolle, substantif masculin. On n'appelle plus ainsi que la partie récitante dont un Acteur est chargé.

Romance, substantif féminin. Air susceptible de comporter des paroles analogues au genre romanesque, non pas enflé, comme le croient beaucoup de gens, mais sentimental et propre aux Romans.

La Romance doit être écrite d'un style simple, touchant, et d'un goût un peu antique. Il ne faut pas d'accompagnements à une Romance. La naïveté de son genre en seroit altérée.

La Romance la plus généralement goûtée est celle du fameux violon Graviniés, dont j'aurai occasion de parler à l'article Violon.

Ronde, adjectif pris substantivement; Note blanche et ronde sans queue. Elle vaut une mesure à quatre temps. C'est donc la note qui a le plus de valeur.

Ronde, substantif masculin. On nomme ainsi une chanson à boire, et pour l'ordinaire mêlée de couplets gais, et où il y a souvent une galanterie gazée et spirituelle. A la fin de chaque couplet, les convives font chorus: c'est ce qu'on nomme refrain.

[-180-] Rondeau, substantif masculin. Air à plusieurs reprises, c'est-à-dire, qu'après avoir modulé, on rentre en forme de refrain au chant principal et par lequel on avoit commencé.

Rosalie, substantif féminin. Ce mot vient de ce qu'à la fête de Sainte Rosalie, un Organiste outra la permission des progressions diatoniques.

Roulade, substantif féminin. Trait de gosier, presque toujours déplacé, en ce qu'il nuit à la prononciation et à la prosodie.

On a pu voir déjà à quel point je condamnois les agréments et les roulades. Ainsi, je ne répéterai pas combien il est ridicule de chevrotter des notes pour exprimer un sentiment; autant vaudroit danser quand on veut parler.

[-181-] S.

S. Cette lettre écrite seule dans la partie récitante d'un concerto, signifie solo; et alors elle est alternative avec le T, qui signifie tutti.

Sarabande, substantif féminin. Air d'une danse grave, portant le même nom, laquelle paroît nous être venue d'Espagne, et se dansoit autrefois avec des castagnettes. Cette danse n'est plus en usage. Au reste, la Sarabande doit toujours être à trois temps lents.

Saut, substantif masculin. On appelle ainsi le passage d'un son à un autre, par dégrés disjoints.

Sauter, verbe neutre. Comme le dit Rousseau: "On fait sauter le ton, lorsque, donnant trop de vent dans une flûte, ou dans le tuyau d'un instrument à vent, on force l'air à se diviser et à faire résonner, au lieu du ton plein de la flûte ou du tuyau, quelqu'un seulement de ses harmoniques. [-182-] Quand le saut est d'une octave entière, cela s'appelle octavier. Il est clair que pour varier les sons de la trompette et du cor de chasse, il faut nécessairement sauter, et ce n'est encore qu'en sautant qu'on fait des octaves sur la flûte".

Sauver, verbe actif. Sauver une dissonnance, c'est-à-dire, rentrer dans un accord consonnant et parfait, après avoir modulé dans des progressions harmoniques, dissonnantes.

Comme j'ai déjà dit que mon intension n'étoit pas de donner des principes élémentaires, je renvoie aux traités qui détaillent les règles de la composition musicale, ceux qui seront curieux de les connoître.

Scène, substantif féminin. Action théâtrale, qu'on distingue du monologue, en ce qu'il n'y a qu'un acteur dans le monologue, et qu'il y a plusieurs, ou au moins deux interlocuteurs dans une scène. Je ne détaillerai point les règles de goût et d'ordre que doivent observer, à cet égard, les Auteurs du Poëme et de la musique d'un Opéra; car je [-183-] n'aime pas à répéter ce que tout le monde sait.

Schisma, substantif féminin. C'est un intervalle inappréciable, puisqu'il ne vaut, dit-on, que la moitié d'un comma, et que pour l'exprimer en nombres, il faudroit trouver une moyenne proportionnelle entre 80 et 81.

Seconde, adjectif pris substantivement; Intervalle d'un dégré conjoint. Les marches ou progressions diatoniques se font toutes sur des intervalles de seconde.

Semi, substantif féminin. Mot emprunté du latin et qui signifie demi. Cependant c'est très-improprement qu'on donne ce nom, comme devant désigner l'intervalle qui complette la moitié d'un ton; puisqu'il est vrai que le semi-ton n'est que la moitié d'un ton mineur.

Sensible, adjectif. Accord sensible, est celui qu'autrement on appelle accord dominant. Sensible se dit aussi de la septième note de la gamme. (Voyez Note sensible).

Septième, adjectif pris substantivement. Intervalle dissonnant [-184-] renversé de la seconde. La septième est formée de sept sons ou de six dégrés diatoniques.

A bien dire, dans toute l'harmonie musicale il n'y a que deux accords, accord parfait et accord de septième; tous les aures en sont dérivés.

Sérénade, substantif féminin. Concert pendant la nuit: il différe de l'aubade en ce que l'aubade se donne à l'aube ou approche du jour.

Les Italiens appelloient aussi autrefois sérénades, des pièces qu'ils composoient dans les occasions.

Si, Une des sept syllabes dont on se sert pour solfier la gamme. Gui Arétin, en composant sa gamme, n'inventa que six de ses syllabes, parce qu'il ne fit que changer en Hexacordes les Tétracordes des Grecs: quoiqu'au fond sa gamme fût, ainsi que la notre composée de sept notes. Il arriva de-là que, pour nommer la septième, il falloit à chaque instant changer les noms des autres, et les nommer de diverses manières: embarras que nous n'avons plus depuis l'invention du Si, sur la gamme duquel un Musicien [-185-] nommé de Nivers fit, au commencement du siècle, un Ouvrage exprès. L'invention de la note Si me paroîtroit plus ancienne, et je pense à cet égard comme beaucoup de gens. Au reste, l'époque de son origine ne fait rien à la chose.

Sicilienne, substantif féminin. Air de danse dont la mesure est à six-quatre ou a six-huit, mais le mouvement doit en être beaucoup plus lent et plus marqué que celui de la gigue.

Signes, substantif masculin. Ce sont les divers caractères dont on se sert pour noter la musique. Plus particulièrement on entend par caractères les dièses, les bémols, les béquarres, les points, les reprises, les pauses, les guidons, enfin tous les autres petits caractères détaché, qui, sans être précisément des notes, en constituent cependant les modifications, et désignent la manière de les exécuter.

Silences, substantif masculin. Signes qui remplissent l'intervalle que doit avoir une ou plusieurs notes de musique, c'est-à-dire, que ces signes marquent par des pauses [-186-] et autres caractères, la durée qui doit être observée en silence.

Simple, substantif féminin. pris quelquefois adjec. Dans les doubles et dans les variations, le premier couplet ou l'air original, tel qu'il est d'abord noté, s'appelle simple simple, pour le distinguer des variations.

Sixte, substantif féminin. La seconde des deux consonnances imparfaites, appellée par les Grecs, Hexacorde, parce son intervalle est formé de six sons ou de cinq dégrés diatoniques.

Sol. La cinquième des six syllabes inventées par l'Arétin.

Solfier, verbe neutre. C'est, en entonnant les sons qui forment la Gamme, y réunir les syllabes propres à désigner chaque son. Cet exercice est très-nécessaire aux personnes qui apprennent la musique. Quiconque n'a pas solfié, ne lira jamais correctement la Musique; c'est pourquoi les enfans de Choeur sont si bons lecteurs. J'ai été souvent témoin de leur habileté à cet égard; car, étant ami particulier de l'Abbé Dugué, alors Maître de Musique de [-187-] l'Eglise Notre-Dame, je le priois de me permettre d'essayer chez lui les parties des différents morceaux que je venois de composer. Alors les douze enfants de Choeur exécutoient sans instruments, et avec la voix, toutes les les parties instrumentales, et cela, avec une précision étonnante; chaque enfant nommoit les notes par leurs noms propres, ne se contentant pas d'en faire entendre les sons particuliers.

Solo, adjectif pris substantivement. Mot italien, francisé, qui signifie partie récitante et principale. On n'emploie ordinairement ce mot qu'en parlant de la Musique instrumentale; alors, sur la partie récitante on écrit Solo.

Son, substantif masculin. Vibration produite par un mouvement qui agite l'air. Ainsi, la permanence ou le prolongement du son ne peut naître que de la durée de l'ébranlement et de l'agitation de l'air. En voilà assez pour la définition physique du son; et je ne répéterai pas les grandes, ou pour mieux dire, les longues dissertations qu'on a faites à ce sujet, ainsi que sur la résonnance [-188-] des corps sonores. Je dirai seulement qu'en Musique, on appelle un beau Son celui dont la vibration est nette et pure, car le dégré de volume ne fait qu'augmenter le plaisir et l'impression qu'éprouve l'organe auditif, mais ne fait rien à la nature du Son; cependant, il est nécessaire de dire en quoi on fait consister la différence du beau Son, de celui qui n'est que joli et agréable: cette différence vient de ce que le volume de l'un étant plus large et plus étendu que celui de l'autre, les vibrations du beau Son se prolongent plus long-temps que celles du Son qui n'est que joli.

Sons harmoniques, substantif masculin. On ne tire de sons harmoniques que des instruments à cordes et à archet, tels que le vilon, le violoncelle, et cetera. Voici le procédé qu'on emploie à cet effet; c'est tout simplement de ne faire qu'effleurer les cordes, au lieu d'appuyer les doigts comme on le fait ordinairement; alors les cordes n'étant pas comprimées par les doigts et la touche de l'instrument, produisent une vibration douce, mais différente de ce qu'elle eût été si on [-189-] eut appuyé les doigts. Par exemple, après avoir appuyé le doigt et fait entendre une tierce, levez le doigt en effleurant la corde, et vous aurez une quinte en Son harmonique, et cetera. Au reste, quoique les Sons harmoniques soient très-agréables, il ne faut pas en être prodigue; car ils pourroient nuire à l'habitude essentielle d'appuyer les doigts et de tirer du Son, méthode qu'on a bien négligée en France depuis la manie des détachés.

Sonner, verbe neutre. On dit qu'une basse sonne, c'est-à-dire, qu'elle marque le ton et l'harmonie. Communément on n'emploie cette expression que pour désigner la résonnance d'un instrument, et l'on dit: ce violon sonne bien, et cetera.

Sonate, substantif féminin. Pièce de Musique instrumentale, composée ordinairement de deux morceaux de mouvement, au milieu desquels on introduit un morceau lent et d'expression. La Sonate ne doit être accompagnée que par une basse obligée et continue. On ne joue plus gueres de Sonates, si [-190-] ce n'est sur le clavecin ou le piano. On aime mieux le bruit des concertos.

Sonore, adjectif. Qui rend du son. Organe sonore, instrument sonore, et cetera.

Sotto-voce, adverbe. Mot Italien qui marque qu'il faut chanter, jouer à demi-jeu. C'est la même expression que mezza voce.

Soupir, substantif masculin. Silence équivalant à une noire.

Sourdine, substantif féminin. Petite machine de bois, ou autrement construite, qu'on place dessus le chevalet d'un instrument à cordes, et qui en obstrue et surdit la vibration; on emploie ce moyen, non seulement pour adoucir le son des accompagnements, mais encore pour avoir un son concentré et étouffé qui puisse, dans certaines occasions, peindre la suffocation et la douleur. Dans les grands Orchestres on se sert souvent de Sourdines. C'est toujours un moment de calme pour les oreilles des pauvres auditeurs patiens qui ont l'habitude d'aller aux Spectacles et dans les bruyans Concerts.

[-191-] Sous-dominante, substantif féminin. Nom donné par le célèbre Rameau à la quatrième note du ton.

Sous-médiante, substantif féminin. C'est encore dans le Vocabulaire de Rameau, le nom de la sixième note du ton.

Soutenir, verbe actif pris en sens neutre. C'est faire durer le son exactement pendant toute la durée de sa valeur. C'est de couper ou entre-couper.

Spiccato, adjectif. Mot italien qui signifie sec détaché.

Spondaula, substantif masculin. C'étoit, chez les anciens, un joueur de flûte, qui, pendant qu'on offroit le sacrifice, jouoit à l'oreille du Prêtre quelqu'air convenable, pour l'empêcher de rien écouter qui pût le distraire.

Style, substantif masculin. Caractère distinctif de composition et d'exécution. Ce caractère varie selon le goût des nations et le génie des compositeurs. En général, Style signifie en Musique comme en littérature, expression propre à chaque individu. Il est en Musique ce que la ponctuation est au discours.

[-192-] Ainsi, on dit qu'un Compositeur a un bon Style, c'est-à-dire, qu'il écrit d'une manière claire, expressive; et qu'un exécutant a du Style, pour dire qu'il phrase bien son chant; qu'il respire à propos; enfin, qu'il détaille bien les repos et les intervalles que les sons que doivent avoir entr'eux, pour que leurs vibrations soient distinctes.

Sujet, substantif masculin. En Musique ce mot signifie comme dans tous les autres beaux arts. C'est le plan, le projet de l'auteur, c'est-là où l'on voit si l'haleine de l'auteur est assez forte pour suivre le dessein qu'il s'est proposé. Il ne s'agit donc pas de se contenter d'un joli motif, et puis de s'écarter dans les brousailles, pour revenir après, tout défiguré, rejoindre le sujet qu'on avoit perdu de vue. Il faut le poursvivre, ce même sujet, ou ne pas s'en mêler. Pourquoi vouloir faire un long voyage, quand on a de mauvaises jambes? Pourquoi aller à la chasse sans fusil ou sans flêches? D'après cela il y a tout lieu de croire que nos Musiciens ne doivent aimer ni les voyages ni la chasse.

[-193-] Supposition, substantif féminin. Communément on n'emploie ce mot que pour designer un accord qui porte le nom d'accord de supposition.

Suspension, substantif féminin. Accord sur la Basse, duquel on soutient un ou plusieurs sons de l'accord précédent, avant que de passer à ceux qui lui appartiennent.

Symphonie, substantif féminin. Ce mot tire son étymologie du Grec, et signifie avec son; autrement dit, c'est un morceau propre à être exécuté à grand Orchestre, cependant il faut distinguer ce que nous nommons Symphonie, d'avec les choeurs à l'unisson des Grecs; car nos Symphonies font entendre, à la fois, tous les possibles de l'harmonie.

De tous les Compositeurs François, qui se sont adonnés au genre de la Symphonie, le sieur Gossec est sans doute le plus habile. Personne ne connoît mieux que lui les effêts harmoniques, la bonne manière d'écrire; enfin, tout ce qui tient aux règles de l'art; comme par exemple de dialoguer, de varier le mouvement, de faire parler à propos les instrumens à [-194-] vent, ect. Peut-être lui manque-t-il un chant naturel et original, et un peu plus de prononcé dans les intentions, choses qui caractérisent le génie du fameux Hayden, à qui on ne peut reprocher que d'être quelquefois baroque, quand il est épuisé par la quantité de traits de génie; alors il module durement et ne chante plus; et après avoir parlé avec éloquence, il bavarde. Son élève, Pleyel, a aussi ce défaut. Généralement le genre de la Symphonie convient aux lieux où les grands effets paroissent indispensables; comme à l'Opéra, spectacle qui ne peut se soutenir que par les effets et le genre merveilleux; et dans les Eglises, comme par exemple la Comme du Roi. Mais en chambre, c'est une espèce monstrueuse; ce sont les peintures du Dôme des Invalides qu'on volt de près. Et un bel air en Symphonie ressemble à une Victime immolée par plusieurs Sacrificateurs.

Synaulie, substantif féminin. Concert de plusieurs Musiciens, qui, dans la Musique ancienne jouoient et se répondoient alternativement sur des flûtes. Ce n'étoit [-195-] pas un dialogue, mais une répétition, une espèce d'écho; comme nous entendons souvent des Piqueurs donner du cor, et répéter alternativement le même air.

Syncope, substantif féminin. Prolongement sur le temps fort d'un son commencé sur le temps foible. Ainsi, toute note syncopée est à contre-temps; pour rendre cette explication plus claire, il faut dire qu'une syncope est composée d'une ou de plusieurs notes longues, précédées et suivies, c'est-à-dire, entourées de notes brèves. Un habile Musicien peut employer la syncope avec succès.

Systême, substantif masculin. En général ce mot signifie opinion établie sur des règles nouvelles.

Si je parlois de tous les systêmes inventé par les Savants ou les Musiciens, je ne ferois que répéter ce que tout le monde a lu à ce sujet. Je renvoie donc le lecteur, curieux de les connoître, au Dictionnaire de Jean-Jacques Rousseau, qui les a exposé presque tous et qui fait des remarques profondes [-196-] à ce sujet. On y verra à quel point les recherches de l'art, et plus que tout cela, le désir d'inventer un projet: on y verra, dis-je, combien cette manie a fait errer les Savants. Au reste, cela n'étonnera pas les gens raisonnables, qui savent à quel point le désir des innovations a fait faire et dire de sottises aux hommes.

[-197-] T.

T. Cette lettre s'écrit quelquefois dans les partitions, pour désigner la partie de la taille. On met aussi quelquefois un T par abbréviation du mot tutti, tous, et par opposition à la lettre S, qui signifie solo ou seul.

Tablature, substantif féminin. Autrefois ce mot signifioit la totalité des signes de la Musique, de sorte que ceiui qui connoissoit bien la note et pouvoit chanter à livre ouvert, étoit dit savoir la Tablature. On ne se sert plus de ce mot que dans un langage familier, et cela pour désigner une difficulté à vaincre. Ainsi, donner de la tablature, c'est annoncer des obstacles à vaincre, et des connoissances à déployer.

Tableau, substantif masculin. On emploie ce mot en musique, dans un sens allégorique, pour désigner les objets qui peignent le caractère d'un morceau. Un Tableau en musique est comme un tableau en peinture: il expose et déploie le sujet. [-198-] On a pu voir à l'article Opéra, à quel point j'autorise les tableaux en musique, ou pour mieux dire, jusqu'à quel point je les crois bien placés. La crainte de ne m'être pas expliqué clairement, m'a souvent fait répéter des remarques que j'ai cru nécessaire de détailler.

Tacet, substantif masculin. Mot latin qu'on emploie pour indiquer le silence d'une partie. On ne met des pauses que pour indiquer des silences momentanés, mais le mot Tacet veut dire: faites silence pendant toute la durée de ce morceau.

Taille, autrement dit Ténor, substantif féminin. C'est la voix généralemen reconnue pour voix commune de l'homme. On l'a toujours appellée voix par excellence. On nomme basse-taille, celle dont les possibles produisent des sons graves.

Tambourin, substantif masculin. On donne ce nom à une danse à deux tems vifs, accompagnée ordinairement par quelqu'un qui joue d'un flutet, à l'imitation des Provençaux, et qui bat la mesure sur un Tambourin. Cette danse est gaie et a toujours réussi dans nos divertissements d'Opéra, sur-tout quand on [-199-] applaudissoit aux talents de la fameuse Mademoiselle Allard, et de l'excellent danseur Dauberval.

Tems, substantif masculin. Mesure du son, quant à sa durée. Généralement on nomme Tems les battements de la main ou du pied, ce qui sert à marquer le dégré de lenteur ou de vîtesse du mouvement. Comme il n'y a point de musique sans mesure, de même il n'y a point de mesure sans une égalité parfaite entre les tems qui composent et complettent cette mesure. A l'égard de ce qu'on appelle tems fort, tems foible, il ne faut pas confondre ces dénominations avec les tems proprement dits. Car il est incontestable que les tems qui complettent une mesure à deux ou à trois tems, doivent être égaux, puisqu'ils sont de la même valeur, et par conséquent qu'ils doivent avoir une durée égale. Les noms de tems fort, tems foible, ne signifient que la décomposition et la transportation de la valeur d'un tems sur un autre. Ainsi, il ne faut donc pas confondre l'inaltérable valeur des tems avec la syncope. (Voyez Syncope).

[-200-] A l'égard de la comparaison des tems musicaux au mouvement d'une montre, rien ne me paroît moins clair que cette prétendue démonstration des Savants. En effet, le mouvement du balancier d'une montre ne doit pas battre également; car il doit toujours y avoir plus de lenteur et de repos dans le son communiqué que dans le générateur: comme l'écho dure plus long-temps que le son premier.

Enfin, les tems musicaux doivent être égaux entr'eux: c'est donc une subtilité tout-à-fait déplacée, de leur refuser cette égalité. Autant vaudroit-il nier que les quatre parties qui forment un tout fussent égales entr'elles.

Tendrement, adverbe. Ce mot indique l'amoroso des Italiens. (Voyez Amoroso).

Téneur, substantif féminin. Terme de plain-chant, qui marque dans la psalmodie la partie qui règne depuis la fin de l'intonation jusqu'à la médiation, et depuis la médiation jusqu'à la terminaison. Cette teneur, qu'on peut appeller la dominante de la p<.>almodie, est presque toujours sur le même ton.

[-201-] Ténor, substantif masculin. (Voyez Taille). Diapason de la voix humaine.

Tenue, substantif féminin. Son soutenu. Communément on appelle tenue une note soutenue par une partie, tandis que d'autres parties travaillent.

Tête, substantif féminin. C'est autrement dit le corps d'une note qui en détermine la position, tantôt dessus les lignes d'une portée, tantôt dessous ou entre. C'est à cette partie que tient la queue, quand la note doit en avoir une.

Tétracorde, substantif masculin. C'étoit, dans la musique ancienne, un ordre ou systême particulier de sons, dont les cordes extrêmes sonnoient la quarte. Tétracorde étoit aussi un instrument à quatre cordes.

Texte, substantif masculin. Dans tous les sens, ce mot signifie l'exposition, le sujet. En musique on ne se sert plus de cette expression. Les anciens l'employoient pour désigner un poëme propre à la musique. Aujourd'hui on dit seulement paroles, poëme.

Tierce, substantif féminin. Consonnance harmonique [-202-] dont l'intervalle est toujours composé de deux dégrés ou de trois sons diatoniques. La tierce majeure est celle dont l'intervalle est naturel, et la tierce mineure, celle dont l'intervalle est altéré ou diminué.

Tierce de Picardie, substantif féminin. Les Musiciens appellent ainsi, par plaisanterie, la tierce majeure donnée, au lieu de la mineure, à la finale d'un morceau composé en mode mineur. On a donné le nom de Tierce de Picardie à cette manière d'écrire, parce qu'elle est restée plus long-temps en usage dans la musique d'Eglise, et par conséquent en Picardie, où il y a de la musique dans presque toutes les Eglises. Cependant on emploie très-souvent cette terminaison harmonique, dans les récitatifs de nos Opéra: elle y est même bien placée, quand elle prépare au mode d'un bel air qui succède à un long récitatif.

Tirade, substantif féminin. C'est lorsque deux notes sont séparées par un intervalle disjoint, et qu'on le remplit de toutes ses notes diatoniques.

[-203-] <T>on, substantif masculin. Intervalle qui caractérise le systême et le genre diatonique. Il n'y a que deux sortes de tons; savoir, le majeur et le mineur. Il est inutile d'en détailler la différence.

On appelle aussi Ton le dégré d'élévation que prennent les voix ou les instruments. C'est en ce sens qu'on dit que le ton est haut ou bas, pour désigner la donnée de la-mi-la. Alors ce ton est marqué et décidé par un petit instrument qu'on nomme diapason, et qui, au moyen d'un piston gradué, allonge ou raccourcit le tuyau. Enfin, ton se prend pour une règle de modulation relative à une note ou corde principale qu'on appelle Tonique.

Je renvoie au Dictionnaire de Rousseau, ceux qui exigeront une plus ample décomposition des tons et des effets qu'ils peuvent produire.

Tonique, substantif féminin. Nom de la corde ou note principale sur laquelle le ton est établi. Généralement quand on dit Tonique, on veut parler de la note qui constitue l'accord.

<T>ous, substantif masculin. (Voyez Tutti).

[-204-] Trait, substantif masculin. Généralement on appelle Trait un passage d'exécution ou une phrase de chant. L'acception la plus ordinaire de ce mot, signifie assemblage de notes difficiles à exécuter. On a vu dans le courant de ce Dictionnaire l'opinion que j'ai des gens qui sacrifient la belle mélodie au mérite pénible et stérile de vaincre des difficultés. Un trait musical est à l'oreille ce qu'une fusée est à l'oeil.

Transition, substantif féminin. Changement de ton, de mesure ou de caractère. Mais on emploie plus généralement cette dénomination pour annoncer la modulation. Quand les Compositeurs sont épuisés dans leurs chants, ils modulent et font du bruit.

Transposer, verbe actif et neutre. C'est copier ou exécuter un morceau de musique, dans un autre ton que celui où il a été composé; et cela pour la facilité de l'exécution.

Transposition, substantif féminin. Changement par lequel on transporte un air ou une pièce de musique d'un ton à un autre, en changeant la clef, et en substituant [-205-] ou diminuant les dièses ou bémols, qui indiquent le ton d'un morceau. La transposition est quelquefois indispensable quand on veut faire chanter à quelqu'un un air qui n'est pas analogue à l'étendue de sa voix. Ce changment n'est pas du tout sensible, quand le chant n'est pas accompagné par des instruments. Car, il n'y a pas de raison pour qu'un son de la voix humaine soit plutôt ut que ré. Mais il n'en est pas de même des instrumen<ts> à cordes dont les vibrations des tons à vuide ne ressemblent pas à celles des sons bouchés, ou produits par l'appui des doigts.

Ainsi, il faut être très-avare de transpositions: car la partie instrumentale des morceaux en souffre toujours beaucoup.

Travailler, verbe neutre. On dit qu'une partie travaille quand elle fait beaucoup de notes et de traits, tandis que les autres parties ne font que des tenues, et marchent plus posément.

Treizième, substantif féminin. Intervalle formé de treize sons, ou de douze dégrés diatoniques.

[-206-] Tremblement, substantif masculin. (Voyez Cadence).

Trill ou Tremblement, substantif masculin. (Voyez Cadence).

Trio, substantif masculin. en italien Terzetto. Morceau de musique à trois parties principales et récitantes. En harmonie le Trio passe pour la musique la plus parfaite. En effet, s'il nous faut nécessairement de l'harmonie, celle du Trio doit être la seule: car il n'y a qu'elle dont les effets soient clairs.

Les médiocres connoisseurs croient qu'on peut écrire la musique à cinq parties; pour cela, il faudroit qu'il y eût toujours cinq notes ou sons dans chaque accord; sans quoi ce n'est plus qu'un remplissage alternatif.

L'accord parfait et ses dérivés n'ayant que trois notes, comment pourroit-on trouver le moyen de faire entendre plus de trois résonnances? Les accords de septième ne forment que des dissonnances, ce qui, seul, ne constitue pas l'harmonie. Enfin, quoique cinq, six ou sept personnes chantent en dialogue différentes parties, cette musique n'est jamais qu'un trio. Car, encore une fois, jamais le nombre trois n'a fait cinq, et cetera.

[-207-] Triple, adjectif. On ne se sert plus de ce mot que pour désigner une note qui ne vaut que la troisième partie d'une croche, et qu'on appelle triple-croche.

Triplé, adjectif. On appelle ainsi un intervalle qui est porté à la triple octave.

Triton, substantif masculin. Intervalle dissonnant, ainsi nommé, parce qu'il est composé de trois tons, deux majeurs et un mineur, qu'on peut appeller quarte superflue.

Tymbre, substantif masculin. Dans un sens métaphorique, on nomme ainsi la qualité de la voix et du son qu'elle produit. Communément on n'emploie ce mot que pour faire l'éloge de l'organe de quelqu'un; car il n'est pas usité de dire, cet homme a un vilain tymbre, mais on dit une vilaine voix, une voix dure, aigre, et cetera.

On emploie aussi le mot tymbre en parlant de la résonnance des instruments; c'est pourquoi l'on dit que le son du haut-bois et de la clarinette approche beaucoup du tymbre de la voix humaine.

[-208-] V.

V. Cette lettre majuscule sert à indiquer les parties de violon.

Valeur des notes, substantif masculin. Figure déterminé et de convention qui marque la durée que chaque note doit avoir.

C'est à Jean de Muris qu'on attribue l'invention de ces figures, vers l'an 1330. Car les Grecs n'avoient point d'autre valeur que la quantité des syllabes: ce qui seul prouveroit qu'ils n'avoient pas de musique purement instrumentale.

Variations, substantif féminin. Ce sont des broderies et des amplifications sur un air simple et ordinairement connu. Les variations ne doivent jamais s'éloigner du sujet. Ainsi, il faut toujours que le chant principal domine dans les variations, sans quoi ce n'est plus que des caprices et non pas des imitations présentées sous différentes faces, telles que doivent être de véritables variations.

Vaudeville, substantif masculin. Chanson à couplets, [-209-] d'un genre badin ou satyrique. Quoiqu'on fasse remonter l'origine du Vaudeville jusqu'au temps de Charlemagne; l'opinion la plus ordinaire, c'est qu'il fut inventé par un certain Basselin, Foulon à Vire en Normandie; et comme, pour danser sur ces chants, on s'assembloit dans le Val de Vire, ils furent appellés, dit-on, Vaux-de-Vire; puis, par corruption, Vaudeville.

L'air du Vaudeville doit être naïf plutôt que brillant: il doit être d'un chant facile à retenir, et d'une marche rapide, afin que chaque syllabe soit marquée par chaque note. Il n'est plus guères de mode: tant pire.

Ventre, substantif masculin. Point du milieu de la vibration d'une corde sonore, où, par cette vibration elle s'écarte le plus de la ligne de repos.

Vibration, substantif féminin. Résultat de l'ébranlement ou du contact d'un corps sonore.

Vide, ou à vide, adverbe. On appelle ainsi dans les instruments à archet, tels que le violon, la basse, et cetera la corde qui ne vibre que par le moyen de l'archet et sans l'appui des doigts.

[-210-] Vif, vivement, adverbe. en italien vivace. Mouvement animé, exécution hardie et pleine de feu. Il ne s'agit pas de hâter la mesure, mais de lui donner de la chaleur.

Villanelle, substantif féminin. Danse rustique, comme l'annonce ce nom, tiré de villa. L'air doit en être gai, et d'un mouvement sensible.

Viole, substantif féminin. Instrument à cordes et à archet. Les Italiens appellent aussi viole la partie de remplissage qu'en France nous nommons quinte ou taille.

Violon, substantif masculin. Instrument dont les quatre cordes sont montées par quintes, et dont les doigts de la main gauche modifient les intervalles, et ceux de la main droite tiennent l'archet qui passe sur les cordes. Cet instrument a généralement la prééminence sur tous les autres, tant par la pureté de ses sons, que par l'étendue de ses moyens.

On appelle aussi violon le Musicien qui joue de cet instrument; et l'on dit: le célebre Tartini a été le plus grand violon de la terre.

De tous les joueurs de violon françois, [-211-] Gaviniés a été sans doute le premier, et celui dont le talent étoit le plus universel. Excellent conducteur d'orchestre, (partie à laquelle le fini des joueurs de solo ne se prête pas). Accompagnateur intelligent: et en outre, très-grand exécutant. Le reproche qu'on auroit peut-être été en droit de lui faire, c'étoit d'entreprendre trop de difficultés, lui qui pouvoit plaire sans avoir besoin d'étonner, comme l'a fait depuis lui l'exécutant et le froid Capron, d'ailleurs très-grand violon, si toutefois on peut mériter cette épithète, quand on n'a que des doigts et un archet, et que l'ame est muette.

Je ne parlerai pas du talent régulier et fini du célèbre Pagin. Sa réputation n'a pas besoin d'éloges. Cependant, me permettroit-on une réflexion à ce sujet? C'est que la Musique étant un Art d'imagination, tout air de préparation et de fini me semble contraire aux élans imprévus du sentiment. Une toilette trop apprêtée vaut moins que le négligé d'une belle femme.

Nos sensations doivent varier autant que les objets qui les font naître: donc [-212-] on a tort d'observer une régularité compassée pour exprimer des affections qui ne peuvent jamais être les mêmes.

Ainsi, comme nous avons déja dit que la Musique étoit l'expression des sensations dont nous sommes affectés, et comme il est impossible de disconvenir que ces mêmes sensations varient; quiconque établit une marche régulière dans les talents d'imagination, n'est qu'un Artiste, et non pas un homme de génie. En effet, une blonde aux yeux languissants inspire-t-elle les mêmes sensations qu'une brune piquante? Il faut donc se conformer au genre: sans quoi, l'on n'est qu'un ouvrier de notes, et non pas un être inspiré. Au bout de vingt ans de travail d'un crocheteur, je ferai un artiste machinal, mais non pas un homme de génie....

Je ne crois pas devoir finir cet article, sans parler des virtuoses étrangers et nationaux qui ont acquis une réputation dans ce genre. De ce nombre sont, parmi les anciens, Guignon, Leclerc, Mondonville, et parmi les modernes, Ferrari, Lolli, Pugnani, [-213-] Géminiani, Cramer, Lamotte, Lahoussaie, premier violon de la Comédie Italienne, Jarnovick, et enfin le fameux Viotti. Tous ces Artistes célèbres ont mérité des Nations, les applaudissements qu'ils en ont obtenus; mais tous aussi ont mérité le reproche que j'ai fait à Gaviniés, de n'avoir pas été sans cet amour diabolique pour les difficultés. Enfin, on ne sauroit trop dire à quel point l'habitude de ce qui est étonnant, nuit à ce qui est expressif.

Nos virtuoses croient avoir tout fait, quand ils ont acquis une belle qualité de son (chose rare); quand ils se sont familiarisés avec les signes musicaux; quand ils parviennent à une volubilité sautillante et hachée; et pour dernier effort, quand ils sont fatigués d'avoir exécuté ce qu'on a été fatigué d'entendre.

Virgule, substantif féminin. Les anciens appelloient ainsi cette partie de la note, qu'on a depuis appellée la queue. Il est fâcheux qu'on n'ait pas conservé ce mot pour indiquer aux Musiciens les repos auxquels la musique est assujettie, aussi bien que le langage parlé.

[-214-] Vite, substantif masculin. en italien presto. Ce mot indique le plus prompt des mouvements, excepté le superlatif prestissimo.

Vivace, substantif masculin. (Voyez Vif).

Unisson, substantif masculin. Union de deux sons qui sont au même dégré, et dont la résonnance est parfaite.

Quoiqu'on ait beaucoup disputé, et depuis long-temps, sur la nature de l'unisson, je crois que toutes ces disputes auroient cessé, si on avoit voulu écouter la raison. En effet, l'unisson n'est autre chose que la consonnance du même dégré et du même volume des voix comme des instruments. De manière qu'une voix de basse-taille, chantant le même morceau que réciteroit une haute-contre, cela ne seroit pas un parfait unisson; car les vibrations seroient inégales.

L'unisson est donc une résonnance parfaite, et l'octave une transportation simple, du grave à l'aigu.

Comme le dit très-bien Rousseau, l'unisson n'est pas plus un intervalle que le zero n'est un nombre; l'unisson est à la série des intervalles, ce que [-215-] le zero est à la série des nombres; c'est le terme d'où ils partent, c'est le point de leur commencement.

Je n'essayerai pas de discuter lequel de l'unisson ou de l'octave produit des consonnances les plus agréables: cependant, je crois que l'unisson est plus dans la nature que l'octave. Quiconque n'a pas dédaigné d'écouter des paysans chantant en choeur, aura peut-être vérifié cette remarque, et il faut toujours s'en rapporter aux êtres simples, et qui ne sont point encore gâtés par l'art, pour se rendre un compte certain des procédés de la nature.

Unissoni, substantif masculin. Mot italien qui signifie à l'unisson, pour toutes les parties d'accompagnement.

Unité de mélodie, substantif féminin. Cette expression a la même signification en musique qu'en poësie. Le point essentiel est donc de ne peindre qu'un sujet à la fois; et si nos organes endurcis nous ont habitués à la prétendue harmonie musicale, du moins n'accumulons pas et n'étouffons pas notre musique, en la chargeant de toutes parties [-216-] récitantes et bavardes; ce qui, nécessairement, ne doit produire qu'une cacophonie insupportable; et ce qui nous fait tant bailler à nos Opéra et dans nos Concerts. A l'égard de la décomposition dont le mot unité est susceptible, je renvoie le lecteur curieux de définitions savantes et abstraites, aux ouvrages très-nombreux qui ont été publiés à ce sujet.

Univoque, adjectif, On appelle consonnances univoques l'octave et ses repliques, parce que toutes portent le même nom. Ce fut, dit-on, Ptolomée qui les appella ainsi. Le mot univoque signifie voix semblable.

Vocal, adjectif. qui appartient au chant, (Voyez Chant).

Vocale, substantif féminin. On prend quelquefois substantivement cet adjectif, pour exprimer la partie de la musique qui doit être exécutée par des voix. Ainsi, on dit par abbréviation la vocale, c'est-à-dire, la musique. Et l'on dit que la vocale d'un Opéra n'est pas si soignée que les effets d'instruments ou d'orchestre.

[-217-] Voix, substantif féminin. On appelle ainsi le volume et l'étendue de l'organe de chaque individu, non-seulement en chantant, mais encore, en parlant, en criant, enfin en formant des sons. Or, comme ce sont les sons modifiés, plus ou moins, qui différencient les dégrés de la voix; il faut donc étudier la cause du son, non pas seulement relativement à son étendue, mais encore à sa nature. Je crois, à ce sujet, pouvoir rapporter une question que j'agitai, relativement au début de Mademoiselle Vanhove, aujourd'hui Madame Petit. Je demandois si un organe touchant n'étoit pas un signe de sensibilité? Je ne confondois pas le timbre d'une voix brillante et sonore, avec cet accent qui semble ne sortir d'une ame, que pour en aller chercher une autre, et cetera.

Il n'est pas croyable la quantité de réponses que je reçus, tant par la voie du Journal de Paris, où j'avois agité cette proposition, qu'autrement. Parmi tous les Gens de Lettres qui me firent l'honneur de me répondre, Monsieur le Marquis de Ximénès fut d'une opinion contraire à la mienne; et s'autorisoit [-218-] sur ce qu'il avoit connu une Dlle. Gaussin, dont l'organe étoit flateur et touchant, et qui, disoit-il, n'avoit pas trop donné de preuves de sensibilité, et cetera. Je ne répondis pas à cela, et je m'apperçus bien que Monsieur de Ximénès avoit pris le change, et confondoit une voix agréable et modifiée avec les accens de l'ame. Mais plusieurs personnes furent de mon avis.

On sait que les Physiciens distinguent dans l'homme différentes sortes de Voix; ou, si l'on veut, considèrent la même Voix sous différentes faces.

Première. Comme un simple son, tel que le cri des enfans.

Deuxième. Comme un simple son, tel qu'il est dans la parole.

Troisième. Dans le chant, qui ajoûte à la parole la modulation et la variété des tons.

Quatrième. Dans la déclamation, qui paroît dépendre d'une nouvelle modification dans le son et dans la substance même de la voix; modification différente de celle du chant et de celle de la parole, puisqu'elle peut s'unir à l'une et à l'autre, ou en être retranchée, et cetera. Ce sont les propres expressions de J. [-219-] J. Rousseau, qui cite d'ailleurs l'explication que Monsieur Duclos donne de ces différentes sortes de voix. C'est dans cette explication que Monsieur Duclos rapporte l'opinion de Monsieur Dodart au sujet des causes de la variation de la voix parlante et de la voix chantante; j'y renvoie le lecteur.

Cependant, sans trop vouloir analyser les causes de la différence de la voix humaine, qu'on me permette une réflexion, qui revient toujours à ma première proposition sur la sensibilité de l'organe: c'est que, s'il est permis de porter un jugement sur quelqu'un, d'après la flexibilité ou l'aigreur de sa voix, ce ne peut jamais être lorsqu'il chante, mais quand il parle; car on sait que la voix de chant n'est produite que par un mouvement du larinx, lequel larinx s'élargit, s'ouvre davantage pour laisser passer le son qui doit former la voix chantante. Ainsi, on ne peut donc pas porter de jugement certain sur l'organisation d'une personne qu'on entend chanter, puisque le procédé qu'elle emploie à cet effet, tel adroit qu'il puisse être, ne vient que d'un apprêt, d'une extension [-220-] dans la voix; enfin, de moyens qui ont toujours besoin d'être modifiés et étudiés.

Mais il n'en est pas de même de la voix parlante, on ne peut pas la rendre douce et affectueuse quand elle est viciée et rude. L'étude et les recherches peuvent bien en adoucir l'aigreur; on peut aussi perfectionner sa prononciation, et, à l'exemple de Démosthène, revenir cent fois sur une syllabe difficile à articuler: on peut encore arrondir sa bouche, si j'ose me servir de cette expression; mais qu'en résultera-t-il? Qu'on forcera le naturel, et tout le monde s'appercevra de l'apprêt, cet ennemi des graces.

Je ne crois pas avoir besoin de citer des hommes du premier mérite, qui n'ont jamais pu perfectionner leur voix; eux à qui il importoit si fort de bien énoncer des choses excellentes, mais débitées, tantôt avec une voix rauque, tantôt aigre, tantôt traînante ou emphatique.

A l'égard du beau sexe, cette remarque est plus importante qu'on ne pense. C'est chez ce sexe si charmant, mais si dissimulé qu'on devroit s'attacher à [-221-] faire une étude particulières des relations que la voix doit avoir avec l'organisation morale. En effet, on pourroit tirer les conséquences suivantes, et dire: une voix adoucie et affectée doit déceler un penchant à la coquetterie, à la ruse, à la fourberie. Un langage élevé, une voix qu'on veut rendre sonore, décéleroit des prétentions à l'esprit, aux sentences, et cetera. Ainsi, de ces remarques, on pourroit au moins soupçonner quel est le caractère des gens, et insensiblement cela méneroit à la connoissance du coeur humain. Que de mystères dévoilés? Que de serpents qui ne pourroient plus se cacher sous les fleurs!

Enfin, je ne prétends pas dire que tous ceux dont la voix est rauque, aigre et désagréable, soient d'un caractere insensible et peu aimable: ni que les personnes dont l'organe a l'air étudié, soient en effet des êtres apprêtés et faux; mais je pense que généralement l'habitude d'éprouver des sensations sentimentales, doit modifier l'organe de la voix parlante. Au reste, il est inutile de parler des différences qui existent entre les impressions [-222-] qu'éprouvent les hommes. Il ne faut pas avoir fait une grande étude du coeur humain pour s'en être apperçu, et l'on rencontre des êtres brusques, durs, dont l'ame est expansive et sensible. Mais, encore une fois, ces êtres font une exception qui confirme la règle.

Je ne crois pas devoir finir cet article sans parler des belles voix que nous avons eues et que nous avons en France. De ce nombre étoient celles du célèbre acteur Chassé, de l'intelligent Géliotte, lequel n'avoit d'autre défaut que d'être trop pomponé et trop élégant dans son chant, ce qui faisoit trop briller l'art aux dépens du naturel.

Du même temps Melles Fel, Lemaure, Chevalier, et puis la charmante et spirituelle actrice et chanteuse, (on voit bien que je veux parler de Mademoiselle Arnoul) ont enchanté tout Paris.

Depuis ce temps le sieur Legros, excellent Musicien, doué d'un organe superbe, n'a peut-être laissé à désirer au public, qu'une entente un peu plus sentie du dialogue et de la scène: un déployement de mouvemens plus nobles et plus marqués. Mais ce seroit [-223-] être trop sévère de faire d'autres reproches à un aussi habile Musicien, qui pendant vingt ans a essayé d'essuyer les larmes que la retraite de Géliotte faisoit verser au public.

A l'égard de Larivée, on a pu voir à l'article Acteur, ce que je pensois de ses talents délicieux, de sa voix et de son articulation franches. J'aurois pu, à cet article, parler du talent théâtral du sieur Lainé, Acteur très-intelligent, et qui joue les premiers rôles de haute-contre à notre Opéra. Je répare cet oubli, et le partage le plaisir que le public trouve à le voir.

Pour revenir à mon article belles voix, je dois parler encore du sieur Rousseau, Acteur de l'Opéra, dont la voix charmante ne crie jamais, et laisse entendre un tymbre pur et doux, qui porte bien plus loin le son que tous les efforts de poitrine n'y pourroient parvenir.

Je voudrois pouvoir parler de la voix de l'adroit chanteur Laïs; mais comme sa méthode ne produit pas de sons naturels, mais lourés et pompés à l'italienne, je ne puis pas prononcer sur le genre de sa voix. A l'égard de [-224-] sa méthode, il faut qu'elle soit bonne, puisqu'elle plaît au public. Cependant quelqu'un d'un aussi grand talent que celui de Monsieur Laïs, doit aimer et écouter la raison, plutôt que tous les bravo à tort et à travers de la multitude. D'après cette confiance, je ne crois pas qu'il me sache mauvais gré de lui reprocher d'italianiser trop le chant françois; ce qui ressemble un peu à la figure que pourroit avoir un Grenadier Suisse, habillé en femme. Je ne crois pas qu'il soit nécessaire de lui prouver que jamais la manière italienne ne pourra s'allier à l'idiome françois, sans accent, et qui a besoin d'une prononciation marquée et rapide, chose qui ne ressemble pas aux prétendus agréments italiens, ni à la méthode de porter les sons à l'italienne, et cetera. A l'égard de la voix du sieur Chéron, jamais on n'en a entendu de plus mordante et de plus franche. C'est la plus belle basse-taille que l'Opéra ait jamais possédé.

Il me reste à parler des voix de femmes: et comme Madame Saint-Huberty joue les premiers rôles à l'Opéra, je crois devoir en faire mention [-225-] d'abord. Or, pour cela, je demande permission au Lecteur de lui donner ici la copie d'une lettre que j'écrivis, il y a près de deux ans, à Madame Saint Huberty. Cette lettre étoit conçue en ces termes:

"Si j'admirois moins vos talents sublimes, Madame, je ne serois point en droit de vous reprocher quelques négligences qui en ternissent l'éclat. Mais je suis sûr que des éloges enthousiastes ne vous plairoient pas, et que vous recevrez les réflexions et les remarques que je vais vous proposer, avec cette attention que le vrai mérite apporte aux moindres observations, au lieu que la médiocrité dédaigne ce qu'elle n'entend pas, et croit toujours qu'on veut attenter à sa foible réputation. Daignez done m'écouter.

"Dire que jamais Actrice de l'Opéra n'a eu autant d'intelligence de la scène que vous; que jamais femme ne fut plus musicienne, et cetera c'est dire ce que tout le monde sait, et ce qui est vrai. Mais dire qu'après avoir articulé le recitatif, de la manière la plus énergique, vous négligez dans le cantabile et dans [-226-] l'air de bravoure, cette prononciation si nécessaire à l'intérêt et à la beauté du chant: c'est dire encore ce que tout le monde sait, et ce qui désole vos admirateurs. En effet, Madame, n'est-ce pas la prononciation qui constitue la supériorité de la voix sur les instruments? Et quel intérêt voulez-vous qu'on puisse prendre à quelqu'un qu'on n'entend pas? Si vous alliez implorer les bontés d'un Roi ou d'un Ministre, et que, sans proférer une parole, on n'entendit que des sanglots sortir de vos poulmons; le Roi ou le Ministre vous diroit: que peut-on faire pour vous, Madame? Vous êtes sûrement très à plaindre; mais expliquez-vous: dites quels sont vos malheurs? Alors on tâchera d'y remédier.

"Il en est de même, Madame, du public qui voit, et qui cherche à vous entendre.

"Je sais bien que ce défaut d'articulation provient du desir que vous avez d'arrondir vos sons et de lourer vos intervalles. Delà il résulte que les consonnes sont perdues, et qu'on n'entend que les voyelles. Je croyois [-227-] autrefois que ce défaut ne venoit que depuis la manie du chant italien. Mais une personne illustre d'Italie m'a dit que les grands chanteurs italiens prononçoient distinctement, et d'autant plus aisément, que leur idiôme est plus accentué que le nôtre; qu'au reste, les Italiens qui sont venus en France, n'étoient pas du premier ordre d'Italie, et cetera et cetera.

"Ainsi, madame, ce n'est donc pas l'habitude du chant italien, ni le desir d'arrondir sa voix, qui peut s'opposer à la belle prononciation: ce ne peut être qu'une négligence impardonnable à un être aussi parfaitement organisé que vous l'êtes.

"Enfin vous connoissez Richer: cet homme, sans voix, et avec son ancienne méthode françoise, s'est pourtant soutenu au milieu des virtuoses ultramontains. Et pourquoi? C'est qu'il a toujours prononcé et chanté franchement.

"Vous voyez aussi Larrivée, qui n'a dû sa réputation de charmant acteur qu'à sa belle prononciation; car, sans cela, son jeu n'eût été qu'une froide pantomime. Encore une fois, Madame, on ne peut pas [-228-] s'intéresser à ce que dit quelqu'un qui parle sans se faire entendre: et quoique vous chantiez, presque toujours à merveilles, je jouerai sur mon violon le morceau de sentiment que vous viendrez de chanter, avec tout autant d'intérêt que vous, et infiniment mieux que vous et que les autres chanteurs, une ariette de bravoure, qui ne demande, pour ainsi dire, que de savoir monter à l'échelle, et en descendre aussi vîte. Mais quand le sublime prestige de la parole viendra s'unir à la mélodie d'un beau chant, alors la voix reprendra son empire, et les instruments rentreront dans la classe des machines organisées.

"Voilà, madame, à peu près, ce que j'avois à vous dire. Si j'avois voulu briller dans l'art polémique, j'aurois écrit une lettre soignée, (comme je le fais quelquefois), et je l'aurois fait insérer dans le Mercure ou dans le Journal de Paris. Mais, s'il est permis de critiquer hautement les défauts des êtres orgueilleux qui n'ont qu'un talent médiocre, on doit éviter d'insérer dans les Journaux le reproche des négligences [-229-] des acteurs du premier ordre, puisqu'on leur suppose assez de mérite, pour reconnoître la vérité des bons avis qu'on leur donne en secret, et cetera".

J'espère que madame Saint-Huberty ne me saura pas mauvais gré de n'avoir pas été fidèle à la parole que je lui avois donnée dans ma lettre; car la foi des traités est réciproque; et je ne dois plus même regarder comme un secret les avis que je proposois à madame Saint-Huberty, puisqu'elle n'a pas voulu en faire usage.

Il faut encore dire un mot des belles voix que nous avons à l'Opéra.

Celle de mademoiselle Maillard est sans doute la plus franche. D'ailleurs on peut dire, avec vérité, que cette jeune Actrice étonne, par son jeu et par son chant théâtral, les personnes qui l'ont vue en société. C'est le second volume de mademoiselle Lemaure. Tout au moins mélancolique au bout d'une table de vingt couverts, elle mérite les plus grands éloges sur la scène lyrique. C'est donc un sujet essentiel à l'Opéra.

A l'égard de la voix de mademoiselle Gavaudan cadette, bien que belle, [-230-] cette voix ne vibre pas d'une manière nette et déterminée: chaque son est toujours précédé et suivi d'une espèce de hocquet; chose désagréable, et que peut-être cette intéressante Actrice pourra réformer.

Il y a encore plusieurs autres belles voix à l'Opéra, telles que celle de mademoiselle Joinville, de mademoiselle Burette, et cetera et cetera.

J'ai gardé mademoiselle Dozon, autrement dite madame Chéron, pour le couronnement de cet article. En effet, jamais on n'a entendu de voix aussi pure, aussi céleste. La délicatesse de la santé de cette précieuse Actrice fait craindre pour ses jours; et le seul défaut qu'on lui reproche, c'est de n'être pas d'une constitution éternelle.

Si je n'ai pas parlé de la voix pure et flûtée de mademoiselle Renaud, c'est que je n'ai pas voulu rendre compte des procédés que la fauvette et le rossignol emploient pour gazouiller dans les bocages. Cependant elle me permettra bien une petite remarque au milieu de mille éloges justement mérités; c'est que je trouve qu'elle consulte un peu trop son incroyable facilité de gosier, et qu'elle accable quelquefois [-231-] de perles et de fleurs des étoffes légères qui ne peuvent pas les supporter.

A l'égard de madame Dugazon, ce n'est point une cantatrice, c'est le personnage même, ou, pour mieux dire, l'auteur de la pièce qu'elle anime. C'est ce qui a fait dire d'une pièce où cette précieuse actrice jouoit: les paroles sont d'un tel, la musique de tel autre, et la pièce de madame Dugazon.

Volte, substantif féminin. Sorte d'air à trois temps, propre à une danse de même nom, laquelle est composée de beaucoup de tours et de retours; d'où lui est venu le nom de volte.

Cette danse n'est plus guères en usage, non plus que l'allemande, dont les attitudes déplaisent, publiquement, aux dames.

Volubilité, adjectif féminin pris quelquefois substantivement. A bien dire, ce n'est que l'agilité du gosier ou des doigts. C'est ce talent qui a mérité tant de bravos au sieur Garat et à la Dlle Renaud, de la part de la Cour et de la Ville, et des italio-maniaques, gens qui ont beaucoup d'oreilles. C'est encore cette volubilité qui a fait mettre, pendant quelques temps, [-232-] l'étonnant Claveciniste Clémenti au-dessus du touchant Hulmandel. Enfin, la volubilité est au chant expressif, ce qu'une course rapide est à la danse noble.

Volume, substantif masculin. Le volume d'une voix n'est pas, comme le dit Rousseau, l'intervalle ou l'étendue d'une voix, du son le plus grave au son le plus aigu. C'est, pour ainsi dire, la largeur du son. En effet, une voix de basse-taille a du volume, et un dessus de l'étendue. Il faut donc se garder de confondre ces mots. Je crois que mon illustre patron étoit distrait par quelques curieux importuns, quand il écrivit cet article.

Upinge, substantif masculin. Sorte de chanson consacrée à Diane parmi les Grecs. (Voyez Chanson).

Ut. La première des six syllabes de la gamme diatonique, inventée par Guy l'Arétin, laquelle répond à la lettre C.

Z.

Z. Syllabe par laquelle on distingue, dans le plain-chant, le si bémol du si naturel, auquel on laisse le nom de si.

FIN.

[Footnotes]

(1) [cf. p.viij] M. D. L. B., Premier Valet-de-Chambre de Louis XV, et cetera.

(1) [cf. p.11] J'aurai occasion de rapporter cette lettre à l'article voix.

(1) [cf. p.89] Je dis prononcer la Musique instrumentale, parce qu'effectivement elle demande du prononcé.

(1) [cf. p.127] Voyez l'article Finale.


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