TFM - TRAITÉS FRANÇAIS SUR LA MUSIQUE

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Fn and Ft: ROUPRO TEXT
Author: Rousseau, Jean-Jacques
Title: Projet concernant de nouveaux signes pour la musique, lu par l'auteur à l'Académie des Sciences, le 22 Aout 1742
Source: Oeuvres complètes de J. J. Rousseau, mises dans un nouvel ordre, avec des notes historiques et des éclaircissements, 26 vols., ed. V. D. Musset-Pathay (Paris: P. Dupont, 1824), 11:3-17.

[-3-] PROJET concernant

DE NOUVEAUX SIGNES POUR LA MUSIQUE,

lu par l'auteur à l'Académie des Sciences, le 22 Aout 1742.

Ce projet tend à rendre la musique plus commode à noter, plus aisée à apprendre, et beaucoup moins diffuse.

Il paraît étonnant que les signes de la musique étant restés aussi long-temps dans l'état d'imperfection où nous les voyons encore aujourd'hui, la difficulté de l'apprendre n'ait pas averti le public que c'était la faute des caractères, et non pas celle de l'art. Il est vrai qu'on a donné souvent des projets en ce genre; mais de tous ces projets, qui, sans avoir les avantages de la musique ordinaire, en avaient presque tous les inconvénients, aucun que je sache n'a jusqu'ici touché le but, soit qu'une pratique trop superficielle ait fait échouer ceux qui l'ont voulu considérer théoriquement, soit que le génie étroit et borné des musiciens ordinaires les ait empêchés d'embrasser un plan général et raisonné, et de sentir les vrais inconvénients de leur art, de la perfection actuelle duquel ils sont d'ailleurs pour l'ordinaire très-entêtés.

[-4-] Cette quantité de lignes, de clefs, de transpositions, de dièses, de bémols, de bécarres, de mesures simples et composées, de rondes, de blanches, de noires, de croches, de doubles, de triples croches, de pauses, de demi-pauses, de soupirs, de demi-soupirs, de quarts de soupirs, et cetera, donne une foule de signes et de combinaisons, d'où résultent deux inconvénients principaux, l'un d'occuper un trop grand volume, et l'autre de surcharger la mémoire des écoliers; de façon que, l'oreille étant formée, et les organes ayant acquis toute la facilité nécessaire long-temps avant qu'on soit en état de chanter à livre ouvert, il s'ensuit que la difficulté est toute dans l'observation des règles, et non dans l'exécution du chant.

Le moyen qui remédiera à l'un de ces inconvénients remédiera aussi à l'autre; et dès qu'on aura inventé des signes équivalents, mais plus simples et en moindre quantité, ils auront par là même plus de précision, et pourront exprimer autant de choses en moins d'espace.

Il est avantageux outre cela que ces signes soient déjà connus, afin que l'attention soit moins partagée, et faciles à figurer, afin de rendre la musique plus commode.

Il faut pour cet effet considérer deux objets principaux chacun en particulier; le premier doit être l'expression de tous les sons possibles, et l'autre, celle de toutes les différentes durées, tant des sons que de leurs silences relatifs, ce qui comprend aussi la différence des mouvements.

[-5-] Comme la musique n'est qu'un enchaînement de sons qui se font entendre ou tous ensemble, ou successivement, il suffit que tous ces sons aient des expressions relatives qui leur assignent à chacun la place qu'il doit occuper par rapport à un certain son fondamental, pourvu que ce son soit nettement exprimé, et que la relation soit facile à connaître: avantages que n'a déjà point la musique ordinaire, où le son fondamental n'a nulle évidence particulière, et où tous les rapports des notes ont besoin d'être long-temps étudiés.

Prenant ut pour ce son fondamental, auquel tous les autres doivent se rapporter, et l'exprimant par le chiffre 1, nous aurons à sa suite l'expression des sept sons naturels, ut, ré, mi, fa, sol, la, si, par les sept chiffres 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7; de façon que tant que le chant roulera dans l'étendue des sept sons, il suffira de les noter chacun par son chiffre correspondant, pour les exprimer tous sans équivoque.

Mais quand il est question de sortir de cette étendue pour passer dans d'autres octaves, alors cela forme une nouvelle difficulté.

Pour la résoudre, je me sers du plus simple de tous les signes, c'est-à-dire du point. Si je sors de l'octave par laquelle j'ai commencé, pour faire une note dans l'étendue de l'octave qui est au-dessus, et qui commence à l'ut d'en-haut, alors je mets un point au-dessus de cette note par laquelle je sors de mon octave; et ce point une fois placé, c'est un indice que, non-seulement la note sur laquelle [-6-] il est, mais encore toutes celles qui la suivront sans aucun signe qui le détruise, devront être prises dans l'étendue de cette octave supérieure où je suis entré.

Au contraire, si je veux passer à l'octave qui est au-dessous de celle où je me trouve, alors je mets le point sous la note par laquelle j'y entre. En un mot, quand le point est sur la note, vous passez dans l'octave supérieure; s'il est au-dessous, vous passez dans l'inférieure: et quand vous changeriez d'octave à chaque note, ou que vous voudriez monter ou descendre de deux ou trois octaves tout d'un coup ou successivement, la règle est toujours générale, et vous n'avez qu'à mettre autant de points au-dessous ou au-dessus que vous avez d'octaves à descendre ou à monter.

Ce n'est pas à dire qu'à chaque point vous montiez ou descendiez d'une octave, mais à chaque point vous passez dans une octave différente de celle où vous êtes par rapport au son fondamental ut d'en-bas, lequel ainsi se trouve bien dans la même octave en descendant diatoniquement, mais non pas en montant. Sur quoi il faut remarquer que je ne me sers du mot d'octave qu'abusivement, et pour ne pas multiplier inutilement les termes, parce que proprement cette étendue n'est composée que de sept notes, le 1 d'en-haut qui commence une autre octave n'y étant pas compris.

Mais cet ut, qui, par la transposition, doit toujours être le nom de la tonique dans les tons majeurs et celui de la médiante dans les tons mineurs, [-7-] peut, par conséquent, être pris sur chacune des douze cordes du système chromatique; et, pour la désigner, il suffira de mettre à la marge le chiffre qui exprimerait cette corde sur le clavier dans l'ordre naturel; c'est-à-dire que le chiffre de la marge, qu'on peut appeler la clef, désigne la touche du clavier qui doit s'appeler ut, et par conséquent être tonique dans les tons majeurs, et médiante dans les mineurs. Mais, à le bien prendre, la connaissance de cette clef n'est que pour les instruments, et ceux qui chantent n'ont pas besoin d'y faire attention.

Par cette méthode, les mêmes noms sont toujours conservés aux mêmes notes: c'est-à-dire que l'art de solfier toute musique possible consiste précisément à connaître sept caractères uniques et invariables, qui ne changent jamais ni de nom ni de position; ce qui me paraît plus facile que cette multitude de transpositions et de clefs qui, quoique ingénieusement inventées, n'en sont pas moins le supplice des commençants.

Une autre difficulté qui naît de l'étendue du clavier et des différentes octaves où le ton peut être pris, se résout avec la même aisance. On conçoit le clavier divisé par octaves depuis la première tonique: la plus basse octave s'appelle A, la seconde B, la troisième C, et cetera; de façon qu'écrivant au commencement d'un air la lettre correspondante à l'octave dans laquelle se trouve la première note de cet air, sa position précise est connue, et les points vous conduisent ensuite partout [-8-] sans équivoque. De là découle encore généralement et sans exception le moyen d'exprimer les rapports et tous les intervalles, tant en montant qu'en descendant, des reprises et des rondeaux, comme on le verra détaillé dans mon grand projet.

La corde du ton, le mode (car je le distingue aussi) et l'octave étant ainsi bien désignés, il faudra se servir de la transposition pour les instruments comme pour la voix, ce qui n'aura nulle difficulté pour les musiciens instruits, comme ils doivent l'être, des tons et des intervalles naturels à chaque mode, et de la manière de les trouver sur leurs instruments; il en résultera au contraire cet avantage important, qu'il ne sera pas plus difficile de transporter toutes sortes d'airs un demi-ton ou un ton plus haut ou plus bas, suivant le besoin, que de les jouer sur leur ton naturel; ou, s'il s'y trouve quelque peine, elle dépendra uniquement de l'instrument, et jamais de la note, qui, par le changement d'un seul signe, représentera le même air sur quelque ton que l'on veuille proposer: de sorte enfin qu'un orchestre entier, sur un simple avertissement du maître, exécuterait sur-le-champ en mi ou en sol une pièce notée en fa, en la, en si bémol, ou en tout autre ton imaginable; chose impossible à pratiquer dans la musique ordinaire, et dont l'utilité se fait assez sentir à ceux qui fréquentent les concerts. En général, ce qu'on appelle chanter et exécuter au naturel est peut-être ce qu'il y a de plus mal imaginé dans la musique: car si les noms des notes ont quelque utilité réelle, [-9-] ce ne peut être que pour exprimer certains rapports, certaines affections déterminées dans les progressions des sons. Or, dès que le ton change, les rapports des sons et la progression changeant aussi, la raison dit qu'il faut de même changer les noms des notes en les rapportant par analogie au nouveau ton; sans quoi l'on renverse le sens des noms, et l'on ôte aux mots le seul avantage qu'ils puissent avoir, qui est d'exciter d'autres idées avec celles des sons. Le passage du mi au fa, ou du si à l'ut, excite naturellement dans l'esprit du musicien l'idée du demi-ton. Cependant, si l'on est dans le ton de si ou dans celui de mi, l'intervalle du si à l'ut, ou du mi au fa, est toujours d'un ton, et jamais d'un demi-ton. Donc, au lieu de conserver des noms qui trompent l'esprit et qui choquent l'oreille exercée par une différente habitude, il est important de leur en appliquer d'autres dont le sens connu, au lieu d'être contradictoire, annonce les intervalles qu'ils doivent exprimer. Or, tous les rapports des sons du système diatonique se trouvent exprimés, dans le majeur, tant en montant qu'en descendant, dans l'octave comprise entre deux ut, suivant l'ordre naturel, et, dans le mineur, dans l'octave comprise entre deux la, suivant le même ordre en descendant seulement; car, en montant, le mode mineur est assujetti à des affections différentes qui présentent de nouvelles réflexions pour la théorie, lesquelles ne sont pas aujourd'hui de mon sujet, et qui ne font rien au système que je propose.

[-10-] J'en appelle à l'expérience sur la peine qu'ont les écoliers à entonner, par les noms primitifs, des airs qu'ils chantent avec toute la facilité du monde au moyen de la transposition, pourvu, toujours, qu'ils aient acquis la longue et nécessaire habitude de lire les bémols et les dièses des clefs, qui font, avec leurs huit positions, quatre-vingts combinaisons inutiles et toutes retranchées par ma méthode.

Il s'ensuit de là que les principes qu'on donne pour jouer des instruments ne valent rien du tout; et je suis sûr qu'il n'y a pas un bon musicien qui, après avoir préludé dans le ton où il doit jouer, ne fasse plus d'attention dans son jeu au degré du ton où il se trouve, qu'au dièse ou au bémol qui l'affecte. Qu'on apprenne aux écoliers à bien connaître les deux modes et la disposition régulière des sons convenables à chacun, qu'on les exerce à préluder en majeur et en mineur sur tous les sons de l'instrument, chose qu'il faut toujours savoir, quelque méthode qu'on adopte; alors, qu'on leur mette ma musique entre les mains, j'ose répondre qu'elle ne les embarrassera pas un quart d'heure.

On serait surpris si l'on faisait attention à la quantité de livres et de préceptes qu'on a donnés sur la transposition; ces gammes, ces échelles, ces clefs supposées, font le fatras le plus ennuyeux qu'on puisse imaginer; et tout cela, faute d'avoir fait cette réflexion très-simple, que, dès que la corde fondamentale du ton est connue sur le clavier naturel comme tonique, c'est-à-dire comme [-11-] ut ou la, elle détermine seule le rapport et le ton de toutes les autres notes, sans égard à l'ordre primitif.

Avant que de parler des changements de ton, il faut expliquer les altérations accidentelles des sons qui s'y présentent à tout moment.

Le dièse s'exprime par une petite ligne qui croise la note en montant de gauche à droite. Sol diésé, par exemple, s'exprime ainsi, [5/], fa diésé, ainsi [4/]. Le bémol s'exprime aussi par une semblable ligne qui croise la note en descendant [7/], [2/]; et ces signes, plus simples que ceux qui sont en usage, servent encore à montrer à l'oeil le genre d'altération qu'ils causent.

Le bécarre n'a d'utilité que par le mauvais choix du dièse et du bémol; et, dès que les signes qui les expriment seront inhérents à la note, le bécarre deviendra entièrement superflu: je le retranche donc comme inutile; je le retranche encore comme équivoque, puisque les musiciens s'en servent souvent en deux sens absolument opposés, et laissent ainsi l'écolier dans une incertitude continuelle sur son véritable effet.

A l'égard des changements de ton, soit pour passer du majeur au mineur, ou d'une tonique à une autre, il n'est question que d'exprimer la première note de ce changement, de manière à représenter ce qu'elle était dans le ton d'où l'on sort, et ce qu'elle est dans celui où l'on entre; ce que l'on fait par une double note séparée par une petite ligne horizontale comme dans les fractions: [-12-] le chiffre qui est au-dessus exprime la note dans le ton d'où l'on sort, et celui de dessous représente la même note dans le ton où l'on entre; en un mot, le chiffre inférieur indique le nom de la note, et le chiffre supérieur sert à en trouver le ton.

Voilà pour exprimer tous les sons imaginables en quelque ton que l'on puisse être ou que l'on veuille entrer. Il faut passer à présent à la seconde partie, qui traite des valeurs des notes et de leurs mouvements.

Les musiciens reconnaissent au moins quatorze mesures différentes dans la musique: mesures dont la distinction brouille l'esprit des écoliers pendant un temps infini. Or je soutiens que tous les mouvements de ces différentes mesures se réduisent uniquement à deux; savoir, mouvement à deux temps, et mouvement à trois temps; et j'ose défier l'oreille la plus fine d'en trouver de naturels qu'on ne puisse exprimer avec toute la précision possible par l'une de ces deux mesures. Je commencerai donc par faire main basse sur tous ces chiffres bizarres, réservant seulement le deux et le trois, par lesquels, comme on verra tout-à-l'heure, j'exprimerai tous les mouvements possibles. Or, afin que le chiffre qui annonce la mesure ne se confonde point avec ceux des notes, je l'en distingue en le faisant plus grand et en le séparant par une double ligne perpendiculaire.

Il s'agit à présent d'exprimer les temps, et les valeurs des notes qui les remplissent.

Un défaut considérable dans la musique est de [-13-] représenter, comme valeurs absolues, des notes qui n'en ont que de relatives, ou du moins d'en mal appliquer les relations: car il est sûr que la durée des rondes, des blanches, noires, croches, et cetera, est déterminée, non par la qualité de la note, mais par celle de la mesure où elle se trouve: de là vient qu'une noire, dans une certaine mesure, passera beaucoup plus vite qu'une croche dans une autre; laquelle croche ne vaut cependant que la moitié de cette noire, et de là vient encore que les musiciens de province, trompés par ces faux rapports, donneront aux airs des mouvements tout différents de ce qu'ils doivent être, en s'attachant scrupuleusement à la valeur absolue des notes, tandis qu'il faudra quelquefois passer une mesure à trois temps simples beaucoup plus vite qu'une autre à trois huit, ce qui dépend du caprice du compositeur, et de quoi les opéra présentent des exemples à chaque instant.

D'ailleurs, la division sous-double des notes et de leurs valeurs, telle qu'elle est établie, ne suffit pas pour tous les cas; et si, par exemple, je veux passer trois notes égales dans un temps d'une mesure à deux, à trois ou à quatre, il faut, ou que le musicien le devine, ou que je l'en instruise par un signe étranger qui fait exception à la règle.

Enfin, c'est encore un autre inconvénient de ne point séparer les temps; il arrive de là que, dans le milieu d'une grande mesure, l'écolier ne sait où il en est, surtout lorsque, chantant le vocal, il trouve une quantité de croches et de doubles croches [-14-] détachées, dont il faut qu'il fasse lui-même la distribution.

La séparation de chaque temps par une virgule remédie à tout cela avec beaucoup de simplicité. Chaque temps compris entre deux virgules contient une note ou plusieurs. S'il ne comprend qu'une note, c'est qu'elle remplit tout ce temps-là, et cela ne fait pas la moindre difficulté. Y a-t-il plusieurs notes comprises dans chaque temps, la chose n'est pas plus difficile: divisez ce temps en autant de parties égales qu'il comprend de notes, appliquez chacune de ces parties à chacune de ces notes, et passez-les de sorte que tous les temps soient égaux.

Les notes dont deux égales rempliront un temps, s'appelleront des demis; celles dont il en faudra trois, des tiers; celles dont il en faudra quatre, des quarts, et cetera.

Mais lorsqu'un temps se trouve partagé de sorte que toutes les notes n'y sont pas d'égale valeur, pour représenter, par exemple, dans un seul temps une noire et deux croches, je considère ce temps comme divisé en deux parties égales, dont la noire fait la première, et les deux croches ensemble la seconde; je les lie donc par une ligne droite que je place au-dessus ou au-dessous d'elles, et cette ligne marque que tout ce qu'elle embrasse ne représente qu'une seule note, laquelle doit être subdivisée en deux parties égales, ou en trois, ou en quatre, suivant le nombre des chiffres qu'ellecouvre, et cetera.

[-15-] Si l'on a une note qui remplisse seule une mesure entière, il suffit de la placer seule entre les deux lignes qui renferment la mesure; et, par la même règle que je viens d'établir, cela signifie que cette note doit durer toute la mesure entière.

A l'égard des tenues, je me sers aussi du point pour les exprimer, mais d'une manière bien plus avantageuse que celle qui est en usage: car au lieu de lui faire valoir précisément la moitié de la note qui le précède, ce qui ne fait qu'un cas particulier, je lui donne, de même qu'aux notes, une valeur qui n'est déterminée que par la place qu'il occupe; c'est-à-dire que, si le point remplit seul un temps on une mesure, le son qui a précédé doit être aussi soutenu pendant tout ce temps ou toute cette mesure; et, si le point se trouve dans un temps avec d'autres notes, il fait nombre aussi bien qu'elles, et doit être compté pour un tiers ou pour un quart, suivant le nombre de notes que renferme ce temps-là, en y comprenant le point.

Au reste, il n'est pas à craindre, comme on le verra par les exemples, que ces points se confondent jamais avec ceux qui servent à changer d'octaves; ils en sont trop bien distingués par leur position pour avoir besoin de l'être par leur figure: c'est pourquoi j'ai négligé de le faire, évitant avec soin de me servir de signes extraordinaires, qui distrairaient l'attention, et n'exprimeraient rien de plus que la simplicité des miens.

Les silences n'ont besoin que d'un seul signe. [-16-] Le zéro paraît le plus convenable; et, les règles que j'ai établies à l'égard des notes étant toutes applicables à leurs silences relatifs, il s'ensuit que le zéro, par sa seule position et par les points qui le peuvent suivre, lesquels alors exprimeront des silences, suffit seul pour remplacer toutes les pauses, soupirs, demi-soupirs, et autres signes bizarres et superflus qui remplissent la musique ordinaire.

Voilà les principes généraux d'où découlent les règles pour toutes sortes d'expressions imaginables, sans qu'il puisse naître à cet égard aucune difficulté qui n'ait été prévue et qui ne soit résolue en conséquence de quelqu'un de ces principes.

Ce système renferme, sans contredit, des avantages essentiels par-dessus la méthode ordinaire.

En premier lieu, la musique sera du double et du triple plus aisée à apprendre;

Premier Parce qu'elle contient beaucoup moins de signes;

Second Parce que ces signes sont plus simples;

Troisième Parce que, sans autre étude, les caractères mêmes des notes y représentent leurs intervalles et leurs rapports, au lieu que ces rapports et ces intervalles sont très-difficiles à trouver, et demandent une grande habitude par la musique ordinaire.

Quatrième Parce qu'un même caractère ne peut jamais avoir qu'un même nom; au lieu que, dans le système ordinaire, chaque position peut avoir sept noms différents sur chaque clef, ce qui cause une confusion dont les écoliers ne se tirent qu'à force de temps, de peine, et d'opiniâtreté.

[-17-] Cinquième Parce que les temps y sont mieux distingués que dans la musique ordinaire, et que les valeurs des silences et des notes y sont déterminées d'une manière plus simple et plus générale.

Sixième Parce que, le mode étant toujours connu, il est toujours aisé de préluder et de se mettre au ton: ce qui n'arrive pas dans la musique ordinaire, où souvent les écoliers s'embarrassent ou chantent faux, faute de bien connaître le ton où ils doivent chanter.

En second lieu, la musique en est plus commode et plus aisée à noter, occupe moins de volume; toute sorte de papier y est propre, et les caractères de l'imprimerie suffisant pour la noter, les compositeurs n'auront plus besoin de faire de si grands frais pour la gravure de leurs pièces, ni les particuliers pour les acquérir.

Enfin les compositeurs y trouveraient encore cet autre avantage non moins considérable, qu'outre la facilité de la note, leur harmonie et leurs accords seraient connus par la seule inspection des signes, et sans ces sauts d'une clef à l'autre qui demandent une habitude bien longue, et que plusieurs n'atteignent jamais parfaitement.


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