TFM - TRAITÉS FRANÇAIS SUR LA MUSIQUE

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Fn and Ft: RAMTRA3 TEXT
Author: Rameau, Jean-Philippe
Title: Traité de l'Harmonie Reduite à ses Principes naturels, Livre III
Source: Traité de l'Harmonie Reduite à ses Principes naturels; Divisé en Quatre Livres, Livre III, Principes de Composition (Paris: Ballard, 1722; reprint ed. in Jean-Philippe Rameau [1683-1764] Complete Theoretical Writings, Miscellanea, vol. 1 [n.p.: American Institute of Musicology, 1967]), 169-362.
Graphics: RAMTRA3 01GF-RAMTRA3 61GF

[-169-] LIVRE TROISIÉME.

Principes de Composition.

CHAPITRE PREMIER.

Introduction à la Musique-pratique.

De la Gamme.

COmme il n'y a que sept Sons diatoniques * [* Voyez la Table des Termes. in marg.], c'est-à-dire, sept Degrez successifs dans la voix naturelle, il n'y a aussi dans la Musique que les sept Nottes Ut, Ré, Mi, Fa, Sol, La, Si, ce qu'on appelle Gamme, ne pouvant augmenter ce nombre de Nottes, qu'en recommençant par la premiere après la derniere, et continuant toûjours selon l'ordre qui leur est prescrit icy. Ces mêmes Nottes ainsi repetées, qui ne sont que la replique les unes des autres, s'appellent Octaves.

Il est bon d'ajoûter lOctave de la premiere Notte à la fin de la Gamme, pour s'accoûtumer à distinguer cette Octave; ainsi Ut, Ré, Mi, Fa, Sol, La, Si, Ut; en se souvenant que cette progression de Nottes, qui se fait icy en montant, doit être également connuë en descendant; ainsi Ut, Si, La, Sol, Fa, Mi, Ré, Ut.

Si l'on veut faire commencer et finir cette Gamme par une autre Notte que par celle d'Ut (ce qui est bon à pratiquer, quoique contre l'ordre diatonique) l'on voit icy par l'Octave ajoutée, qu'il n'y a qu'à ajoûter également les Octaves des autres Nottes; de sorte que si l'on commence par Sol, il n'y qu'à dire, Sol, La, Si, Ut, Ré, Mi, Fa, Sol, en montant; et Sol, Fa, Mi, Ré, Ut, Si, La, Sol, en descendant, et ainsi des autres.

Des Intervales.

Il faut non-seulement sçavoir décompter la Gamme, tant en montant qu'en descendant, et la faire commencer tantôt par une Notte, tantôt par une autre: Il faut de plus remarquer la distance qu'il y a d'une Notte à une autre, selon l'ordre des nombres, en se souvenant que cette observation ne se fait pour lors qu'en montant.

[-170-] C'est de cette distance que se forment tous les Intervales de la Musique; et ces Intervales qui tirent leur dénomination des nombres de l'Arithmetique, s'appellent, 2 Seconde, 3 Tierce, 4 Quarte, 5 Quinte, 6 Sixte, 7 Septiéme et 8 Octave.

Nous avons mis les nombres au-dessus du nom dont chaque Intervale tire sa dénomination, parce que nous ne nous servirons dans la suite que de ces nombres, pour désigner l'Intervale dont nous aurons à parler; de sorte qu'il faut bien se ressouvenir que 2 désigne la Seconde, 3 la Tierce, 4 la Quarte; ainsi du reste jusqu'à l'Octave désignée par le nombre 8.

Pour trouver ces Intervales, l'on se propose d'abord une Notte pour principe, ou pour premier degré; puis en comptant de cette Notte à une autre, la même quantité de Nottes que l'on a comptées, désigne l'Intervale qui se trouve entre la premiere Notte et celle où l'on s'arrête. Par exemple, si l'on prend Ut pour premier degré, l'on juge d'abord que Ré en fait la seconde, Mi la troisiéme, Fa la quatriéme, Sol la cinquiéme, et cetera pareillement si l'on prend Ré pour premier degré, Mi en fait la seconde, Si la sixiéme, Ut la septiéme; ainsi de toutes les autres Nottes que l'on voudra, et qu'il faut absolument se proposer pour premiers degrez. Afin que l'on soit si bien au fait de ces Intervales, que l'on puisse dire sur le champ que Mi fait la Quinte de La, Si celle de Mi, Ré celle de Sol et cetera. L'on peut se servir pour cet effet de la Gamme suivante.

[Rameau, Traité de l'Harmonie, 170; text: Gamme. Ut, Re, Mi, Fa, Sol, La, Si, 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, et cetera] [RAMTRA3 01GF]

En prenant Ut pour premiere Notte ou pour premier degré, l'on trouvera dans cette Gamme une ligne qui conduit d'un à deux au-dessous de Ré, à trois au-dessous de Mi, ainsi en tournant toûjours jusqu'à huit qui represente l'Octave de ce même Ut; car l'Octave qui n'est qu'une replique (comme nous l'avons déja dit) est toûjours representée par la même Notte et sous le même nom; pareillement si l'on prend Ré pour premiere Notte, le chiffre 1. qui est au-dessous conduit à 2. au-dessous de Mi, à 3. au-dessous de [-171-] Fa, et cetera ces nombres marquant les Intervales que forment les Nottes au-dessous desquelles ils se trouvent avec celles qui commencent par 1. d'où l'on passe à 2. à 3. à 4. et cetera par le moyen des petites lignes, qui toutes ensemble forment un cercle depuis 1. jus'qu'à 8.

Souvenez-vous bien que lorsque nous parlerons simplement de la Tierce, de la Quarte, et cetera ces Intervales se prendront toûjours dans la Gamme en montant depuis la Notte proposée pour premier degré, parce que cette Notte est toûjours censée la plus Basse.

L'on ne doit pas moins s'exercer à chercher les Intervales dans la Gamme en descendant: L'on trouvera que la Quarte au-dessous d'Ut, est Sol, de même que la Quarte au-dessus de Sol, est Ut; ce qui n'est pas difficile à comprendre, et ce qui peut être très-utile dans l'occasion.

Du renversement des Intervales.

Les deux Nottes qui forment l'Octave, et qui ne sont dans le fond qu'une même Notte, servent de limites à tous les Intervales; puisqu'en effet toutes les Nottes de la Gamme sont renfermées dans l'étenduë de l'Octave. Regardant donc les deux Ut qui commencent et finissent la Gamme comme une seule Notte, l'on jugera d'abord que telle autre Notte que l'on comparera à chacun de ces deux Ut, ne pourra donner deux Intervales differens; mais aussi en remarquant que le premier Ut est au-dessous de la Notte qu'on luy compare, et que le second est au-dessus, cela y fera appercevoir une difference qu'il faut expliquer.

[Rameau, Traité de l'Harmonie, 171; text: Ut, Ré, Mi, Fa, Sol, La, Si, 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7] [RAMTRA3 01GF]

En considerant la Gamme de cette façon, l'on remarque que Ré fait la seconde du premier Ut, et que le second Ut fait la sept de ce Ré; que Mi fait la Tierce du premier Ut, et que le second Ut fait la Sixte de ce Mi; que Fa fait la Quarte du premier Ut, et que le second Ut fait la Quinte de ce Fa; enfin que Sol fait la Quinte du premier Ut, et la Quarte du second, pouvant encore s'exprimer de la sorte; si bien que par ce moyen l'on connoît qu'il doit naître toûjours un Intervale d'un autre; car si l'on prend une autre Notte pour [-172-] premier degré, en la mettant au commencement et à la fin de la Gamme, il n'y a qu'à y faire les observations que nous venons de faire à l'égard d'Ut, pour y trouver la même chose, c'est-à-dire, que la seconde de la premiere Notte deviendra toûjours septiéme de l'Octave de cette premiere Notte, et cetera.

Pour une plus grande intelligence, il faut s'imaginer toûjours que l'Octave est inséparable de la Notte que l'on prend pour premier degré; de sorte qu'après avoir comparé une Notte à ce premier degré, on la compare ensuite à l'Octave de ce premier degré, d'où naîtront deux Intervales, dont le premier est appellé Fondamental, ou Principal, et le second Renversé; car en effet, si l'on compare Ut à Mi, puis Mi à Ut, il ne se trouve-là qu'un Renversement de comparaisons; de même que par les nombres, en supposant que 8. et 1. representent une même Notte, cette comparaison se fait d'abord d'1. à 3. puis de 3. à 8.

De tous les Intervales, il n'y en a que trois qui soient Fondamentaux, et dont par consequent il faille se ressouvenir; ce sont la 3, la 5, et la 7, que l'on peut arranger de la sorte.

[Rameau, Traité de l'Harmonie, 172,1; text: Ut, Re, Mi, Fa, Sol, La, Si, 1, 3, 5, 7] [RAMTRA3 01GF]

Chaque premiere Notte répond à 1, et leur 3, leur 5 et leur 7 répondent aux nombres qui désignent ces Intervales: Or quand on connoît une fois ces trois Intervales par rapport à l'une des sept Nottes prise pour premier degré, il n'y a qu'à ajoûter l'Octave de ce premier degré, pour y trouver que la Tierce devient Sixte; que la Quinte devient Quarte, et que la Septiéme devient Seconde; ces trois derniers Intervales, la Sixte, la Quarte et la Seconde étant pour lors Renversez des trois premiers et fondamentaux.

Il ne faut point passer trop legerement sur cet Article; car plus on sera persuadé par sa propre experience de la verité que nous y avançons, plus on aura de facilité à comprendre le reste.

De la Portée, c'est-à-dire, des lignes qui servent à placer les Nottes.

Les Nottes de la Musique dont le nom nous est connu, sont representées par differens caracteres, qui en marquent la durée, et se placent sur et entre cinq lignes arrangées orizontalement pour en faire distinguer les degrez.

[Rameau, Traité de l'Harmonie, 172,2; text: PORTÉE. 1, 2, 3, 4, 5] [RAMTRA3 01GF]

Ces cinq Lignes toutes ensemble s'appellent Portée, chaque ligne en particulier s'appelle Ligne ou Regle; et chaque entre-ligne s'appelle Milieu ou Espace.

La plus basse de ces lignes en est la premiere, et par consequent la plus haute en est la cinquiéme.

[-173-] Des Clefs.

Il y a trois Clefs dans la Musique, dont voicy les differens caracteres, et le nom de la Notte que chacune désigne.

[Rameau, Traité de l'Harmonie, 173; text: Clef de Fa. ou, Clef d'Ut. Clef de Sol.] [RAMTRA3 01GF]

La Clef est toûjours censée sur la Ligne qui la traverse; et cette Ligne prend le nom de la Clef. On ne pose qu'une Clef à la fois au commencement de chaque Portée; mais l'on peut luy en substituer une autre, quand et en tel endroit que l'on veut, pourvû que ce soit sur une Ligne; la derniere Clef donnant toûjours son nom à la Ligne qui la traverse.

[ClefF4 on staff5] La Clef de Fa qui est la plus basse de toutes, se place ordinairement sur la quatriéme ou sur la troisiéme Ligne.

[ClefC1 on staff5] La Clef d'Ut par laquelle on doit juger que l'Ut qu'elle désigne doit se prendre une Quinte au-dessus du Fa désigné par la Clef même de Fa, se place sur toutes les Lignes, excepté sur la cinquiéme.

[ClefG1 on staff5] La Clef de Sol dont le Sol est encore une Quinte au-dessus de l'Ut désigné par la Clef même d'Ut, se place ordinairement sur la premiere ou sur la seconde Ligne.

Chaque Clef donnant son nom à la Ligne qui la traverse, l'on doit juger de-là qu'une Notte qui sera traversée de la même Ligne doit porter le nom de la Clef, en donnant indifferemment le nom de la Clef à la Ligne ou à la Notte: Or comme nous n'avons point encore parlé de la figure des Nottes, celles dont nous nous servirons icy en attendant, seront faites comme des O; les unes seront traversées d'une Ligne, et les autres seront placées dans les Milieux; de sorte qu'en comptant selon l'ordre de la Gamme depuis la Notte qui prend le nom de la Clef, et en remarquant que l'on monte de la premiere Ligne à la cinquiéme, que l'on descend de la cinquiéme à la premiere, et que les Milieux retiennent le nom des Nottes, aussi-bien que les Lignes, on ne pourra se tromper: C'est ce qu'il faut examiner dans l'Exemple suivant.

[-174-] EXEMPLE

[Rameau, Traité de l'Harmonie, 174,1; text: Clef de Fa. Clef d'Ut. Clef de Sol. ut, ré, mi, fa, sol, la, si.] [RAMTRA3 01GF]

De même que nous plaçons la premiere Notte sur la Ligne de la Clef, on peut la placer également sur, ou entre quelques Lignes que ce soit, n'y ayant qu'à compter depuis la Clef, pour sçavoir le nom de cette Notte. Comme il est absolument necessaire de sçavoir sur le champ le nom d'une Notte qui peut se trouver sur, ou entre quelque Ligne que ce soit: Pour n'être point occupé d'un si petit objet quand il s'agit de composer, il faut se proposer une Clef que l'on met sur l'une des Lignes qui luy convient, et apprendre par coeur le nom des Lignes et des Milieux par rapport à celuy de cette Clef. Par exemple, la Clef de Fa étant posée sur la quatriéme Ligne, il faut pouvoir dire d'abord que la troisiéme Ligne s'appelle Ré, la seconde Si, la premiere Mi et la cinquiéme La; que le milieu au-dessus de la Clef s'appelle Sol, que celuy d'au-dessous s'appelle Mi, et cetera en donnant à ces Lignes et à ces Milieux le nom des Nottes qui peuvent y être placées.

EXEMPLE.

[Rameau, Traité de l'Harmonie, 174,2; text: ut, ré, mi, fa, sol, la, si] [RAMTRA3 01GF]

Quand on sçait parfaitement tous ces noms, on place la même Clef dans un autre endroit, où l'on fait les mêmes remarques, et ainsi des autres Clefs.

L'on peut ajoûter de nouvelles Lignes au-dessus et au-dessous des cinq lignes ordinaires, en y suivant le même ordre qu'icy.

[-175-] Des Parties.

Comme l'Harmonie consiste dans l'union de plusieurs Sons differens, qui s'accordent ensemble; et comme ces Sons ne peuvent être rendus que par des Voix ou des Instrumens, chaque voix et chaque instrument s'appelle Partie, et chaque Partie a de plus un nom particulier, dont on ne fait pas toûjours mention, mais qui se reconnoît par la difference ou par la differente situation des Clefs.

EXEMPLES.

[Rameau, Traité de l'Harmonie, 175; text: 4. Parties chantantes. Premier Dessus Chantant. Second Dessus chantant. Ces deux premieres Parties ne conviennent qu'à des voix feminines, dont les plus aiguës, c'est à dire, les plus hautes chantent le premier Dessus, et les moins aiguës chantent le second Dessus. Haute-Contre. la plus aiguë des voix masculines. Haute-Taille. Partie moyenne qui approche de la précédente. Basse-Taille ou Concordant, Partie moyenne entre la précédente et la suivante. Basse-Contre. la plus grave; c'est à dire, la plus basse des voix masculines. Parties Instrumentales. Dessus de Violon, de Viole, de Flûte, d'Haut-bois, de Trompette, et cetera. L'on se sert ordinairement de la premiere Clef pour les trois derniers Instrumens. Haute-contre de Violon. Taille de Violon. Quinte de Violon. Ces trois Instrumens s'accordent de même, et ont par consequent une même étenduë, dont le plus haut Son est marqué par une Notte dans la premiere Partie, et le plus bas dans la troisiéme. Orgue, Clavecin, Theorbe, Basson, Basses de Violon, de Viole, de Flûte, et cetera] [RAMTRA3 02GF]

Les six premieres Parties qui conviennent aux voix, ont une étenduë bornée, que nous avons marquée précisément avec des Nottes; de sorte que l'on peut faire passer chacune de ces Parties par tous les Intervales contenus entre les deux Nottes de chaque Clef; et ces Guidons [signum] [signum] mis à côté des Nottes, signifient que l'on peut exceder [-176-] cette étenduë jusqu'à ce point, mais rarement, étant de la discretion du Compositeur de tenir les voix dans le juste milieu de leur étenduë, parce qu'elles sont presque toûjours forcées dans les extrémitez.

Pour ce qui est des Instrumens, chacun a son étenduë differente; le Violon, par exemple, est borné à une Octave au-dessous de sa Clef, mais il ne l'est pas, pour ainsi dire, au-dessus; bien qu'il ne faille pas y exceder la Notte ou le Guidon, lorsqu'on ne se conduit point sur cet Instrument par sa propre experience. L'étenduë ordinaire des Basses est marquée avec des Nottes, mais il n'y a que la Basse-de-Violle qui puisse aller jusqu'au plus bas Son. Nous passerons sous silence ce qui concerne l'étenduë des autres Instrumens; parce que pouvant faire executer sur le Violon toute sorte de Musique en general, l'on peut par consequent se passer des autres Instrumens, dont les connoissances necessaires aux Compositeurs s'acquierent par le seul recit des personnes qui en possedent la pratique.

De l'Unisson.

[Rameau, Traité de l'Harmonie, 176; text: UNISSONS.] [RAMTRA3 02GF]

On appelle Unissons deux Nottes en même degré, comme qui diroit une même Notte repetée plusieurs fois: Or pour connoître le lieu où les Nottes de chaque Partie doivent être placées, en sorte que les plus aigues soient toûjours au-dessus des plus graves; nous allons mettre une Notte dans chacune de ces Parties sur la Ligne où elles se trouvent toutes à lUnisson.

Comme la diversité des Parties ne consiste que dans la difference des Sons, et non pas dans la quantité, l'on peut dire que toutes ces Parties n'en representent qu'une; de-là vient que l'Unisson est défendu dans la Composition; cependant les Commençans pourront s'en servir au lieu de l'Octave, jusqu'à ce qu'ils soient en état de mieux faire.

De la Mesure.

L'on ne peut gueres donner une Composition plus simple de la Mesure, que sur les mouvemens qui nous sont naturels, lesquels étant réïterez sont toûjours égaux, comme on peut le remarquer en marchant, pourvû qu'on n'altere pas le naturel.

[-177-] Comme la Mesure se distingue en plusieurs Temps, l'on peut prendre chaque pas que l'on fait en marchant, pour un Temps; et de ce que l'on peut marcher plus ou moins vîte, la Mesure peut avoir plus ou moins de vîtesse.

Les Mesures se separent avec des Lignes tirées perpendiculairement, qu'on appelle Barres, ainsi

[Rameau, Traité de l'Harmonie, 177] [RAMTRA3 02GF]

chaque Mesure ne contient que deux, trois ou quatre Temps, et ces Temps, se distinguent ordinairement par un mouvement de la main ou du pied: Le premier se fait sentir en frappant ou en baissant la main, le dernier en la levant, et ceux du milieu en la portant à droite ou à gauche.

Le premier Temps s'appelle Bon ou Principal, et les autres Mauvais, excepté que dans la Mesure à quatre Temps, le premier et le troisiéme Temps sont également Bons.

L'on devroit se servir des nombres pour désigner la quantité des Temps que contient chaque Mesure; Par exemple, 2. seroit le signe de la Mesure à deux Temps; 3. celuy de la Mesure à trois Temps, et 4. celuy de la Mesure à quatre Temps. Cependant il semble que la simplicité de ces signes les ait fait rejetter pour en choisir d'autres tout-à-fait équivoques.

L'on se sert d'un [C on staff5] pour marquer la Mesure à quatre Temps.

D'un [Cdim on staff5] pour la Mesure à deux Temps, et cetera.

Nôtre Art est déja trop abstrait de luy-même, sans vouloir y semer de nouvelles obscuritez: Il est vrai, que comme toutes les Musiques sont remplies de ces signes ambigus, il est bon d'en connoître les proprietez pour en juger, mais non pas pour apprendre; c'est pourquoy nous croyons pouvoir nous dispenser d'en parler, se trouvant assez d'Auteurs féconds en cette matiere:Voyez ce que nous en disons au Second Livre, Chapitre XXIII. Au reste celuy qui sçait mettre en usage la Mesure à deux Temps, acquiert facilement la pratique des autres Mouvemens, qui ne dépendent que du génie et du goût.

Le Signe de la Mesure se place toûjours immediatement après la Clef, excepté qu'il ne se trouve quelques Diezes ou B-mols associez à la Clef, (comme nous le dirons ailleurs) lesquels doivent pour lors précéder ce Signe. De plus, si le Mouvement change au milieu d'un Air, le Signe qui doit marquer ce changement se met au commencement de la Mesure où cela a lieu.

[-178-] Des Figures, du Nom, et de la valeur des Nottes et des Pauses.

[Rameau, Traité de l'Harmonie, 178; text: Ronde. Mesure, Blanche. ou, Demie mesure. Noire. Soupir, ou quart de mesure. Croche. Demi soupir, ou demi quart de mesure. Double croche. Quart de soupir, ou la moitié du demi quart de mesure. Triple croche. Demi quart de soupir, ou le quart du demi quart de mesure. Deux rondes. Deux mesures. Quatre rondes. Quatre mesures. Croches doubles. triples. Croches doubles ou triples croches que l'on peut lier ensemble, plûtôt de les separer comme auparavant.] [RAMTRA3 03GF]

L'on peut lier les Blanches de même que les Croches, et pour lors leur valeur diminuë de la moitié.

Les differentes figures de chaque Nottes sont distinguées par des noms differens, qui sont écrits au-dessus, où l'on doit s'apperçevoir par les noms d'en-bas que la Ronde vaut le double de la Blanche; celle-cy le double de la Noire; celle-cy le double de la Croche, ainsi de suite; ou bien que la triple-Croche vaut la moitié de la double; celle-cy la moitié de la Croche, ainsi de suite en retrogradant; de sorte que l'on peut se servir de deux Blanches, de quatre Noires, de huit Croches, de seize doubles-Croches, ou même de trente-deux triples-Croches aulieu de la Ronde; et de même que celle-cy peut tenir lieu de toutes les autres Nottes, qui ensemble contiennent sa juste valeur, étant indifferent de remplir une Mesure de quelques Nottes que ce soit, et d'y en inserer de plusieurs valeurs differentes, pourvû que le tout accomplisse la valeur de chaque Temps de la Mesure.

Les caracteres qui sont au-dessous des Nottes, et dont le nom est aussi écrit au-dessous, s'appellent en general Pauses, et servent à marquer le repos ou le silence d'une Partie; de sorte que si l'on veut faire cesser une Partie pour quelques temps, ou ne la faire commencer qu'après un demi quart ou un quart de Temps, après une demie Mesure ou une Mesure; en un mot après autant de Temps ou de Mesures que la fantaisie le dicte, il faut se servir de ces Pauses aulieu des Nottes.

[-179-] Chaque Mesure étant séparée d'une Barre, comme nous l'avons remarqué, et le Signe de la Mesure dénotant la quantité des Temps qu'elle doit contenir, l'on remplit chaque Mesure d'autant de Nottes ou de Pauses qu'il est necessaire, pour que l'on puisse y distinguer cette quantité de Temps que le Signe dénote; mais quoiqu'en général la Ronde vaille une Mesure, et la Blanche une demie Mesure; l'on peut néanmoins ne donner à chacune de ces Nottes que la valeur d'un Temps, en observant que les autres Nottes diminuent à proportion de leur valeur; car la Ronde vaut toûjours deux Blanches, quatre Noires, huit Croches, ainsi du reste; et à l'égard des Pauses, elles doivent être toûjours employées pour désigner le silence de la Notte à laquelle elles répondent; excepté que celles qui marquent les Mesures entieres n'ont aucune dépendance, et doivent être employées indifferemment pour des Mesures à deux, à trois et à quatre Temps, de quelques Nottes que chaque Temps soit composé, à l'exception de la Ronde. L'on peut donc se servir de deux Rondes, de deux Blanches, de deux Noires, ou même de deux Croches, pour remplir une Mesure à deux Temps, en supposant que chacune de ces deux Nottes vaut pour lors un Temps. L'on peut aussi se servir de deux, de trois, de quatre, de six, ou même de huit Nottes d'égale valeur pour un seul Temps, et y entre-mêler à discretion des Nottes de toute sorte de valeur, pourvû que ces valeurs égalent celles des Nottes choisies pour composer un Temps; mais il faut remarquer que plus on employe de Nottes pour un Temps, moins elles doivent avoir de valeur; de sorte que la Ronde ne peut valoir moins d'un Temps, ainsi du reste à proportion. EXEMPLE.

[Rameau, Traité de l'Harmonie, 179; text: 1, 2, 3, 4, Une Blanche pour chaque tems. Idem. Une Ronde, ou deux Blanches pour chaque tems. Trois Blanches pour chaque tems.] [cf. Supplément][RAMTRA3 03GF]

[-180-] L'on peut se servir de Noires ou de Croches au lieu de Blanches; et dans la Mesure à trois Temps, l'on peut de plus se servir de doubles-Croches, le tout pour faire distinguer la lenteur et la vitesse du Mouvement, comme nous l'avons expliqué au Second Livre, Chapitre XXIII.

Les chiffres qui sont au-dessus des Nottes, marquent les Temps; 1. signifie le premier Temps, 2. le second, 3. le troisiéme et 4. le quatriéme; de sorte que l'on peut s'appercevoir par-là de la liberté que l'on a de substituer à une des Nottes désignée pour un Temps, telles Pauses et telles autres Nottes que l'on veut, pourvû que la valeur du Temps soit contenue dans ces Pauses et dans ces autres Nottes, pouvant encore commencer et continuer par d'autres Nottes que par celles que l'on a choisi pour chaque Temps, dès que la valeur du Temps y est contenuë.

Du Point, et de la Liaison.

Un Point mis au côté droit d'une Notte, en augmente la valeur de la moitié; ce qui est la même chose que si après une Notte l'on en mettoit une autre sur le même degré, laquelle ne valût que la moitié de la premiere; mais comme cette seconde Notte demanderoit une nouvelle articulation, on se sert du Point en ce cas, ou bien on lie cette seconde Notte avec la premiere, par le moyen d'un demi cercle, dont chaque pointe répond à chacune de ces deux Nottes.

EXEMPLE.

[Rameau, Traité de l'Harmonie, 180; text: Nottes avec un point qui valent autant que les deux nottes liées qui sont au-dessous. Nottes liées qui ne s'articulent que comme une seule.] [RAMTRA3 03GF]

Du Ton, du Semi-Ton, du Dieze, du B-quarre, du B-mol, du Majeur, du Mineur, du Superfluë et du Diminué.

Le plus petit Intervale que nous avons connu au commencement de ce Chapitre sous le nom de Seconde, se distingue en Ton et en semi-Ton , ou demi-Ton. Le semi-Ton se trouve entre Mi et Fa, et entre [-181-] Si et Ut; au lieu que le Ton se trouve entre toutes les autres Nottes de la Gamme, qui forment entre-elles un Intervale de Seconde.

Il faut remarquer à present que quoyque le semi-Ton, dont se forme le plus petit Intervale necessaire à la pratique, ne se rencontre pas entre toutes les Nottes de la Gamme, il peut néanmoins y être employé par le moyen de certains signes, qui étant joints aux Nottes, les augmentent ou les diminuent de ce semi Ton; de même que par ce moyen encore l'on peut faire trouver le Ton entre Mi et Fa, et entre Si et Ut.

Ces Signes s'appellent Dieze, B-quarre, et B-mol.

Le Dieze se marque ainsi [x], le B-quarre ainsi [sqb], le B-mol ainsi [rob]; chacun de ces signes devant être placé au côté gauche de la Notte, comme on le voit dans l'Exemple suivant.

Le [x] augmente d'un semi-Ton la Notte qu'il précede, au lieu que le [rob] la diminuë d'autant; et le [sqb] auquel on donne quelquefois la proprieté du [x], a de plus celle de retrancher le [x] ou le [rob], qui a paru auparavant sur la même Notte, en remettant par consequent cette Notte dans son ordre naturel.

Ces Signes ne changent point le nom des Nottes ausquelles ils sont joints, excepté que pour la facilité des personnes qui apprennent à Entonner, on leur fait appeller Si toutes les Nottes précedées d'un [x], et Fa toutes celles qui sont précedées d'un [rob]; parce que l'on monte et l'on descend diatoniquement après le [x] et le [rob], de même qu'après le Si et le Fa dans la Gamme; mais comme la pratique de l'intonation est moins necessaire au Compositeur que la connoissance de la chose, il ne doit se mettre en peine icy que des Intervales, et de l'alteration qui peut y être causée d'un semi-Ton seulement par le moyen du [x], du [sqb] ou du [rob].

EXEMPLE.

[Rameau, Traité de l'Harmonie, 181; text: La Notte Ut, haussée d'un semi-Ton. La même Notte remise comme elle étoit avant le Dieze. La Notte Si diminuée d'un semi-Ton. La même Notte remise comme elle étoit avant le B-mol.] [RAMTRA3 04GF]

[-182-] AUTRE EXEMPLE.

[Rameau, Traité de l'Harmonie, 182; text: ut, ré, mi, fa, sol, la, si, A. B. C. D.] [RAMTRA3 04GF]

Le mis à côté de la Notte Fa (A) l'augmentant d'un semi-Ton, rend l'Intervale du Mi à ce Fa, égal à celuy de Ré à Mi, c'est-à-dire, qu'il y a un Ton de part et d'autre, et par consequent il n'y a qu'un semi-Ton de ce Fa au Sol; ce qui fait que ces quatre premieres Nottes Ré, Mi , Fa , (A) Sol observent le même ordre entre-elles que Sol, La, Si, (D) Ut dans la Gamme: ensuite le [rob] mis à côté de la Notte Si, (C) la diminuant d'un semi-Ton, fait qu'il y a un Ton d'Ut à ce Si, (C) et un semi-Ton de ce Si à La; de sorte que ces quatre Nottes Ut, Si, La, Sol observent le même ordre entre-elles que Sol, Fa, Mi, Ré dans la Gamme; mais le [sqb] joint au second Fa (B) et au second Si (D) rend à ces Nottes leur ordre naturel.

Les Intervales où la difference du Ton au semi-Ton, se fait sentir (supposé qu'ils ne changent pas de nom pour cela) se distinguant en majeurs et mineurs, ou en superflus et diminuez. Par exemple, la Tierce d'Ut à Mi s'appelle majeure, parce qu'elle contient un semi-Ton de plus que celle de Ré à Fa, qui est par consequent mineure; pareillement la Sixte de Mi à Ut est mineure, parce qu'elle contient un semi-Ton de moins que celle de Fa à Ré; ainsi des autres Intervales qui portent le même nom, et dont la difference ne consiste que dans un semi-Ton de plus ou de moins, lesquels peuvent encore être distinguez en superflus et diminuez; mais nous n'en dirons pas davantage là-dessus, parce que cela se trouvera expliqué plus au long dans la suite.

Pour revenir au [x] et aux [x], il est bon de sçavoir que c'est presque toûjours par leur moyen que la difference du majeur au mineur, ou du superflu au diminué se reconnoît; en ce que dans la comparaison de deux Nottes dont se forme un Intervale; le [x] joint à la Notte d'en bas (F) rend ordinaitement cet Intervale mineur, et joint à la Notte d'enhaut (G) le rend majeur; et qu'au contraire le [rob] joint à la Notte d'enbas (H) rend cet Intervale majeur, et joint à la Notte d'en haut, (J) le rend mineur, le superflu se rapportant au majeur, et le diminué au mineur.

[-183-] EXEMPLE.

[Rameau, Traité de l'Harmonie, 183; text: Dessus ou Nottes d'en-haut. Basse, ou Nottes, d'en-bas. Tierce mineure. Tierce majeure. Sixte majeure. Sixte mineure. Quinte. Fausse Quinte, ou Quinte dinimuée. Quinte superfluë.] [RAMTRA3 04GF]

C'est en comparant la Notte du Dessus avec celle de la Basse qui est vis-à-vis, que l'on trouvera les Intervales majeurs ou mineurs spécifiez dans cet Exemple.

Lorsque le , le [sqb] ou le [rob] se trouvent au-dessus ou au-dessous d'une Notte de la Basse, ils n'alterent aucunement cette Notte, et ils dénottent seulement des Intervales majeurs ou mineurs, dont nous parlerons en leur lieu.

Des Intervales doublez.

De même que l'Octave d'une Notte choisie pour premier degré n'en est que la replique, de même aussi toutes les Nottes qui sont au-dessus de cette Octave, ne sont que les repliques de celles qui se trouvent depuis ce premier degré jusqu'à son Octave; si bien que le nom de la Notte suffit pour déterminer un Intervale, sans se mettre en peine s'il est doublé, triplé et plus. Par exemple, si l'on compte depuis l'Ut qui est au-dessous de la Clef de Fa, jusqu'au Sol qui est au-dessus de la Clef de Sol, l'on y trouvera un Intervale de dix-neuf degrez; mais si l'on sçait une fois que Sol fait la Quinte d'Ut, il n'est plus besoin de compter; et pourvû que ce Sol se trouve au-dessus d'Ut, cela suffit; ainsi des autres Intervales; cet éloignement plus ou moins grand n'étant à considerer, que pour mettre [-184-] chaque Partie au-dessus de la Basse, et dans son étendue naturelle, que nous avons marqué à cet effet où il en a déja été parlé.

EXEMPLE.

[Rameau, Traité de l'Harmonie, 184; text: 8, 5, 3, ut, sol, mi, Basse fondamentale.] [RAMTRA3 05GF]

C'est avec la Partie la plus basse que l'on compare ordinairement les autres, d'où se forment tous les Intervales; de sorte qu'il se trouve icy des Octaves, des Quintes, des Tierces simples, doubles, triples et quadruples, que l'on peut distinguer en quinziémes, vingt-deuxiémes, et cetera mais il suffit que l'Octave soit un Ut, la Quinte un Sol et la Tierce un Mi, le reste pouvant être regardé comme inutile quant à present.

[-185-] CHAPITRE SECOND

De la Basse-fondamentale.

LE grand noeud de la Composition, soit pour l'Harmonie, soit pour la Melodie, consiste principalement et sur tout pour le present, dans la Basse, que nous appellons Fondamentale, et qui doit proceder en ce cas, par des Intervales consonans, qui sont ceux de la Tierce, de la Quarte, de la Quinte, et de la Sixte; si-bien que l'on ne peut faire monter ni descendre chaque Notte de la Basse-fondamentale que par l'un de ces Intervales, en préferant toûjours les plus petits aux plus grands, c'est-à-dire, que si l'on vouloit faire monter ou descendre cette Basse d'une Sixte, il vaudroit mieux la faire descendre ou monter d'une Tierce; car il faut remarquer que monter de Tierce ou descendre de Sixte, c'est la même chose; de même que monter de Sixte ou descendre de Tierce; monter de Quinte ou descendre de Quarte; monter de Quarte ou descendre de Quinte, n'étant necessaire d'avoir ces Intervales presens à l'esprit que d'une maniere, soit en montant, soit en descendant, parce que l'un revient à l'autre.

EXEMPLE.

[Rameau, Traité de l'Harmonie, 185; text: Monter de 3. de 4. de 5. de 6. Descendre de 6.] [RAMTRA3 05GF]

Le nom de la Notte suffisant, (comme il a déja été dit) pour déterminer l'Intervale que l'on s'est proposé, et sçachant que la Tierce d'Ut est un Mi, il n'importe dans la progression de cette Basse que ce Mi soit au-dessus ou au-dessous d'Ut, ainsi des autres. Il faut donc bien se souvenir de cecy; car lorsque nous dirons dans la suite, monter de Tierce, de Quarte, de Quinte, ou de Sixte, nous sous-entendons toûjours descendre de Sixte, de Quinte, de Quarte ou de Tierce; ou bien, si nous disions descendre de Tierce, nous sous-entendrions monter de Sixte, et cetera en remarquant que cela ne regarde que la progression de la Basse.

Nous n'avons pas compris l'Octave dans le nombre des Consonances, dont la progression de la Basse doit être composée; parce que l'Octave n'étant que la replique d'1. il vaut autant que la Basse [-186-] reste sur 1. que de monter ou descendre sur l'Octave; cependant l'on est obligé quelquefois de faire descendre la Basse d'une Octave, pour donner plus de liberté aux autres parties, et sur tout afin qu'elles se trouvent toûjours au-dessus, comme cela se doit.

CHAPITRE TROISIÉME.

De l'Accord parfait, par où commence la Composition à quatre Parties.

ON appelle Accord, la disposition de plusieurs Sons entendus ensemble, dont chacun est marqué par une Notte dans l'une des Parties que l'on se propose.

Le seul Accord dont nous ayons besoin à present, est le Parfait, qui est composé d'une Notte que l'on met à la Basse, de sa Tierce, de sa Quinte et de son Octave, que l'on met dans les autres Parties.

La Gamme que nous avons proposée au Chapitre premier, doit servir à trouver ces Intervales, quelque Notte ou Son que l'on prenne pour Basse, cette Basse pouvant être representée par le nombre 1. ainsi

[Rameau, Traité de l'Harmonie, 186; text: Ut. Mi. Sol. 1. 2. 3. 4. 5. 6. 7. 8. 1. ou 8.] [RAMTRA3 06GF]

nous marquons 1. ou 8. parce que l'Octave est toûjours representée par la même Notte que l'on a choisie pour la Basse, en se souvenant qu'il faut compter en tirant à droite, selon l'ordre des nombres marquez au tour des cercles où la Gamme est contenuë.

On place indifferemment la Tierce, la Quinte ou l'Octave dans quelque Partie que ce soit, pouvant mettre la Tierce au-dessus de la Quinte ou de l'Octave, et la Quinte au-dessus de l'Octave, selon la commodité; pourvû que ces Intervales se trouvent toûjours au-dessus de la Basse, que l'on peut faire descendre aussi bas que l'on veut, afin de n'être point gêné dans les autres Parties. L'on doit cependant observer à mesure que l'on devient sçavant, de tenir chaque Partie dans son étenduë naturelle, faisant ensorte que la Taille s'entende au-dessus de la Basse, la Haute-contre au-dessus de la Fondamentale, et le Dessus au-dessus de la Haute-contre.

CHAPITRE QUATRIÉME.

De la suite des Accords.

SI la Basse doit proceder par des Intervales consonans, les autres Parties doivent proceder au contraire par des Intervales diatoniques; de sorte que dans ces dernieres Parties l'on ne peut [-187-] passer d'une Notte à une autre que par celle qui en est la plus voisine: Par exemple, Ut ne peut aller qu'à Ré ou à Si, s'il ne reste pas sur le même degré, comme cela arrive souvent, ainsi des autres; et voici la maniere dont il faut s'y prendre.

Premier. L'on choisit une Notte que l'on appelle Tonique, par laquelle la Basse doit commencer et finir, cette Notte déterminant la progression de toutes celles qui sont contenues dans l'étendue de son Octave: Si nous prenons donc la Notte Ut pour tonique, nous ne pourrons nous servir tant à la Basse qu'aux autres Parties, que des Nottes Ut, Ré, Mi, Fa, Sol, La, Si, sans qu'il soit permis de les alterer par aucun Dieze ni B-mol.

Cette Notte Ut étant placée à la Basse, on en dispose l'Accord parfait dans les autres Parties, en remarquant celle qui fait l'Octave de cet Ut celle qui en fait la Quinte, et celle qui en fait la Tierce.

Deuxiéme. Si après cet Ut la Basse monte de Tierce A. ou de Quarte B. la Partie, comme par exemple, la Taille qui aura fait l'Octave dUt, qui est la Basse, doit faire ensuite la Quinte de la Notte, qui dans cette Basse monte de Tierce ou de Quarte après Ut.

La Haute-contre qui aura fait la Tierce de cet Ut, doit faire ensuite l'Octave de la Notte qui monte de Tierce ou de Quarte.

Et le Dessus qui aura fait la Quinte de cet Ut, doit faire ensuite la Tierce de la Notte qui monte de Tierce ou de Quarte.

Troisiéme. Si après cet Ut la Basse monte de Quinte C. ou de Sixte D. la Taille qui aura fait l'Octave doit faire ensuite la Tierce; la Haute-contre qui aura fait la Tierce doit faire ensuite la Quinte; et le le Dessus qui aura fait la Quinte doit faire l'Octave.

Quatriéme. Et finalement, celuy qui ne voudra pas assujettir sa memoire à retenir la détermination de la progression de chaque Partie superieure par rapport à celle de la Basse, n'aura qu'à se souvenir que chacune de ces Parties ne peut former l'un des trois Intervales qui composent l'Accord parfait, que de trois manieres, soit en restant sur la même Notte ou sur le même degré, soit en montant ou en descendant diatoniquement, quelque route que tienne la Basse; de sorte que si une Notte de l'une des Parties peut faire la Tierce, la Quinte ou l'Octave sans changer sa situation, elle doit rester absolument; mais si de cette façon il ne peut s'y trouver aucun de ces Intervales, on le trouvera immanquablement en faisant monter ou descendre diatoniquement cette Notte.

S'il arrivoit par hazard que deux Parties se rencontrassent sur une même Notte, et que par là il manquât un Intervale dans l'Accord parfait, cela proviendroit de ce que l'une de ces deux Parties peut former l'un des trois Intervales de cet Accord parfait, tant [-188-] en montant qu'en descendant; de sorte que l'ayant fait monter, il faudra la faire descendre, ou l'ayant fait descendre il faudra la faire monter; ce qui est naturel à la Partie qui fait la Quinte d'une Notte de la Basse suivie d'une autre, en remontant de Quarte, avec laquelle Notte montée cette Partie peut faire l'Octave en descendant et la Tierce en montant, où pour lors cette Partie doit monter: cela est encore naturel à la Partie qui fait l'Octave d'une Notte de la Basse suivie d'une autre en montant de Quinte, et cette Partie doit descendre en ce cas sur la troisiéme Notte, qui monte de Quinte dans la Basse.

EXEMPLES.

[Rameau, Traité de l'Harmonie, 188; text: A, B, C, D, E, F, G, H, J, L, 1, 3, 5, 8, Dessus, Haute-Contre. Taille, Basse-Fond. monter de 3 ou descendre de 6. monter de 6. ou descendre de 3. monter de 4 ou descendre de 5. monter de 5. ou descendre de 4.] [RAMTRA3 06GF]

Les progressions de ces parties superieures sont d'autant moins [-189-] difficiles à retenir, que l'on n'y trouve en tout que 8 5, et 8 3 E F; 3 8, et 3 5, G H; 5 3, et 5 8, J L: Lorsque la Basse monte de 3 A, ou de 4 B, l'on trouve que 8 conduit à 5, E; 5 à 3, J; et 3 à 8. G: et lorsque la Basse monte de 5, C, ou de 6, D, l'on trouve que 8 conduit à 3, F, 3 à 5, H, et 5 à 8, L; de sorte que quelque route que tienne la Basse, l'on connoît par le premier Intervale que forme l'une des Parties avec cette Basse, soit la 3, la 5 ou l'8, celuy qu'elle doit former avec la Notte qui suit dans cette Basse; et ainsi de suite jusqu'à la fin, en faisant la même chose de chaque Partie en particulier, lorsqu'on n'a pas l'esprit assez present pour pouvoir les placer toutes ensemble au-dessus de chaque Notte de la Basse.

L'on remarquera sur tout que la 3, la 5, et l'8 soient toûjours contenuës dans les trois Parties superieures, étant indifferent de donner la 3, la 5 ou l'8 à quelque Partie que ce soit, pour ce qui regarde la premiere Notte de la Basse; mais dans une suite d'Accords, on ne peut se dispenser de suivre l'ordre prescrit à chaque Partie qui aura fait la Tierce, la Quinte ou l'Octave. L'on voit même dans l'Exemple, que cet ordre prescrit ne se rencontre pas seulement entre la premiere et la seconde Notte de chaque Mesure, mais encore entre la seconde Notte d'une Mesure et la premiere de la Mesure suivante; si-bien que par tout où la progression de la Basse est pareille, celles des autres Parties y a un même rapport: donc l'Intervale marqué par un A entre les deux Nottes de la premiere Mesure, et entre les deux dernieres Nottes de l'Exemple étant le même, la progression des parties superieures doit y être la même; ainsi des autres Intervales de la Basse marquez par un B, par un C et par un D, tant au-dessus qu'au-dessous de la Basse. Au reste, il ne faut pas s'attacher à trouver cette uniformité dans une même Partie superieure, parce que la suite des Accords l'oblige à faire tantôt la Tierce, tantôt la Quinte, et cetera mais on trouvera par tout que la Partie qui aura fait la Tierce, la Quinte ou l'Octave, suivra toûjours la progression qui luy est déterminée par celle de la Basse.

Il faut conclure de-là, qu'après avoir déterminé les Accords des Parties par rapport à la progression des deux premieres Nottes de la Basse, il faut encore en déterminer la suite sur celle de la seconde Notte de cette Basse à la troisiéme; de celle-cy à la quatriéme; de celle-cy à la cinquiéme, et ainsi jusqu'à la fin, chaque Notte de la Basse formant toûjours l'un des Intervales consonans prescrit à sa progression avec celle qui la suit ou qui la précéde; et chaque Intervale de cette Basse déterminant la progression des Parties.

Nous avons mis le nombre 1. au-dessous ou au-dessus de chaque [-190-] Notte de la Basse, pour faire remarquer que l'on ne trouve dans chaque Accord que 1. 3. 5. 8.

L'on peut composer à present une Basse de telle maniere que l'on jugera à propos, en la faisant neanmoins commencer et finir par la Notte Ut, étant libre d'ailleurs de la faire proceder par tous les Intervales consonans que l'on pourra s'imaginer, sans alterer la situation des sept Nottes Ut, Ré, Mi, Fa, Sol, La, Si par aucun Dieze ni B-mol, pourvû que l'on évite de faire rencontrer la Notte Si dans la Basse seulement, comme nous avons eu soin de le faire dans nos Exemples; et après avoir disposé le premier Accord parfait dans chaque partie, il n'y aura qu'à donner à chacune de celles qui auront fait la Tierce, la Quinte ou l'Octave, la progression qui luy sera déterminée par celle de la Basse.

EXEMPLE.

[Rameau, Traité de l'Harmonie, 190; text: 3. 4. 5. 6. 8, Dessus. Haute-Contre. Taille. Monter de, Basse Fondamentale.] [RAMTRA3 07GF]

Il faut se servir toûjours d'une Mesure à deux Temps dans les commencemens, et l'on peut y employer une Blanche ou une Noire pour chaque Temps, de même que nous y avons mis une Ronde.

[-191-] Souvenez-vous que monter de Sixte ou descendre de Tierce, c'est la même chose, de même que monter de Quarte ou descendre de Quinte.

L'on voit que la disposition de cette Basse ne dépend que de la fantaisie et du goût; l'on peut cependant l'assujettir à celle-cy dans les commencemens, pour voir si les Parties que l'on mettra au-dessus seront conformes aux nôtres, après quoy l'on pourra composer d'autres Basses à son gré, en remarquant que la Notte de la Basse par laquelle on finit, doit être toûjours précédée d'une autre qui soit une Quarte au-dessous ou une Quinte au-dessus, c'est-à-dire, que la Notte Ut doit être précédée de la Notte Sol quand il s'agit de finir.

CHAPITRE CINQUIÉME.

De quelques Regles qu'il faut observer

Premier. IL ne faut jamais faire deux Octaves ni deux Quintes de suite, ce qui se connoît facilement par la suite des chiffres, où il ne doit jamais se rencontrer deux Octaves, ainsi 8 8, ni deux 5, ainsi 5 5 dans une même partie, cette faute pouvant s'éviter à present, comme on le remarque, sans qu'on soit obligé d'y faire attention. On peut cependant pratiquer l'un et l'autre dans les Pieces à quatre parties, pourvû que la progression des deux parties qui feront les deux Octaves ou les deux Quintes, soit renversée, c'est-à-dire, que si l'une monte en pareil cas, l'autre doit descendre.

Exemples de deux Octaves, et de deux Quintes renversées.

[Rameau, Traité de l'Harmonie, 191; text: 8. 5.] [RAMTRA3 07GF]

Deuxiéme. Il faut éviter de faire monter une partie de la Tierce mineure à l'Octave, ce qu'on n'a pû appercevoir dans les Exemples précédens, n'ayant pas encore été question du majeur ni du mineur; mais la Dissonance dont nous allons parler, nous fera observer cette Regle, sans qu'il soit encore besoin d'y faire attention.

[-192-] CHAPITRE SIXIÉME.

De l'Accord de la Septiéme.

ARTICLE PREMIER.

SUpposé que l'on soit parvenu à une connoissance suffisante des Intervales consonans, dont l'Accord parfait et la progression de la Basse sont composez, il faut examiner à present le rapport que les Intervales ont ensemble; et sans faire attention à l'Octave, que l'on peut regarder comme une replique de la Basse representée par le nombre 1, l'on remarquera que l'Accord parfait est composé de trois Sons differens, dont la distance du premier au second est égale à celle du second au troisiéme, comme on le voit dans ces trois nombres 1 3 5, une Tierce d'1 à 3, et une autre de 3 à 5: Or pour avoir l'Accord de la Septiéme, il n'y a qu'à ajoûter à celuy-cy un autre Son dans la même proportion, ainsi 1 3 5 7 se trouvant encore une Tierce de 5 à 7 et ce dernier Accord n'étant different du parfait que dans la Septiéme qu'on y ajoûte.

Cet Intervale ajoûté à l'Accord parfait étant dissonant, l'Accord où il a lieu est aussi appellé dissonant. On peut y joindre l'Octave, comme nous l'avons fait à l'Accord parfait, soit pour composer à cinq Parties, soit pour faciliter la progression diatonique aux parties superieures, où l'on remarquera que cette Octave prend souvent la place de la Quinte; ce qui est indifferent, n'y ayant pour cela qu'à laisser suivre aux parties leur cours naturel, qui est de proceder toûjours diatoniquement, soit que l'Octave ou la Quinte se rencontrent dans cet Accord de Septiéme: pour ce qui est de la Tierce, on ne peut guéres la separer de cet Accord.

On ne pourra faire à present cet Accord de Septiéme que sur les Nottes de la Basse, qui seront précédées et suivies d'une Quarte en montant, ou d'une Quinte en descendant.

L'Intervale dissonant de cet Accord, qui est la Septiéme, doit être preparée et sauvée par un Intervale consonant, c'est-à-dire, qu'il faut que la Notte qui fait la Septiéme contre la Basse, soit précédée et suivie d'une Tierce. La Tierce qui précéde ou qui prepare cette Septiéme, doit se trouver sur le même degré ou sur la même ligne de la Septiéme qui la suit; et la Tierce qui suit ou qui sauve cette Septiéme, doit toûjours se trouver en descendant diatoniquement après cette Septiéme.

[-193-] Il faut faire ensorte que la premiere Septiéme soit entenduë dans le premier Temps d'une Mesure, et par consequent preparée dans le second Temps de la Mesure précédente, en se souvenant qu'on appelle premiere Septiéme, celle qui n'a pas été immédiatement précédée d'une autre. D'abord que l'on aura fait une Septiéme sur une Notte de la Basse, qui aura été précédée d'un Intervale de Quarte en montant, ou de Quinte en descendant; il faut que la Basse procede toûjours par de pareils Intervales jusqu'à la Notte tonique, qui est à present celle d'Ut, en donnant un Accord de Septiéme à chaque Notte, excepté à celles d'Ut et de Fa. On excepte la Notte Ut, parce que la Notte tonique ne peut subsister comme telle qu'avec l'Accord parfait; et l'on excepte la Notte Fa, parce que nous étant défendu de faire rencontrer dans la Basse la Notte Si, cette Notte Fa portant un Accord de Septiéme, seroit obligée de monter de Quarte, ou de descendre de Quinte sur cette Notte Si. La Notte Mi doit en être exceptée encore, puisqu'on ne pourroit luy donner un Accord de Septiéme, sans être précédée de la Notte Si, par rapport à la progression limitée à la Basse dans cet Accord; de sorte qu'on ne pourra pratiquer à present cet Accord de Septiéme que sur les Nottes La, Ré et Sol.

EXEMPLE.

[Rameau, Traité de l'Harmonie, 193; text: 3. 4. 5. 6. 7, 8, Dessus. Haute-Contre. Taille. Monter de, Basse Fondamentale.] [cf. Supplément][RAMTRA3 07GF]

[-194-] Dans les parties superieures l'on trouve toûjours la Septiéme entre deux 3, ainsi 3 7 3; et la premiere Septiéme est toûjours préparée dans le second temps ou par la seconde Notte d'une Mesure C.

L'obligation où l'on se trouve de faire descendre la Septiéme sur la Tierce pour la sauver, dérange la progression de la Partie, qui, comme nous avons dit, doit monter de la Quinte à la Tierce, lorsque la Basse monte de Quarte; mais comme cette Partie peut descendre aussi sur l'Octave, il faut absolument luy donner cette progression, lorsque la Septiéme s'y rencontre; parce que celle-cy doit descendre d'obligation sur la Tierce; ne pouvant donc changer la progression de la Septiéme, il faut changer celle de la Quinte A, suivant ce que nous avons dit cy-devant, que l'on étoit obligé de faire entrer quelquefois l'Octave au lieu de la Quinte dans l'Accord de la Septiéme, par rapport à la progression diatonique des parties superieures; et au Chapitre IV. que lorsque deux Parties se rencontroient sur une même Notte, il falloit changer celle de la partie qui peut former l'un des trois Intervales de l'Accord, soit en montant, soit en descendant.

Cette même Partie qui a fait la Quinte, peut faire encore une autre Quinte, pourvû qu'en cet endroit sa progression et celle de la Basse soient renversées, comme il a été dit au Chapitre précédent; ce qui se fait pour rendre les Accords plus complets, ou pour remettre les parties dans leur portée naturelle, ou encore par rapport au beau-Chant. Voyez le Guidon B. qui marque l'Octave que nous avons évitée dans cet endroit, parce qu'elle se trouve dans une autre partie L. quoique cela dépende du bon goût du Compopositeur lorsqu'il se laisse conduire par le Chant, plûtôt que par l'Harmonie.

ARTICLE SECOND.

La Septiéme qui est la premiere, et pour ainsi dire, le principe de toutes les Dissonances, peut être préparée et sauvée de toutes les consonances; mais comme les differentes manieres de la sauver dérivent de la précédente, nous n'en parlerons pas encore; nous dirons seulement qu'elle peut être préparée encore par la Quinte et par l'Octave; de sorte que la Basse doit descendre pour lors de Tierce, pour faire entendre la Septiéme préparée par la Quinte, et monter diatoniquement, pour faire entendre cette Septiéme préparée par l'Octave, en remarquant que toutes les Parties superieures descendent lorsque cette Basse monte diatoniquement, excepté la partie qui fait la Septiéme, et qui reste sur le même degré, comme cela se doit, pour descendre ensuite sur la Tierce.

[-195-] La Septiéme peut être encore préparée de la Sixte; mais il n'est pas temps d'en parler, parce qu'il ne s'agit icy que de l'Harmonie fondamentale, qui, comme l'on voit, n'est composée que de la Basse, de sa Tierce, de sa Quinte et de sa Septiéme, ainsi 1. 3. 5. 7.

Remarquez que la progression que nous avons prescrite à la Basse pour les Accords de Septiéme, Article premier, ne peut changer qu'à l'égard de la premiere Septiéme, et que ce n'est qu'en ce cas que cette Septiéme peut être préparée de l'Octave ou de la Quinte; car après la premiere Septiéme, on trouvera toûjours cette Septiéme entre deux 3. et de quelque maniere qu'elle soit préparée, elle sera toûjours sauvée de la Tierce.

EXEMPLE.

[Rameau, Traité de l'Harmonie, 195; text: 2. 3. 4. 5. 6. 7, 8, Dessus. Haute-Contre. Taille. Monter de, Basse Fondamentale. A] [RAMTRA3 08GF]

Tournez pour la suite de cet Exemple.

[-196-] SUITE DE L'EXEMPLE PRÉCEDENT.

[Rameau, Traité de l'Harmonie, 196; text: 2. 3. 4. 5. 6. 7, 8, Monter de, B. C, D.] [RAMTRA3 08GF]

L'on voit que l'on peut faire à present des Septiémes sur les quatre Nottes Mi, La, Ré et Sol, par la liberté que l'on a de faire descendre la Basse de Tierce, pour preparer la Septiéme par la Quinte, ou de la faire monter d'une Seconde, pour préparer la Septiéme par l'Octave. Nous trouvons icy deux Parties qui montent ensemble d'une Octave (C), ce qui peut se faire pour remettre les parties dans leur portée naturelle, pourvû que ces parties entre-elles ne fassent pas entendre deux Quintes ni deux Octaves consecutives; car ce que nous avons dit d'une partie par rapport à la Basse, doit s'entendre aussi de deux parties prises à part, n'en ayant pas fait mention, parce que leur disposition présente, nous dispense de faire cette attention.

Si deux Parties peuvent monter d'une Octave, à plus forte raison une seule partie peut le faire, comme on le voit à la Basse (J) au lieu de rester sur le même degré; cependant une partie superieure ne pourroit pas en faire autant dans un endroit où la dissonance se trouveroit preparée, et elle doit rester, en ce cas, sur le même degré.

[-197-] Il ne faut pas faire encore attention au Dieze que nous avons mis au Fa, n'étant pas necessaire que les Commençans se servent de Diezes ni de B-mols qu'ils n'en sçachent davantage.

Si la Basse excéde son étenduë, et si la Taille se trouve au-dessus de la Haute-Contre, c'est parce que nous n'avons pas voulu déranger l'ordre diatonique des parties superieures, auquel nous devons nous assujettir, principalement icy.

Nous n'avons plus rien à dire qui ne dépende de ces premiers Principes; plus on les possedera, moins on aura de difficulté à entendre le reste.

CHAPITRE SEPTIÉME.

Remarques sur la Dissonance.

BIen loin que la Dissonance doive embarrasser dans la Composition, elle en facilite au contraire les voyes, puisque dans toutes les progressions d'une Basse, qui monte d'une Seconde, d'une Quarte ou d'une Sixte, on trouvera toûjours dans une Partie superieure une Notte, qui ayant fait un Intervale consonant avec la premiere Notte de la Basse, pourra sans changer, faire la Septiéme de la seconde Notte de cette Basse; ce qu'il faut pratiquer autant que l'on peut, parce que l'on évite souvent par ce moyen la faute de monter de la Tierce mineure sur l'Octave, et par renversement, comme nous le verrons ailleurs, de la Sixte mineure sur l'Octave. Il faut remarquer cependant que la Notte de la Basse sur laquelle on voudra faire cette Septiéme, soit suivie d'une autre Notte qui puisse sauver de sa Tierce cette Septiéme; sinon, l'on y fera l'Accord parfait.

EXEMPLE.

[Rameau, Traité de l'Harmonie, 197; text: A. B. C. D.] [RAMTRA3 09GF]

Je ne puis faire une Septiéme sur la Notte (B), quoiqu'elle soit préparée par la Quinte de la Notte (A), parce qu'elle ne peut être sauvée par la Tierce de la Notte (C); mais en mettant la Notte (D) au lieu de la Notte (C), je puis fort bien faire entendre la Septiéme sur la Notte (B), puisqu'elle se sauve naturelle ment sur la Tierce de la Notte (D), ainsi du reste, en se souvenant toûjours qu'une Notte tonique ne peut porter comme telle, un Accord de Septiéme, et que nous ne parlons icy que de l'Harmonie fondamentale.

[-198-] CHAPITRE HUITIÉME.

Du Ton, et du Mode.

IL vous souviendra que nous avons appellé Notte tonique, celle par où la Basse commence et finit; et que nous avons dit qu'elle déterminoit la progression des autres Nottes comprises dans l'étenduë de son Octave; par consequent si nous prenons la Notte Ut pour tonique, nous ne pouvons alterer la situation des Nottes Ut, Ré, Mi, Fa, Sol, La et Si par aucun Dieze ni B-mol, sans détruire nôtre proposition; car c'est ainsi que la Gamme nous les représente dans l'étenduë de l'Octave d'Ut; d'où nous conclurons que le mot de Ton, qui s'approprie ordinairement à un Intervale comme à celuy de la Tierce, doit s'approprier principalement icy à une Notte, que l'on choisit pour composer une Piece de Musique sur un certain Ton, qui est déterminé par le nom de cette Notte, que l'on appelle pour ce sujet Notte tonique; cette Notte ayant le privilege de déterminer tous les Intervales diatoniques, ou tous les Tons et semi-Tons qui doivent se rencontrer entre les Nottes consecutives depuis cette Notte tonique jusqu'à son Octave, ce qui s'appelle Moduler: Or voicy la difference qu'il y a du Mode au Ton.

Le Mode consiste dans la Tierce de la Notte que l'on prend pour tonique; et cette Tierce ne pouvant être que majeure ou mineure, aussi le Mode ne peut se distinguer que de ces deux sortes; c'est pour cette raison que l'on renferme ordinairement le mot de Mode dans celuy de Ton, en disant simplement Ton majeur ou Ton mineur.

Si nous donnons la Tierce majeure à la Notte Ut, nous disons que nous sommes dans le Ton d'Ut majeur, au lieu de dire, dans le Ton d'Ut, Mode majeur; et pareillement si nous luy donnons la Tierce mineure, nous disons que nous sommes dans le Ton d'Ut mineur, toute la Modulation consistant dans ces deux genres majeur et mineur, qui dépendent uniquement de la Tierce que l'on donne à la Notte prise pour tonique. La Notte Ut nous representant dans l'étenduë de son Octave tous les Tons majeurs que l'on peut pratiquer; et la difference du majeur au mineur étant fort petite, nous ne nous attacherons à la faire, que lorsque nous possederons parfaitement le majeur.

Pour que la connoissance du Ton d'Ut puisse servir à celle de tous les autres Tons, nous n'en parlerons plus avec le nom des Nottes qui sont comprises dans l'étenduë de son Octave, mais [-199-] avec des noms particuliers à chaque Notte d'un Ton: Par exemple, quand nous disons la Notte tonique, cela doit s'entendre de toutes sortes de Nottes; car Ré, Mi, Fa, Sol, et cetera peuvent être Nottes toniques, aussi-bien qu'Ut: mais quand on a supposé une fois qu'une telle Notte est tonique, on ne peut plus parler des autres que par rapport à elle; ainsi la seconde Notte, la troisiéme, la quatriéme, la cinquiéme, et cetera ne seront telles, que par rapport à la comparaison que l'on en sera avec la Notte tonique supposée, qui est toûjours regardée comme la premiere; par conséquent dans le Ton d'Ut, la seconde Notte est Ré, la troisiéme Mi, la quatriéme Fa, et cetera.

Nom des Nottes de chaque Ton dans celuy d'Ut.

Ut. Octave.

Si. Notte sensible.

La. Sixiéme Notte.

Sol. Dominante tonique.

Fa. Quatriéme Notte.

Mi. Mediante.

Ré. Seconde Notte.

Ut. Notte tonique.

L'on remarquera icy trois Nottes, qui outre la tonique, ont chacune un nom propre; l'une s'appelle Mediante, la seconde Dominante et la troisiéme Notte sensible; les deux premieres sont celles qui composent l'Accord parfait de la Notte tonique, et ont avec cela des proprietez qui les font distinguer des autres.

La Mediante s'appelle ainsi, parce qu'elle divise la Notte tonique et sa Dominante en deux Tierces; et par consequent se trouve au milieu; c'est elle encore qui décide du Mode; quand elle est majeure, le Mode est majeur; quand elle est mineure, le Mode est mineur, parce qu'elle est cette Tierce à qui nous avons donné cette proprieté.

La Dominante tonique s'appelle ainsi, parce que dans toutes les finales elle précéde toûjours immédiatement la Notte tonique, comme on a pû le remarquer dans les Exemples précédens, où Sol qui est dominante d'Ut, a précedé cet Ut par tout où il s'est fait entendre, et sur tout à la fin.

La Notte sensible s'appelle ainsi, parce qu'elle ne se fait jamais entendre dans une Partie quelconque, que la Notte tonique ne la suive immédiatement; c'est pourquoy l'on peut dire qu'elle fait sentir le Ton dans lequel on est: Ainsi dans le Ton d'Ut, la Mediante [-200-] est MI, la Dominante SOL, et la Notte sensible SI; cette Mediante, cette Dominante, et cette Notte sensible formant toûjours dans chaque Ton le même Intervale à l'égard de la Notte tonique, que Mi, Sol et Si le forment à l'égard d'Ut; cecy ne souffrant d'exceptions, que dans la Mediante des Tons mineurs, qui y est formée de la Tierce mineure; au lieu qu'elle l'est icy de la Tierce majeure.

CHAPITRE NEUVIÉME.

De la maniere de Moduler harmoniquement, lorsqu'on donne à la Basse une progression diatonique.

COmme nous prenons l'Octave d'Ut pour modele, il sera facile d'y reconnoître les Intervales que l'on peut distinguer en majeur et en mineur, qui sont les Tierces et les Sixtes, Mi formant la Tierce majeur d'Ut, et cetera n'y ayant qu'à consulter pour cela le dénombrement que nous en faisons au Quatriéme Livre Chapitre II.

L'on peut regarder comme Nottes toniques, toutes celles qui portent des Accords parfaits, et comme Dominantes toutes celles qui portent des Accords de Septiéme; avec la difference que l'on est obligé de distinguer la Dominante tonique de celles qu'on appelle simplement Dominantes, en ce que la Tierce de la dominante tonique doit être toûjours majeure, au lieu que celles des autres dominantes est souvent mineure. N'y ayant point d'autre Notte tonique dans le Ton d'Ut, que cet Ut même; l'on ne peut donc donner un Accord parfait qu'à cet Ut.

N'y ayant point d'autre Dominante tonique dans ce même Ton, que Sol, l'on ne peut par consequent donner l'Accord de Septiéme avec la Tierce majeure qu'à ce Sol.

Ces deux Accords, le Parfait et celuy de la Septiéme, sont, pour ainsi dire, les seuls qu'il y ait dans toute l'Harmonie; car tout autre Accord est composé de ces deux premiers: Ceux-cy sont affectez seulement à une progression de la Basse, telle que nous l'avons dit jusqu'à present; et si nous allons changer cette progression, nous ne changerons pas pour cela ces Accords, nous n'en changerons seulement que la disposition, en mettant une Octave plus haut ou plus bas l'un des Sons dont ils sont composez; ce qui nous oblige à leur donner de nouveaux noms, pour les distinguer de ceux dont ils dérivent.

[-201-] Dénombrement des Accords consonans dérivez du Parfait.

Il faut se souvenir que le nombre 1. represente toûjours la Basse, et que les autres nombres nous marquent la distance qu'il y a d'un Son ou d'une Notte à cette Basse; que les nombres 8. 10. 12. et cetera ne sont que la replique d'1. 3. 5. et cetera puisque si 8. est la replique d'1. par la même raison 10. et 12. seront la replique de 3. et de 5.

Il faut se souvenir encore que tous nombres pourront se reduire à de moindre nombres, dont les Intervales seront égaux de part et d'autres. Par exemple, 4. 5. 6. peuvent se reduire à 12. 3. parce qu'il n'y a pas plus loin de 4. à 5. que d'1. à 2. Ainsi les nombres 6. 8. 10. 12. pourront se reduire à 1. 3. 5. 7. parce qu'il n'y a pas plus loin de 6. à 8. que d'1. à 3. ainsi des autres, étant necessaire de reduire à l'unité le premier des nombres qui nous marquent chaque Accord, parce que cette unité nous represente toûjours la Basse de l'Accord parfait, et de celuy de la Septiéme, dont dérivent tous les Consonans et Dissonans.

Nous ne faisons point mention de l'8. dans les Accords, parce qu'elle est toûjours la replique de la Basse. 1.

[Rameau, Traité de l'Harmonie, 201; text: Ut Mi Sol. Chiffres que l'on met au-dessus ou au-dessous des Nottes d'une Basse, pour marquer tous les Sons dont un Accord est composé. L'Accord parfait est composé de 1. 3. 5. Cet Accord se fait toûjours sur la Notte tonique et quelquefois sur la Dominante. Accords dérivez du Parfait par renversement. 6. L'Accord de 6. est composé de 1. 3. 6. renversé de 6. 8. 10. Cet Accord se fait toûjous sur la Mediante. L'Accord de 6-4. est composé de 1. 4. 6. renversé de 4. 6. 8. Cet Accord ne se fait que sur la Dominante, mais plus rament que le Parfait et celuy de la Septiéme.] [RAMTRA3 09GF]

[-202-] Dénombrement des Accords dissonans, dérivez de celuy de la Septiéme.

[Rameau, Traité de l'Harmonie, 202; text: 7. L'Accord de la Septiéme d'une Dominante tonique est composé de 1. 3. 5. 7. Accords dérivez par renversement. Si, Ré, Fa, Sol. [5/] L'Accord de la fausse-Quinte est composé de 1. 3. 5b. 6. renversé de 6. 8. 10, 12. Cet Accord ne se fait jamais que sur la Notte sensible. 6 [x] Celuy de la petite Sixte est composé de 1. 3. 4. 6. renversé de, Cet Accord se fait ordinairement sur la seconde Notte du Ton. 4 [x] Celuy du Triton est composé de 1, 2. 4[x] 6. renversé de, Cet Accord ne se fait que sur la quatriéme Notte, 2.] [RAMTRA3 09GF]

Il faut remarquer d'abord que la Notte tonique ne prête son Accord parfait qu'à sa Mediante et à sa Dominante; sa Mediante se porte sous le nom de Sixte, et sa Dominante sous celuy de Sixte-quarte; ainsi lorsque dans un Ton quelconque l'on sçait distinguer la Mediante et la Dominante, l'on sçait en même-temps de quels Accords il faut se servir avec elles, quoique l'Accord parfait convienne mieux à la Dominante tonique, que celuy de la Sixte-quarte; et même celuy de la Septiéme semble n'être affecté qu'à elle seule, sur tout lorsqu'elle précéde immédiatement la Notte tonique. Mais que la difference de l'Accord parfait à celuy de la Septiéme ne vous occupe point, puisque ce dernier ne consiste que dans un Son ajoûté à l'Accord parfait, que le Compositeur est libre de retrancher; de sorte que par tout où l'Accord de la Septiéme devoit avoir lieu, on peut n'y faire entendre que le parfait. Cependant comme il est bon de sçavoir ce que l'on fait, il ne faut rien retrancher sans le connoître, ni sans sçavoir pourquoy; d'autant plus que cet Accord de Septiéme est l'origine de tous les dissonans; la connoissance de sa progression, c'est-à-dire, de l'Accord qui doit le suivre, n'étant [-203-] pas moins necessaire que celle de sa construction, c'est-à-dire, des Sons ou des Nottes dont il est composé, puisque c'est sur sa construction et sa progression que se reglent tous les autres Accords dissonants.

Si nous avons dit que la Dominante ne portoit un Accord de Septiéme que lorsqu'elle précédoit la Notte tonique, cela doit s'entendre aussi des Nottes qui composent l'Accord parfait de cette Notte tonique, c'est-à-dire, de la Mediante et de cette Dominante même, lorsque ces deux Nottes portent les Accords dérivez du parfait, qui leur sont naturels, la Dominante pouvant porter l'Accord de Sixte-quarte, après celuy de la Septiéme, lorsque sa valeur le permet, le tout au gré du Compositeur; et de même que les dérivez de la Notte tonique ont le privilege d'être précédez comme elle, de même aussi les dérivez de la Dominante tonique ne peuvent paroître comme tels, s'ils ne précédent pas immédiatement cette Notte tonique, ou ses dérivez; de sorte qu'il ne faut pas seulement considerer un Accord dans sa construction, ni dans sa progression naturelle, mais encore dans la differente disposition que l'on peut donner aux Nottes qui le composent, en mettant au Dessus, celles qui se trouvent à la Basse; ou dans la Basse, celles qui se trouvent au Dessus; ce qui nous oblige de donner differens noms à un même Accord, selon sa differente disposition, pour que l'on reconnoisse en même temps par ces noms, les Nottes qui doivent pour-lors occuper la Basse; ainsi après avoir reconnu que la Mediante et la Dominante, qui composent l'Accord parfait de la Notte tonique, peuvent la représenter, en portant un Accord dérivé de ce parfait, lorsqu'elles se trouvent à la Basse, il faut faire la même attention sur les Nottes qui composent l'Accord de la Septiéme, de la Dominante tonique, qui ne peuvent se trouver immédiatement avant la Notte tonique ou ses dérivez, qu'elles ne portent l'Accord dérivé de celuy de la Septiéme, affecté en pareil cas à la Dominante tonique; par consequent il faut se souvenir que si dans le Ton d'Ut, l'une des Nottes Sol, Si, Ré ou Fa, précédent immédiatememt dans la Basse celle d'Ut ou de Mi (laissant icy celle de Sol, parce qu'elle est nôtre premier objet dans l'Accord de la Septiéme, Sol, Si, Ré, Fa) les trois autres doivent l'accompagner.

Remarquez que nous avons dit que la Dominante pouvoit porter l'Accord parfait aussi-bien que celuy de la Septiéme, et que d'ailleurs l'Accord parfait subsiste toûjours dans celuy de la Septiéme; par consequent l'Accord de la Septiéme doit être précédé de même que le parfait; ce qui nous oblige d'attribuer une Dominante à toutes les Nottes qui portent des Accords de Septiéme; et sçachant qu'une Dominante doit être toûjours une Quinte au-dessus ou une Quarte [-204-] au-dessous de la Notte qu'elle domine, il n'est pas difficile de comprendre icy que la Notte Sol ne peut avoir pour Dominante que la Notte Ré; sçachant encore qu'une Notte n'est appellée Dominante, qu'en ce qu'elle en précéde une autre, qui est une Quarte au-dessus, ou une Quinte au-dessous, elle ne peut porter pour lors que l'Accord de la Septiéme; ainsi en suivant la même disposition que celle que nous avons donnée à l'Accord de la Septiéme de la Notte Sol, nous trouverons celuy de la Notte Ré entre ces Nottes Ré, Fa, La, Ut; d'où nous conclurons que cette Notte Ré, ou celles qui sont comprises dans son Accord, ne pourront se rencontrer dans la Basse immédiatement avant la Notte Sol, sans que leur Accord puisse être composé d'autres Nottes que de celles-cy Ré, Fa, La, Ut; de même que les Nottes Sol, Si, Ré, Fa doivent composer l'Accord de l'une d'elles, lorsque la Notte Ut les suit; toute la Progression harmonique des Dissonances n'étant composée que d'un enchaînement de Dominantes, qui n'est pas difficile à comprendre dans son fondement, comme les Exemples de la Septiéme peuvent nous le prouver, mais c'est dans le rapport qu'il faut faire de ce fondement aux differentes progressions qui naissent de la liberté que nous avons de nous servir indifferemment de l'une des Nottes comprises dans les Accords fondamentaux, qui sont le Parfait et celuy de la Septiéme; c'est dans ce rapport, dis-je, que toute nôtre attention suffit à peine. Cependant en renfermant cette attention dans l'étenduë d'une Octave seulement, l'on voit qu'il n'est besoin que de sçavoir la maniere dont l'Accord consonant doit être précédé, puisque nous faisons sentir que le Dissonant n'est pas précédé differemment; et voicy comme il faut raisonner, sans se servir du nom des Nottes, mais seulement de celuy de l'Intervale que chacune de ces Nottes forme avec la Tonique, pour que ce raisonnement puisse servir pour tous les Tons en general; car lorsqu'il ne sera plus question que de sçavoir distinguer cette Notte tonique, l'on sera bien-tôt au-dessus de toutes les difficultez.

La Notte tonique porte toûjours l'Accord parfait; sa Mediante porte toûjours celuy de la Sixte, et sa Dominante porte toûjours le Parfait, lorsqu'elle ne précéde pas, immédiatement cette Notte tonique, si-non, il faut ajoûter la Septiéme Fa à son Accord parfait Sol, Si, Ré.

La Seconde Notte, qui dans une progression diatonique se trouve toûjours entre la Notte tonique et sa Mediante, ne peut porter, en ce cas, que l'Accord de la petite Sixte, Ré, Fa, Sol, Si.

La Notte sensible, qui en montant précéde la Notte tonique, doit porter l'Accord de la fausse-Quinte, Si, Ré, Fa, Sol; mais lorsqu'en descendant elle précéde une Notte qui n'a point lieu dans [-205-] l'Accord de la Notte tonique, elle est pour lors regardée comme Mediante de la Dominante; car elle en est la Tierce, et doit porter, en ce cas, l'Accord de Sixte, Si, Ré, Sol renversé du Parfait Sol, Si, Ré.

La quatriéme Notte, qui en montant précéde la Dominante, doit porter un Accord pareil à celuy de la Notte sensible, lorsque celle-cy précéde la Notte tonique en montant, puisque la Notte tonique et sa Dominante doivent être précédées également; Ainsi, de même que la Notte sensible a porté, en ce cas, l'Accord dérivé de la Dominante tonique, la quatriéme Notte portera également un Accord dérivé de celuy que doit porter la Notte qui domine cette Dominante; de sorte que si Sol domine Ut; Ré par la même raison, dominera Sol, et comme dans le Ton d'Ut, Fa est cette quatriéme Notte proposée, elle portera l'Accord de la grande Sixte, Fa, La, Ut, Ré, dérivé de celuy de la Septiéme, Ré, Fa, La, Ut.

Que le nom de grande Sixte ne vous étonne pas, il ne differe de celuy de la fausse-Quinte, qu'en ce que la Quinte est juste d'un côté et fausse de l'autre; ce qui provient des differens genres de la Tierce, qui est majeure entre Sol et Si, et mineure entre Ré et Fa; car vous pouvez remarquer qu'au reste, la disposition de ces deux Accords est la même, et qu'ils se font également sur la Tierce de la Notte fondamentale, où se fait l'Accord de la Septiéme. Nous dirons ailleurs la raison pour laquelle cette distinction se fait dans les Accords dérivez, et non pas dans les fondamentaux.

Cette quatriéme Notte, qui en descendant précéde la Mediante, doit porter l'Accord du Triton Fa, Sol, Si, Ré.

La sixiéme Notte, qui de côté et d'autre précéde la Dominante et sa Mediante, doit porter l'Accord de petite Sixte, La, Ut, Ré, Fa renversé, ou dérivé de celuy de la Septiéme de Ré qui domine Sol; de même que la seconde Notte porte un pareil Accord, en précédant la Notte tonique ou sa Mediante.

L'on peut confronter ce détail avec le dénombrement des Accords, dont la conformité nous donnera une idée plus distincte du tout, en remarquant que l'on peut regarder toûjours la Dominante comme Notte tonique, parce que ces deux Nottes sont également précédées des mêmes Accords, ce qui fixe l'objet; après quoy l'on remarquera dans une progression diatonique, les Nottes qui dérivent des Accords affectez à cette Notte tonique et à sa Dominante, et les Nottes qui les suivent; parce qu'une même Notte pouvant se rencontrer dans deux Accords fondamentaux differens, l'on détermine l'Accord qu'elle doit porter sur la Notte qui la suit, ayant toûjours égard aux trois ou quatre Nottes qui composent l'Accord Parfait ou celuy de la Septiéme, et dont la Notte de la Basse doit être accompagnée dans les Parties superieures.

[-206-] CHAPITRE DIXIÉME.

De la Basse-Continuë.

IL ne faut point confondre la progression diatonique d'une Basse dont nous parlons à present, avec la progression consonante, dont nous avons donné des Exemples sur l'Accord parfait et sur celuy de la Septiéme; ces deux Accords sont les fondamentaux; pour preuve de cela, nous mettrons dans la suite au-dessous de nos Exemples cette Basse, que nous appellons Fondamentale, dont les Nottes ne porteront que des Accords parfaits ou de Septiéme, pendant que celles de la Basse ordinaire, que nous appellerons Continuë, portera des Accords de toute espece; le tout formant ensemble une Harmonie parfaite: Ainsi cette Basse-fondamentale servira de preuve à tous nos Ouvrages, où l'on verra que les differens Accords qui seront employez, ne proviendront que d'une progression opposée à celle de cette Basse-fondamentale, selon ce que nous venons d'expliquer, quoyque les Accords comparez à l'une ou à l'autre Basse soient toûjours les mêmes dans le fond, leur difference ne provenant que de la liberté que l'on a de mettre dans la Basse l'une des Nottes, dont les Accords fondamentaux sont formez; mais toutes les Nottes de l'Accord, prises ensemble seront toûjours les mêmes, et la progression qui leur sera déterminée dans les Accords fondamentaux, ne changera pas pour cela.

CHAPITRE ONZIÉME.

De la Progression de la Basse, qui détermine en même temps celle des Accords; Et comment on peut rapporter un Accord dérivé, à son fondement.

ON ne limite point la Progression des Nottes d'une Basse, qui portent des Accords consonans, telles sont la Notte tonique, sa Mediante et sa Dominante, pourvû que cette progression ne soit pas étrangere au Ton que l'on traite; mais comme il ne s'agit encore que d'un Ton, l'on ne peut se tromper, en ne se servant que des Nottes Ut, Ré, Mi, Fa, Sol, La, Si.

La progression des Nottes d'une Basse, qui portent des Accords [-207-] dissonans, est limitée; telles sont la Dominante lorsqu'elle porte l'Accord de la Septiéme, et tous ses dérivez, ou plûtôt telles sont celles qui ne portent ni l'Accord parfait, ni l'un de ses dérivez; parce que si-tôt qu'une Notte porte un Accord dissonant, il est certain qu'elle en domine une autre; et si ce Dissonant n'est pas celuy de la Septiéme, il est certain qu'il en provient; ce sera donc en le rapportant à son fondement, que l'on reconnoîtra indubitablement l'Accord qui doit le suivre, quelque Notte qui se trouve dans la Basse.

Pour rapporter un Accord dissonant à son fondement, il faut remarquer qu'il s'y trouve toujours deux Nottes ou deux nombres qui se joignent, comme [Fa/3 Sol/4; Ut/5 Ré/6], et cetera ce qui se rencontre également dans la Septiéme, en portant la Notte de la Basse à son Octave plus haut, ainsi [Fa/7 Sol/8]; comme aussi dans la Seconde [Ut/1 Ré/2]: cela étant, l'on prend la plus haute des deux Nottes, ou le plus grand des deux nombres, pour le mettre à la Basse-fondamentale, et l'on trouve que la Notte la plus basse, ou que le plus petit nombre, fait toûjours la Septiéme de l'autre, en réduisant ainsi ces Accords dérivez à leur division fondamentale, 1. 3. 5. 7. comme il est précisément marqué dans le Dénombrement, page 202. de sorte que si la Notte Sol se trouve à la Basse après cette réduction, il sera certain que la Notte Ut devra suivre; et si cette Notte Ut ne se trouve point dans la Basse, il s'y trouvera certainement l'une de celles qui composent son Accord parfait ou celuy de la Septiéme, supposé qu'on soit dans un autre Ton: Pareillement si la Notte Ré se trouve dans la Basse-fondamentale, la Notte Sol ou ses dérivez suivront, ainsi des autres; en remarquant qu'après un Accord de Septiéme, la Basse-fondamentale doit toûjours descendre de Quinte.

Il faudroit absolument changer une Basse, dont la suite ne seroit pas conforme à celle que nous venons de luy déterminer; ce qui est neanmoins facile à observer, tant par les Accords affectez à chaque Notte d'un Ton, selon sa differente progression, que par la preuve que l'on peut en faire d'abord avec la Basse-fondamentale, qui ne peut porter qu'un Accord parfait ou un de Septiéme la Notte qui porte le dernier Accord devant toûjours descendre ensuite de Quinte. Ce que nous disons d'une Basse composée, doit s'entendre aussi de la maniere dont il faut la composer; et si cette Regle souffre quelques exceptions, comme dans les Cadences rompuës ou irregulieres, et cetera il ne faut pas y songer encore.

Avant que de donner un Exemple de ce que nous venons de dire, il faut se mettre dans l'esprit que l'Accord des Nottes, qu'une progression naturelle conduit à celle qui doivent porter un Accord parfait, [-208-] se rapporte toûjours à celuy qui suit, et non pas à celuy qui précéde, et que cette progression se fait ordinairement de la Notte tonique à sa Dominante, ou de celle-cy à l'autre, prenant toûjours la dominante pour Notte tonique, comme nous l'avons dit plusieurs fois; de sorte que dans une progression diatonique, sçachant les Accords qui vous conduisent à l'une de ces Nottes, vous sçavez ceux qui vous conduisent à l'autre; De-là vient que nous donnons pour Regle generale.

Premier. Que toute Notte qui précéde en montant d'un Ton, ou d'un semi-Ton, celle où se fait l'Accord parfait, doit porter l'Accord de la grande Sixte ou de la fausse-Quinte.

EXEMPLE.

[Rameau, Traité de l'Harmonie, 208; text: Grande Sixte. Accord parfait. Fausse Quinte. Quatriéme Notte. Dominante. Notte sensible. Notte tonique. 5, 6] [RAMTRA3 10GF]

Remarquez que la difference de ces deux Accords ne consiste que dans la Basse; car que l'on monte d'un Ton ou d'un semi-Ton sur la Notte qui porte l'Accord parfait, l'Accord des Parties superieures est toûjours le même, le Compositeur étant libre de faire proceder sa Basse, par ce Ton, ou par ce semi-Ton, quand il seroit même dans un Ton où le semi-Ton ne conviendroit pas; en ce que la Dominante pouvant être prise, pour Notte tonique, on peut la prévenir de tous les Sons qui précédent naturellement une Notte tonique, en ajoûtant, comme l'on voit, un Dieze à la quatriéme Notte, laquelle devient pour lors Notte sensible; et c'est par cette progression du Ton ou du semi-Ton en montant sur la Notte, qui doit porter l'Accord parfait, que l'on distingue une Dominante d'une Notte tonique. La Basse monte toûjours d'un Ton sur la Dominante, et d'un semi-Ton sur la Notte tonique; et supposé que par cette progression du semi-Ton, l'on donne à une Dominante tous les attributs d'une Notte tonique, l'on peut neanmoins [-209-] continuer après cette Dominante, qui nous paroît, en ce cas, Notte tonique, le Ton par où l'on a commencé; parce qu'après un Accord parfait, l'on est libre de passer où l'on veut.

Deuxiéme. Toute Notte qui précéde en descendant celles où se fait l'Accord parfait, doit porter un Accord de petite Sixte.

EXEMPLE.

[Rameau, Traité de l'Harmonie, 209,1; text: 6, Seconde Notte. Notte tonique. Sixiéme Notte. Dominante. A] [RAMTRA3 10GF]

Les Guidons signifient que l'on peut faire passer la Basse sur la Mediante de chacune de ces Nottes qui portent un Accord parfait, sans changer le fond des Accords; ainsi ces Mediantes portent l'Accord de Sixte en pareil cas.

L'on ne peut faire icy la difference d'une seconde Notte, ni d'une Notte tonique à une sixiéme Notte, ni à une Dominante, parce que l'Accord parfait que portent la Tonique et la Dominante, veut être précédé de même, et ne nous permet pas de les distinguer alors dans le Ton majeur; car dans le Ton mineur, la sixiéme Notte qui descend sur la Dominante n'est qu'un semi-Ton plus haut, au lieu que la seconde Notte est toûjours un Ton au-dessus de la Tonique: De plus, la Dominante porte toûjours la Tierce majeure, au lieu que la Tonique doit avoir la Tierce mineure dans le Ton mineur; mais si l'on ne peut distinguer une Dominante dans le Ton majeure, cela ne doit pas embarrasser, parce qu'il n'y a qu'à la traiter, en ce cas, comme Tonique, en conformant à son Ton les Accords des Nottes qui la précédent, et il est facile de juger par la suite si elle est veritablement Tonique ou Dominante.

EXEMPLE.

[Rameau, Traité de l'Harmonie, 209,2; text: A. B. C. D. F. G.] [RAMTRA3 10GF]

La progression de la premiere Notte à la Notte (A) ne nous permet [-210-] pas de connoître si la Notte (A) est Tonique ou Dominante; ce qui n'importe, parce que les Accords fixez à l'une de ces progressions sont les mêmes dans l'autre; mais l'on voit que celle (d'A) à (B) conduit à une Notte tonique; donc (A) est la Dominante. Si la progression de (B) à (C) nous laisse encore dans l'incertitude, la Notte (D) qui suit, nous fait connoître que (C) est Dominante, de même que (F) nous fait encore remarquer cette dominante à (G); parce que dans tous les Tons, la Notte qui est immédiatement au-dessous de la Tonique n'en est éloignée que d'un semi-Ton, au lieu qu'il doit se trouver toûjours un Ton entre la Dominante et celle qui est immédiatement au-dessous.

Si dans le Ton mineur la Notte qui est au-dessous de la Tonique en est éloignée d'un Ton, lorsqu'on descend de la Notte tonique à la Dominante, ou du moins à la sixiéme Notte; la Tierce mineure que doit porter, en ce cas la Tonique, nous la fait distinguer d'abord, parce que la Dominante doit avoir toûjours la Tierce majeure.

Troisiéme. Toute Notte qui se trouve une Tierce au-dessus ou au-dessous de la Tonique ou de la Dominante, doit porter l'Accord de Sixte, lorsque la progression de la Basse conduit à l'une de ces deux Nottes.

EXEMPLE.

[Rameau, Traité de l'Harmonie, 210; text: 5, 6, A, B, C, D, F, G, J, L] [RAMTRA3 10GF]

La progression de la Basse qui conduit aux Nottes (B) (D) (G) et (L) où doit se faire l'Accord parfait, nous oblige de donner celuy de la Sixte aux Nottes (A) (C) (F) et (J)

Quatriéme. La Mediante representant toûjours la Notte tonique, en ce que l'Accord de Sixte que cette Mediante doit porter naturellement, n'est autre que le parfait de la Tonique; il faut donner l'Accord du Tri-Ton à la quatriéme Notte lorsqu'elle descend sur cette Mediante, quoique l'on puisse luy donner aussi celuy de la grande-Sixte, mais nous en parlerons ailleurs.

[-211-] EXEMPLE.

[Rameau, Traité de l'Harmonie, 211; text: 4, 5, 6, A, B, (A) quatriéme Notte qui descend sur la Mediante (B.)] [RAMTRA3 11GF]

Nous pouvons tirer des consequences très-utiles de ces cinq derniers Exemples, par la remarque que l'on doit faire de la differente disposition des Sons dont un Accord fondamental est composé, selon la differente progression de la Basse; car si la quatriéme Notte porte l'Accord de la grande Sixte en montant sur la Dominante; si elle porte celuy du Tri-Ton en descendant sur la Mediante, qui represente la Tonique; si la Notte sensible porte celuy de la fausse-Quinte en montant sur la Tonique; et si la seconde et la sixiéme Notte porte celuy de la petite Sixte en descendant sur la Tonique ou sur la Dominante, l'on voit que ces Accords dérivent de celuy de la Septiéme des Nottes qui dominent, en ce cas, celles qui suivent; ce qui va s'éclaircir par une Basse fondamentale, que nous mettrons au-dessous d'un Exemple general de tout ce qui vient d'être dit, où l'on remarquera que la Notte sensible n'est telle, qu'en montant sur la Notte tonique; car si elle descend, elle ne doit plus être regardée que comme Mediante de la Dominante, celle-cy pouvant être prise, en ce cas, pour Notte tonique, afin de ne pas se tromper.

[-212-] Exemple général de l'Octave, tant en montant qu'en descendant.

[Rameau, Traité de l'Harmonie, 212; text: A. B, C, D. F, H, J, K, L. M, N, O, R, U, X, Y. Z, 5, 6, 7, Basse-Continue. Basse-Fondamentale.] [RAMTRA3 11GF]

Comme la Basse-fondamentale n'est mise au-dessous des autres Parties, que pour prouver que toute leur Harmonie est renfermée dans l'Accord parfait et dans celuy de la Septiéme, sans s'écarter de la progression naturelle à cette Basse, il ne faut point examiner si les Regles sont observées dans la rigueur entre les Parties et cette Basse-fondamentale, mais seulement si l'on y trouve d'autres Accords que ceux qui sont chiffrez sur chaque Basse; car la suite des Sons ne se rapporte qu'à la Basse-Continuë, puisqu'il s'agit à present d'une progression diatonique dans la Basse.

Premier. Après avoir remarqué dans la Basse-Continuë la même suite d'Accords qui se trouvent d'J à L, et de B à M, en montant à la Dominante ou à la Notte tonique, avec celle qui se trouve d'N à K, et d'O à U, en descendant sur la Dominante ou sur la Notte tonique; Vous devez juger de-là que tout se rapporte à l'une de ces deux Nottes, qui sont les seules qui puissent porter naturellement l'Accord parfait dans un Ton quelconque, en se souvenant que les [-213-] Nottes qui se trouvent une Tierce au-dessus, sont regardées comme leur Mediante, lorsque la Basse descend de celles-cy aux premieres, quoique la Mediante tonique soit toûjours telle, quelque route qu'elle tienne: Puis vous dites, cet Accord parfait ne peut être précédé d'un Dissonant, sinon, de celuy qui le domine; ainsi vous voyez que les Accords de petite et de grande Sixte, de fausse-Quinte et de Tri-Ton, ne sont autres que ceux de la Septiéme des Nottes situées dans la Basse-fondamentale qui dominent naturellement celles qui les suivent. La petite Sixte de la seconde Notte; La fausse-Quinte de la sensible, et le Tri-Ton de la quatriéme Notte dérivent de l'Accord de la Septiéme de la Dominante tonique D, après laquelle suit immédiatement la Notte tonique; La grande Sixte de la quatriéme Notte, avec la petite Sixte de la sixieme Notte, dérivent encore de l'Accord de la Septiéme de la seconde Notte A et C, qui domine, en ce cas, la Dominante tonique, dont elle est suivie immédiatement après; et l'Accord de Sixte que porte la Mediante, la sixiéme Notte, et la sensible ne leur est approprié, comme l'on voit, que parce que ces Nottes se trouvent une Tierce au-dessus ou au-dessous de la Tonique et de la Dominante, où la progression de la Basse nous conduit immédiatement après.

Deuxiéme. Il semble que la sixiéme Notte B devroit porter l'Accord de la petite Sixte, conformément à celuy de la Septiéme que porte la Notte B qui est dans la Basse-fondamentale; mais nous en retranchons l'un des Sons qui fait la dissonance, pour plusieurs raisons: La premiere, parce que cela est indifferent; La seconde, parce que la Notte qui suit dans la Basse étant la sensible, et formant par consequent la dissonance majeure (comme nous le verrons dans la suite) toute dissonance n'aimant point à être doublée, l'on ne pourroit donner l'Accord de la petite Sixte à la sixiéme Notte en pareil cas, sans faire descendre la Tierce de cette sixiéme Notte sur la même dissonance majeure; et la derniere raison est, que nôtre regle de faire l'Accord de la Sixte sur toutes les Nottes qui précédent celles qui se trouvent une Tierce plus haut ou plus bas, portant l'Accord parfait, y subsiste toûjours.

Troisiéme. Si la quatriéme Notte R, ne se trouvoit point dans la Basse-Continuë, et qu'il y eût en sa place la seconde Notte A ou C, ou la sixiéme Notte T, immédiatement avant la Dominante L ou K, il faudroit ajoûter un Dieze à cette quatriéme Notte, comme nous l'avons fait à S; parce que toute Notte où se fait l'Accord parfait aime à être précédée de sa Notte sensible, à l'exception des Tons mineurs, où la sixiéme Notte ne descend jamais que d'un semi-Ton sur la Dominante, et où la Notte sensible de cette Dominante ne peut être pour lors entenduë, quelque Notte qui précéde cette Dominante dans [-214-] la Basse; car si elle étoit précédée de sa Notte sensible, elle seroit Notte tonique, et le veritable Ton que l'on traiteroit pour lors, ne pourroit se distinguer que par les Nottes qui suivroient cette Domiminante; ce qui se découvre dans nôtre Exemple, où la Dominante peut être prise pour Notte tonique, ne paroissant pour ce qu'elle est que dans la Notte qui la suit; donc l'Accord du Tri-Ton dérive de celuy de la Septiéme de cette même Dominante, qui se trouve au-dessous dans la Basse-fondamentale à D.

Quatriéme. La progression diatonique de la Basse-Continuë dérange celle des Parties à (F), à (G) et à (H); ce qui ne peut se faire autrement, soit pour éviter les deux Octaves ou Quintes consecutives, soit pour remettre une Partie dans sa portée naturelle et au-dessus de la Basse, soit pour faire entendre tous les Sons dont un Accord est composé.

Si les Parties superieures doivent suivre une Progression diatonique, ce n'est qu'autant que la Basse en suit une Consonante; et si celle-cy prend le change, les autres peuvent faire de même; d'ailleurs il est souvent bon de déranger l'ordre diatonique d'une Partie quelconque, pour en diversifier le Chant; l'on pourroit même changer l'ordre et la progression des Parties qui sont au-dessus de la Basse-Continuë, sans tomber dans aucune faute; mais cela ne doit pas nous occuper encore.

Cinquiéme. Il se trouve dans nôtre Exemple plusieurs Septiémes sans être préparées, ce qui contredit nôtre premiere Regle; mais ce n'est pas icy le lieu d'en parler; attachons-nous seulement à suivre la progression déterminée aux Accords, selon l'ordre de cette Octave; et nous verrons dans la suite qu'après l'Accord consonant, il est libre de passer où l'on veut, en observant les regles de la Modulation.

Sixiéme. L'on trovera icy nôtre remarque du Livre précédent, où nous disons, que s'il est permis de faire monter la Basse-fondamentale d'un Ton ou d'un semi-Ton, la progression d'une Tierce et d'une Quarte y est toûjours sous-entenduë, comme cela se voit entre les Nottes (Z), (Y) et (A) où la Notte (Y) est ajoûtée; la Septiéme se trouvant préparée par la Quinte de la Notte (Z), et la Tierce préparant la Septiéme de la Notte (A), ce qui ne change point le fond des Accords; et l'on y voit de plus, que la Notte (Y) retranche le Ton ou la Seconde qui se trouve entre les Nottes (Z) et (A) est formée des mêmes Nottes qui composent la Septiéme entre (A) et (X.)

[-215-] CHAPITRE DOUZIÉME.

Suite des Regles tirées de l'Exemple précédent.

SOuvenez-vous que lorsqu'une Notte de la Basse doit porter l'Accord de la Septiéme, l'on peut toûjours en retrancher celle qui fait la Septiéme, excepté qu'elle ne se trouve préparée par une Consonance dans l'Accord précédent; quoique, si cette consonance est majeure, comme la Tierce et la Sixte peuvent l'être, il vaut mieux faire monter d'un semi-Ton cette Tierce ou cette Sixte; mais si la Notte de la Basse ne porte qu'un Accord dérivé de celuy de la Septiéme, vous pouvez retrancher de cet Accord l'un des deux Sons qui forment la dissonance, l'un de ces deux Sons étant facile à reconnoître, lorsqu'on remarque qu'ils se joignent toûjours, selon ce qui en a été dit au Chapitre XI.

L'on peut faire repeter dans la Basse une même Notte autant de fois que le bon goût le permet, en luy donnant le même Accord ou en luy en donnant de differens, à mesure que nous connoîtrons comment cela peut se faire.

L'on peut encore passer d'une Notte à une autre, dont l'Accord ne differe que par le nom, pouvant passer de l'Accord de la Septiéme à celuy de la fausse-Quinte, sur la Notte qui fait la Tierce de celle où l'on a entendu cette Septiéme; et sur celle qui en fait la Quinte, l'on peut faire l'Accord de la petite Sixte, de même que l'on peut faire l'Accord du Tri-Ton sur celle qui en fait la Septiéme; parce que tous ces Accords ne sont dans le fond qu'un même, ainsi des autres en pareil cas. Voyez l'Exemple qui suit.

[Rameau, Traité de l'Harmonie, 215; text: A, B, C, D, F, J, 4, 5, 6, 7, Idem.] [RAMTRA3 11GF]

Les Nottes qui se trouvent une Tierce au-dessus de celles qui immédiatement après, portent l'Accord parfait ou celuy de la Septiéme, doivent porter ordinairement un Accord dérivé de celuy qui suit, comme l'on voit à (A) que l'Accord de Sixte dérive du Parfait qui suit, et à (B) que l'Accord de la grande Sixte ou de la fausse-Quinte dérivent de celuy de la Septiéme qui suit.

Lorsque les Nottes d'une Basse changent de situation, sans que pour cela la substance de l'Accord change, l'on peut ne rien changer [-216-] dans les Parties, à l'égard des Accords consonans; mais à l'égard des Dissonans, il faut faire ensorte que les quatre Sons differens dont ils sont composez, puissent être toûjours entendus; ce qui peut se faire en ajoûtant l'Octave de la Notte que l'on quitte (D), lorsqu'elle n'a point eu lieu dans l'Accord de cette même Notte qui a précédé dans la Basse-fondamentale, ou en quittant l'Octave de la Notte présente J, pour mettre à sa place l'Octave de la Notte que l'on quitte C.

CHAPITRE TREIZÉME,

De la Cadence parfaite.

ON appelle Cadence parfaite, toutes les conclusions de Chant qui se font sur une Notte tonique précédée de sa Dominante; cette Notte tonique doit être toûjours entenduë dans le premier Temps de la Mesure, pour que la conclusion puisse se faire sentir, et sa Dominante qui la précéde en ce cas, doit porter toûjours l'Accord de la Septiéme, ou au moins le Parfait, parce que la Septiéme peut y être sous-entenduë. Voyez l'Exemple suivant.

[Rameau, Traité de l'Harmonie, 216; text: Fausse-Quinte. Quatriéme Notte. Dissonance mineure. Notte sensible. Dissonance majeure. Basse-Continuë. Basse-Fondamentale. Mediante. Notte tonique. 4, 6, 7] [RAMTRA3 12GF]

C'est par le moyen de cette Cadence parfaite que nous pouvons juger des Nottes d'une Basse, qui doivent porter des Accords parfaits; parce que par tout où nous sentons que le Chant se repose, il est certain que c'est-là où l'Accord parfait doit être entendu; et ce repos ne se fait pas sentir seulement dans la progression la plus naturelle à cette cadence, mais encore dans celles qui sont formées des Sons qui luy servent d'accompagnement, dont vous voyez la disposition cy à côté. Ayant chiffré chaque Partie selon l'Accord qu'elle devroit porter, si elle se remontoit à la Basse, en se souvenant que l'Accord parfait peut se faire entendre après la grande Sixte, de même qu'après la fausse-Quinte; qu'ainsi lorsque l'on ne s'écarte pas du Ton que l'on traite, il n'y a que la Notte Tonique et sa Dominante sur qui le Chant puisse se reposer; ce qui fixe l'objet, de maniere que quelque progression que l'on donne à une Basse-Continuë, l'on sent et l'on sçait en même temps les Nottes sur lesquelles le Chant peut se reposer, et les Accords qui doivent précéder ce repos, selon les differentes progressions de cette Basse, comme cela est marqué dans chaque Partie; car quelque Partie que l'on choisisse pour Basse, les autres luy serviront toûjours d'accompagnement en pareil cas.

[-217-] Pour en donner encore une idée plus distincte, nous allons voir la force que la Notte sensible a dans cette occasion; comment nous distinguons par son moyen les Dissonances, et l'obligation où elle nous met dans l'ordre des Accords.

CHAPITRE QUATORZIÉME.

De la Notte sensible, et de la maniere dont se sauvent toutes les Dissonances.

SI-tôt que la Notte sensible paroît dans un Accord dissonant, il est certain qu'elle détermine une conclusion de Chant, et que par consequent elle doit être suivie de l'Accord parfait de la Notte tonique, sur elle ou sur ses dérivez; au lieu que si cette Notte sensible n'a point lieu dans un Accord dissonant, la conclusion n'est point déterminée, et cet Accord dissonant doit être suivi d'un autre Dissonant, et ainsi par enchaînement, jusqu'à ce que l'on y entende cette Notte sensible, qui détermine pour lors la conclusion, ou au moins une imitation de cette conclusion; comme par exemple, lorsqu'on tombe sur la Mediante au lieu de la Notte tonique. Les Exemples précédens de la Septiéme, nous prouvent ce que nous avançons-icy, puisqu'après le premier Accord de Septiéme, il en suit toûjours un autre, jusqu'à la Dominante tonique, où cette Notte sensible se fait entendre.

Souvenez-vous que contre la regle que nous venons de poser, l'Accord parfait de la Dominante peut suivre celuy de la grande Sixte d'une quatriéme Notte, quoique la Notte sensible n'ait point lieu dans ce dernier Accord, qui est cependant dissonant.

Pour reconnoître à present une Notte sensible dans un Accord dissonant, il faut qu'il s'y trouve absolument un Intervale de fausse-Quinte ou de Tri-Ton, soit entre les Parties, soit entre une Partie et la Basse; et il faut même que ces Intervales soient formez de la Tierce majeure et de la Septiéme de la Notte fondamentale d'un Accord de Septiéme, cette Notte étant toûjours la Dominante tonique; sinon, la Regle seroit fausse. Ainsi dans le Ton d'Ut cette fausse-Quinte ou ce Tri-Ton se trouveront entre les Nottes Si et Fa, selon leur differente disposition, l'une formant la Tierce majeure, et l'autre la Septiéme de Sol, Dominante tonique.

[-218-] EXEMPLE.

[Rameau, Traité de l'Harmonie, 218; text: Notte sensible. Tri-Ton. Fausse-Quinte.] [RAMTRA3 12GF]

Nous venons de voir la même chose dans l'Exemple de la Cadence parfaite; de sorte que quelque partie de cette Cadence que l'on prenne pour Basse, les autres devant en former l'Accord, l'un de ces deux Intervales s'y rencontrera toûjours, parce que leur difference ne provient que de la differente situation des deux Nottes qui composent l'un et l'autre Intervale.

Les Guidons [signum] mis à la suite de ces Intervales, font voir leur progression naturelle, comme elle est marquée par les Nottes de l'Exemple de la Cadence parfaite, d'où nous devons tirer une Regle certaine pour la progression de toutes les Dissonances; ce qu'on appelle Sauver.

De même que nous distinguons la Tierce en majeure et en mineure, de même aussi distinguons-nous toutes les dissonances en majeure et en mineure.

Toutes les Dissonances majeures, sont celles qui sont formées de la Notte sensible; et de même que celle-cy doit monter naturellement d'un semi-Ton sur la Notte tonique, comme on vient de le voir dans les Exemples, toutes les Dissonances majeures doivent en faire autant.

Pour reconnoître une Dissonance majeure, si l'on sçait le Ton dans lequel on est, on remarquera que toutes les fois que la Notte qui est un semi-Ton au-dessous de la Tonique se rencontrera dans un Accord dissonant, elle sera elle-même cette Dissonance majeure; sinon, en rapportant un Accord à son fondement, on trouvera qu'elle sera toûjours formée de la Tierce majeure d'une Dominante tonique, portant un Accord de Septiéme: Ainsi la Tierce majeure d'une Dominante tonique, qui porte un Accord Septéme, peut être regardée comme Dissonance majeure; par consequent la Notte sensible sur laquelle on fait toûjours l'Accord de la fausse-Quinte, la Sixte majeure de la seconde Notte du Ton et le Tri-Ton de la quatriéme Notte du Ton, sont aussi ces Dissonances majeures.

Toutes les Dissonantes mineures sont celles qui sont formées de la Notte qui fait la Septiéme contre la Basse-fondamentale; Et ces [-219-] Dissonances doivent être sauvées en descendant diatoniquement, telles sont la Septiéme et la fausse-Quinte.

Lorsque vous ne trouverez point de Dissonance majeure dans un Accord dissonant, il est certain que la seule Dissonance mineure y aura lieu; mais celle-cy se rencontre toûjours avec la majeure; ce qui ne détruit point la progression qui leur est déterminée.

C'est ainsi que l'on est instruit tout d'un coup des differentes manieres de sauver les Dissonances, qui ne consistent pas dans leur differente progression, mais seulement dans celle de la Basse, où il est permis de passer sur chacune des Nottes de l'Accord qui doit être entendu naturellement; ce qui se connoît toûjours en rapportant tous les Accords à leur fondement.

CHAPITRE QUINZIÉME.

De la Onziéme dite Quarte.

LA Cadence parfaite est ordinairement précédée d'un Accord dissonant, qu'on a appellé jusqu'à present Quarte * [* Voyez le Second Livre, Chapitre XI. in marg.], mais que l'on devroit plûtôt appeller Onziéme: cet Accord ne differe dans cette occasion du Parfait, qu'en ce qu'on y fait entendre la Quarte au lieu de la Tierce; aussi ne se fait-il que sur les Nottes qui doivent porter naturellement un Accord parfait ou de Septiéme, de l'un desquels il est toûjours suivi sur la même Notte où il a été entendu; la dissonance que la Quarte y forme étant sauvée par ce moyen, en descendant diatoniquement sur la Tierce dont elle a occupé la place; ainsi elle doit être admise au nombre des Dissonances mineures, étant formée, comme les autres, de la Septiéme du Son fondamental; mais nous n'en donnerons l'explication que lorsque nous parlerons des Dissonances par supposition. Voicy seulement un Exemple de toutes les manieres dont elle se prépare et dont elle se sauve.

[-220-] EXEMPLE.

[Rameau, Traité de l'Harmonie, 220; text: La Onziéme ou la Quarte préparée. par la 3. 4. 5. 6. 7. l'8. Basse.] [RAMTRA3 13GF]

La Onziéme, que nous chiffrons cependant d'un 4. pour suivre l'habitude, se prépare, comme l'on voit, de toutes les Consonances, et même encore de la fausse-Quinte et de la Septiéme; ce que l'on peut remarquer à toutes les deux Nottes qui sont liées par un demi cercle [CB] étant toûjours préparée dans le dernier Temps de la Mesure, et entenduë dans le premier Temps suivant.

Il faut bien s'attacher dans le Ton d'Ut à connoître toutes ces differentes préparations, qui ne proviennent que des differentes progressions de la Basse; parce que c'est la même chose dans tous les Tons. Ce n'est pas trop icy le lieu de parler de cette Dissonance; [-221-] Mais comme l'on ne fait guéres de Cadence parfaite qu'elle ne les précéde immédiatement, plusieurs Auteurs ne l'en ayant pas même separée, nous avons crû bien faire, en les imitant, dans cette occasion.

CHAPITRE SEIZIÉME.

De la Cadence irreguliere.

LA Cadence irreguliere * [* Voyez le Second Livre, Chapitre VII. in marg.] se fait ordinairement sur une Dominante, précédée de sa Notte tonique, au lieu que la Parfaite se fait sur une Notte tonique précédée de sa Dominante, cette derniere Cadence se faisant en descendant de Quinte, et l'irreguliere en montant de Quinte; de sorte que celle-cy peut se faire encore sur la Notte tonique, précédée de sa quatriéme Notte, puisque descendre de Quarte ou monter de Quinte, c'est la même chose. Les deux Nottes qui terminent cette Cadence, doivent porter naturellement l'Accord parfait, mais en ajoûtant la Sixte à l'Accord parfait de la premiere, la conclusion se fait mieux sentir, et l'on en tire même une suite d'Harmonie et de Melodie fort agréable.

Cette Sixte ajoûtée à l'Accord parfait, forme l'Accord de la grande Sixte, que porte naturellement la quatriéme Notte, lorsqu'elle précéde immédiatement la Dominante tonique; ainsi en passant de la quatriéme Notte à la Tonique par les mêmes Accords que cette quatriéme Notte doit porter en montant sur la Dominante, et que la Tonique doit porter naturellement, cela forme une Cadence irreguliere; de même qu'en passant de la Notte tonique à sa Dominante, en ajoûtant une Sixte à l'Accord parfait de la premiere.

EXEMPLE.

[Rameau, Traité de l'Harmonie, 221; text: A, B, 3, 6, (A) Cadence irreguliere de la Notte tonique à sa Dominante. (B) Cadence irreguliere de la quatriéme Notte à la Tonique.] [RAMTRA3 13GF]

Il se trouve icy une Dissonance entre la Quinte et la Sixte ajoûtée, [-222-] laquelle Dissonance est formée par consequent de la Sixte; de sorte que cette Sixte ne pouvant descendre sur cette Quinte, elle monte d'obligation sur la Tierce. Voyez l'Exemple précedent, où l'on apperçoit cette progression par cette marque [/] mise entre la Sixte de la premiere Notte, et la Tierce de l'autre.

Cette Sixte ajoûtée à l'Accord parfait, nous fournit par renversement une maniere aisée de faire entendre à quatre ou à cinq Parties, plusieurs Nottes consecutives d'une Basse, avec laquelle une des Parties procéde toûjours par Sixte, sans commettre aucune faute contre les Regles, en tirant sa preuve de la Basse-fondamentale.

EXEMPLE.

[Rameau, Traité de l'Harmonie, 222; text: Partie qui fait toujours la 6. Basse-Continue. Basse-Fondamentale. A, B, C. D. F. G. H. J, L. 4, 5, 6, 7, (A) (B) Cadences irregulieres où la Sixte est ajoûtée à l'Accord parfait de la Notte (A)] [cf. Supplément] [RAMTRA3 14GF]

[-223-] Ces six Parties pourroient être entenduës ensemble, à l'exception de l'endroit où la Basse-fondamentale monte d'une Seconde, sur la Notte qui porte une Septiéme J, et où il faudroit changer une Partie qui fait deux Quintes de suite avec cette Basse; mais que l'on remarque seulement ces deux Parties, qui procedent toûjours par Sixte, tant en montant qu'en descendant, avec lesquelles la Sixte ajoûtée à l'Accord parfait, nous donne un moyen facile de faire entendre trois autres Parties, quoique toute cette progression ne soit composée que de trois Accords differens.

L'on trouvera d'abord à C, l'Accord parfait de la Notte tonique, qui fait celuy de la Sixte sur sa Mediante, et à D, celuy de la Sixte-Quarte sur la Dominante. L'on trouvera ensuite à F, l'Accord de la Septiéme de la Dominante tonique, qui fait celuy de la petite Sixte de la seconde Notte, et à G, celuy du Tri-Ton de la quatriéme Notte.

Pour conclusion, l'on trouvera à H, l'Accord parfait de la quatriéme Notte, auquel on ajoûte la Sixte, qui fait celuy de la petite Sixte de la Sixiéme Notte L; mais ce même Accord n'étant pas toûjours affecté à une Cadence irreguliere, provient pour lors de celuy de la Septiéme de la seconde Notte J, où l'on voit qu'il suit sa progression naturelle.

Avant que l'on eût la connoissance de ces petites et grandes Sixtes, qui brillent dans cette suite d'Harmonie, il étoit presqu'impossible de bien ajoûter deux Parties avec ces Sixtes, au lieu que nous y en ajoûtons trois facilement, et que même la Basse-fondamentale peut y être jointe. Remarquez donc bien ce renversement d'Harmonie, qui ne consiste qu'à mettre à la Basse telle Notte que l'on veut, pourvû qu'elle soit comprise dans l'Accord fondamentale qui doit être entendu, pendant que l'on met au-dessus d'elle les autres Nottes dont l'Accord est composé, en conformant toûjours son Harmonie à l'une des deux Cadences, dont nous venons de parler, ou à la progression naturelle de la Basse-fondamentale, que l'on trouve dans les premiers Exemples de ce Livre; car si la progression d'une Basse n'est point limitée après un Accord consonant, neanmoins l'Accord qui doit être entendu après le Consonant, est limité par les differentes progressions de cette Basse; et supposé que l'on n'ait pas la facilité de rapporter une certaine progression de la Basse à son fondement, il n'y a qu'à remarquer le lieu qu'occupent les Nottes dans le Ton où l'on est; ainsi ne s'agissant à present que de celuy d'Ut, et sçachant que telles et telles Nottes doivent porter un tel Accord, selon leur differente progression, on ne peut jamais manquer, en donnant à ces Nottes l'Accord qui leur convient [-224-] en pareil cas; et l'experience s'augmentant par la pratique, l'on devient l'arbitre du choix que l'on peut faire de deux differens Accords, qui peuvent être entendus sur une même Notte, comme on peut le remarquer dans l'Exemple précédent, où l'on a le choix de faire entendre sur la quatriéme Notte l'Accord du Tri-Ton, au lieu de celuy de la grande Sixte, ou celui-cy au lieu de l'autre, et même l'un après l'autre, en mettant toûjours celuy de la grande Sixte le premier; le tout lorsque cette quatriéme Notte va tomber sur la Mediante ou sur la Notte tonique, ayant separé les Mesures ou cela se rencontre par des demi cercles au-dessus et au-dessous des Parties, ainsi,

[Rameau, Traité de l'Harmonie, 224,1; text: H C; G C; H G.] [RAMTRA3 14GF]

Au reste, lorsque la progression d'une Basse est conforme à la fondamentale, il faut donner des Accords fondamentaux à chaque Notte de cette progression, excepté lorsque l'on passe de la sixiéme Notte à la Mediante, où l'Harmonie renversée de la Cadence irreguliere convient à merveille.

EXEMPLE.

[Rameau, Traité de l'Harmonie, 224,2; text: A, B, C, D, F, G. H. J. L. M. N. 4, 5, 6, 7, Basse-fondamentale de la Partie superieure.] [RAMTRA3 14GF]

Je donne l'Accord de la Septiéme à la seconde Notte A, parce que sa progression d'A à B est fondamentale.

Je donne l'Accord de la Septiéme à B, parce que la Septiéme y est préparée par la Tierce mineure de la Notte A; de sorte qu'il faut rester sur cette Tierce mineure plûtôt que de la faire monter sur l'Octave, ce qui est absolument défendu, excepté qu'elle ne se trouve doublée dans une Composition à plus de trois Parties, où pour lors l'une peut monter pendant que la Regle s'observe dans l'autre qui tient ferme. La Notte sensible se faisant entendre à B, je ne puis me dispenser de la faire monter sur la Notte tonique, dont l'Accord parfait doit être entendu; mais cette Notte tonique ne se presentant point dans ma Basse, et ne s'y trouvant à present que sa [-225-] Dominante, je suis obligé d'y representer cet Accord parfait par celuy de Sixte-quarte que je donne à cette Dominante à C.

J'aurois pû donner l'Accord de la grande Sixte, de même que celuy du Tri-Ton à la quatriéme Notte D, qui descend sur la Mediante.

Je ne puis me dispenser de donner l'Accord de Sixte à la Mediante F, parce que la Dissonance qui a eu lieu auparavant, ne peut être sauvée que par cet Accord, quoique la progression de cette Mediante à la sixiéme Notte G, soit fondamentale; mais la Dissonance qui veut être absolument sauvée, est, en ce cas, nôtre premier objet.

Cadence irreguliere renversée entre les Nottes H J. Voyez la Basse-fondamentale au-dessous.

La Notte L, doit porter l'Accord de la grande Sixte, qui est le même que celuy de la Septiéme que porte la Notte M, qui se trouve une Tierce au-dessous, selon ce que nous en avons dit cy-devant au Chapitre XII.

La Notte M, porte l'Accord de la Septiéme pour la même raison que la Notte A.

La Onziéme preparée par M, N, cette Onziéme preparant la Cadence parfaite qui suit.

CHAPITRE DIX-SEPTIÉME.

Des differentes progressions d'une Basse qui ont rapport ensemble, et dont l'Harmonie ne change point dans les Parties superieures.

COmme la Notte tonique, sa Mediante et sa Dominante, peuvent porter chacune un Accord composé des mêmes Sons, l'on doit se mettre dans l'esprit, que par tout où la progression naturelle d'une Basse conduit à la principale de ces Nottes qui est la tonique, on peut luy subroger l'une des deux autres. Si pareillement la progression conduit à la Mediante, on peut luy subroger la Notte tonique; l'on peut par la même raison subroger à la Dominante sa Tierce, sa Quinte et sa Septiéme, lorsqu'elle doit porter l'Accord de Septiéme; ou sa Tierce et sa Quinte, lorsqu'elle ne doit porter que l'Accord parfait.

Voyez l'Exemple suivant.

[-226-] EXEMPLE.

[Rameau, Traité de l'Harmonie, 226,1; text: Chute sur la Notte tonique. Ou sur la Mediante. Ou sur la dominante.] [RAMTRA3 15GF]

Les quatre dernieres chûtes et les quatre suivantes, ne conviennent point à la Dominante, parce qu'elle passeroit, en ce cas, pour Notte tonique.

EXEMPLE.

[Rameau, Traité de l'Harmonie, 226,2; text: La Notte tonique précedée de sa Dominante. A. ou de sa Quatriéme Notte. B. ou de sa Notte sensible. C. ou de sa seconde Notte. D.] [RAMTRA3 15GF]

Quoique dans les Exemples nous ayons commencé par la Notte tonique, on auroit pû commencer également par la Mediante ou par la Dominante; Voyez les Guidons.

[Rameau, Traité de l'Harmonie, 226,3] [RAMTRA3 15GF]

[-227-] Nous ne pretendons pas parler du commencement d'une Piece où la Notte tonique doit être toûjours à la tête, bien que l'on puisse transgresser cette Regle par rapport aux Fugues, et cetera mais nous n'y sommes pas encore.

Lorsque la seconde Notte précéde immédiatement la Dominante tonique, elle la domine pour lors, et doit porter, en ce cas, l'Accord de la Septiéme; ainsi sa Tierce et sa Quinte peuvent luy être subrogées, mais rarement sa Septiéme; parce que c'est la Notte tonique, qui ne peut paroître comme telle, quant à present, qu'avec l'Accord parfait.

EXEMPLE.

[Rameau, Traité de l'Harmonie, 227; text: F, G, H, 5, 6, 7, La dominante tonique précedée de la seconde Notte qui la domine pour lors. F. ou de la quatriéme Notte G 3 de la seconde Notte. F. ou de la sixiéme Notte H 5. de la seconde Notte. F.] [cf. Supplément] [RAMTRA3 15GF]

L'on peut mettre à present toutes ces Nottes à la place les unes des autres, pourvû que la suite de l'Harmonie n'en soit point alterée, n'y ayant pour la connoître, qu'à la rapporter à son fondement.

Voyer l'Exemple suivant.

[-228-] EXEMPLE.

[Rameau, Traité de l'Harmonie, 228; text: A, B, C, D, F, G, H, 4, 5, 6, 7, La seconde Notte qui domine ici la Dominante tonique, et qui sert de Basse fondamentale aux autres. La seconde Notte A, qui tient lieu de Dominante tonique. La quatriéme Notte B, qui tient lieu de la seconde Notte, pendant que cette seconde Notte C, tient lieu de Dominante tonique. La quatriéme Notte D, qui tient lieu de seconde Notte, et à F, de Dominante tonique. La Notte sensible G, qui après la quatriéme Notte tient lieu de la Dominante tonique. La même chose dans une differente progression. La sixiéme Notte H, qui tient lieu de la seconde Notte, lorsque celle-cy domine la Dominante tonique, cette Dominante tonique étant encor représentée par sa 3[x] qui est la Notte sensible G.] [RAMTRA3 16GF]

L'Accord de Sixte-quarte convient souvent mieux que le parfait à la Dominante dans une progression diatonique, et sur tout l'orsqu'elle se trouve dans un Temps faux de la Mesure.

Voilà en peu de mots toutes les differentes progressions d'une Basse, qui peuvent se pratiquer dans l'Harmonie la plus naturelle, en y comprenant ce que nous avons dit depuis le commencement de ce Livre; car à l'égard de quelques autres Dissonances, dont nous n'avons pas encore parlé, leur progression est limitée de tous côtez; de sorte que l'on n'aura pas de peine à en connoître l'usage, si-tôt qu'on possedera parfaitement tout ce qui a été dit jusqu'à present.

[-229-] CHAPITRE DIX-HUITIÉME.

De la maniere de préparer les Dissonances.

QUand nous avons expliqué la maniere de préparer et de sauver la Septiéme, nous avons pretendu parler en même-temps de toutes les Dissonances, puisqu'elle en est l'origine. Il est vrai, que comme nous les avons distinguées en majeures et en mineures, il n'y a que les mineures qui doivent se conformer en tout à la Septiéme; car les majeures proviennent de la Notte sensible, qui fait neanmoins partie de l'Accord de la Septiéme. Or si la Notte sensible ne veut pas être preparée, il faut conclure de-là, que toutes les Dissonances majeures, (Voyez le Livre Second, Chapitre XVI.) n'éxigent pas non plus cette précaution; mais si la Septiéme doit être preparée par une Consonance quelconque, nous devons en dire autant de toutes les Dissonances mineures; ainsi lorsqu'on ne s'écarte point du Ton que l'on traite, l'on peut sans difficulté faire entendre une Dissonance, dont la Notte qui la forme aura fait Consonance dans l'Accord précédent; cela pourra se faire aussi en passant d'un Ton à un autre, lorsqu'on sçaura comment il faut s'y prendre pour rendre leur enchaînement agréable. Si l'on se souvient encore de ce que nous avons dit, qu'une même Notte pouvoit servir à plusieurs Dissonances consecutives, lorsque les Accords où elle se rencontre ne sont qu'un même Accord dans le fond, et que la Onziéme pouvoit être preparée par la Septiéme ou par la fausse-Quinte, qui sont neanmoins des dissonances; cela doit nous faire comprendre qu'une même Notte, qui aura formé une dissonance, pourra en former une autre dans un Accord qui nous paroîtra, en quelque façon, different, pourvû que l'on ne change pas de Ton en pareil cas.

Si nous avons dit que la Septiéme ne pouvoit être preparée que de la Tierce, de la Quinte et de l'Octave, cela ne doit s'entendre que conformément à la progression fondamentale de la Basse, dont la plus naturelle est de descendre de Tierce, de Quinte ou de Septiéme; en se souvenant que monter de Seconde ou descendre de Septiéme c'est la même chose, ainsi des autres Intervales qui ont le même rapport; et que de ces Intervales qui ont le même rapport, il faut choisir ordinairement le plus petit pour la progression de la Basse, où il vaut mieux monter d'une Seconde, que de descendre d'une Septiéme, ainsi du reste; mais si l'on s'attache au renversement des Accords, (pouvant faire entendre indifferemment dans nos Basses [-230-] l'une des Nottes d'un Accord fondamental, sur laquelle Notte cet Accord fondamental changera de nom, par rapport aux differens Intervales, que les Sons dont il est composé formeront avec la Notte qui occupera pour lors la Basse;) l'on trouvera icy qu'au lieu de la Tierce ou de la Quinte, la Sixte ou la Quarte prepareront la Septiéme; là on trouvera que cette Tierce, cette Quarte, cette Quinte, cette Sixte, ou l'Octave même, prepareront une fausse-Quinte, parce que l'Accord de la Septiéme est representé dans celuy de la fausse-Quinte, aussi-bien que dans tout autre Accord dissonant; de sorte que de quelque Consonance que l'on prepare une Dissonance, l'on ne peut se tromper, pourvû que l'on ne s'efforce pas à éviter le naturel; Par exemple, si au lieu de mettre la Notte tonique à la Basse, je luy subroge sa Mediante ou sa Dominante portant chacune l'Accord dérivé du parfait de cette Notte tonique, et que je veuille faire entendre une Septiéme preparée par l'Octave, par la Quinte ou par la Tierce de cette Notte tonique; cette Octave deviendra Sixte sur la Mediante, et Quarte sur la Dominante; ainsi de la Quinte et de la Tierce à proportion; si-bien que par ce rapport nôtre premiere Regle à l'égard des Septiémes est generale pour toutes les Dissonances mineures; pareillement encore si après l'Accord parfait d'une Notte tonique sur elle, sur sa Mediante, ou sur sa Dominante, au lieu de faire entendre la Septiéme, (que l'une des Consonances de cet Accord parfait doit preparer,) je fais entendre une fausse-Quinte, un Tri-Ton, une grande ou petite Sixte, et cetera cela proviendra de ce que j'aurai subrogé dans la Basse une des Nottes de cet Accord de Septiéme à la place de celle qui en est la fondamentale.

EXEMPLE.

[Rameau, Traité de l'Harmonie, 230; text: A, B, D, F, G, H, J, L, M, N, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, Basse-Continue. Basse-Fondamentale.] [RAMTRA3 16GF]

[-231-] Suite de l'Exemple précédent.

[Rameau, Traité de l'Harmonie, 231; text: A, C, O, P, Q, R, S, T, 2, 3, 5, 6, 7, Basse-Continue. Basse-Fondamentale.] [cf. Supplément][RAMTRA3 17GF]

Premier. A, la Septiéme preparée par l'Octave selon l'Harmonie fondamentale. P, Mediante sur laquelle l'Octave de la Basse-fondamentale devient Sixte. F, Dominante sur laquelle l'Octave de la Basse-fondamentale devient Quarte.

Ainsi la Septiéme se trouve par ce moyen preparée de l'Octave, de la Sixte et de la Quarte. G, dans l'Accord de la grande Sixte, la Quinte qui represente la Septiéme est preparée de l'Octave, et les Guidons qui sont sur la Mediante et sur la Dominante, font voir que cette Quinte peut être également preparée par la Sixte et par la Quarte de ces deux Nottes, ainsi des autres endroits où se trouvent les Guidons. [signum]

H, dans l'Accord de la petite Sixte, la Tierce qui represente la Septiéme, est preparée par l'Octave, par la Sixte et par la Quarte.

J, la Seconde, qui est preparée dans la Basse, est précédée de la Tierce dans le Dessus.

Deuxiéme. B, la Septiéme preparée par la Quinte selon l'Harmonie fondamentale.

L, dans l'Accord de la grande Sixte, la Quinte qui represente la Septiéme, est preparé par la Quinte, par la Tierce et par l'Octave.

M, dans l'Accord de la petite Sixte, la Tierce qui represente la Septiéme, est preparée par la Quinte, par la Tierce et par l'Octave.

N, la Seconde preparée par l'Octave ou par la Quarte, marquée d'un Guidon.

Troisiéme. C, la Septiéme preparée par la Tierce selon l'Harmonie fondamentale.

[-232-] O, dans l'Accord de la grande Sixte, la Quinte est preparée par la Tierce de la Notte fondamentale à laquelle la Septiéme est jointe.

P, cette même Quinte preparée par la Quarte de la Notte qui fait la Septiéme de la Basse-fondamentale, laquelle Notte doit porter l'Accord de Seconde.

Q, la Seconde preparée comme à N.

R, cette même Quinte preparée par la Sixte de la Notte qui domine celle qui se trouve dans la Basse-fondamentale. Remarquez icy que toute Notte qui en domine une autre, peut toûjours la representer, en portant un Accord renversé du parfait ou de celuy de la Septiéme que l'autre doit porter, et que cet Accord renversé est celuy de Sixte-quarte ou de petite Sixte.

S, cette même Quinte est preparée icy par l'Octave de la Notte qui fait la Tierce, ou qui est la Mediante de celle qui est à la Basse-fondamentale.

T, dans l'Accord de la petite Sixte, la Tierce [Septieme supra lin. m. sec.] est preparée par la Tierce, par la Sixte, ou par l'Octave; et la Septiéme qui précéde, est sauvée par la Sixte de la même Notte sur laquelle cette Septiéme a été entenduë.

Nous n'avions pas encore parlé de la Seconde, mais avant que nous en disions davantage, remarquez toûjours qu'elle n'aime à être preparée que de la maniere précédente.

L'on voit assez que toutes les differentes manieres de preparer les Dissonances, proviennent de celle dont on prepare la Septiéme, et que la seule difficulté consiste à reconnoître dans la Basse, les Nottes qui composent l'Accord de celle qui en est la fondamentale, à quoi il faut s'attacher entierement; autrement l'on doute de tout, et l'on ne sçait à quoi s'en tenir. Mettons-nous donc dans l'esprit que le premier Accord dissonant qui puisse être entendu, doit être toûjours précédé d'un Consonant, et que ce Consonant n'est autre que le Parfait de la Notte tonique de sa Dominante, ou de sa quatriéme Notte, lequel Accord parfait peut être encore representé dans celuy de la Sixte sur la Mediante de chacune de ces Nottes, et dans celuy de la Sixte-quarte de la Dominante tonique seulement.

Lorsque l'on ne compose qu'à deux ou à trois Parties, l'on ne fait entendre souvent que les Consonances d'un Accord où la Dissonance a lieu; de sorte que si l'on n'a pas égard à la progression de la Basse, et si l'on ne connoît pas le Ton dans lequel on est, toutes nos Regles deviennent inutiles; c'est pourquoy l'on ne peut trop s'attacher à bien comprendre ces Regles, que nous renfermons dans le seul Ton d'Ut; parce que la connoissance de celui-cy suffit pour tous les autres, ne s'agissant aprés cela que de sçavoir les distinguer.

[-233-] Comme on ne doit commencer une Piece de Musique que par un Accord consonant, l'on voit que l'on ne peut employer le Dissonant qu'après le consonant; mais souvent après ce dissonant, il en suit un autre; car, comme nous avons dit, le consonant ne peut paroître après le dissonant, que la Notte sensible ne se fasse distinguer dans ce dernier; sinon, l'on passe toûjours d'un dissonant à un autre, selon ce qui paroît dans nos Regles de la Septiéme. Or, cela est assez difficile à connoître dans des Pieces à deux ou à trois Parties, puisque ces Accords dissonans contiennent toûjours au moins deux Consonances, qui sont la Tierce et la Quinte, et par renversement la Sixte et la Quarte, sans parler de l'Octave qui peut s'y rencontrer; de sorte que l'on passe souvent d'un Accord dissonant à un autre sans le connoître. Ne negligeons donc point ces premiers principes, si nous voulons sçavoir ce que nous faisons, puisque la plus grande satisfaction que l'on puisse avoir, doit consister dans une connoissance parfaite.

CHAPITRE DIX-NEUVIÉME.

Des occasions où l'on ne peut préparer les Dissonances.

AU lieu de faire descendre la Basse-fondamentale, de Tierce, de Quinte et de Septiéme, si nous la faisions monter de même, nous trouverions que la Septiéme ne peut plus y être preparée; cependant nous nous sentons comme forcez de faire entendre cette Septiéme dans de pareilles progressions; l'Octave en progression diatonique au Chapitre XI. en fait foy, lorsque l'on va de la Notte tonique à sa Dominante, et que de celle-cy l'on retourne immediatement sur cette Notte tonique. (Voyez le Second Livre, Chapitre XVI.) c'est le sentiment de tous les Maîtres, et d'ailleurs l'oreille n'en est point offensée.

Si la Basse monte de Tierce pour descendre de Quinte immédiatement après, la Septiéme que l'on entend sur cette Notte montée, ne peut encore être preparée.

EXEMPLE.

[Rameau, Traité de l'Harmonie, 233; text: A, 6, 7, Basse-Fondamentale.] [RAMTRA3 17GF]

L'Exemple A, nous represente une progression de Quinte en montant, [-234-] puisqu'il commence par la Mediante, qui nous represente la Notte tonique; mais l'Exemple B, nous prouve que la Septiéme ne peut être preparée, lorsque la Basse-fondamentale monte d'une Tierce, puisque la même Notte qui fait la Septiéme avec la seconde Notte de la Basse, ne peut faire consonance avec la premiere.

L'on pourroit donner une Tierce majeure à la seconde Notte de l'Exemple B, où par consequent le Ton changeroit; et cela se pratique très-souvent, sur tout dans une Harmonie renversée, comme on le voit icy.

EXEMPLE.

[Rameau, Traité de l'Harmonie, 234; text: 4, 5, 6, 7, Cette Partie peut passer sur la Notte ou sur le Guidon. Basse-Fondamentale. ou] [cf. Supplément] [RAMTRA3 17GF]

Chaque Partie peut se servir reciproquement de Dessus ou de Basse; et l'on y voit comment la fausse-Quinte, le Tri-Ton et la Septiéme peuvent ne pas être preparées.

A l'égard d'une progression de Septiéme en montant, ou de Seconde en descendant, dans laquelle la Septiéme ne peut être preparée, l'on peut voir ce que nous en disons au Second Livre, Chapitre XIII.

Remarquez que ce n'est qu'après un Accord consonant que la Dissonance peut n'être pas preparée; car après l'Accord dissonant, elle doit l'être absolument, selon les Regles précédentes.

[-235-] Il faut prendre garde que nous ne pretendons point confondre la Notte sensible dans les differentes Dissonances preparées ou non preparées; parce qu'il ne s'agit icy que des Dissonances mineures, la majeure qui provient de cette Notte sensible n'ayant aucune part dans ces dernieres Regles; et c'est en sa faveur même, que la Dissonance mineure se fait entendre souvent sans être preparée, comme dans une progression de la Basse-fondamentale en montant de Tierce ou de Quinte, pour descendre ensuite de Quinte, la Cadence parfaite qui se forme de cette derniere progression en descendant, ne pouvant avoir lieu, sans que la Notte sensible n'ait été entenduë dans l'Accord de la premiere Notte qui descend de Quinte; de sorte que nous avons de belles consequences à tirer de-là, dont nous ne parlerons qu'après avoir expliqué la maniere de passer d'un Ton à un autre.

CHAPITRE VINGTIÉME.

Dénombrement exact des differentes Progressions de la Basse, selon les differentes Dissonances qu'on y employe.

C'Est toûjours de nôtre Basse-fondamentale et de nôtre Accord fondamental de la Septiéme, que nous devons tirer les Regles qui regardent les Dissonances; aussi nous allons voir que le seul Accord de Septiéme regne dans tous les differens Accords dissonans que l'on peut employer. C'est la differente progression de la Basse, formée de celle des Sons compris dans cet Accord de septiéme, qui nous oblige à donner aux Accords un nom conforme aux Intervales, que les Parties superieures forment pour lors avec cette Basse.

Nous n'amplifions icy nôtre premiere Regle de Septiéme, qu'en donnant l'Accord de la septiéme à chaque Notte d'un Ton, lorsque la Basse procede par des Intervales de Quinte en montant, ou de Quarte en descendant.

L'on peut preparer la premiere Septiéme par telle Consonance que l'on veut, ou ne la point preparer, selon ce que nous venons de dire sur ce sujet, dans les Chapitres précédens; mais on est obligé icy de se conformer ensuite à la Regle, qui veut qu'elle soit toûjours preparée et sauvée de la Tierce.

Voyez l'Exemple suivant.

[-236-] EXEMPLE.

[Rameau, Traité de l'Harmonie, 236; text: A, B, 6, 7, Dessus. Haute-contre. Taille. Basse-fondamentale.] [RAMTRA3 18GF]

Remarquez que toutes les Parties vont toûjours en descendant, et que ces Septiémes sont accompagnées alternativement de la Tierce et de la Quinte, ou de la Tierce et de l'Octave, ainsi, 1. 3. 5. 7. ou 1. 3. 7. 8.

Pour rendre cette Harmonie plus complette, il faudroit qu'il y eût cinq Parties, comme nous allons le voir.

L'on trouvera que quelques-unes de ces Septiémes ne sont pas dans leur proportion naturelle, comme celles d'Ut et de Fa que nous avions précisément défenduës dans nos premieres Regles; mais cela ne doit plus embarrasser dans une pareille suite de Dissonances, elles sont causées par la Modulation, où il n'est pas permis d'ajoûter ni Dieze ni B-mol à aucune des Nottes. L'on trouvera dans la suite d'autres Intervales faux, qui proviennent de ceux-cy; de sorte que le hazard les rendant tels, il faut toûjours les écrire comme s'ils étoient justes; parce qu'on ne peut se dispenser de faire entrer ces sortes d'Intervales dans l'Harmonie, lorsqu'on ne veut point s'écarter du Ton par lequel on a commencé, l'oreille n'en étant aucunement blessée, par la préoccupation où elle est des Sons affectez à la Modulation.

Si nous prenons pour Basse, la Partie de la Taille marquée d'un A, nous trouverons que la premiere Notte qui répond à celle où est la premiere Septiéme, portera un Accord de petite Sixte, et celle qui suit portant l'Accord de la Septiéme, on tirera de-là une nouvelle progression de la Basse, par de nouveaux Accords en apparence, comme on le verra dans l'Exemple suivant, où cette Partie sera marquée également d'un A.

Si nous prenons ensuite pour Basse la partie de la Haute-Contre marquée d'un B, nous trouverons que la Notte qui répond à celle où est la premiere Septiéme, portera un Accord de Seconde, et [-237-] celle qui suit, portant un Accord de grande Sixte, l'on en tirera encore une nouvelle progression, et cetera comme on le verra dans l'Exemple suivant, où cette Partie est marquée également d'un B. L'on peut remarquer que les Accords de Seconde et de Tri-Ton, sont composez des mêmes Intervales, excepté que dans l'un, la Quarte est juste, et que dans l'autre elle est superfluë; c'est la raison pour laquelle on donne à ce dernier Accord le nom de Tri-Ton, parce que la Quarte superfluë est composée de trois Tons; et ce qui fait la difference de l'Accord de la grande Sixte à celuy de la fausse-Quinte, est ce qui cause aussi celle de ces deux derniers Accords.

L'Accord de la petite Sixte majeure ou mineure, qui n'est point distingué sous deux noms differens, participe encore de la même difference; et le tout provient d'un Accord de Septiéme, où la Tierce de la Basse est majeure d'un côté, et mineure de l'autre; quoique l'on ne distingue point cette difference par des noms differens, si ce n'est que nous approprions à la seule Dominante tonique, l'Accord dont la Tierce majeure forme la fausse-Quinte ou le Tri-Ton avec la Septiéme de cette même Dominante, et indifferemment aux autres Dominantes, l'Accord où la Tierce est mineure, et où la fausse-Quinte ni le Tri-Ton n'ont point lieu entre la Tierce et la Septiéme; parce que ces dernieres doivent se suivre les unes les autres, jusqu'à ce que la Dominante tonique paroisse; et cela dans leur derivez, comme dans ces Dominantes mêmes.

On peut voir dans l'Exemple suivant tous les Accords qui proviennent de la differente progression de la Basse, chaque Partie pouvant se servir reciproquement de Dessus ou de Basse, excepté la Fondamentale, et celle au-dessous, qui ne peuvent servir que de Basse.

Tournez pour l'Exemple.

[-238-] EXEMPLE.

[Rameau, Traité de l'Harmonie, 238; text: 2, 4, 5, 6, 7, 9, Premiére Basse qui peut servir de Dessus. Seconde, Troisiéme, Quatriéme, Cinquiéme, Sixiéme, Basse-Fondamentale. Basse par supposition, à laquelle il ne faut point faire encore attention.] [RAMTRA3 19GF]

[-239-] Premier. Remarquez d'abord que la progression des quatre premieres Basses est la plus naturelle par rapport à la Fondamentale; et que celle de la cinquiéme et de la sixiéme, est empruntée des premieres.

La progression de la cinquiéme Basse est tirée de celle de la premiere et de la quatriéme, toutes trois marquez ainsi, [signum]

La progression de la sixiéme Basse est tirée de celle de la seconde et de la troisiéme, marquées d'une Croix, [+]; ce qui se connoît en ce que chaque Mesure de cette cinquiéme et sixiéme Basse est composée d'une Notte de chacune de ces Basses, dont leur progression est tirée, le même Accord étant chiffré sur les Nottes qui sont sur le même degré dans ces differentes Basses; et si nous n'avons pas chiffré d'un 7. toutes les Nottes de la cinquiéme et de la sixiéme Basse, qui doivent porter un Accord de Septiéme, c'est pour donner à connoître que l'on peut ne faire que l'Accord parfait sur ces mêmes Nottes, en retranchant la Septiéme, qui peut s'y rencontrer; et par consequent en évitant de faire entendre l'Octave dans l'Accord des Nottes qui les précédent, parce que c'est cette Octave qui y prepare la Septiéme.

Deuziéme. Dans la progression naturelle des quatre premieres Basses, on remarque que la premiere et la seconde, et que la troisiéme et la quatriéme sont disposées par Tierces, et que pendant que les deux dernieres descendent, les deux premieres restent sur le même degré, ainsi alternativement jusqu'à la fin; car comme c'est le propre de la Dissonance mineure de descendre, l'on ne peut se dispenser de donner cette progression, au moins aux Parties qui la forment; et dans une pareille suite d'Harmome, il faut que la Consonance, qui se trouve une Tierce au-dessous, suive cette même progression, en se souvenant qu'une Sixte au-dessus, ou une Tierce au-dessous, c'est la même chose, comme

[Rameau, Traité de l'Harmonie, 239,1; text: mi, ut, ou] [RAMTRA3 18GF]

Il est vrai que la progression de la Consonance n'est limitée icy que par rapport à celle de la Basse-fondamentale; car la Consonance peut rester sur le même degré, pour former une Dissonance, si la Basse précéde, Ainsi,

[Rameau, Traité de l'Harmonie, 239,2; text: A, B, C, D, F, 7] [RAMTRA3 18GF]

A, B, la Basse descend de Tierce au lieu de Quinte, et pour lors la Consonance C, qui se trouve une Tierce au dessous de la Dissonance F, reste sur le même degré, pour former la Dissonance D.

[-240-] Troisiéme. Pour entendre l'effet de toutes ces Parties ensemble, il faut en retrancher la cinquiéme et la sixiéme Basse; et lorsque l'on veut entendre celles-cy, il faut retrancher les quatre superieures, ou dumoins la premiere et la troisiéme, quoiqu'il s'y rencontre à tout moment des Unissons, ou des Octaves, qui ne font pas un bel effet.

Quatriéme. Si l'on prend à part les quatre premieres Basses, l'on trouvera que les trois superieures contiennent tous les Sons, dont les Accords chiffrez sur la quatriéme sont composez; pareillement si l'on prend l'une des autres pour Basse, en la transposant une Octave plus bas, pour qu'elle se trouve au-dessous des autres, ou bien en transposant celles-cy une Octave plus haut, l'on trouvera toûjours les Accords chiffrez sur l'une de ces Basses, contenu dans les autres. Si l'on veut prendre ensuite la cinquiéme Basse pour Basse, il ne faudra faire entendre au-dessus que la seconde, la troisiéme et la quatriéme, parce que la premiere a trop de rapport avec elle; et si l'on prend la sixiéme pour Basse, il ne faudra faire entendre au-dessus que la premiere, la seconde et la quatriéme; en changeant seulement une Notte, qui dans la premiere Mesure fait entendre deux Octaves consecutives.

C'est ainsi que l'on peut s'instruire dans un seul Exemple de la differente Construction de tous les Accords dissonans, de la Progression des Dissonances et de la Difference de ces Accords, par rapport à la differente progression de la Basse; le tout ne consistant, comme l'on voit, que dans un Renversement.

Cinquiéme. La cinquiéme et la sixiéme Basse font un bel effet, étant prises separément; et l'on peut même les faire syncoper,

[Rameau, Traité de l'Harmonie, 240; text: Ainsi, ou Par renversement. 3, 4, 5, 6, 7] [cf. Supplément] [RAMTRA3 18GF]

Il est assez difficile d'ajoûter deux autres Parties à celles-cy, parce que le renversement y introduit une certaine supposition, qui demande une grande connoissance de l'Harmonie; de sorte qu'il ne faut les pratiquer à present que comme elles sont écrites, c'est-à-dire, à deux Parties seulement.

[-241-] Quand on fait servir une Partie de Basse, elle doit commencer et finir par la Notte tonique, et l'on doit faire ensorte que cette Notte tonique soit précédée de sa Dominante en finissant, n'y ayant à faire dans les autres Parties, qu'un tres-petit changement que l'on peut conformer à leur progression, lorsqu'on les entend au-dessus de la Basse-fondamentale.

CHAPITRE VINGT-UNIÉME.

De l'Accord de la Seconde.

LA Seconde est un Intervale renversé de celuy de la Septiéme, et pareillement l'Accord de la Seconde est renversé de celuy de la Septiéme.

EXEMPLE.

[Rameau, Traité de l'Harmonie, 241; text: ut. ré. fa, la, Seconde. Septiéme. Accord de 7. Accord de 2.] [RAMTRA3 18GF]

Ce renversement en cause un pareil, lorsqu'il s'agit de preparer et de sauver ces Dissonances.

Si toutes les Dissonances mineures doivent être preparées et sauvées dans le Dessus; la Seconde au contraire, qui fait entendre la Dissonance mineure dans la Basse, doit être preparée et sauvée dans cette Basse, selon la progression déterminée à la Dissonance mineure; ainsi l'on doit faire entendre dans le second Temps de la Basse, la Notte sur laquelle on veut faire une Seconde dans le premier Temps de la Mesure suivante, et cette Notte doit descendre ensuite; de sorte que tant que l'on fera proceder la Basse de même, l'on pourra donner à chaque Notte un Accord pareil à celuy qu'elles portent dans l'Exemple suivant, jusqu'à ce que la Dissonance majeure paroisse, après laquelle suit un Accord consonant.

Il faut bien prendre garde que dans une progression d'Harmonie [-242-] pareille à celle de cet Exemple, la Dissonance majeure peut y paroître sans que pour cela l'on soit obligé d'y faire attention, lorsque le Chant de la Basse poursuit par les mêmes degrez, passant sur la Mediante, sans y faire entendre la conclusion, et reservant cette conclusion pour la Notte tonique, qui ne paroît qu'une ou plusieurs Mesures après, soit en effet, soit dans ses dérivez, comme on peut s'en appercevoir dans l'Exemple suivant. La Dissonance majeure, qui ne suit point, en ce cas sa progression naturelle, est pour lors regardée comme mineure, ce qui se souffre seulement par rapport à la Modulation, où l'on veut suspendre la conclusion pour quelque temps, quoique ce soit toûjours mieux fait de s'arrêter sur l'Accord parfait de la Notte tonique, ou sur celuy de la Sixte de la Mediante après la Notte sensible.

[Rameau, Traité de l'Harmonie, 242; text: Exemple de la Septiéme préparée et sauvée dans le Dessus. Exemple de la Seconde préparée et sauvée dans la Basse. Basse-Continue. Basse-fondamentale. A. B. 2, 4, 5, 6, 7] [RAMTRA3 20GF]

Vous voyez que la Seconde est préparée et sauvée dans la Basse, de même que la Septiéme l'est dans le Dessus A, B, et par la Basse-fondamentale, que les Accords sont composez des mêmes Sons de part et d'autre.

Pour sçavoir à present le choix que l'on doit faire des Accords compris dans l'un et l'autre Exemples, où la Basse procede presqu'également, puisqu'elle descend diatoniquement de chaque côté, en faisant entendre deux fois la même Notte sur le même degré; Vous remarquerez que d'un côté, ces deux Nottes sont renfermées dans la même Mesure; et que de l'autre, elles sont separées par la Barre [-243-] qui partage les Mesures; ainsi lorsque vôtre Basse sera pareille à l'une de celles-cy, vous pourrez toûjours y faire entendre des Accords pareils à ceux qui y sont compris; et soyez certain que vous ne vous tromperez jamais en suivant cette Regle.

Si dans l'Exemple du Chapitre précédent, il se trouve des Basses, dont la progression n'est pas conforme à celles-cy dans les Accords qu'elles portent, c'est parce qu'elles y representent seulement des Dessus; mais autrement, ne vous écartez pas de nôtre Regle, si vous voulez bien faire.

La Seconde veut être absolument préparée par la Tierce, quoiqu'elle puisse l'etre dans le Dessus de toutes les Consonances; car pour ce qui est de la Basse, elle doit toûjours syncoper en ce cas.

Remarquez à present que la differente progression de la Basse, fait que les Dissonances se trouvent préparées et sauvées de quelque Consonance que ce soit; et pour ne pas vous y tromper, rapportez toûjours une Basse-fondamentale au-dessous de vôtre composition; où vous verrez que la Dissonance mineure, qui fait toûjours la Septiéme contre cette Basse n'y est jamais préparée que par l'Octave, la Quinte ou la Tierce, et qu'elle n'y est jamais sauvée que de la Tierce; sinon, vôtre composition ne sera ni juste, ni reguliere.

Nous repetons encore que la premiere Dissonance précédée d'un Accord consonant, pourra bien être préparée par l'Octave, par la Quinte, ou par la Tierce de la Notte fondamentale; Il est en même temps necessaire que celles qui suivront consecutivement la premiere soient préparées par la Tierce de cette Notte, plûtôt que par aucune autre Consonance; parce que la suite d'Harmonie qui en provient, est la plus naturelle. Neanmoins la diversité nous engage quelquefois à préparer la Septiéme par la Quinte, ou par l'Octave de la Notte fondamentale, quoique cette Septiéme se trouve au milieu, ou après plusieurs autres; remarquez bien que cela ne se fait que pour diversifier le Chant ou l'Harmonie; qu'ainsi l'on ne doit le mettre en pratique que rarement, ou du moins avec jugement; et ce que nous disons de la Septiéme, doit s'entendre de toute autre Dissonance mineure, en la rapportant à son fondement, où cette Septiéme regne toûjours.

Si la Septiéme encore ne doit jamais être sauvée que par la Tierce de la Notte-fondamentale, ce n'est pas à dire qu'elle ne puisse l'être aussi par la Quinte, et même par l'Octave; mais ce sont des licences, dont on ne doit faire usage que lorsque l'on possede parfaitement le reste; ainsi nous n'en parlerons pas encore.

[-244-] CHAPITRE VINGT-DEUXIÉME.

Des Tons et des Modes en general.

QUand on sera bien assuré de ce que nous avons dit des Tons et des Modes au Chapitre VIII. il ne restera plus qu'à sçavoir ce qui suit.

ARTICLE PREMIER.

Des Tons majeurs.

Comme l'on peut prendre telle Notte que l'on veut pour Tonique, pourvû que l'on conforme la progression de son Octave à celle d'Ut, supposé que le Ton soit majeur, on se sert des Diezes et des B-mols pour augmenter ou diminuer d'un semi-Ton les Intervales, qui pourroient empêcher cette conformité. Or, il ne s'agit que de sçavoir la quantité de ces Diezes ou de ces B-mols, que l'on met ordinairement après la Clef, pour nous marquer que toutes les Nottes qui se trouvent sur le même degré de ces Diezes et de ces B-mols, doivent être augmentées ou diminuées d'un semi-Ton; Par exemple, si nous prenons la Notte Ré pour Tonique, et que nous voulions en conformer le Ton à celuy d'Ut, nous remarquerons que la Notte Fa fait la Tierce mineure de ce Ré; ce qui ne se conforme pas à la Tierce d'Ut qui est majeure; ainsi en ajoûtant un Dieze à ce Fa, l'on rend la Tierce de Ré majeure, de même que Mi fait la Tierce majeure d'Ut, et cetera pareillement la Quarte de Fa est Si [rob]; donc il faut ajoûter un [rob] à la Notte Si dans le Ton de Fa, pour le conformer à celuy d'Ut.

Exemple de tous les Tons majeurs transposez, dont la Modulation de l'Octave est conforme à celle de l'Octave d'Ut.

[Rameau, Traité de l'Harmonie, 244; text: Par des Diezes. Ton de SOL. de RÉ. de LA. de MI. de SI. de FA dieze. d'UT dieze. Par des B-mols. Ton de FA. de SI [rob] mol. de MI [rob] mol. de LA [rob] mol.] [RAMTRA3 20GF]

[-245-] Voilà onze Tons majeurs, qui avec celuy d'Ut en font douze, n'y ayant que douze Nottes Chromatiques dans tout le Systême de l'Octave. Voyéz le Premier Livre, Chapitre V.

L'on doit sçavoir que l'ordre de la position des Diezes se décline ainsi, Fa, Ut, Sol, Ré, La, Mi, Si, et cetera ce qui nous donne à connoître que lorsqu'il n'y en a qu'un, ce ne peut être que celuy de Fa, s'il y en a deux, ce sont ceux de Fa et d'Ut, trois, Fa, Ut et Sol, et cetera en comptant toûjours de cinq en cinq en montant depuis le premier Dieze, qui est celuy de Fa, jusqu'au dernier.

Si l'on veut sçavoir combien il faut de Diezes pour désigner un certain Ton majeur, l'on remarquera que c'est la Notte sensible du Ton qui en détermine la quantité, parce que le dernier Dieze se met toûjours sur elle; ainsi le Ton majeur de Ré demande deux Diezes devant la Clef, parce que la Notte sensible de Ré est Ut Dieze, ne pouvant mette un Dieze sur la ligne d'Ut, qu'on n'en mette un autre sur la ligne de Fa, où se trouve toûjours le premier Dieze; par-consequent le Ton majeur de Mi demande quatre Diezes, puisque Ré Dieze en est la Notte sensible, ainsi des autres. Cela se distingue encore en comptant de cinq en cinq depuis le Ton majeur, qui ne porte qu'un Dieze; et sçachant que c'est celuy de Sol, on dit,

1    2    3    4    5.   Diezes.
Sol, Ré,  La,  Mi,  Si,  et cetera.

L'ordre de la position des B-mols se décline de quatre en quatre en montant, et en commençant par celuy de Si, ainsi, Si, Mi, La, Ré, Sol, et cetera c'est la quatriéme Notte qui en détermine la quantité dans les Tons majeurs; Par exemple, la quarte de Fa est Si B-mol; donc il faut mettre un B-mol sur la ligne de Si dans le Ton majeur de Fa, ainsi des autres, en remarquant que les Tons majeurs qui se marquent avec des B-mols commencent par celuy de Fa; de sorte qu'en comptant de quatre en quatre, comme on a compté de cinq en cinq pour les Diezes, l'on trouvera ce que l'on cherche.

ARTICLE SECOND.

Des Tons mineurs.

L'on prend ordinairement l'Octave de la Notte Ré pour model de tous les Tons mineurs.

Voyez l'Exemple suivant.

[-246-] EXEMPLE.

Ré. Octave.

Ut[x]. Notte sensible.

Si [rob]. Sixiéme Notte.

La. Dominante tonique.

Sol. Quatriéme Notte.

Fa. Mediante.

Mi. Seconde Notte.

Ré. Notte tonique.

La progression du Ton mineur n'est differente du majeur en montant, que dans la Tierce qui est mineure d'un côté, et majeure de l'autre; mais en descendant il faut rendre le B-mol à la Notte Si, et ôter le Dieze de la Notte sensible Ut.

EXEMPLE.

[Rameau, Traité de l'Harmonie, 246,1] [RAMTRA3 20GF]

On ne peut jamais se tromper, en suivant ces progressions dans tous les Tons mineurs.

Exemple de tous les Tons mineurs transposez, dont la Modulation de l'Octave est conforme à l'Octave précédente de Ré.

[Rameau, Traité de l'Harmonie, 246,2; text: par Diezes. Ton mineur de LA. Ton mineur de MI. de SI. de FA dieze. d'Ut dieze. de SOL dieze. de RÉ dieze. Ces deux Tons ne sont qu'un même. par B-mols. Ton mineur de SOL. d'UT. de FA. de SI [rob]-mol. de MI [rob]-mol.] [RAMTRA3 20GF]

[-247-] Voicy également douze Tons mineurs, en comptant celuy de Ré, qui avec celuy de La se marquent sans Dieze ni B-mol.

Le premier Ton qui ait un Dieze devant la Clef est celuy de Mi. Pour connoître la quantité des Diezes que chaque Ton mineur demande, il faut compter les Tons de cinq en cinq, depuis Mi, ainsi,

1.  2.  3.      4.      Diezes.
Mi, Si, Fa [x], Ut [x], et cetera.

Donc le Ton mineur de Si, qui est le second doit avoir deux Diezes, ainsi des autres; c'est encore la Seconde Notte du Ton qui détermine cette quantité, parce qu'elle porte le dernier Dieze.

Le premier Ton mineur qui ait un B-mol devant la Clef est celuy de Sol; ainsi en comptant de quatre en quatre

1.   2.  3.  4.       5. B-mols.
Sol, Ut, Fa, Si [rob] Mi,

l'on sçaura la quantité des B-mols affectez à chacun de ces Tons; la Tierce mineure qui porte le dernier B-mol, en détermine aussi la quantité.

Il faut bien avoir present à l'esprit ces differentes quantitez de Diezes et de B-mols que chaque Ton majeur ou mineur demande, non seulement pour sçavoir les mettre devant les Clefs, mais encore pour sçavoir les mettre à propos à côté des Nottes, ou les ôter, lorsque le Ton peut changer dans la suite d'une Piece; car ce-cy ne sert pas seulement à composer dans un Ton, plûtôt que dans un autre, mais encore à distinguer les Tons dans lesquels on passe, et à les faire distinguer aux concertans.

Remarquez qu'en nommant Ut la Notte tonique de tous les Tons majeurs, la progression de son Octave sera toûjours conforme à celle d'Ut; et qu'en nommant Ré la Notte tonique de tous les Tons mineurs, la progression de son Octave sera toûjours conforme à celle de Ré, tant en montant, qu'en descendant. Les Intervales et les Accords que l'on doit employer dans un Ton majeur quelconque, ne changeant jamais, non plus que dans les Tons mineurs. Souvenez-vous du changement qu'il faut observer dans quelque Partie que ce soit, lorsqu'elle monte, ou lorsqu'elle descend.

L'on trouvera dans le quatriéme Livre, Chapitre VI les Octaves de tous les Tons, tant en montant, qu'en descendant, avec leurs Diezes et leurs B-mols.

[-248-] CHAPITRE VINGT-TROISIÉME.

De la maniere de passer d'un Ton à un autre, ce qui s'appelle encore Moduler.

Premier. TOute Notte qui porte l'Accord parfait, doit être regardée comme Notte tonique; ainsi l'on peut dire que dans nos premiers Exemples de l'Accord parfait, autant de Nottes, autant de Tons differens. Ces Exemples doivent aussi nous servir de modele dans la suite de ce Chapitre; car l'on ne peut passer naturellement d'une Notte tonique à une autre, que par un Intervale consonant; de sorte qu'après avoir commencé sa Piece par un certain Ton, l'on peut passer à un autre qui soit une Tierce, une Quarte, une Quinte, ou une Sixte au-dessus ou au-dessous; si-bien que la Notte tonique par laquelle on a commencé, peut devenir Mediante, Dominante, quatriéme ou sixiéme Notte de celle du Ton dans lequel on passe, et ainsi d'un Ton à un autre, par enchaînement.

Deuxiéme. Outre ce que nous venons de dire, la Notte tonique d'un Ton majeur peut devenir encore quelquefois septiéme, et même seconde Notte, mais jamais sensible; et la Notte tonique d'un Ton mineur, ne peut devenir que seconde Notte.

Remarquez icy que la Septiéme dont nous venons de parler, est celle qui se trouve un Ton au-dessous de l'Octave, et non pas celle qui est un semi-Ton au-dessous, appellée Notte sensible, et qui est naturelle à tous les Tons.

Troisiéme. Lorsque dans le milieu d'une Piece l'on veut rendre Notte tonique la Dominante d'un Ton majeur, le Ton de cette Dominante doit être naturellement majeur, quoique l'on puisse le rendre quelquefois mineur, mais avec jugement; et le Ton de la Dominante d'un Ton mineur, ne peut être que mineur.

L'on peut bien transgresser ces Regles, lorsque l'on est capable de juger de ce que l'on fait; mais on doit toûjours craindre de s'égarer; et les plus habils ne sont pas exempts de cette crainte.

Quatriéme. Par quelque Ton que l'on commence, il est bon de moduler dans ce Ton pendant trois ou quatre Mesures au moins, pouvant exceder ce nombre de Mesures autant que le genie et le bon goût le dictent.

Cinquiéme. Il vaut mieux passer dans le Ton de la Dominante de celuy par lequel on a commencé, que de passer dans un autre, et pour lors la premiere Notte tonique devient quatriéme Notte, ce qui peut se pratiquer par le moyen d'une Cadence irreguliere.

[-249-] Sixiéme. D'abord que l'on change de Ton, il faut en connoître la Notte principale, qui est la Tonique; cette Notte ne pouvant se representer à nôtre idée que comme un Ut ou un Ré, elle détermine sur le champ la suite et le progrès de toutes celles qui sont renfermées dans son Octave, et nous donne à connoître les Accords qui doivent y être employez. Ce n'est plus que par le moyen des Diezes et des B-mols que l'on proportionne les Intervales de ce Ton à ceux que renferment les Tons d'Ut et de Ré; si je passe du Ton d'Ut à celuy de Sol majeure, je dois ajoûter un Dieze à la Notte Fa toutes les fois qu'elle se rencontre dans une Partie quelconque, pour en conformer l'Intervale à celuy de la Notte Si qui est la Sensible dans le Ton d'Ut, de même que Fa Dieze l'est dans le Ton de Sol. Si au contraire je rends mineur ce Ton de Sol, je ne dois ajoûter un Dieze à la Notte Fa, que lorsqu'elle monte, et je dois de plus ajoûter un B-mol à la Notte Mi lorsquelle descend; celle cy qui est la sixiéme Notte du Ton de Sol, devant se conformer à la sixiéme Notte du Ton de Ré, qui prend le B-mol en descendant; pareillement je dois ajoûter un B-mol à la Notte Si, pour qu'elle fasse la Tierce mineure de ce Sol, conformément à la Tierce de Ré, ainsi des autres.

Septiéme. L'oreille ne reçoit pas agréablement un Ton qu'elle entend souvent, il n'y a que celuy par lequel on a commencé qu'elle puisse souffrir de temps en temps; mais à l'égard des autres, il n'est pas bon de rentrer incontinent dans celuy que l'on vient de quitter; Par exemple, si j'ai commencé par le Ton d'Ut, je puis y rentrer après avoir passé dans un autre; mais je ne ferois pas bien de rentrer ensuite dans un autre Ton après l'avoir quitté, pour reprendre celuy d'Ut, ou pour en reprendre un autre; il vaut donc mieux passer dans un nouveau Ton, et ainsi de l'un à l'autre avec discretion, en rentrant insensiblement dans ceux qui approchent le plus de celuy par lequel on a commencé, pour pouvoir y finir, de maniere qu'il ne semble pas qu'on l'ait quitté; aussi faut-il Moduler dans ce Ton principal un peu plus long-temps vers la fin, qu'au commencement, lorsqu'on a passé par plusieurs autres Tons.

Huitiéme. Il vaut mieux faire passer le Ton majeur dans celuy de la sixiéme Notte, que dans celuy de sa Mediante, au lieu qu'il vaut mieux faire passer le Ton mineur dans celuy de sa Mediante, que dans celuy de sa sixiéme Notte; mais le moins bon n'est pas défendu pour cela; et souvenez-vous que la Mediante et la sixiéme Notte d'un Ton majeur sont reputées majeures, de même qu'elles sont reputées mineures dans un Ton mineur.

Neuviéme. Pour connoître si le Ton dans lequel on passe doit être majeur ou mineur, il faut observer que la Notte tonique qui suit celle que [-250-] l'on quitte, sa Tierce et sa Quinte puissent se former des mêmes Nottes comprises dans l'Octave de celle qui a précédé immediatement, et même encore (excepté que la longueur d'une Piece ne nous oblige à nous écarter un peu) il faut que les Acccords parfaits des differentes Nottes toniques, dont on peut se servir dans la suite d'une Piece, puissent être formez des Nottes comprises dans l'étenduë de l'Octave du Ton par lequel on a commencé, sans alterer ces Nottes par aucuns nouveaux Diezes ni B-mols; Par exemple, si je commence par le Ton d'Ut, l'on voit que les Nottes Mi, Fa, Sol, La, et quelquefois Ré, leurs Tierces et leurs Quintes se forment des mêmes Nottes qui entrent dans la Modulation de ce Ton d'Ut; ainsi l'on passe indifferemment d'un Ton majeur à un mineur, et d'un mineur à un majeur, selon que les Tierces se rencontrent conformes à l'ordre diatonique du Ton par lequel on a commencé, ou du moins de celuy que l'on quitte. Si après le Ton majeur d'Ut je passe à celuy de La, ce dernier sera mineur, puisque la Notte Ut en fait la Tierce mineur, ainsi des autres. Pour suivre cette Regle dans les Tons mineurs, il ne faut avoir égard à la Modulation de leur Octave qu'en descendant, où la Notte sensible quitte son Dieze et devient naturelle; c'est pour cette raison que l'on peut en faire autant dans les Tons majeurs, en ajoûtant un B-mol à la Notte sensible; car lorsque nous avons dit que la Notte tonique pouvoit devenir Seconde, ce n'est qu'autant qu'il doit se trouver toûjours l'Intervale d'un Ton entre la Notte tonique et sa Seconde, ayant déja fait mention de cette derniere Modulation dans l'Article second.

Dixiéme. Il faut faire ensorte de passer insensiblement d'un Ton à un autre, de sorte que l'oreille ne s'en apperçoive presque pas; en quoi l'on réüssira, si l'on suit l'ordre que nous venons de prescrire.

Onziéme. En passant d'un Ton à un autre, il faut que la derniere Notte du Ton que l'on quitte porte toûjours un Accord consonant; de sorte que cette derniere Notte ne pourra être que la Tonique; sa Mediante, ou sa Dominante, ou quelquefois même sa sixiéme Notte qui peut porter l'Accord de Sixte; quoiqu'il ne faille s'attacher d'abord qu'à passer d'une Notte tonique à sa Dominante; et cette Dominante devenant Notte tonique, l'on prend après elle les routes prescrites dans l'Exemple suivant, en Modulant pendant quelques Mesures dans le Ton de chacune de ces Nottes, sur lesquelles nous faisons passer la Basse.

EXEMPLE.

[Rameau, Traité de l'Harmonie, 250; text: Premier. Seconde. ou] [RAMTRA3 21GF]

[-251-] L'on peut faire commencer la Basse par la premiere ou par la seconde Mesure, en se ressouvenant qu'il ne faut pas s'arrêter si longtemps dans le Ton de la Notte qui suit celle par où l'on commence que dans celuy de cette Notte qui commence, et encore moins dans les autres, ne passant quelquefois que sur une, deux, trois ou quatre Nottes de l'un de ces derniers Tons, pour passer à un autre, ce qui dépend plus du goût que des Regles.

CHAPITRE VINGT-QUATRIÉME.

Suite des Regles contenuës dans le Chapitre précédent.

C'Est d'abord par le moyen des Cadences que l'on apprend à changer de Ton; ces Cadences introduisent un certain repos dans la suite d'une Piece, après lequel on passe dans le Ton que l'on veut, en faisant entendre une autre Cadence dans ce dernier Ton, ainsi par enchaînement; car l'on est libre de passer à tel Accord que l'on veut après le Parfait qui termine toutes les Cadences.

L'on fait repeter quelquefois la Notte tonique sur laquelle on a fait une Cadence, en donnant à cette Notte repetée un Accord convenable au Ton dans lequel on veut entrer.

En donnant un Accord de septiéme ou de sixte-quarte à cette Notte repetée, on la rend Dominante, A.

En luy donnant l'Accord du tri-ton ou de la grande Sixte, on la rend quatriéme Notte, B.

En luy donnant l'Accord de la sixte, on la rend Mediante, C, ou sixiéme Notte en montant sur la Notte sensible, D.

En luy donnant l'Accord de la petite Sixte, on la rend sixiéme Notte en descendant sur la Dominante tonique, F, et quelquefois seconde Notte, G.

L'on peut encore faire monter d'un semi-Ton cette Notte tonique, au lieu de la repeter, en donnant l'Accord de la fausse-Quinte à cette Notte montée, qui devient pour lors la sensible, H.

Lorsque la Notte tonique porte la Tierce majeure, elle peut devenir Dominante sans rien changer, J.

Tournez pour l'Exemple suivant.

[-252-] EXEMPLE.

[Rameau, Traité de l'Harmonie, 252,1; text: A, B, C, D, F, G, H, J, T, 4, 5, 6, 7, Ton d'Ut, de Sol. de Ré. de Fa. de Si [rob], de La. de Mi.] [cf. Supplément] [RAMTRA3 21GF]

L'on peut donner simplement l'Accord parfait à toutes les Nottes chiffrez ainsi, (6./5,) audessus desquelles il y a un B, parce que la Cadence irreguliere qui y fait entendre une Mediante, peut devenir sixiéme Notte, de même qu'une sixiéme Nottte peut devenir Mediante, comme on a pû le remarquer en partie, dans l'Exemple précédent, à l'endroit marqué d'un T.

EXEMPLE.

[Rameau, Traité de l'Harmonie, 252,2; text: 4, 5, 6, 7, T.] [RAMTRA3 21GF]

La Notte La, qui est sixiéme d'Ut, devient Mediante du Ton de Fa, S.

[-253-] La Notte La, qui est Mediante de Fa, devient sixiéme d'Ut T, sans que l'Accord change de part ni d'autre; cette Notte qui peut être indifferemment Mediante ou sixiéme Notte, se trouvant toûjours entre deux Tons qui sont éloignez l'un de l'autre d'une Quinte, et qu'elle partage en deux Tierces, comme entre Fa et Ut, où La, tient le milieu.

L'on peut encore changer de Ton par le moyen des 7, 7 et 6, 2, 4[x], 6/5, et 5/; de sorte qu'ayant fait passer une ou plusieurs Nottes d'une Basse sous ces sortes d'Accords, il n'y a qu'a y faire rencontrer un Intervale de Tri-Ton ou de fausse-Quinte, pour déterminer le Ton dans lequel on voudra entrer, en remarquant que ce Tri-Ton ou cette fausse-Quinte doivent être formez de la Tierce majeure et de la Septiéme d'une Dominante tonique.

EXEMPLE.

[Rameau, Traité de l'Harmonie, 253; text: 2, 4, 5, 6, 7, Ton d'Ut, de Sol. de Ré. de Fa. de La. Basse-continue. Basse-fondamentale.] [RAMTRA3 22GF]

[-254-] Remarquez qu'il faut que la Dissonance par laquelle on entre dans un autre Ton, soit toûjours preparée par une Consonance de l'Accord où finit le Ton que l'on quitte.

Cecy doit vous servir à composer une Basse, conformément aux Accords que vous voulez y employer; mais nous allons tourner la chose d'une autre maniere, en laissant la liberté de composer une Basse à son gré, dont la progression nous fera connoître les Accords qu'elle doit porter.

CHAPITRE VINGT-CINQUIÉME.

Comment on peut connoître les Accords qu'il faut donner aux Nottes d'une Basse dans une progression quelconque.

ARTICLE PREMIER.

PRemierement, il faut s'attacher à toutes les Cadences et à tout ce qui a rapport à une conclusion de Chant, les Commençans ne pouvant gueres se dispenser d'en faire entrer à tout moment dans leur Basse, sur tout lorsqu'ils veulent changer de Ton, ce qui n'est pas difficile à remarquer, parce que ces conclusions se font toûjours sur le premier Temps d'une Mesure; et si peu que l'on ait le goût formé, on les sent d'abord, de sorte que ces Nottes qui se trouvent dans le premier Temps d'une Mesure sur lesquelles le Chant se repose en quelque façon, doivent porter toûjours l'Accord parfait, ce qui les fait regarder comme Nottes toniques.

Deuxiéme. Si après une Notte tonique la Basse procede par des Intervales Consonans, l'on peut donner un Accord parfait à chaque Notte de cette Basse, jusqu'à celle qui est suivie d'un Intervale diatonique, à l'exception de la Notte qui se trouve une Tierce au-dessus ou au-dessous d'une autre qui porte l'Accord parfait, cette Premiere Notte pouvant porter, en ce cas, l'Accord de Sixte, aussi-bien et même plûtôt que le parfait; ou au contraire, si l'on reconnoît que la Notte premiere doive porter l'Accord parfait, pour lors celle qui se trouve ensuite une Tierce au-dessus ou au-dessous, doit porter l'Accord de Sixte, pourvû qu'après cette derniere Notte, il n'en suive pas une autre en progression consonante; parce que cette progression demande naturellement l'Accord parfait ou celuy de la Septiéme sur chaque Notte, ce qui s'éclaircira par la suite.

Au reste, la Notte, qui, dans le cas que nous venons de dire, peut porter l'Accord de Sixte, est toûjours ou Mediante ou sixiéme [-255-] Notte, bien que l'on puisse donner simplement l'Accord parfait à chacune de ces Nottes, lorsque l'on craint et se tromper.

EXEMPLE.

[Rameau, Traité de l'Harmonie, 255; text: 4, 5, 6, 7, A, B, C, D, E, G, H, J, Sixiéme Nottte. Seconde Notte.] [RAMTRA3 22GF]

Etant dans le Ton d'Ut, nous voyons que la Notte qui est une Tierce au-dessus de cet Ut et au-dessous de la Dominante qui suit, doit porter l'Accord de Sixte. A.

B. La Notte qui est une Tierce au-dessus de la Dominante, ou une Sixte au-dessous, ce qui est la même chose, pourroit porter l'Accord de Sixte; mais l'on sçait déja que celuy de la fausse-Quinte luy convient mieux, parce que cette Notte est la sensible du Ton d'Ut, que l'on n'a pas encore quitté, et qui subsiste toûjours jusqu'à C. D'ailleurs la difference de l'Accord de Sixte à celuy de la fausse-Quinte ne consiste que dans la fausse-Quinte ajoûtée à cet Accord de sixte; de même que la difference d'un Accord parfait à celuy de la septiéme ne consiste que dans la Septiéme ajoûtée à cet Accord parfait, ayant pû l'ajoûter à la Dominante qui précéde immediatement cette Notte, qui porte l'Accord de fausse-Quinte; ce qui est conforme à ce que nous avons dit au Chapitre XII.

Nous trouvons quatre Nottes qui montent consecutivement de Tierce depuis la Notte tonique, dont la Mediante porte l'Accord de sixte, et dont la Dominante porte celuy de Sixte-quarte, C, plûtôt que le parfait; parce que le B-mol qui paroît sur la Notte Si, détermine un autre Ton, qui se connoît dans la progression de la Basse, par l'intervale de fausse-Quinte que forme cette Notte Si B-mol avec celle de Mi qui la suit; Donc ce Mi qui fait le Son grave de la fausse-Quinte devient Notte sensible, et par consequent l'Accord de la Notte Si B-mol doit se conformer au Ton que la Notte sensible nous prépare; puisque ce Si B-mol n'est pas compris dans le Ton d'Ut, que l'on quitte pour lors, et la Dominante de cet Ut conforme en même-temps [-256-] son Accord à celuy qui doit suivre; de sorte que sans sortir du Ton d'Ut, elle porte l'Accord de sixte-quarte, qui compose celuy du Tri-Ton de la Notte Si B mol; car si cette Dominante eût porté l'Accord parfait, il auroit fallu absolument que la Tierce en eût été mineure, pour éviter ce qu'on appelle, une fausse Relation; cette fausse Relation consistant à ne faire entendre jamais de suite dans deux Parties differentes, deux Nottes, dont le nom ne change que par rapport à un Dieze ou à un B-mol qu'on y ajoûte, c'est-à-dire, qu'ayant fait entendre dans une Partie la Notte Si qui fait la Tierce majeure de Sol, je ne puis faire entendre dans une autre Partie la même Notte Si avec un Dieze, ou avec un B-mol; nous en parlerons plus amplement ailleurs. Lorsque nous donnons donc l'Accord de sixte-quarte à la Notte C, ce n'est que pour conformer davantage l'Harmonie de cet Accord à celle de l'Accord qui doit suivre; car on auroit pû donner l'Accord parfait de Tierce mineure à cette même Notte C, l'on auroit pû même luy donner un Accord de petite Sixte et un de fausse-Quinte à la Notte qui l'a précéde immédiatement; parce qu'il se trouve un Intervale de fausse-Quinte entre ce Mi et Si B-mol qui suit; de sorte que dès qu'un pareil Intervale paroît dans la Basse, il détermine absolument le Ton, le Son grave de cette fausse-Quinte étant toûjours (comme nous l'avons dit) la Notte sensible; et ce que nous disons de la fausse-Quinte, doit s'entendre aussi du Tri-Ton, dont le Son aigu est pour lors Notte sensible. Cependant si la Basse procedoit de Quarte en montant, ou de Quinte en descendant, après un pareil Intervale de fausse-Quinte ou de Tri-Ton, il pourroit bien ne se trouver plus-là de Notte sensible, en ce que chacune de ces Nottes de la Basse pourroit être regardée pour lors comme des Dominantes, qui vont chercher la Dominante tonique, dont celles qui forment un Intervale de fausse-Quinte ou de Tri-Ton sont suivies immédiatement, comme on le voit aux Nottes G. H. J. mais cela ne peut avoir lieu qu'entre la seconde et la sixiéme Notte des Tons mi-mineurs, qui forment entre-elles ces Intervales de fausse-Quinte, ou de Quarte Dieze.

Selon nôtre Regle précédente, la Notte D, devroit porter l'Accord de sixte; mais comme la Sixte ne pourroit y être que mineure, conformément au Ton de la Notte qui précéde et qui suit. Nous remarquons que le Si quitte son B-mol immédiatement après; et comme il faut se conformer toûjours à ce qui suit, plûtôt qu'à ce qui précéde, il vaut mieux donner l'Accord parfait à cette Notte D, pour éviter la fausse Relation avec ce qui suit, en se conformant en même-temps à nôtre Regle de la progression consonante de la Basse.

La Notte F, porte l'Accord de la fausse-Quinte, pour les raisons [-257-] que nous venons d'alleguer, puisque l'lntervale de fausse-Quinte se trouve entre-elle et la Notte qui la précéde. Souvenez-vous bien que dans un changement de Ton, il faut conformer l'Harmonie de nos Accords au Ton qui suit, préferablement à celuy que l'on quitte, sur tout lorsqu'une Notte peut porter deux Accords, dont le choix nous est indifferent en ce cas.

ARTICLE SECOND.

Des Cadences imparfaites.

Outre la progression naturelle à la Basse dans les Cadences parfaites, il s'en trouve qui y ont du rapport, et que l'on appelle Cadences imparfaites. (Voyez le Second Livre Chapitre VIII.)

Nous disons que les Cadences imparfaites ont du rapport à la parfaite, non dans la progression de la Basse, mais dans la conformité de l'Harmonie; et pour le connoître, il n'y a qu'à disposer ensemble tous les Sons qui composent la Cadence parfaite, et prendre à part la progression de chaque Partie, dont on pourra former celle de la Basse, les Accords n'y étant differens que dans leur differente disposition.

EXEMPLE.

[Rameau, Traité de l'Harmonie, 257; text: A, C, 4, 6, 7, Dissonance mineure. Dissonance majeure. Basse-fondamentale.] [RAMTRA3 23GF]

Lorsque l'on veut entendre toutes ces Parties ensemble, il faut en retrancher les parties A. et C. qui ont trop de conformité avec la plus haute, la Notte qui y sauve la Dissonance mineure n'aimant pas sa replique dans cette occasion; mais on peut entendre ces Parties A. et C. en retranchant la plus haute, ne les ayant mises ensemble que pour en faire distinguer les differentes progressions, où l'on voit que les Parties qui font dissonance ont leur progression fixe, et que les autres peuvent monter ou descendre; car la Notte de la Basse-fondamentale, qui se trouve dans les trois plus basses Parties, peut rester sur le même degré, ou descendre de Tierce, de même qu'elle descend naturellement de Quinte, en remarquant que l'on retranche ordinairement la Septiéme de son Accord, lorsqu'elle descend de Tierce A, parce qu'il s'y entend une espece de deux Octaves consecutives, quoique cela puisse se souffrir, absolument parlant, sur tout à quatre Parties.

[-258-] L'on trouve la progression de toutes ces Parties, déterminée dans l'Exemple de l'Octave, Chapitre XI. avec les mêmes Accords qu'elles portent icy; pour s'en assurer encore mieux, il n'y a qu'à faire servir de Basse, telle Partie que l'on voudra, en évitant de mettre au-dessus des autres, les deux Parties les plus basses, le reste faisant ensemble un bon effet de quelque façon qu'il soit disposé; et les Accords chiffrez dans une Partie, se trouveront contenus dans les autres.

L'on a pû s'appercevoir de ces sortes de Cadences imparfaites dans la plûpart des Exemples précédens; mais les Nottes qui les terminent ne se trouvent pas toûjours dans le premier Temps de la Mesure, parce qu'elles ont lieu dans une progression diatonique, qui ne peut déterminer une conclusion parfaite.

ARTICLE TROISIÉME.

Comment on peut distinguer le Ton dans lequel les Progressions de Cadences imparfaites ont lieu.

Il est certain qu'une Progression diatonique nous conduit à plusieurs Tons differens; mais pour distinguer le Ton où cette progression nous conduit, il y a plusieurs choses à remarquer.

Premier. La Notte sensible doit nous déterminer d'abord; et voicy comment on peut la distinguer dans la Basse.

Connoissant le Ton par lequel on commence, on en connoît en même-Temps la Notte sensible, et l'on sçait que ce Ton ne peut rouler que sur de certaines Nottes comprises dans l'étenduë de son Octave, conformément au Ton majeur d'Ut, ou au Ton mineur de Ré. Si l'une de ces Nottes est alterée d'un Dieze ou d'un B-mol, il est certain que le Ton change.

Le premier nouveau Dieze que l'on trouve, marque certainement une Notte sensible; et si l'on en trouve deux ou trois de suite, c'est toûjours le dernier qui doit être pris pour Notte sensible: Donc le Dieze mis à côté de la Notte Fa, rend cette Notte sensible, et même dénotte en même-temps le Ton de Sol. Si avec ce Dieze de Fa, j'en trouve un à côté de Sol; Fa Dieze n'est plus Notte sensible, c'est Sol Dieze qui me dénotte en même-temps le Ton de La; ainsi en comptant selon l'ordre de la position des Diezes Fa, Ut, Sol, Ré, La, et cetera on ne peut se tromper; et quelques B-mols qui se trouvent mêlez parmi ces Diezes, l'on n'y doit faire aucune attention; mais s'il ne se trouve point de Dieze, pour lors le B-mol nous marque un nouveau Ton; et la Notte sensible doit être toûjours prise sur la Notte [-259-] à laquelle il faudroit donner un autre B-mol, supposé qu'il fallut en ajoûter un; Par exemple, s'il y a un B-mol à côté de la Notte Si, et qu'il ne se trouve point de Dieze, la Notte Mi, qui est celle où l'on pourroit ajoûter le nouveau B-mol, sera la sensible; pareillement si la Notte Mi porte un B-mol, la Notte La sera la sensible; ainsi en comptant selon l'ordre des B-mols, Si, Mi, La, Ré, et cetera celle de ces Nottes qui n'a point de B-mol, et qui suit immediatement celle qui en a un, est toûjours la sensible, en se souvenant de ce que nous avons dit à l'Article Premier, que les Intervales de fausse-Quinte ou de Tri-Ton nous en faisoient encore appercevoir dans la progression de la Basse; car la Notte qui pourroit porter le B-mol ajoûté, fait justement le Tri-Ton au-dessus, ou la fausse-Quinte au-dessous de celle qui a le dernier B-mol. Pour ne point se tromper en ceci, il ne faut jamais se servir du B-quarre.

Deuxiéme. Comme la Basse ne va pas toûjours sur la Notte sensible, et que le Ton peut changer, sans que l'on puisse s'en appercevoir par cet endroit, pouvant se trouver même très-souvent dans la Basse, un Intervale de fausse-Quinte ou de Tri-Ton, qui seroit formé de la seconde Notte d'un Ton mineur à la sixiéme Notte, ou plûtôt de celle-cy à l'autre, pourvû qu'il n'y ait point de Dieze, car celui-cy nous détermine toûjours; Il faut remarquer d'abord si le Ton que ces Intervales, ou quelqu'autres Signes peuvent nous marquer, le rapport qu'il doit avoir avec celuy que l'on quitte; et si après le repos qui est déterminé, en quelque façon, dans une progression diatonique, il ne suit pas une Notte qui ait plus de rapport à un Ton qu'à un autre, sur tout, lorsqu'après la derniere Notte en progression diatonique, il en suit une autre en progression consonante, qui conduit souvent à quelques Cadences finales, où pour lors le Ton est déterminé.

[-260-] EXEMPLE.

[Rameau, Traité de l'Harmonie, 260; text: 2, 4, 5, 6, 7, A, B, C, D, H, J, L, M. Notte sensible de La. de Ré. de Sol. de Si [rob], de Fa. d'Ut. Ton de La, Ton de Fa.] [cf. Supplément] [RAMTRA3 23GF]

Après la premiere Notte sensible qui est facile à remarquer, l'on voit que depuis la Notte A, il y a une progression diatonique interrompuë à la Notte B, où il faut suivre la Regle des Septiémes; et cette interruption qui nous conduit à une Cadence sur la Notte Ut, nous oblige de conformer à son Ton, les Nottes en progression diatonique depuis la Dominante de La, après laquelle il ne paroît rien qui puisse nous entretenir dans ce Ton de La; ce qui fait que nous avons donné l'Accord de Sixte-quarte à la Dominante repetée, pour unir davantage son Harmonie à celles des Accords qui doivent suivre: Qui plus est, le Sol qui devient naturel à B, nous donne à connoître qu'il n'est plus Notte sensible; et ne trouvant ni Dieze ni B-mol jusqu'à la Cadence d'Ut, nous voyons clairement que le Ton [-261-] d'Ut se déclare depuis la Notte A; parce qu'il faut avoir toûjours égard au Ton qui suit, plûtôt qu'à celuy où l'on est: sur tout lorsqu'il est indifferent de conformer les Accords à ce Ton suivant, ne se trouvant aucun Dieze, ni B-mol, ni aucune progression consonante, ni aucun repos qui puissent nous déterminer à prendre une autre route.

Le Dieze de Sol n'ayant plus lieu, celuy d'Ut qui vient après, nous dénotte un nouveau Ton; et le repos qui se fait à la Notte C, après laquelle suit un Intervale consonant, qui demande la Septiéme sur cette Notte C, nous détermine à rentrer dans le Ton de La, puisque c'est à cette Notte La que finit la progression de Quarte en montant.

Le Dieze de Fa nous dénotte un nouveau Ton, puisqu'il ne s'y en trouve point d'autre après luy.

Le B-mol F, nous oblige de donner une Tierce mineure à la Notte qui le précéde, pour une plus grande conformité d'Harmonie; et les B mols se trouvant sur les Nottes Si et Mi, nous jugeons que la Notte La, doit être sensible; ensuite la Notte Mi, quittant son B-mol, devient elle-même sensible, puisque le B-mol reste encore sur la Notte Si, d'autant qu'il ne s'y trouve aucun Dieze.

L'Intervale de fausse-Quinte qui se trouve entre les Nottes D, peut nous faire reconnoître une Notte sensible en cet endroit, puisque celle que l'on prendroit en ce cas pour telle, monte d'un semi-Ton à J; (progression naturelle à la Notte sensible) mais les Intervales consonans qui se pratiquent depuis la Notte L, où le Ton de Fa se termine, nous obligeant de donner à ces Nottes suivantes des Accords parfaits ou de Septiéme, selon les differens Intervales de la Basse, nous portent en même-temps à nous déclarer pour le Ton, qui nous est déterminé par la Notte sensible qui suit; ce n'est pas à dire que selon les Regles d'une progression par Tierces, on n'en pût faire ainsi

[Rameau, Traité de l'Harmonie, 261; text: 6, D, J, L] [RAMTRA3 24GF]

et pour lors on continueroit le Ton de Fa jusqu'à la Notte Ré, qui est suivie de sa Notte sensible; cela est arbitraire lorsque le bon goût nous conduit; ce bon goût qui se plait dans la diversité, nous déterminant toûjours à abandonner un Ton qui a été entendu trop long-temps, quand cela se peut.

La fausse-Quinte qui se fait sur la Notte sensible de Ré, n'est point sauvée immediatement sur l'Accord qui la suit; mais l'on peut remarquer qu'elle forme encore la Sixte de la Notte G, sans que le [-262-] fond de l'Accord change, et qu'elle va se sauver d'abord après, en descendant sur la Sixte Dieze de la Notte voisine, où la progression diatonique nous oblige de conformer nôtre Harmonie au Ton que la Notte sensible suivante nous prescrit.

Comme nous n'avons point encore parlé de l'Accord de la Seconde superfluë que porte la Notte G, l'on peut ne pas y faire attention à present.

La Notte H, devient sensible, tant par rapport à la progression d'un semi-Ton entre-elle et la Notte qui la suit dans l'autre Mesure, que parce que l'Accord de fausse-Quinte qu'elle porte pour lors, est le même que celuy de la Septiéme que doit porter la Notte qui la suit immediatement; puisque cette Notte suivante monte de Quarte, outre qu'il ne paroît plus de Diezes, et que le B-mol reste sur Si; donc Mi est Notte sensible. Ensuite les B-mols et les Diezes s'évanoüissant, il n'y a point d'autre Notte sensible que Si, où pour lors le Ton d'Ut est déterminé, étant obligé de donner aux Nottes de son Ton les Accords qui leurs sont prescrits; ainsi jusqu'à la conclusion, quoique la progression de Quarte en montant, M, nous oblige de donner un Accord de Septiéme à la Notte Ut, et d'en donner un parfait à la Notte Fa, puisque cette Notte est encore suivie d'un Intervale consonant; de sorte que l'Accord parfait qui rend toûjours Tonique la Notte où il se fait, nous donne encore la Notte Fa pour telle; mais le B-mol de Si qui doit regner dans ce Ton, disparoissant à l'instant, et ne se trouvant plus de Diezes ni de B-mols, la Notte Si redevient Notte sensible, n'ayant interrompu le Ton d'Ut pour un moment, qu'à cause de la diversité; parce que cela a pû se faire, conformément à la progression consonante de la Basse.

Pour finir sur ce sujet, nous dirons que les Progressions consonantes doivent absolument nous déterminer, et que les Diatoniques doivent se rapporter aux consonantes qui les suivent, plûtôt qu'à celles qui les précédent. Si la Notte sensible ne peut se distinguer, il se trouve une certaine suite d'Accords dans une progression diatonique depuis le dernier Accord consonant, et que la derniere Notte en progression consonante aura dû porter, que nous ne devons point abandonner, selon qu'elle nous est prescrite dans l'Octave du Chapitre XI. Si la Basse monte d'un semi-Ton, ce qui peut faire prendre la premiere Notte de cette progression pour sensible, il faut voir s'il ne suit pas quelques Diezes, ou s'il n'y a pas quelques Nottes qui quittent leurs B-mols, parce que la Notte sensible est plûtôt déterminée par-là, que par une progression en montant d'un semi-Ton, qui peut se faire dans les Tons majeurs d'une Mediante à la quatriéme [-263-] Notte, et dans les Tons mineurs d'une seconde Notte à la Mediante, ou d'une Dominante à la sixiéme Notte, cette sixiéme Notte descendant neanmoins incontinent après; ainsi dans ces sortes d'occasions, il se trouve une progression consonante, un Dieze ou un B-mol, ou une certaine suite d'Accords qui doivent absolument nous déterminer.

Si-tôt qu'après une Progression diatonique, il en suit une Consonante, la Notte qui finit la progression diatonique et qui commence la consonante, doit porter l'Accord parfait, ou celuy de Sixte; si elle doit porter l'Accord parfait, sa Notte sensible l'aura précédée en montant d'un semi-Ton, ou bien ce sera la Dominante qui aura été précédée en montant d'un Ton; si c'est la Mediante, elle sera précédée dans le Ton mineur en montant d'un semi-Ton, et dans le majeur en montant d'un Ton; si au contraire ces Nottes sont précédées en descendant, la Tonique le sera toûjours d'un Ton, la Dominante ne le sera que d'un semi-Ton dans les Tons mineurs, et d'un Ton dans les majeurs. Or, il est impossible que cette differente progression dans differens Tons, ne vous fasse connoître quelque chose, vû que l'on sçait déja le rapport que doit avoir un Ton avec celuy que l'on quitte; sa difference du majeur au mineur se puisant dans sa Tierce et sa Quinte, qui doivent être formées des Nottes comprises dans le Ton que l'on quitte. Il est presqu'impossible d'ailleurs qu'il ne paroisse une Notte sensible avant ou après, et que la progression consonante qui suit ne nous conduisent à une certaine conclusion, qui ne puisse nous déterminer; car il faut bien remarquer que toutes les conclusions sont déterminées dans les progressions de Quarte ou de Quinte; excepté qu'après l'une de ces progressions, il n'en suive une diatonique de deux ou de trois Nottes, soit en montant, soit en descendant, sur la derniere, desquelles le Chant se repose par rapport à une nouvelle progression consonante, ou disjointe qui recommence.

EXEMPLE.

[Rameau, Traité de l'Harmonie, 263; text: 4, 5, 6, 7, A, B, C, D, F, G, H] [RAMTRA3 24GF]

Quoique la Basse descende de Quinte à A, je ne dois point faire [-264-] une Septiéme sur la premiere Notte, parce que la seconde Notte ne doit porter ni le parfait ni celuy de la Septiéme, puisque je suis déterminé par la progression diatonique qui suit, où le Chant se repose.

Le Chant qui se repose sur la troisiéme Notte après B, m'oblige de conformer à son Ton la Notte B; donc celle qui la précéde ne doit porter que l'Accord déterminé par ce Ton, et non pas celuy que demande la progression consonante, parce que la Notte B, ne doit pas porter l'Accord parfait, ni celuy de Septiéme.

Je conforme l'Accord de la seconde Notte C, au Ton de la Notte qui suit, où le Chant se repose; et je donne un Accord de Septiéme à cette Notte C, avant celuy de la petite Sixte qui luy convient; parce que cette Septiéme se trouve preparée dans l'Accord précédent, et qu'elle se sauve agréablement sur la Sixte de cette même Notte; nous en parlerons encore au Chapitre suivant.

J'observe la Regle prescrite aux Nottes qui procedent par Tierces à D, et à F; et pour s'assurer encore davantage du choix que l'on doit faire des Accords en ce cas, remarquez que les Nottes qui frappent dans le premier Temps doivent porter l'Accord parfait, plûtôt que celles qui frappent dans le dernier, ausquelles l'Accord de Sixte convient pour lors; bien que l'on puisse donner l'Accord parfait à chacune de ces Nottes, comme nous l'avons fait à G.

La conclusion que l'Intervale consonant me fait sentir à la fin, m'oblige de conformer à ce Ton les Accords de toutes les Nottes précédentes en progression diatonique, depuis H.

ARTICLE QUATRIÉME.

Comment on peut distinguer dans une progression diatonique si le Chant va se reposer sur la Notte tonique, ou sur la Dominante.

Pour distinguer dans une progression diatonique si le Chant va se reposer sur une Notte tonique ou sur une Dominante, il n'y a qu'à se mettre dans l'esprit, que pour aller d'une Notte tonique à sa Dominante, la Basse monte de Quinte ou descend de Quarte; et que pour aller d'une Dominante à sa Notte tonique la Basse monte de Quarte ou descend de Quinte. Or, si la progression diatonique excede cette étenduë, la Notte sensible paroîtra pour lors dans la Basse ou non; si elle paroît, elle déclare en même-temps la Notte tonique; sinon, vous êtes certain que le Chant va se reposer sur la Dominante.

[-265-] EXEMPLE.

[Rameau, Traité de l'Harmonie, 265; text: 4, 5, 6, A, B, Progressions qui conduisent à la Dominante, où la Notte sensible ne paroît point. Progressions qui conduisent à la Notte tonique, où paroît la Notte sensible.] [RAMTRA3 24GF]

La Basse qui monte d'un Ton à A, vous fait reconnoître la Dominante, et la Notte tonique à B, où elle ne monte que d'un semi-Ton.

De plus, par quelque Notte du Ton que commence une Progression diatonique, l'Intervale consonant qui s'est trouvé entre cette Notte et celle qui la précéde, le repos qui suit immediatement, les Tons et semi-Tons qui se rencontrent dans cette progression diatonique, et l'interruption de cette derniere progression par une consonante, ou disjointe, doivent infailliblement vous faire reconnoître le lieu qu'occupe cette Notte dans le Ton où vous êtes, ou dans celuy que vous pouvez luy subroger. Il est vrai, que l'Intervale consonant qui précéde le Diatonique, détermine moins que celuy qui suit ce diatonique, comme le prouve le dernier Exemple de l'Article précédent; mais d'ailleurs les Tons et les semi-Tons qui composent chaque Intervale d'une progression diatonique, suffisent seuls pour vous mettre au fait. Il est donc à propos de bien remarquer le lieu qu'occupent dans chaque Mode les semi-Tons, tant en montant qu'en descendant, et de se souvenir que la progression diatonique ne s'interrompt ordinairement qu'après une Notte tonique, une Mediante, ou une Dominante; et quand même cela seroit autrement, comme il arrive quelquefois que cette interruption se fait après toute autre Notte, la progression consonante qui suit, ne détermine-t-elle pas; et les Regles prescrites sur ce sujet, ne suffisent-elles pas pour ne pouvoir s'y tromper? L'on sçait ce que demande une progression de Tierce, de Quarte, ou de Quinte, tant en montant qu'en descendant, et la représentation d'un même Accord qui se fait souvent dans deux Nottes par Tierces consecutives ou autrement, selon la progression qui suit; en un mot, si l'on fait un peu d'attention sur tout ce que nous avons dit à cet égard; si l'on s'attache à la Modulation, qui doit être toûjours nôtre premier objet; si l'on remarque le rapport des Accords avec la progression de la Basse; si l'on confronte le tout avec une Basse-fondamentale, et si l'on prend garde à la Notte sensible, qui est d'un grand secours [-266-] par tout où elle a lieu, il est difficile de pouvoir se tromper, puisque dès que vous avez reconnu l'Accord que doit porter une certaine Notte, il n'y a qu'à suivre l'ordre de l'Octave depuis cette Notte jusqu'à celle où la progression diatonique s'interrompt; (Voyez le Chapitre XI.) la varieté d'Harmonie qu'on peut y introduire d'ailleurs, s'apprendra par la suite.

CHAPITRE VINGT-SIXIÉME.

De la maniere de pratiquer la Septiéme sur toutes les Nottes d'un Ton en Progression diatonique.

IL n'y a que la Notte tonique qui doive paroître toûjours avec l'Accord parfait, au lieu que celuy de la Septiéme peut être approprié à toutes les autres Nottes, avec cette difference, que dans une progression de Quarte en montant sur un Accord parfait ou de Septiéme, toutes les Nottes doivent être regardées comme Dominantes, et peuvent porter, en ce cas, l'Accord de la Septiéme; mais dans une progression diatonique, il faut que la Notte qui porte cet Accord de Septiéme, puisse se partager en deux Temps, ou qu'elle soit repetée deux fois (ce qui est à peu près la même chose) pour que dans son second Temps elle puisse porter l'Accord de Sixte qui luy convient, selon la Notte qui la suit; et pour lors la Septiéme doit être toûjours preparée, excepté la premiere qui peut ne pas l'etre, selon la progression de la Basse.

EXEMPLE.

[Rameau, Traité de l'Harmonie, 266; text: 4, 5, 6, 7, A, B, C] [cf. Supplément] [RAMTRA3 24GF]

A, B. J'aurois pû conformer les Accords de ces Nottes en progression diatonique au Ton qui nous est declaré par la conclusion qui suit; mais l'on peut aussi continuer dans le Ton qui a précédé, dont la Notte tonique B, prend dans son second Temps, l'Accord qui convient au Ton qui suit.

La Notte C, devroit porter naturellement l'Accord de la grande Sixte, qui peut être entendu après celuy de la Septiéme que nous luy donnons; mais au lieu de sauver cette Septiéme sur la Sixte [-267-] de la même Notte, nous la sauvons sur la Quarte de la Notte qui suit immediatement, parce que l'Accord de petite Sixte que porte cette derniere Notte, et celuy de la grande Sixte que doit porter la Notte C, ne sont qu'un même Accord dans le fond. De-là vient que lorsqu'on entend une Dissonance, on ne doit pas la quitter qu'elle ne puisse être sauvée; et comme la Notte de la Basse, sur laquelle cette Dissonance devroit être sauvée naturellement, ne paroît pas toûjours, il faut voir si la Notte qui suit dans cette Basse ne pourroit pas porter un Accord composé des mêmes Sons, qui devoient former l'Accord dont la Dissonance devoit être sauvée, ce qui va être expliqué.

CHAPITRE VINGT-SEPTIÉME.

Comment la même Dissonance peut avoir lieu dans plusieurs Accords consecutifs sur des Nottes differentes; Et comment elle peut étre sauvée sur des Nottes qui nous paroissent étrangeres.

IL faut remarquer que l'Accord de la Septiéme est composé de quatre Nottes differentes, qui peuvent précéder la même Notte, et que ces Nottes peuvent être arrangées consécutivement dans la Basse; de sorte qu'elles porteront chacune un Accord different en apparence, et qui sera toûjours le même dans le fond, comme il est spécifié au Chapitre XII; si-bien qu'ayant entendu une certaine Dissonsance dans un Accord, qui ne peut être sauvée dans l'Accord suivant, il faut voir si cette même Dissonance ne peut pas servir à l'Accord de la Notte suivante, et ainsi jusqu'à ce que l'on voye qu'elle peut être sauvée.

EXEMPLE.

[Rameau, Traité de l'Harmonie, 267; text: 4, 5, 6, 7, A, B] [cf. Supplément] [RAMTRA3 24GF]

La difference des Exempl A, et B, consiste en ce que la Dissonance majeure se trouve dans le premier, et que la mineure est seule dans l'autre. Dans l'Accord de la petite Sixte, A, qui est naturel à la seconde Notte, il se trouve une Dissonance entre la Tierce et la Quarte, qui doit être sauvée en faisant descendre la Tierce, ce qui ne se peut sur la Notte suivante; mais le même Accord fait celuy [-268-] du Tri-Ton de cette derniere Notte, où la Dissonance ne peut encore être sauvée, ainsi jusqu'à la Notte Ut, où la Dissonance se sauve en descendant sur la Tierce de cette Notte Ut, et où l'on peut remarquer que la Notte Sol, qui porte l'Accord de la Septiéme, sert de fondement à ces quatre differens Accords; de sorte que quand l'on trouve une Dissonance dans un Accord, il faut toûjours rapporter cet Accord à son fondement, et chercher ensuite dans la Basse la Notte sur laquelle on peut sauver cette Dissonance; car tant qu'il ne paroît dans la Basse que les mêmes Nottes comprises dans l'Accord où cette Dissonance a lieu, il est certain que cette Dissonance ne peut y être sauvée, et il faut qu'il paroisse absolument dans la Basse une des Nottes de l'Accord où la Dissonance puisse se sauver en descendant si elle est mineure, ou en montant si elle est majeure; cette Notte se distinguant facilement, lorsqu'après avoir rapporté l'Accord dissonant à son fondement, l'on dit, la Notte fondamentale de cet Accord fondamentale domine une telle Notte qui est une Quarte au-dessus, donc il faut que je trouve cette Notte dans

la Basse, ou du moins l'une de celles qui composent son Accord parfait, ou celuy de sa Septiéme, supposé que le Chant ne se repose pas en cet endroit; si l'on ne trouve que la Dominante de cette Notte pour sauver l'Accord dissonant, cette Dominante étant la fondamentale de l'Accord dissonant qui paroît, il faut qu'elle puisse se partager au moins en deux Temps, si elle n'est pas repetée, pour que dans son second Temps elle puisse porter l'Accord dérivé de la Notte qu'elle domine. Cette derniere Regle souffre quelques petites exceptions, qui se trouvent expliquées au Chapitre XX des Licences.

De ce que nous venons de dire, il s'en suit que si l'on a fait entendre une Septiéme sur une Notte qui doit naturellement porter un autre Accord par rapport à celle qui la suit, où selon l'ordre de l'Octave, et que cette Notte n'ait pas une valeur competente pour y faire entendre cet Accord qui luy convient; il faut que la Notte qui la suit puisse porter le même Accord, selon le fondement, c'est-à-dire, que les Nottes contenuës dans l'Accord de cette Notte suivante soient celles dont l'Accord naturel à la premiere Notte, devoit être composé.

Voyez l'Exemple qui suit.

[-269-] EXEMPLE.

[Rameau, Traité de l'Harmonie, 269; text: 4, 5, 6, 7, A, B, C, D. Basse-Continue. Basse-Fondamentale] [RAMTRA3 25GF]

L'Accord de la petite Sixte que doit porter naturellement la seconde Notte du Ton A, et D, se trouve dans celuy du Tri-Ton qui suit la Notte A, et dans celuy de la Septiéme qui suit la Notte D.

L'Accord de la petite Sixte que la sixiéme Notte B, doit porter naturellement en descendant, se trouve dans celuy de la grande Sixte de la Notte qui suit.

La Septiéme qui s'entend sur la Dominante est sauvée par la Sixte de cette même Dominante qui repete à C. C'est de-là d'où vient qu'une Dissonance peut être sauvée par differentes Consonances; parce qu'elle est toûjours bien sauvée pourvû que ce soit en descendant sur une Consonance de la même Notte qui a porté la Dissonance, ou de la Notte suivante, si cette Dissonance est mineure; car si elle est majeure, elle se sauvera en montant sur une Consonance.

Il y a encore une petite attention à faire, qui est, que si selon la suite naturelle des Accords, l'on se sentoit obligé de donner à une Notte un Accord dérivé de celuy de la Notte qui la suit, il faut voir si cette premiere Notte ne pourroit pas porter l'Accord qui domine celuy qui suit, et pour lors on feroit beaucoup mieux de luy donner cet Accord dominant, que celuy qui n'est dans le fond que le même Accord qui doit paroître ensuite; sur tout, lorsque la Dissonance qui doit être entenduë dans ce premier Accord dominant, peut être preparée par une Consonance de l'Accord précédent.

La suite de l'Harmonie n'est autre chose qu'un enchaînement de Nottes toniques et de Dominantes, dont il faut bien connoître les dérivez, pour faire ensorte qu'un Accord domine toûjours celuy qui le suit; ainsi l'Accord parfait et ses dérivez ne diminuent rien, après eux l'on passe à tel Accord que l'on veut, pourvû que l'on se conforme [-270-] aux Regles de la Modulation; mais un Accord dissonant quelconque domine toûjours celuy qui le suit, conformément aux Exemples des 7, 7 et 6, 2, 4[x], 6/5, et [5/]; et c'est-là où nous avons besoin de tout nôtre discernement pour connoître les Accords dérivez et pour leur donner une suite convenable, quoique toutes les differentes Regles que nous avons données de chaque Accord et de chaque progression de la Basse, nous suffisent pour venir à bout de ces difficultez.

Exemple de la préference que l'on doit donner à un Accord, par rapport à celuy qui le suit.

[Rameau, Traité de l'Harmonie, 270; text: 5, 6, 7, A, B] [RAMTRA3 25GF]

La seconde Notte A, devroit porter naturellement l'Accord de la petite Sixte dérivé de celuy de la Septiéme de la Dominante tonique qui paroît d'abord après elle; mais pour varier davantage, nous remarquerons que cette seconde Notte domine la Dominante, qu'ainsi elle doit porter plûtôt l'Accord déterminé en pareil cas; et quoique cette Dominante ne paroisse pas d'abord après B, l'on voit que la Notte qui se trouve entre celles-cy, ne peut porter qu'un Accord dérivé de celuy de la Septiéme de la Notte B; qu'ainsi cette Notte B, doit porter l'Accord de la Septiéme, d'autant plus que la Septiéme y est preparée par une Consonance de l'Accord précédent.

Remarquez que toutes nos Regles n'ont encore regardé que l'Harmonie, et que le Chant de chaque Partie y est limité, excepté celuy de la Basse sur laquelle nous fondons cette Harmonie; ainsi attendez que vous en possediez à fond la connoissance, avant que de songer à la Melodie, dont nous parlerons après avoir expliqué les Licences, qui peuvent orner encore l'Harmonie par la varieté qu'elles y introduisent.

CHAPITRE VINGT-HUITIÉME.

De toutes les Licences; et premierement de la Cadence rompuë.

ON appelle Cadence rompuë, une certaine progression de la Basse, qui interrompt la conclusion d'une Cadence parfaite; car après avoir fait entendre l'Accord de la Septiéme sur une Dominante tonique; si au lieu de tomber naturellement sur la Notte tonique, vous ne faites monter vôtre Basse que d'un Ton ou d'un semi-Ton, pour lors la Cadence parfaite est rompuë, et la Septiéme y est sauvée par la Quinte de cette Notte montée, qui dans les Tons majeurs monte d'un Ton, [-271-] et dans les mineurs d'un semi-Ton. (Voyez ce que nous disons de la Cadence rompuë au Second Livre, Chapitre VI.)

EXEMPLE.

[Rameau, Traité de l'Harmonie, 271,1; text: 4, 7, Cadence rompuë dans le Ton majeur. Dans le Ton mineur.] [RAMTRA3 25GF]

Dans l'Accord parfait qui termine cette Cadence, on entend l'Octave de la Tierce preferablement à celle de la Basse, ce qui est contre l'ordre naturel; mais cela provient plûtôt de la fausse progression de la Basse, que de celle des Parties, où l'on voit que la Dissonance mineure est toûjours sauvée en descendant, et la majeure en montant, et que cette Tierce doublée nous represente le Son fondamental qui devroit êtte entendu naturellement; ce n'est pas que dans les Tons majeurs, on ne puisse descendre sur l'Octave de la Basse, au lieu de monter sur la Tierce, comme nous l'avons marqué d'un Guidon [signum], mais dans les mineurs il faut se conformer absolument à l'Exemple.

Il faut renverser à present les Accords qui composent cette Cadence rompuë, pour voir les avantages que nous pouvons en tirer.

EXEMPLE.

[Rameau, Traité de l'Harmonie, 271,2; text: 4, 6, 7, Basse-Fondamentale. Ton majeur. Ton mineur.] [RAMTRA3 25GF]

Chacune de ces Basses étant mise au-dessous des autres, l'on y entendra les differens Accords qui y sont chiffrez; d'où l'on peut tirer une suite agréable d'Harmonie et de Melodie dans une progression diatonique de la Basse en descendant ou en montant.

Voyez l'Exemple suivant.

[-272-] EXEMPLE.

[Rameau, Traité de l'Harmonie, 272; text: 2, 4, 5, 6, 7, A, B, C, D. F. G. Basse-Continue. Basse-Fondamentale. Lorsque cette Partie sert de Basse, la Partie D, doit en être retranchée, et la Partie F, doit être changée dans les deux dernieres Nottes, devant en faire autant de celle-cy, lorsque cette Partie F, sert de Basse. Cette Partie ne peut servir de Basse. Lorsque cette Partie sert de Basse, sa progression doit être diatonique jusqu'à la fin, et plûtôt en montant qu'en descendant. La Partie D, doit être retranchée, lorsque celle-cy sert de Basse; parce que la Cadence irreguliere que cette Partie D, fait entendre contre les Nottes B, C, de la Basse-fondamentale, ne peut se renverser par un Accord de Septiéme ou de Seconde sur la premiere des deux Nottes qui la forment. Cadence parfaite évitée d'A, à B, par la Sixte ajoûtée à l'Accord parfait de la Notte B, ce qui prepare une Cadence irreguliere, évitée à C, par la Septiéme ajoûtée, pour faire entendre la Cadence parfaite à la fin. Voyez le Second Livre sur ce sujet, Chapitre IX. et X.] [RAMTRA3 26GF]

Si l'on retranche la Quinte de l'Accord de la Notte B, l'on entendra pour lors une Cadence rompuë d'A, à B, de même que dans les Nottes H, J, de la Partie G.

La progression des Parties superieures est limitée par celle de la Basse-Continuë; mais lorsqu'on voudra les faire servir de Basse à leur tour, on pourra leur donner telle progression que l'on voudra; c'est-à-dire seulement, que l'on pourra y changer les progressions consonantes en diatoniques, sans changer neanmoins le fond de [-273-] l'Harmonie, et l'on y conformera pour lors la progression des autres Parties, qui serviront de Dessus.

L'on peut faire entendre la Sixte sur la seconde des deux Nottes qui montent d'un Ton ou d'un semi-Ton dans la Cadence rompuê; mais pour lors l'Accord de la Septiéme ne doit pas être employé sur la premiere de ces deux Nottes, parce que cette Septiéme ne pourroit y être sauvée.

L'on peut, comme l'on voit, interrompre la conclusion de chaque Cadence par une Dissonance ajoûtée à la Notte qui termine ces Cadences, pourvû que cette Dissonance soit preparée, et sauvée selon la progression de la Basse-fondamentale, sur laquelle il faut se regler toûjours, crainte de se tromper; car l'on voit que cette Dissonance ne peut être preparée à C, bien que cela soit bon; parce que la Basse-fondamentale y descend de Quarte, ou y monte de Quinte, ce qui est la même chose.

L'on doit mettre au nombre des Licences la Cadence irreguliere et les Dissonances qui ne peuvent être preparées, comme quand la Basse-fondamentale monte de Tierce, de Quinte ou de Septiéme, avec tout ce qui provient du renversement de ces differentes progressions, quoique ce que nous appellons Licence en ce cas, soit inseparable du corps de la bonne Harmonie; ce qui fait que nous en avons parlé dans l'ordre que nous avons crû devoir tenir, pour l'intelligence des Commençans.

CHAPITRE VINGT-NEUVIÉME.

De l'Accord de la Quinte-superfluë.

NOus avons encore à parler de certains Accords qui sont introduits par la Licence; et en commençant par celuy de la Quinte-superfluë, nous dirons qu'il ne peut se faire jamais que sur la Mediante des Tons mineurs.

Cet Accord n'est, à proprement parler, que celuy de la Septiéme d'une Dominante tonique, au-dessous duquel on ajoûte un cinquiéme Son, à la distance d'une Tierce.

EXEMPLE.

[Rameau, Traité de l'Harmonie, 273; text: 1, 3, 5, 7, 9, Accord de Septiéme. Accord de Quinte-superfluë. Dominante tonique. Son ajoûté.] [RAMTRA3 26GF]

Ce n'est point dans le Son ajoûté qu'il faut chercher le fondement de cet Accord, mais dans celuy qui est formé de la Dominante tonique; et de cette maniere, nos premieres Regles subsisteront toûjours. Cet Accord de Septiéme qui a pour fondement [-274-] la Dominante tonique, suivra toûjours sa progression ordinaire, la Dissonance majeure montera, et la mineure descendra, le tout étant sauvé sur l'Accord parfait de la Notte tonique, pendant que le Son ajoûté formera ensuite luy-même une partie de cet Accord parfait, ou descendra sur cette Notte tonique.

EXEMPLE.

[Rameau, Traité de l'Harmonie, 274,1; text: 5, 6, 7] [RAMTRA3 27GF]

Cet Accord doit être preparé par celuy de la Septiéme de la Notte qui domine la Dominante tonique, où l'on voit que la seconde Notte, qui en est en ce cas la Dominante, ne monte que d'un semi-Ton , au lieu de monter de Quarte sur cette Dominante tonique, pendant que l'on n'entend dans les autres Parties que l'Accord de la Septiéme de cette Dominante tonique, qui est sauvé ensuite, comme nous avons toûjours dit qu'il devoit l'être.

Cet Accord sert quelquefois à rompre la Cadence, en faisant monter d'un semi-Ton la Dominante tonique sur ce Son ajoûté, qui de sixiéme Notte devient Mediante, en ce que le Ton change par le moyen de la nouvelle Notte sensible qui fait la Quinte-superfluë.

EXEMPLE.

[Rameau, Traité de l'Harmonie, 274,2; text: 4, 5, 7] [RAMTRA3 27GF]

Lorsque l'on ne compose qu'à quatre Parties, l'on est libre de mettre dans le Dessus les Nottes marquées d'un Guidon, au lieu de l'une de celles qui leur répond dans les autres Parties.

Cet Accord se prepare encore par celuy dont il est dérivé.

EXEMPLE.

[Rameau, Traité de l'Harmonie, 274,3; text: 4, 5, 6, 7, ou] [RAMTRA3 27GF]

D'autres le preparent quelquefois par la Quinte de la même Notte, [-275-] ou par la Sixte mineure de la Notte, qui est un semi-Ton au-dessous, ou encore par les Accords dérivez de celuy de la Septiéme de la Notte qui est un semi-Ton au-dessous; mais cela est un peu hardi.

CHAPITRE TRENTIÉME.

De l'Accord de la Neuviéme.

CEt Accord ne differe du précédent que dans la Quinte qui étoit superfluë, et qui doit être juste icy, ou plûtôt dans la Tierce du Son fondamentale, qui est mineure icy, au lieu qu'elle étoit majeure; de sorte que si nous prenons un Accord de Septiéme d'une Dominante, dont la Tierce sera mineure, nous en formerons celuy de la Neuviéme, en ajoûtant une Notte, une Tierce au-dessous de cette Dominante.

EXEMPLE.

[Rameau, Traité de l'Harmonie, 275; text: 1, 3, 5, 7, 9, fa, la, ut, mi, sol, Accord de Quinte-superfluë. Dominante. Son ajoûté. Accord de Neuviéme.] [RAMTRA3 27GF]

Ce n'est pas sans raison que nous vous faisons appercevoir que tout Accord par supposition, tels sont celuy-cy, celuy de la Quinte superfluë, celuy de la Onziéme et celuy de la Septiéme superfluë, (Nous parlerons de ces deux derniers Accords dans les Chapitre suivans) dérive de l'Accord de la Septiéme d'une Dominante; parce que de cette maniere l'on connoît d'abord comment ces Accords doivent être preparez et sauvez; de sorte que par le moyen d'une Basse-fondamentale, l'on verra que le tout se rapporte à nos Regles des Septiémes.

Voyez l'Exemple suivant.

[-276-] EXEMPLE.

[Rameau, Traité de l'Harmonie, 276; text: 4, 5, 6, 7, 8, 9, Basse-Continue. Basse-Fondamentale.] [RAMTRA3 27GF]

Toutes les Nottes de la Basse-continuë qui portent des Neuviémes ou des Quintes Dieze, doivent être retranchées, si-tôt que l'on veut entendre la Basse-fondamentale au-dessous; sinon, il faudroit que les Nottes de cette Basse-fondamentale se trouvassent au-dessus de celles qui sont chiffrées d'un 9, ou d'un 5[x]; parce que le Son de la Basse-fondamentale, qui est pour lors supposé, ne peut être entendu qu'au-dessus de celuy qui le suppose.

Les Nottes qui portent des 9 et des 5[x], peuvent descendre d'une Tierce, comme il est marqué par les Guidons, de même qu'elles [-277-] restent sur le même degré, ce qui fait que la Neuviéme se sauve de deux manieres, de l'Octave lorsque la Basse reste sur le même degré, et de la Tierce lorsqu'elle descend de Tierce; où l'on peut remarquer que la Septiéme seroit sauvée pour lors de l'Octave, c'est ce que nous verrons ailleurs.

L'on veut encore que la Neuviéme puisse être sauvée de la Quinte, en faisant monter la Basse de Quarte; mais l'Harmonie qui en provient est impropre, ainsi nous laissons cela à la discretion des gens de bon goût.

Exemple de la Neuviéme sauvée de la Quinte.

[Rameau, Traité de l'Harmonie, 277; text: 6, 7, 9] [RAMTRA3 28GF]

Elle pourroit plû-tôt se sauver de la Sixte, en faisant monter la Basse de Tierce; parce qu'en ce cas le fond de l'Harmonie ne changeroit point; Voyez les Guidons de l'autre Exemple.

Toute Dissonance mineure par supposition, veut être absolument preparée; de sorte que dès que l'on voit que la Neuviéme peut être preparée par une Consonance de l'Accord précédent, pourvû que la Basse monte, en ce cas, d'une Seconde ou d'une Quarte, l'on peut mettre cette Dissonance en pratique, en la sauvant ensuite selon l'ordre prescrit dans l'Exemple, et sans s'écarter de la bonne Modulation.

La Septiéme qui peut accompagner toûjours la Neuviéme, ne doit jamais y être jointe, si elle ne s'y trouve pas preparée par une Consonance de l'Accord précédent; Voyez cependant ce que nous disons sur ce sujet au Chapitre XVII. du Second Livre.

Remarquez encore icy que les Dissonances mineures par supposition, telles sont celle-cy et la Onziéme, dont nous parlerons au Chapitre suivant, peuvent être preparées par une autre Dissonance ordinaire, comme par la Septiéme, ou par la fausse-Quinte, bien que la Septiéme ne convienne que dans la préparation de la Onziéme héteroclite; et cela vient de ce que ces dernieres Dissonances se trouvent dans le même Accord fondamentale, ayant déja fait remarquer au Chapitre XII. qu'une même Notte pouvoit former plusieurs Dissonances de suite, lorsqu'elles provenoient du même Accord-fondamental.

Tournez pour l'Exemple suivant.

[-278-] EXEMPLE.

[Rameau, Traité de l'Harmonie, 278,1; text: 4, 5, 6, 7, A, B, Basse-Continue. Basse-Fondamentale.] [cf. Supplément] [RAMTRA3 28GF]

Les Nottes A, de la Basse-continuë portent les Accords dérivez des fondamentaux, qui sont chiffrez sur la Basse-fondamentale; ainsi des Nottes B. Or, si l'on peut entendre les Dissonances par supposition après une autre Dissonance; et s'il est certain que la Dissonance doit être précédée et suivie d'une Consonance, il faut donc absolument, pour que cette derniere Regle ne soit point détruite, que les differentes Dissonances qui s'entendent consecutivement sur le même degré, ne soient point telles en effet, et qu'elles proviennent toutes d'une premiere dissonance qui est la Septiéme, dont l'Accord-fondamental ne change point jusqu'à l'expiration de ces differentes dissonances en apparence sur une Consonance, comme cela se voit dans l'Exemple, et comme cela est effectivement.

L'on peut voir au Chapitre XV. comment la Onziéme heteroclite se prepare encore par la fausse-Quinte, et cetera.

CHAPITRE TRENTE-UNIÉME.

De l'Accord de la Onziéme, dite Quarte.

L'Accord de la Onziéme est composé de cinq Sons, ainsi, Ré/1., La/5. Ut/7., Mi/9., Sol/11. où l'on voit que le Son ajoûté est une Quinte au-dessous de celuy qui sert de fondement à l'Accord de la Septiéme:

[Rameau, Traité de l'Harmonie, 278,2; text: La, Ut, Mi, Sol. 1. 3. 5. 7. 9. 11.] [RAMTRA3 28GF]

Cet Accord est peu usité, parce qu'il est extrêmement dur, se[-279-] trouvant trois Dissonances mineures dans sa construction, comme on le voit par les nombres 7. 9. 11. cependant la pratique en est aisée, en ce que les trois Consonances de l'Accord précédent preparent ces trois Dissonances en restant sur le même degré; mais il ne faut pas les sauver toutes trois à la fois; parce qu'étant mineures, et devant descendre, on ne pourroit éviter deux Quintes de suite dans les Parties; de sorte qu'il faut donc sauver les plus dures les premieres, qui sont la Onziéme et la Neuviéme, puis on sauve la Septiéme ensuite.

EXEMPLE.

[Rameau, Traité de l'Harmonie, 279; text: 4, 5, 7, 9, 11, Basse-Continue. Basse-Fondamentale.] [RAMTRA3 28GF]

L'on voit que la progression de la Basse-continuë est pareille à celle ou se fait la Neuviéme, pour ce qui est de preparer cette Neuviéme et la Onziéme; mais pour sauver la Onziéme, on sera toûjours bien de laisser la Basse sur le même degré, pour y faire entendre ensuite l'Accord de la Septiéme, quoiqu'on puisse la faire monter d'une Tierce, comme il est marqué par le Guidon de la Basse, où l'on entendroit pour lors l'Accord de la grande Sixte dérivé de celuy de la Septiéme de la Notte qui reste sur le même degré.

Les Guidons mis dans le Dessus, font voir les cinquiémes Sons dont cet Accord de Onziéme n'est pas toûjours rempli, sur tout lorsque l'on ne compose qu'à quatre Parties, étant libre de faire entendre ce cinquiéme Son à la place de l'un des autres, pourvû qu'il ne soit pas dissonant; ou s'il est tel, qu'il soit au moins preparé.

Nous parlons icy du veritable Accord de Onziéme dans toute sa construction; mais sa grande dureté nous oblige d'en retrancher la meilleure partie des Sons qui le composent, conformément à celuy dont nous avons parlé au Chapitre XV. et que l'on peut appeller heteroclite pour cette raison. Cette reforme le rend bien plus supportable, aussi ne le pratique-t-on que rarement dans toute son étenduë, quoiqu'il nous fournisse quelquefois des suspensions agréables d'Harmonie et de Melodie, lorsqu'il est employé à propos.

[-280-] EXEMPLE.

[Rameau, Traité de l'Harmonie, 280; text: 4, 5, 6, 7, 9, A, B, Basse-Continue. Basse-Fondamentale.] [RAMTRA3 29GF]

Pour suivre l'usage, nous chiffrons cet Accord simplement d'un 4 lorsqu'il est heteroclite, et lorsqu'il est rempli de tous ses Sons, nous y joignons un 9, ainsi, 4./9. ou 9./4. Cet Accord quand il est heteroclite, s'accompagne encore quelquefois de la Septiéme, et on le chiffre pour lors ainsi, 7./4. ou 4./7.

Il est certain que les Accords par supposition ne servent qu'à suspendre les Sons qui devroient être entendus naturellement; et ce que vous pouvez remarquer entre A, et B, où les Sons A, suspendent ceux de B, qui devroient être entendus naturellement, vous le trouverez par tout où ces Accords ont lieu, en les confrontant avec la Basse-continuë, et non pas avec la Fondamentale, qui nous represente toûjours l'Harmonie parfaite.

[-281-] CHAPITRE TRENTE-DEUXIÉME.

De l'Accord de la Septiéme superfluë.

L'Accord de la Septiéme superfluë ne differe de celuy de la Onziéme que dans la Tierce du Son fondamentale qui est majeure icy, au lieu qu'elle étoit mineure.

EXEMPLE.

[Rameau, Traité de l'Harmonie, 281,1; text: 1, 5, 7, 9, 11, ré, la, ut, mi, sol, Accord de Septiéme superfluë. Son fondamental. Son ajoûté. Accord de Onziéme.] [cf. Supplément][RAMTRA3 29GF]

Cet Accord qui ne se fait jamais que sur la Notte tonique, doit être précédé et suivi de l'Accord parfait de cette même Notte tonique.

EXEMPLE.

[Rameau, Traité de l'Harmonie, 281,2; text: 8, 7, A, B, Basse-Continue. Basse-Fondamentale.] [cf. Supplément][RAMTRA3 29GF]

Les Sons A, suspendent les Sons B, et ces marques [signum] désignent la progression naturelle des Sons A.

L'on retranche souvent de cet Accord le Son qui fait la Septiéme superfluë, lorsque la Basse descend d'un Ton ou d'un semi-Ton.

[-282-] EXEMPLE.

[Rameau, Traité de l'Harmonie, 282,1; text: 2, 4, 5, 6, 7, D, Basse-Continue. Basse-Fondamentale.] [RAMTRA3 30GF]

Cet Accord se chiffre avec un 2, parce qu'il se prépare de même que la Deuxiéme; mais comme la Cinquiéme et la Quarte s'y rencontrent, cette Quarte ne peut plus être prise que comme une Dissonance par supposition, et l'on voit en effet que cet Accord nous représente celui de la Onziéme ou de la Septiéme superfluë, dont on retranche le Son qui paroît immediatement aprés dans la Basse à D, parce que ce Son n'aime pas sa replique.

CHAPITRE TRENTE-TROISIÉME.

De l'Accord de la Seconde superfluë, et de ses dérivez.

NOus disons que l'Accord de la Seconde superfluë et ses dérivez sont des Accords par emprunt, en ce que la Dominante tonique cede son fondement à la Sixiéme des Tons mineurs seulement, dont cet Accord de Seconde superfluë et ses dérivez proviennent: Ainsi, au lieu de

[Rameau, Traité de l'Harmonie, 282,2; text: la, ut, mi sol, Accord de Septiéme.] [RAMTRA3 29GF]

Nous trouverons

[Rameau, Traité de l'Harmonie, 282,3; text: si, ut, mi sol, Accord de Seconde superfluë.] [RAMTRA3 29GF]

Ce n'est pas sans raison que nous disons, que l'Accord de la Seconde superfluë tire son origine par emprunt de celui de la Septiéme d'une [-283-] Dominante tonique, puisque le lieu que la sixiéme Notte occupe en ce cas, est celui où devroit être placée cette Dominante tonique; les Sons affectez à l'Accord de la Septiéme de cette Dominante n'y étant aucunement alterez, et leur progression, tant à l'égard de la Dissonance majeure, qu'à, l'égard de la mineure, étant toûjours conforme à celle qui leur est déterminée naturellement. De plus, si le choix de l'une de ces deux Nottes est arbitraire dans le milieu d'une Piece, lorsque l'on veut faire entendre avec l'une d'elles les Sons affectez à l'Accord de la Septiéme de la Dominante tonique, l'on n'est cependant plus le maître de la suite de l'Harmonie, qui doit être conforme en tout à celle de cet Accord de la Septiéme; ainsi l'Accord parfait de la Notte tonique doit suivre également l'un et l'autre Accord.

EXEMPLES.

[Rameau, Traité de l'Harmonie, 283; text: 4, 5, 6, 7, 8, A. B. C. D. F. G. H. Dissonance mineure. Dissonance majeure, ou Notte sensible. Dominantes toniques. Mediantes. Nottes toniques. Tierce. Notte tonique. Sixiéme Notte. Dominante tonique.] [RAMTRA3 30GF]

Il se trouve dans ces Accords par emprunt deux Dissonances majeures, et deux mineures, dont celles qui sont étrangeres proviennent du [-284-] changement de la Dominante tonique en la sixiéme Notte, où l'on voit que les mineures descendent toûjours mais que la majeure étrangere ne monte pas toûjours, comme cela se devroit si elle étoit Notte sensible; Voyez le Guidon H, où l'on peut faire monter cette Dissonance majeure, et où on le doit même, lorsque la Dissonance mineure C, ou A, se rencontre dans la Basse.

Remarquez que la difference de ces deux Exemples ne consiste que dans la sixiéme Notte, au lieu de la Dominante tonique A, et que la suite des Dissonances qui se trouvent dans l'un et l'autre Exemples est toûjours la même, sans que la Modulation en soit aucunement alterée.

De cet Accord de Seconde-superfluë formée du changement de la Dominante en la sixiéme Notte, provient une pareille difference dans tous les Accords dérivez de celui de la Septiéme d'une Dominante tonique.

Si la Notte sensible doit porter l'Accord de la fausse-Quinte, celui de la Septiéme diminuée qui s'y trouve ne provient que de ce changement, en y joignant cette 7[rob], au lieu de la sixiéme B

Pareillement la Tierce mineure se joint à l'Accord du Tri-Ton d'une quatriéme Notte, au lieu de la Seconde C.

La fausse-Quinte se joint à l'Accord de la petite Sixte d'une seconde Notte, au lieu de la Quarte D.

La Quarte se joint à l'Accord de la Quinte-superfluë de la Mediante, au lieu de la Tierce F.

La Sixte mineure se joint à l'Accord de la Septiéme-superfluë de la Notte tonique, au lieu de la Quinte G.

Pour mieux connoître cette difference, il faut prendre à part les quatre Basses superieures, pour les faire servir de Basse chacune à leur tour, pendant que les autres serviront de Dessus.

Pour ce qui est des deux Basses inferieures, l'on sçait que les Accords par supposition qu'elles portent, les empeschent de pouvoir servir de Dessus, chacune devant être entenduë en particulier avec les quatre superieures; car elles ne feroient pas un bon effet l'une avec l'autre.

L'on peut faire descendre seule la nouvelle Dissonance mineure introduite par ce changement, où pour lors l'Accord de la Septiéme de la Dominante tonique subsiste ensuite dans sa composition naturelle.

[-285-] EXEMPLE.

[Rameau, Traité de l'Harmonie, 285,1; text: 2, 3, 4, 5, 6, 7] [RAMTRA3 31GF]

L'on peut faire encore monter seule la Notte sensible dans les Accords seulement qui peuvent se renverser, et non pas dans les deux derniers qui sont par supposition; mais aprés l'avoir fait monter, elle doit reprendre sa place dans l'Accord de la Septiéme de la Dominante tonique.

EXEMPLE.

[Rameau, Traité de l'Harmonie, 283; text: 2, 4, 5, 6, 7] [RAMTRA3 31GF]

Tous ces Accords par emprunt, et celui de la Quinte-superfluë ne peuvent se pratiquer que dans les Tons mineurs, comme nous l'avons déja dit, chacun de ces Accords ayant une Notte particuliere affectée dans la Basse qui ne change jamais; ce que nous expliquons plus amplement au Chapitre XXXV. Il y a encore quelques Licences dont on peut s'instruire au second Livre, Chapitre XIII. et XVIII.

[-286-] CHAPITRE TRENTE-QUATRIÉME.

Du Chromatique.

DAns la Mélodie, le Chromatique consiste en une suite de Chant qui procede par semi-Tons, tant en montant qu'en descendant; ce qui produit un effet merveilleux dans l'Harmonie, parce que la plûpart de ces semi-Tons, qui ne sont pas dans l'ordre diatonique, causent à tout moment des Dissonances qui suspendent ou qui interrompent les conclusions, et donnent même de la facilité à remplir les Accords de tous les Sons qui les composent, sans déranger l'ordre diatonique des Partie ssuperieures.

Le Chromatique n'est en usage que dans les Tons mineurs; il est plus difficile à comprendre lorsque les Parties descendent, que lorsqu'elles montent.

ARTICLE PREMIER.

Du Chromatique en descendant.

Lorsqu'on a donné commencement au Chromatique dans un certain Ton, en faisant descendre une Partie quelconque par semi-Tons, on peut le poursuivre consecutivement dans ce même Ton, dans celui de sa Dominante, et plus précisément dans celui de sa quatriéme Notte. La Notte tonique de ce premier Ton devenant pour lors Dominante; ainsi par enchaînement chaque Notte tonique peut devenir Dominante du Ton dans lequel on entre, sans trop s'écarter neanmoins de celui par lequel on a commencé; car dès que l'on trouve jour à y rentrer, il faut en profiter.

C'est d'abord par le moyen des Nottes toniques qui deviennent consecutivement Dominantes, que l'on peut prendre une intelligence sensible du Chromatique.

Après avoir passé de la Notte tonique à sa Dominante, l'on revient ensuite à cette Notte tonique en la rendant Dominante; et ainsi en suivant la regle des Septiémes, Chapitre XXI. et faisant proceder les Parties superieures en descendant par autant de semi-Tons qu'il sera possible, chacun de ces semi-Tons formant avec la Basse-fondamentale la Tierce ou la Septiéme, ou quelquefois la fausse-Quinte de la Notte qui porte neanmoins un Accord de Septiéme; l'on ne trouvera de difference entre le Chromatique et nos regles ordinaires, qu'en ce que la Notte sensible peut descendre ici d'un semi-Ton, au lieu qu'elle doit toûjours monter; mais le Son où elle doit monter est toûjours sous-entendu dans l'Accord, et ce n'est qu'en consequence du Chromatique, que l'on peut prendre cette liberté.

[-287-] EXEMPLE.

[Rameau, Traité de l'Harmonie, 287; text: 2, 4, 5, 6, 7, Basse-fondamentale des Septiémes.] [cf. Supplément] [RAMTRA3 31GF]

Les [sqb] quarres que nous joignons ici aux 7, servent à rendre mineur l'Intervale qui se ttouvoit auparavant majeur, comme on peut le remarquer dans les Parties.

Si l'on fait servir chaque partie de Basse à son tour; en retranchant pour lors la Fondamentale, l'on trouvera d'abord une suite de 7, et de 6, pareille à celle qui dérive de la Progression fondamentale des 7; avec la difference du Chromatique que nous y observons. L'on verra ensuite comment les Tri-Tons et les fausses-Quintes tiennent lieu de 2, et de 6/5, et comment ces Intervales servent à se sauver les uns les autres par le moyen du Chromatique; La Notte sensible descendant par tout, excepté à la fin, au lieu de monter.

Voici une autre maniere de pratiquer le Chromatique sur une

Notte tonique qui tient ferme, ou qui reste sur le même degré dans la Basse.

[-288-] EXEMPLE.

[Rameau, Traité de l'Harmonie, 288; text: 2, 6, 7, 8, L'on peut appeller ceci, Point d'Orgue.] [RAMTRA3 32GF]

La Notte sensible a presque toûjours lieu dans le Chromatique; ainsi l'on peut y employer tous les Accords où la Dissonance majeure se fait entendre, comme ceux que nous venons de voir; de plus celui de la Seconde-superfluë, ses dérivez, et sur tout celui de la Quinte-superfluë, lorsqu'on veut rompre une Cadence, selon ce qu'on a pû remarquer dans l'Exemple que nous en avons donné au Chapitre XXXI où la Notte sensible descend d'un semi-Ton. Sçachant donc à present la composition de tous les Accords superflûs ou diminuez par emprunt ou par supposition, l'on pourra les employer par tout où l'on sentira que la Notte sensible pourra avoir lieu, sans éviter cependant de faire entendre l'Accord parfait, ou celui de la Septiéme et leur dérivez, lorsqu'on les trouve sous ses pas, en observant encore, autant qu'il sera possible, un ordre diatonique dans les Parties superieures.

ARTICLE SECOND.

Du Chromatique en montant.

Le Chromatique peut encore se pratiquer en montant; mais il n'a pas pour lors la tristesse du premier, et l'Harmonie qui en provient, s'unit parfaitement avec la Fondamentale.

[-289-] EXEMPLE.

[Rameau, Traité de l'Harmonie, 289; text: 2, 4, 5, 6, 7, A, B, C, Basse-Fondamentale.] [RAMTRA3 32GF]

B. Cette Notte, quoique fondamentale, ne peut avoir lieu pendant que la Notte C, en emprunte le fondement.

A. Cadence rompuë.

EXEMPLE

De deux Parties qui montent et qui descendent en même temps, par semi-Tons.

Tournez pour voir l'Exemple.

[-290-] Les trois Parties superieures peuvent se renverser entr'elles, et se servir de Basse reciproquement.

[Rameau, Traité de l'Harmonie, 290; text: 2, 4, 5, 6, 7, Basse-Continue. Basse-Fondamentale.] [RAMTRA3 33GF]

Remarquez bien que tous ces semi-Tons que nous employons dans le Chromatique, ne consistent que dans la Sixiéme et la Septiéme Notte du Ton que l'on traite, en ce que dans les Tons mineurs la Notte sensible devant être diminuée d'un semi-Ton pour descendre, et la sixiéme Notte devant être augmentée pareillement d'un semi-Ton pour monter, l'on peut faire passer ces Nottes sur l'un et l'autre Intervale, tant en montant qu'en descendant.

Pour achever de se convaincre sur la verité des Regles contenuës dans ce Livre, il est à propos d'en confronter le détail avec la recapitulation que nous en donnons au second Livre, Chapitre XVIII. où l'on trouve tous les Accords avec leurs differentes suites, et tous les differens Chants qui peuvent être mis en usage.

Voyez encore les observations que nous faisons sur l'établissement des Regles, elles ne peuvent être que tres-utiles.

L'on trouvera dans le Chapitre XLIV. un Exemple du Chromatique, avec des Accords par supposition et par emprunt qui sont un fort bon effet.

[-291-] CHAPITRE TRENTE-CINQUIÉME.

De la maniere de pratiquer tout ce qui a été dit jusqu'à present.

ARTICLE PREMIER.

De la Progression de la Basse.

IL faut d'abord composer une Basse avec le plus beau Chant que l'on puisse s'imaginer, dans un Ton qui soit familier, duquel on puisse passer à plusieurs autres qui soient également familiers, selon ce qui en a été dit au Chapitre XXIV. Cette Basse doit être remplie de Cadences parfaites aussi souvent que l'on peut; car c'est la Progression naturelle à une Basse, qui doit proceder par des Intervales consonans, plûtôt que par des diatoniques; les Cadences rompuës et irregulieres ne devant y être admises qu'autant que l'on sçait les distinguer, et que l'on sent qu'elles peuvent être employées, soit pour éviter de trop frequentes Cadences parfaites dans un même Ton, par le moyen de la rompuë (diversité tres-agreable en ce cas) soit encore pour faire reposer le Chant sur une Dominante tonique, ou même sur la Notte tonique, par le moyen de la Cadence irreguliere, (autre diversité qui entretient l'Auditeur dans des suspensions agreables.) L'on ne doit pas moins essayer de faire entrer dans cette Basse, de ces Progressions sur lesquelles on peut faire entendre une suite d'Harmonie dérivée de celle des differentes Cadences, selon les Exemples que nous en avons donné, sans oublier les Progressions de 7, 7 et 6, 2 et 6, [5/], 4[x], 2[x], 9, 11, 5[x], et 7[x].

Chaque Notte de la Basse doit nous representer un Temps, et chaque Accord de même; de sorte qu'une Ronde peut se partager en quatre Noires pour en former quatre Temps, supposant que la mesure sera pour lors à quatre Temps.

Comme il peut se trouver des Personnes, qui, se méfiant de leur force, craindront de ne pouvoir composer une bonne Basse; il est à propos de les avertir (si elles n'ont pas ce goût naturel qui nous fait inventer divers Chants qui sont toûjours agreables) qu'elles ne pourront se tromper en faisant proceder la Basse indifferemment sur toutes les Nottes d'un Ton, en preferant les plus petits Intervales aux plus grands, comme monter de 3, plûtôt que descendre de 6, et cetera en se souvenant que la Notte sensible veut être suivie de la Tonique, au Chromatique près; qu'il faut faire entendre une Cadence finale avant [-292-] que de passer dans un autre Ton, et proceder dans ce Ton à peu-prés comme dans l'autre, ainsi de Ton en Ton, selon ce qui en a été dit aux Chapitres XIII. XIV. XV. XVI. XXIV. et XXV. De plus, comme la Notte qui termine les Cadences parfaites, rompuës ou irregulieres, doit être entenduë dans le premier Temps de la mesure, il faut composer la Basse, de façon que cette regularité y soit observée; et au cas que le contraire se rencontre dans la premiere Cadence, et que l'on ne veüille pas changer le Chant de la Basse, il n'y a qu'à la faire commencer par un autre Temps que par celui où elle aura commencé; c'est à dire, que si elle a commencé par le premier Temps, il n'y a qu'à la faire commencer par le second, ou par le troisiéme Temps; ou bien si elle a commencé par le second ou par le troisiéme, il n'y a qu'à la faire commencer par le premier, et cetera et si cela se trouve au milieu de la Piece, il faut pour lors ajoûter ou retrancher une ou deux Nottes, selon le cas; en observant encore que les Cadences se fassent sentir de deux en deux mesures, ou de quatre en quatre; bien que l'on puisse transgresser cette derniere Regle, lorsque le bon goût nous le dicte, ou lorsque nous y sommes forcez par des paroles, sur lesquelles nous nous guidons pour lors.

ARTICLE SECOND.

De l'usage des Accords consonans et dissonans.

L'Accord parfait doit servir pour commencer, pour finir, et pour toutes les Cadences qui se trouvent au milieu d'une Piece, il peut encore avoir lieu dans une Progression diatonique de la Basse, aussi-bien que ses dérivez, qui sont l'Accord de 6, et celui de 6-4, en remarquant que dans de pareilles Progressions, les Accords consonans et les dissonans sont entre-lassez. Voyez l'Exemple de l'Octave, Chapitre XI. et celui des sixtes, Chapitre XVI. Il faut faire ensorte que toutes les Dissonances soient preparées et sauvées selon les regles; ce qui ne demande pas une grande attention lorsque l'on possede parfaitement la suite des Accords. L'on sçait d'ailleurs qu'elles peuvent n'être pas preparées aprés l'Accord parfait de la Notte tonique seulement, sur elle ou sur ses dérivez; pourvû que le Ton ne change pas, bien qu'il puisse changer, lorsque la Basse monte de 3. pour descendre ensuite de 5.

[-293-] EXEMPLE.

[Rameau, Traité de l'Harmonie, 293,1; text: A, B] [cf. Supplément] [RAMTRA3 33GF]

Lorsque la Basse monte de 3. pour descendre ensuite de 5, et que le Ton change, si le premier est majeur, celui où l'on passe est mineur A; Ou au contraire, si le premier est mineur, celui où l'on passe est majeur B, les lignes qui traversent d'une Notte à l'autre; Ainsi,

[Rameau, Traité de l'Harmonie, 293,2] [RAMTRA3 33GF]

font voir que la Dissonance formée de la Notte qui est à la droite de la ligne, n'est point preparée, et la Progression que le Dessus doit tenir en ce cas.

L'on peut user à discretion du renversement de ces Progressions fondamentales.

Il ne faut point encore déranger l'ordre diatonique des Parties superieures, hors que ce ne soit pour rendre un Accord plus complet, ou pour remettre une Partie au dessus de la Basse, ou dans sa portée naturelle; et il faut éviter, en ce cas, de faire entendre deux Octaves ou deux Quintes de suite, excepté qu'elles ne soient renversées.

Les Parties qui montent ou qui descendent ensemble doivent être disposées par Tierce ou par Sixte, et le moins qu'il se peut par Quarte, jamais par Octave, ni par Quinte; c'est à dire, que deux Parties quelconques qui feront Tierce ou Sixte ensemble, pourront les faire encore dans l'Accord suivant, et ainsi de suite.

Quand une Partie monte ou descend diatoniquement, pendant qu'une autre procede par un Intervale consonant, cela est toûjours bon, en attendant une explication plus juste.

Souvenez-vous que la suite des Accords qui est contenuë dans un Ton, est la même dans tous les autres Tons, n'y ayant pour cela qu'à distinguer celui dans lequel on est, pour donner à chaque Notte l'Accord qui lui convient selon le rang qu'elle tient dans ce Ton; puisque la seconde Notte, la Mediante, la Dominante, et cetera tiennent toûjours le même rang dans chaque Ton, et portent toûjours le même Accord.

[-294-] ARTICLE TROISIÉME.

Des Dissonances majeures causées par la Notte sensible, et des Nottes sur lesquelles elles se font.

Premier. Le Tri-Ton ne se fait que sur la quatriéme Notte, lorsque cette Notte descend ensuite sur la Mediante ou sur la Notte tonique.

Deuxiéme. La fausse-Quinte ne se fait que sur la Notte sensible, lorsque cette Notte monte ensuite sur celle du Ton, ou quelquefois sur la Mediante.

Troisiéme. La petite Sixte majeure ne se fait que sur la seconde Notte du Ton et lorsque la Sixte est mineure, c'est ordinairement sur la sixiéme Notte.

Quatriéme. La Tierce majeure ne peut se rencontrer avec la septiéme, formant ensemble un Intervale de Tri-Ton ou de fausse-Quinte, que sur la Dominante tonique. Ces quatre Dissonances sont les plus usitées.

Cinquiéme. La septiéme superfluë ne se fait que sur la Notte tonique, qui reste sur le même degré, pour preparer et sauver cette Dissonance.

Sixiéme. La Cinquiéme superfluë ne se fait que sur la Mediante des Tons mineurs, comme il a été dit ailleurs.

Septiéme. La seconde superfluë ne se fait que sur la sixiéme Notte des Tons mineurs, et cette Notte doit descendre ensuite.

Huitiéme. La septiéme diminuée ne se fait que sur la Notte sensible; aprés quoi cette Notte doit monter.

Neuviéme. Les autres Dissonances dérivées de ces deux dernieres se font sur les mêmes Nottes, que celles dont l'Accord ne differe que de la Dominante à la sixiéme Notte, dans les Tons mineurs seulement.

ARTICLE QUATRIÉME.

Des Dissonances mineures.

Premier. La onziéme heteroclite, dite Quarte, peut se faire sur toutes les Nottes qui doivent porter des Accords parfaits ou de Septiéme, pourvû que ceux-ci suivent immediatement après, en exceptant de cette Regle la premiere et la derniere Notte d'une Piece; et de cette maniere, elle se trouvera toûjours préparée, en remarquant deux choses.

La premiere, que si l'on tombe sur un Accord parfait aprés l'un de ses dérivez, ces deux Accords n'étant qu'un même, la Onxiéme ne peut y être entenduë.

[-295-] La seconde est, de donner toûjours la Sixte à la Notte qui monte de Tierce sur celle où l'on veut faire cette Onziéme.

Deuxiéme. La Septiéme où la Dissonance majeure ne se fait point entendre, aime à être preparée par l'Octave, par la Quinte, par la Sixte, par la Tierce ou par la Sixte, et même par la Quarte; Consonance provenant de l'Accord de Sixte-Quarte d'une Dominante tonique, selon les differentes progressions de la Basse.

Troisiéme. La Neuviéme doit être toûjours preparée par la Tierce ou par la Quinte, selon la differente progression de la Basse; elle peut l'être encore par la fausse-Quinte.

Quatriéme. La Onziéme doit l'être aussi par la Quinte, et quelquefois par la Septiéme, mais rarement; quand elle est heteroclite, elle peut l'être par toutes les Consonances, et encore par la Septiéme et par la fausse-Quinte.

Cinquiéme. La Seconde qui est preparée dans la Basse, peut être précedée dans le Dessus, d'une Consonance quelconque, pendant que la Basse tient et reste sur le même degré. Au reste, toutes les Dissonances doivent être sauvées, comme il a été dit.

L'on peut retrancher de tous les Accords dissonans l'un des deux Sons qui forment ensemble la Dissonance, et n'y faire que l'Accord parfait, ou l'un de ses dérivez.

ARTICLE CINQUIÉME.

Des Consonances qui doivent être preferées, lorsqu'il s'agit de les doubler.

Il n'y a qu'à compter les Consonances par ordre, ainsi l'Octave, la Quinte, la Quarte, la Tierce et la Sixte, pour sçavoir distinguer que l'on doit preferer l'Octave à la Quinte, et ainsi de suite; en remarquant que l'Octave est déja une replique, et que dans l'Accord consonant de la Sixte, l'Octave de la Tierce ou de la Sixte est aussi bonne que celle de la Basse.

ARTICLE SIXIÉME.

De la Mesure et du Temps.

Une Musique sans mouvement perd toute sa grace, on ne peut même inventer de beaux Chants sans ce mouvement; il ne faut donc pas seulement s'attacher à faire des Accords; il faut de plus que le Chant des Parties, dont ces Accords sont composez, ait un certain [-296-] mouvement où l'on puisse distinguer une Cesure, une Section, une Cadence, une Syllabe longue d'une breve, et les Temps où la Dissonance doit être employée; le tout devant se faire sentir dans le premier instant du premier Temps d'une Mesure. Voyez le premier Chapitre et dans le second Livre, les Chapitres XXVI. XXVII. XXVIII. et XXIX.

ARTICLE SEPTIÉME.

De la Syncope.

Pour suivre l'ordre naturel de la Mesure, il faut que la valeur de chaque Notte commence et finisse dans l'espace de chaque Temps. Cependant une Notte qui aura commencé dans le premier instant du Temps bon, pourra rester sur le même degré autant de temps que le goût le permettra, que le Son en soit permanent, ou non; mais dès qu'une Notte commence dans un autre temps, et que la moitié de sa valeur se fait entendre dans le Temps bon suivant, cela heurte l'oreille, et l'on dit pour lors qu'elle est syncopée. Or cette Notte syncopée peut se distinguer de quatre façons.

La premiere, lorsque la Notte se trouve partagée en deux valeurs égales par la barre qui separe les Mesures; Ainsi.

[Rameau, Traité de l'Harmonie, 296,1; text: 1, 2, 3, 4] [RAMTRA3 33GF]

La seconde, lorsque deux Nottes d'une égale valeur qui se suivent en même degré sont liées par un demi cercle fait ainsi, [CB] ou ainsi [CT]; ce qui marque que le Son de ces deux Nottes doit être permanent.

EXEMPLE;

[Rameau, Traité de l'Harmonie, 296,2; text: 2, 3, 4] [RAMTRA3 33GF]

La troisiéme, lorsqu'une Notte est précedée d'une autre qui ne vaut que la moitié du premier Temps, ou 1orsqu'elle est précédée d'un caractere qui marque un silence de pareille valeur; supposé que cette Notte précédée ainsi, anticipe dans le Temps suivant.

[-297-] EXEMPLE.

[Rameau, Traité de l'Harmonie, 297,1; text: A, B. C. D, F, G, H, J, Les Nottes A. B. C. D. F. G. H. et J. sont syncopées. 2, 3] [RAMTRA3 34GF]

La quatriéme, lorsqu'on fait repeter deux Nottes en même degré, dont la valeur est égale, et dont la premiere frape dans le Temps mauvais, et la seconde dans le Temps bon, au lieu de les lier, soit pour l'application des paroles, soit pour rendre l'Air plus vif ou plus gay.

EXEMPLE.

[Rameau, Traité de l'Harmonie, 297,2; text: 2, 3, 4] [RAMTRA3 34GF]

Pour qu'une Notte soit syncopée, il faut non seulement qu'elle commence dans un Temps mauvais, ou dans la seconde moitié du premier Temps; mais il faut encore que sa valeur puisse se partager en deux parties égales, dont l'une frape dans le premier Temps, et l'autre dans le Temps suivant; et au lieu de ne se servir que d'une Notte pour la syncope, l'on peut en prendre deux, dont chacune represente la moitié de cette Notte syncopée, pouvant les faire repeter, ou en rendre le Son permanent, en les liant avec le demi cercle; ce qui fait qu'elles ne s'expriment pour lors que comme une Notte, dont la valeur égaleroit celle de ces deux Nottes.

On doit laisser au Compositeur la liberté de se servir de ces differentes manieres de syncoper; (c'est le sentiment des plus habiles Maîtres,) elles sont également en usage dans l'Harmonie et dans la Melodie; dans l'Harmonie pour faire entendre les Dissonances preparées; et dans la Melodie pour rendre le Chant plus expressif, sans changer l'espece de l'Intervale entendu dans l'une et dans l'autre Notte de la syncope, ou dans la même Notte syncopée.

[-298-] EXEMPLE.

[Rameau, Traité de l'Harmonie, 298; text: 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8] [RAMTRA3 34GF]

Les chiffres qui ne marquent que des Consonances, ainsi 3. 6. et cetera font voir que la syncope n'est employée que pour le goût du Chant; et ceux qui marquent une Dissonance après la Consonance, font voir que cette syncope sert à l'Harmonie.

L'on peut faire syncoper la Basse de même que le Dessus, ensemble ou separément quant à la Melodie; mais quant à l'Harmonie cette Basse ne peut syncoper que dans les Accords de 2, ou de 4[x], ou encore de septiéme-superfluë.

Pour que la syncope soit observée exactement dans l'Harmonie, il faut que la valeur de la Consonance qui prepare et qui sauve, et que la Dissonance preparée soit égale, autant que cela se peut, ceci ne souffrant d'exceptions que dans la mesure à trois Temps, où il se trouve deux Temps mauvais; de sorte que la Consonance qui prepare ou qui sauve peut contenir, en ce cas, le double ou la moitié de la valeur de la Dissonance preparée.

Lorsqu'il se trouve plusieurs Dissonances de suite, il n'y a que la premiere qui puisse s'assujettir à la regle d'être preparée dans les Temps mauvais, et d'être entenduë dans le bon.

Dés qu'une Dissonance ne peut être preparée, la Syncope n'y a plus de part; mais il faut y observer, autant que cela se peut, une Progression diatonique depuis la Consonance qui précéde la Dissonance jusqu'à la Consonance qui sauve, et une égalité de valeur [-299-] dans chacune des Nottes qui les forment, bien que cette égalité ne soit pas si necessaire ici que dans la Syncope, et que la Progression diatonique de la Consonance qui passe à la Dissonance non preparée ne doive pas servir de regle generale, sur tout à l'égard de la Septiéme, de la fausse-Quinte, et de toutes les Dissonances majeures.

CHAPITRE TRENTE-SIXIÉME.

De la Composition à deux Parties.

MOins il y a de Parties dans une Piece de Musique, plus les Regles en sont rigoureuses; de sorte que certaines Licences permises dans les quatre Parties peuvent devenir fautes, lorsqu'on diminuë le nombre de ces Parties.

Premier. Il faut distinguer à present les Consonances en parfaites et en imparfaites.

Les parfaites sont l'Octave et la Quinte, n'étant pas permis ici de faire deux Octaves ni deux Quintes de suite, quand même elles seroient renversées.

La Quarte est aussi une Consonance parfaite; mais comme elle ne convient gueres dans une composition à deux, nous nous contenterons de prescrire la maniere dont elle doit y être employée.

Les imparfaites sont la Tierce et la Sixte, pouvant en faire plusieurs de suite, et les entre-mêler, sans craindre de manquer; pourvû qu'on ne s'écarte pas de la bonne Modulation.

Quand on passe d'une Tierce à une Sixte, ou d'une Sixte à une Tierce, et que la progression des Parties est consonante, il faut faire ensorte qu'elle soit contraire ou renversée; c'est à dire, que l'une monte, pendant que l'autre descend.

Il est bon de passer, autant que l'on peut, d'une Consonance parfaite une imparfaite, et de celle-ci à l'autre.

L'on ne peut gueres passer d'une Consonance parfaite à une autre, ou à une imparfaite, ou encore de celle-ci à une parfaite, que lorsqu'une Partie procéde diatoniquement, pendant que l'autre fait un Intervale consonant; et il est bon même que la progression des Parties soit contraire en ce cas.

[-300-] EXEMPLE

De la suite des Consonances parfaites.

[Rameau, Traité de l'Harmonie, 300; text: 5, 8, A. B. Douteuse. Toute autre Progression de deux Consonances parfaites de suite, ne vaut rien.] [RAMTRA3 34GF]

Les mesures marquées d'un A, se ressemblent, aussi-bien que celles qui sont marquées d'un B.

Deuxiéme. L'on peut faire passer une Partie par autant d'Intervales consonans que l'on veut, pendant que l'autre reste sur le même degré; bien entendu que les deux Parties s'accorderont toûjours ensemble.

Troisiéme. L'on peut dire que tous les passages de l'Octave à la Tierce, de la Quinte à la Tierce, et à la Sixte, de la Sixte à la Tierce, et de la Tierce à la Sixte, sont bons.

Quatriéme. Les passages de l'Octave à la Quinte sont bons, pourvû que la progression des Parties soit contraire; cependant celui où la Basse descend diatoniquement, ne vaut rien.

Cinquiéme. Ceux de l'Octave à la Sixte sont bons, pourvû que la progression des Parties soit contraire, lorsqu'elles font chacune un Intervale consonant, bien que tout soit bon quand la Basse descend de Tierce.

Sixiéme. Ceux de la Sixte à l'Octave sont bons, exepté lorsque la Basse monte diatoniquement, lorsque le Dessus descend de même, ou lorsque les deux Parties font chacune un Intervale consonant.

Septiéme. Ceux de la Sixte à la Quinte sont bons, excepté lorsque le Dessus monte diatoniquement, lorsque la Basse descend de même, ou lorsque les deux Parties font chacune un Intervale consonant.

Huitiéme. Ceux de la Quinte à l'Octave sont bons, excepté lorsque la Basse monte diatoniquement, ou lorsque les deux parties font chacune un Intervale consonant.

Neuviéme. Ceux de la Tierce à l'Octave sont bons, excepté lorsque la Basse descend diatoniquement; en observant encore que la progression des Parties soit contraire, lorsque la Basse monte de Quinte.

[-301-] Dixiéme. Ceux de la Tierce à la Quinte sont encore bons, pourvû que la progression des Parties soit contraire aux endroits où la Basse monte de Seconde, de Tierce et de Quarte; et il faut même la faire monter de Quarte, plûtôt que de la faire descendre de Quinte, autrement cette progression ne vaudroit rien.

Onziéme. Pour ce qui est de la Quarte; voici un Exemple de toutes les Consonances qui peuvent la préceder, et la suivre.

[Rameau, Traité de l'Harmonie, 301; text: 2, 3, 4, 5, 6, A, B] [RAMTRA3 35GF]

Les Guidons marquent les differentes Consonances, et même les Dissonances qui peuvent suivre cette Quarte; les chiffres qui sont entre les deux Parties marquent la même chose, et ceux qui sont au dessous de la Basse marquent les Accords qui doivent être employez en ce cas.

Prenez garde que les Guidons des Exemples A, et B, marquent deux Accords differens, celui du Tri-Ton ou celui de la grande Sixte, l'un ne pouvant être employée, quand l'autre a lieu.

Toute autre progression que celles qui viennent d'être prescrites, n'est point bonne; et sur tout, remarquez qu'elles sont fondées sur la preference que l'on doit donner naturellement aux plus petits Intervales, c'est à dire, que comme monter de Sixte ou descendre de Tierce, c'est la même chose, l'on doit preferer la progression de Tierce en descendant, ainsi des autres progressions qui ont un même rapport, excepté que le bon goût ne demandât le contraire aux endroits où l'on appercevroit que cela n'attaqueroit point le fond de nos Regles.

Ces Regles sont également justes pour tous les Tons, soit qu'une Tierce ou une Sixte se trouvent majeures ou mineures.

Les autres Regles qui concernent les quatre Parties, tant à l'égard de la progression naturelle aux Tierces majeures et mineures, que de celles des Dissonances, doivent être également observées par tout.

Quand on possede une fois la connoissance de la bonne Modulation, l'on observe presque toutes ces Regles, sans être obligé d'y donner une grande attention.

[-302-] CHAPITRE TRENTE-SEPTIÉME.

Des fausses Relations.

POur éviter les fausses Relations dans la progression d'une seule Partie, il n'y a qu'à la faire proceder par des Intervales diatoniques ou consonans; ceux de fausse-Quinte, de Septiéme diminuée, et de Quarte diminuée étant encore permis en descendant, mais non pas en montant; cependant la bonne Modulation étant une fois observée, l'on peut se servir de tous les Intervales connus, pourvû qu'ils n'excedent point l'étenduë de l'Octave, mais avec un peu plus de circonspection à l'égard de ceux que nous n'avons pas nommez, qu'à l'égard des autres; les Italiens y ajoûtent encore la Tierce diminuée en descendant, comme de Mi[rob] à Ut[x], ce que nous laisserons à la discretion des Compositeurs.

A l'égard des fausses Relations qui peuvent se rencontrer entre deux Parties, il est impossible d'y tomber, quand on possede parfaitement la Modulation.

EXEMPLE.

[Rameau, Traité de l'Harmonie, 302; text: ou, A, B] [RAMTRA3 35GF]

L'on voit que les Nottes A, nous representent un Mode majeur; et que les Nottes B, nous en representent un mineur; de sorte que l'on ne peut pas moduler dans un Ton moitié majeur moitié mineur, ni passer du majeur au mineur, ou de celuici à l'autre sur une même Notte tonique, qu'aprés une Cadence parfaite dans le Ton majeur ou mineur, par lequel on a commencé, encore même cela ne se fait-il qu'avec beaucoup de prudence; ainsi la connoissance de la Modulation, nous met au dessus de ces regles qui sont presque inutiles, quand on la possede bien; c'est pourquoi nous n'en disons pas davantage là-dessus.

[-303-] CHAPITRE TRENTE-HUITIÉME.

De la maniere de faire un Chant au-dessus d'une Basse.

POur faire un Chant au-dessus d'une Basse, il ne faut la composer d'abord que dans un seul Ton, dont on sçait déja la Modulation: Sçachant de plus la suite des Consonances et des Dissonances, (la maniere de preparer et de sauver ces Dissonances ayant été expliquée) il ne sera pas difficile de faire sans faute un Chant au-dessus de cette Basse composée.

Cependant pour donner un plus grand effort à son genie, lorsque l'on sçait les Accords que chaque Notte d'une Basse doit porter, l'on peut choisir dans chaque Accord l'un des Sons dont il est composé, pour en former un Chant à son gré. Ainsi dans l'Accord parfait, je choisis la Tierce, la Quinte ou l'Octave; et dans celui de la Septiéme, je la choisis parmi les autres, si je veux, et si je puis; car je ne puis choisir cette Septiéme qu'elle ne soit preparée, excepté lorsque la Basse monte de Tierce ou de Quinte, pendant que le Dessus descend diatoniquement, ou monte et descend ensuite diatoniquement. (Voyez l'Exemple du Chapitre XIX.) Si même la Septiéme ne pouvoit être sauvée en descendant diatoniquement sur une Consonance de l'Accord suivant, il faudroit ou ne pas s'en servir, ou changer la Basse, excepté que l'on ne reconnut que les Nottes de la Basse, qui suivent, sont comprises dans l'Accord de la Septiéme que l'on fait entendre, et qu'après elles suit une Notte où cette Septiéme sera sauvée sur l'une des Consonances de son Accord; et pour lors cette Septiéme avant que d'être sauvée, reste toûjours sur le même degré, au cas que l'une de ces Nottes comprises dans le même Accord, et qui se trouve dans la suite de la Basse, ne fasse point Octave avec cette Septiéme que l'on entend; car il faudroit pour lors faire descendre cette Septiéme d'une Tierce, en faisant monter ensuite cette derniere Notte sur la Consonance qui devoit suivre narellement la Septiéme; l'on pourroir encore faire descendre en pareil cas la Septiéme sur la Nottes sensible, supposé que cette Notte sensible soit comprise dans le même Accord; de sorte que la Notte où l'on pourra descendre de Tierce aprés la Septiéme, fera la Sixte de celle qui dans la Basse fera l'Octave de cette Septiéme, et la Notte sensible en formera le Tri-Ton.

[-304-] EXEMPLE.

[Rameau, Traité de l'Harmonie, 304; text: 3, 4, 5, 6, 7, A, B, C, ou D. F.] [RAMTRA3 35GF]

A. Je commence par la Quinte, quoique j'eusse pû commencer par l'Octave ou par la Tierce; mais il vaut mieux commencer ainsi, pour faire entendre ensuite la Septiéme sans être preparée, comme nous venons de le dire.

B. La Septiéme reste jusqu'à C, où son Octave paroît dans la Basse; et pour lors je la fais descendre de Tierce, pour remonter ensuite sur la Consonance qui devoit la sauver naturellement, quoi qu'absolument parlant, j'eusse pû la faire descendre sur le Guidon. [signum]

D. La Septiéme est preparée ici par la Tierce, et reste jusqu'à F, où son Octave paroît dans la Basse, et pour lors je puis la faire descendre sur la Notte sensible F, qui a lieu dans le même Accord.

Il est facile de reconnoître qu'une Septiéme peut rester sur le même degré, pendant que la Basse fait plusieurs Intervales, parce qu'il faut que ces Intervales puissent former la Tierce, la Quinte, la fausse-Quinte ou l'Octave de cette Septiéme, ou bien que cette Septiéme puisse former la Tierce, la Quinte ou la fausse-Quinte de l'une de ces Nottes de la Basse. Il en sera de même de toutes les autres Dissonances, si l'on veut les rapporter à leur fondement, sinon l'on sçait les limites de la progression des Consonances et des Dissonances; de sorte que l'on ne peut se tromper.

Si une Notte peut rester sur le même degré dans le Dessus, pendant que la Basse procede par tous les Intervales contenus dans le même Accord, comme on vient de le voir; une Notte de la Basse peut rester aussi sur le méme degré, pendant que le Dessus passera par tous les Intervales compris dans l'Accord de cette Notte de la Basse.

Si une même Notte de la Basse peut porter plusieurs Accords, et que la Tierce, la Quinte, la Sixte, et cetera se trouvent dans chaque Accord, on peut les faire entendre indifferemment dans l'un et dans l'autre Accord; mais si l'un de ces Intervales n'a pas lieu dans l'un des Accords, on ne peut le faire entendre, lorsqu'il ne convient pas.

[-305-] Lorsque le goût n'est pas bien formé, et que l'on sçait les Accords que doit porter chaque Notte de la Basse, il n'y a qu'à les chiffrer, et choisir dans l'Accord la Notte que l'on voudra, pour en former un Chant dans le Dessus, sans s'écarter neanmoins des regles prescrites, parce que ces regles nous obligent souvent à preferer certaines Nottes d'un Accord, par rapport à celles qui les précédent ou qui les suivent.

Lorsque l'on compose à deux Parties seulement, le Dessus doit toûjours finit par l'Octave, rarement par la Tierce, et jamais par la Quinte.

EXEMPLE GENERAL.

[Rameau, Traité de l'Harmonie, 305; text: 2, 4, 5, 6, 7, A. B. C. D. E. F. G. H. J. K. L. M. N.O. P. Q. R. S. T. U. X. Y. Z. a. b. d. f. g. h. i. l. m. n. o. p. q. r. t. u. j. Basse-Continue. Basse-Fondamentale pour la preuve de l'Harmonie. Cadence irreguliere. Imitation d'une Cadence rompuë.] [RAMTRA3 36GF]

Le Dessus que nous n'avons composé que sur la Basse-continuë [-306-] est rempli de fautes à l'égard de la Basse fondamentale; fautes qui ne sont pas contre le fond de l'Harmonie, mais seulement contre la progression des Parties. Cette Basse-fondamentale n'étant ici que pour preuve de la parfaite Harmonie, dont on tire les Sons convenables aux Chants que l'on veut faire entendre.

A. Je passe à mon gré par tous les Sons de l'Accord.

De la Quinte je passe à la Sixte B, quoique j'eusse pû rester sur la Quarte, sans changer de lieu la Quinte qui précéde, parce que cette Quarte fait partie de l'Accord de la petite Sixte B; j'aurois pû passer aussi sur la Tierce.

B. C. D. E. Je fais passer quatre Sixtes de suite, parce qu'elles font partie des Accords, quoique j'eusse pû me servir de l'un des autres Intervales compris dans chacun des ces Accords.

F. G. Au lieu de passer de la Notte sensible à la Tonique, je passe à sa Mediante, parce que cela n'est pas contre les regles de la Progression des Consonances, outre que la Mediante represente la Notte tonique, et fait partie de son Accord.

H. Je fais entendre la Quarte, qui fait partie de l'Accord de la Seconde; je passe ensuite à la Sixte J, et je tombe sur la Seconde, qui fait partie de l'Accord du Tri-Ton. K.

La Sixte que je fais entendre à L, prepare la Septiéme à M, qui est sauvée en descendant sur la Sixte N. Cette Sixte qui est la Notte sensible, montant comme elle le doit sur la Notte tonique O; je passe ensuite sur la Tierce de cette même Notte tonique P, pour faire entendre la Seconde à Q.

Les Secondes qui sont preparées et sauvées dans la Basse P, Q, R, S, T, sont précédées dans le Dessus de la Tierce à P, et de la Sixte à R; elles pourroient l'être également de l'Octave, de la Quinte ou de la Quarte, parce que la Seconde peut être précédée et suivie indifferemment d'une Consonance quelconque, dont un Accord est composé; car nous voyons qu'elle est suivie de la Quarte à T, qui fait partie de l'Accord de la petite Sixte; bien entendu que la progression limitée à la Basse, ne change point en pareil cas.

Comme la Tierce est la Consonance la plus propre à preparer et à sauver la Seconde, il est bon de la faire entendre pour lors le plus souvent que l'on peut; la Quarte que nous mettons en sa place à T, et qui forme une Dissonance avec elle devant tomber sur la Notte où cette Tierce auroit dûë tomber en descendant, si elle eût frapé avec cette Quarte, comme nous le faisons à V; car ce doit être pour nous une regle generale, que quand au lieu d'une Notte qui doit naturellement sauver une Dissonance dans le Dessus, on lui en substituë une autre, qui fait avec elle une Septiéme ou une Seconde, [-307-] pour lors on doit faire passer la Notte substituée sur la Notte qui auroit dû suivre celle qui ne paroît point, et qui auroit formé une Dissonance mineure avec cette Notte substituée à sa place; ce qui peut se rencontrer dans l'Accord de la petite Sixte, entre la Tierce et la Quarte, et dans ceux de grande Sixte, et de fausse-Quinte entre la Quinte et la Sixte; de sorte que si dans ces Accords, la Tierce ou la Quinte doivent servir à sauver une Dissonance, et si elles doivent descendre ensuite diatoniquement, la Quarte ou la Sixte qu'on leur substituë, doivent passer sur les Nottes qui auroient dû suivre naturellement cette Tierce ou cette Quinte.

Vous trouverez dans le reste une suite de tout ce que nous venons de dire, en remarquant que le Ton change à M, où nous donnons la Septiéme à la Notte tonique, au lieu de faire monter sur son Octave sa Notte sensible, qui luy sert pour lors de Septiéme; cette Notte tonique devenant quatréme Notte par les Accords de grande Sixte et de Tri-Ton qu'elle porte ensuite à N, et à O; puis nous reprenons le Ton d'Ut à J, par rapport à la progression consonante de la Basse qui se termine à U, d'où nous connoissons que la Notte tonique est Ut; ce qui nous oblige et preparer ce Ton en quittant le [x] de Fa à Ré; ensuite de quoi le [rob] qui se trouve sur la Notte Si, nous annonce le Ton de Fa, aprés lequel celui d'Ut se declare par le Dieze qui remet cette Notte Si dans son naturel.

Ces observations que nous faisons par rapport à la Basse-continuë, peuvent s'éclaircir, en comparant l'un aprés l'autre le Dessus et cette Basse-continuë à la Basse-fondamentale; où l'on trouvera que de chaque Accord parfait ou de Septiéme, que portent les Nottes de cette Basse fondamentale, l'on choisit pour la Basse-continuë et pour le Dessus, la Tierce, la Quinte, l'Octave ou la Septiéme; en conformant ensuite la progression de ces deux Parties à nos Regles precedentes: Remarquez bien que quand la progression de la Basse-continue est diatonique, comme entre G. H. T. K. L, et cetera celle du Dessus est souvent pareille à celle de la Basse-fondamentale; d'où nous conclurons, que la progression consonante d'une Partie, oblige souvent l'autre à en suivre une diatonique, de même que la progression diatonique d'une Partie en impose souvent une consonante à l'autre.

[-308-] CHAPITRE TRENTE-NEUVIÉME.

Du Chant-figuré ou de la Supposition.

NOus appellons Chant figuré, ce qu'on a appellé jusqu'à present Supposition; et voici en quoi consistent les regles de ce Chant-figuré ou de cette Supposition.

Etant d'une necessité absolue que la perfection de l'Harmonie se manifeste dans chaque Temps de la mesure, ces Temps n'étant sensibles que dans le moment que l'on y tombe, soit en frapant, soit en levant; l'on peut, entre le moment d'un Temps, et celuy du Temps qui suit, faire passer autant de Nottes que le genie et le goût le permettent.

ARTICLE PREMIER.

Du Chant-figuré par des Intervales Consonans.

Lorsque l'on veut faire passer des Nottes entre les Temps par des Intervales consonans, on ne peut en faire entendre d'autres que celles qui sont comprises dans l'Accord du premier Temps, pour tomber ensuite sur une Notte de l'Accord du Temps qui vient immediatement aprés, et ainsi d'un Temps à l'autre, jusqu'à la fin.

EXEMPLE d'un Dessus figuré.

[Rameau, Traité de l'Harmonie, 308; text: 2, 4, 5, 6, 7] [RAMTRA3 37GF]

L'on voit dans le Dessus, que toutes les Nottes ne passent que [-309-] sur des Sons convenables aux Accords chiffrez dans la Basse.

Une mesure à deux Temps peut se partager en quatre Temps, au gré du Compositeur; ce qui s'apperçoit dans la Notte A, dont la valeur est partagée en deux Temps par les deux differens Accords qu'elle porte; de sorte que l'on peut faire entendre plusieurs Accords differens sur chaque Temps, à proportion de la lenteur ou de la vitesse du mouvement; de même que l'on peut n'en faire entendre qu'un dans une ou dans plusieurs mesures consecutives.

EXEMPLE d'une Basse-figurée.

[Rameau, Traité de l'Harmonie, 309; text: 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, C, D, Basse-Figurée. Basse-Fondamentale.] [cf. Supplément] [RAMTRA3 37GF]

Les chiffres qui sont au-dessus des Nottes de la Basse figurée marquent les Intervales qu'elle forme avec la Basse-fondamentale; et ceux qui sont au-dessus marquent les Accords que ces Nottes portent en pareil cas.

[-310-] Pour faire une Basse figurée, l'on peut d'abord en composer une Fondamentale, au-dessus de laquelle l'on compose cette Basse figurée, à peu-prés de même que l'on compose un Dessus figuré sur une Basse, je dis à peu-prés, parce que loin d'éviter de se servir des mêmes Nottes dans l'une et dans l'autre Basse, l'on doit au contraire, faire entendre dans cette Basse figurée, autant que l'on peut, les Sons fondamentaux de la Basse-fondamentale, même dans le premier moment du Temps.

Il faut toûjours conformer le Dessus à la Partie qui doit être entenduë avec elle; et si ce Dessus devoit être entendu avec les deux Basses, il faudroit pour lors qu'il fut dans les regles avec l'une et l'autre Basses; ainsi il faudroit changer ce Dessus à C, D, où il fait deux Quintes avec la Basse-fondamentale, et mettre des Nottes où sont les Guidons.

L'on peut encore composer la Basse figurée la premiere; et aprés en avoir distingué les temps, l'on doit mettre au-dessous, une Basse-fondamentale qui puisse se rapporter entierement aux regles prescrites pour la progression de cette derniere Basse, et pour les Accords qu'elle doit porter; de sorte qu'aprés cela, l'on peut composer un Dessus plus ou moins figuré que cette Basse figurée.

Il se trouve souvent dans une Basse figurée des Nottes qui peuvent servir à deux Accords differens, et l'on ne peut se déterminer pour lors que par le Temps qui suit celui où l'on est incertain du choix de l'Accord; la Basse-fondamentale pouvant nous servir encore de guide en cette occasion.

Il faut chercher la diversité autant que l'on peut, en évitant de faire entendre trop souvent les mêmes passages.

On est libre de figurer, ou non, tous les Temps d'une mesure; on ne figure quelquefois que la moitié d'un Temps, tantôt dans la Basse, tantôt dans le Dessus, ou le tout ensemble, en suivant toûjours les Regles.

EXEMPLE.

[Rameau, Traité de l'Harmonie, 310; text: 2, 4, 5, 6, 7] [RAMTRA3 38GF]

L'on peut faire commencer l'une des Parties la premiere, et faire [-311-] entrer l'autre, deux ou trois Temps aprés, et même une ou deux Mesures aprés, selon qu'il est dicté par le goût, ainsi des autres Parties, s'il y en avoit davantage.

L'on peut commencer par telle partie de la mesure que l'on veut, même par le dernier quart de Temps; l'on peut encore faire cesser l'une des Parties pendant quelque temps, mais si c'est la Basse, ce ne peut être que pendant une ou deux mesures au plus; car la Basse-continuë doit toûjours être sous-entenduë, quoique l'on ne veüille faire entendre qu'une seule Partie.

Tous ces silences se marquent avec des soupirs et autres caracteres de cette nature, que nous avons expliquez au premier Chapitre.

Au reste, le Point mis aprés une Notte, lequel doit être pris pour cette Notte même, forme ordinairement Accord avec les autres Parties, parce qu'il se trouve presque toûjours dans un Temps bon, et comme il vaut la moitié de la Notte qui le précéde, si par hazard sa valeur ne contient qu'un demi Tems, ou moins, la Notte qui le suit n'est admise pour lors que pour le goût du Chant.

ARTICLE SECOND.

Du Chant-figuré par des Intervales diatoniques.

L'on peut faire passer autant de Nottes que l'on veut entre les Temps; et si-tôt qu'elles procedent par des Intervales diatoniques, il n'importe pas qu'elles soient du nombre de celles qui composent l'Accord, pourvû que la premiere en soit; mais si-aprés plusieurs Nottes en pareille progression, l'on procede par un Intervale consonant de la derniere Notte d'un Temps, à la premiere du Temps qui suit, il faut que cette derniere Notte soit aussi comprise dans l'Accord qui subsiste pendant la valeur du Temps où elle a lieu.

Si les Temps entre lesquels on fait passer plusieurs Nottes, sont assez lents pour qu'ils puissent se partager en deux Temps égaux, on fera toûjours bien de partager aussi en valeur égale les Nottes qui passent dans un même Temps, en observant que la premiere Notte de chaque valeur soit du nombre de celles qui composent l'Accord pendant lequel on fait ce passage.

Le goût nous oblige quelquefois à transgresser ces regles, en ce que dans une progression diatonique, la premiere Notte d'un Temps n'est pas toûjours comprise dans l'Accord qui doit être entendu; mais l'on peut remarquer que cette premiere Notte n'est admise pour lors dans le Chant, que comme une espece de coulé, qui vous conduit immediatement aprés, sur la Notte comprise dans l'Accord, avant que la valeur du Temps où cet Accord a lieu, soit expirée.

[-312-] EXEMPLE.

[Rameau, Traité de l'Harmonie, 312; text: 2, 4, 5, 6, 7, A, B, C, D, F] [RAMTRA3 38GF]

Cette mesure, quoi qu'à deux Temps, est partagée en quatre, presque par tout, où l'on voit que la premiere des deux Croches est toûjours comprise dans l'Accord.

Dans le Temps A, la premiere des deux dernieres Croches n'est point comprisé dans l'Accord, parce que le Chant est conduit en progression diatonique d'un Temps à l'autre, où l'on voit que les deux premieres Croches qui ne participent point de cette progression sont comprises dans l'Accord.

Chaque Notte du Temps B, doit porter un Accord, en partageant ce Temps en quatre, parce que dés que la Notte tonique paroît après sa [-313-] sensible, elle doit porter son Accord naturel. Si cette Notte tonique paroissoit incontinent dans la mesure suivante, et que le Chant s'y reposât, le Temps B, ne devroit point être partagé; mais le Chant qui va se reposer sur la Dominante, nous fait sentir pour lors une Cadence irreguliere de la derniere Croche du Temps B, à la Notte qui suit.

La premiere et la troisiéme Croche du Temps C, ne sont point du nombre de l'Accord, parce qu'elles y forment une espece de coulé, en tombant sur la seconde et sur la quatriéme Croche, qui sont comprises dans l'Accord; car il falloit que cette quatriéme Croche fut comprise dans l'Accord, puisqu'elle passe à l'autre Temps par un Intervale consonant; l'on trouvera de pareils coulez dans les Temps F, et D.

Le Point D, represente la Notte qui le précéde; et l'Accord du Tri-Ton qui y est chiffré, a lieu jusqu'à l'expiration de la valeur de ce point, ainsi le Tri-Ton ne se sauve que dans le Temps qui suit ce point.

Voilà comme nous avons crû devoir expliquer ce qui n'a paru jusqu'à present que sous des regles fort abstraites.

C'est de cette facilité de figurer le Chant, et du renversement des Accords que provient cette diversité incomprehensible dans la Musique.

CHAPITRE QUARANTIÉME.

De la maniere de faire une Basse-fondamentale sous un Dessus.

LA Basse-fondamentale est le plus sûr moyen pour trouver celle qui convient à un Dessus déja composé, quand on n'a pas le goût assez formé, pour sentir cette Basse en même temps que l'on compose le Dessus; car un Chant quelconque a toûjours sa Basse naturelle, qui lui convient mieux qu'aucune autre, et qui nous prévient; pour peu que nous soyons sensibles à la parfaite Harmonie, nous chantons naturellement la Basse de toutes les Cadences quand nous en entendons le Dessus; ce qui doit nous faire connoître déja le Ton dans lequel nous chantons, ainsi de Cadence en Cadence, soit parfaite ou irreguliere (car la rompuë n'est point differente dans le Dessus, de la parfaite) nous connoissons les changemens de Tons; et la Basse fondamentale, qui ne peut souffrir que des Accords parfaits ou de Septiéme, nous détermine encore plus vite.

[-314-] EXEMPLES.

Des differentes Progressions d'un Dessus dans les Cadences.

[Rameau, Traité de l'Harmonie, 314; text: Ton majeur. Ton mineur. A, B, C. D. F. G. H. J. L. M. Cadences parfaites dans les Tons majeurs et mineurs, Cadences parfaites, ou irrégulieres. Cadences irrégulieres.] [RAMTRA3 39GF]

Toutes ces Cadences sont établies sur le Ton d'Ut, seulement; quoiqu'elles ayent rapport à d'autres Tons.

La Cadence parfaite A, monte de la Notte sensible à la Tonique dans les Tons majeurs et mineurs, quoiqu'elle pût monter de la seconde Notte à la Mediante dans les Tons mineurs, conformément à l'Exemple F.

La Cadence parfaite B, descend de la seconde Notte sur la Tonique dans les Tons majeurs et mineurs, quoique dans les mineurs elle pût descendre de la quatriéme Notte à la Mediante, conformément à l'Exemple G, ainsi le Ton majeur d'UT, et le mineur de LA, ont beaucoup de rapport dans ces deux premieres Cadences; et pour parler plus en general, ces deux Cadences ont également lieu dans un Ton majeur et dans un mineur, dont la distance n'est que d'une Tierce mineure, conformément à la distance d'UT Ton majeur, à LA Ton mineur, de FA Ton majeur, à RE Ton mineur, de SOL Ton majeur, à MI Ton mineur, et cetera.

Les Cadences C, D, F, G, qui sont arbitraires entre les Parfaites et les Irregulieres, ne se distinguent que par la differente progression que l'on est libre d'y donner à la Basse, soit en montant de quarte sur la Notte tonique pour former une Cadence parfaite, soit en descendant de quarte sur cette même Notte, ou sur la Dominante, pour former une Cadence irreguliere: Quand nous disons, ou sur la Dominante, c'est en supposant que ces Cadences peuvent nous representer un autre Ton que celui d'Ut; car celles de C, et de D, peuvent être prises pour irregulieres dans le Ton de Ré, et celle de D, peut être prise encore de [-315-] même dans le Ton de Fa; celles d'F, et de G, peuvent être prises pour parfaites dans le Ton de Mi [rob]; et celle de G, peut être prise encore pour irreguliere dans le Ton de La [rob]; mais les veritables Cadences irregulieres sur la Dominante d'Ut, sont celles des Exemples H, I, L, M, quoique l'Exemple H, puisse nous representer une Cadence parfaite ou irreguliere dans le Ton de Si [rob]; que celui d'I, puisse nous en representer une irreguliere dans le Ton mineur de La, que celui d'L, puisse nous en representer une parfaite dans le Ton de Ré; et qu'enfin celui d'M, puisse nous en representer une irreguliere dans le Ton majeur, de Si [rob], dans le mineur de Sol, et dans l'un et l'autre de Mi [rob]. Or voici le fruit que nous pouvons tirer de ces Cadences arbitraires dans le Dessus.

Premier. Il ne faut composer vôtre Dessus que dans le Ton majeur d'Ut, ou dans le mineur de Ré, supposé que la connoissance des autres Tons ne vous soit pas aussi familiere; et pour connoître si ce Dessus est veritablement composé dans l'un de ces deux Tons, ne pouvant le faire commencer que par l'Octave, la Tierce, ou la Quinte; vous remarquerez où va se terminer la premiere Cadence, qui se trouve ordinairement dans la seconde ou dans laquatriéme Mesure: Ayant donc commencé par Ut, par Mi ou par Sol, qui sont l'Octave, la Tierce et la Quinte d'Ut, si vôtre premiere Cadence se termine en Ré, vous ne serez pas pour cela dans le Ton de Ré, car il faudroit avoir commencé par Ré, Fa ou La, qui sont l'Octave, la Tierce et la Quinte de ce Ré. De plus, si vous étes obligé d'ajoûter quelques [x], ou quelques [rob] aux Nottes, par rapport à certains semi-Tons, où le goût du Chant vous conduit, ces signes vous déterminent d'abord le Ton, conformément à l'explication que nous en avons donnée. (Chapitres XXV. et XXVI.) Car si vous avez commencé par Ut, cet Ut fait la Tierce mineure de La, et la Quinte de Fa, de même qu'il fait l'Octave d'Ut; et ce ne peut être que par les [x] ou les [rob], ou encore par les Cadences que l'on distingue le Ton; quoique si l'Air est composé dans le goût naturel, il n'y a qu'à s'en rapporter à la derniere Notte, qui doit être naturellement la Tonique.

Deuxiéme. Si-tôt que vous étes certain du Ton que vous traitez, il faut lui approprier toutes les Cadences qui peuvent lui convenir; et quand il s'en trouve quelques-unes d'étrangeres, il faut les rapporter à celles de l'Exemple précédent, en remarquant ce qui suit.

Premier. Le Dessus doit toûjours faire la Tierce, la Quinte, l'Octave, ou la Septiéme avec la Basse-fondamentale.

Deuxiéme. Dans la Basse-fondamentale, il faut toûjours donner la preference aux Progressions les plus parfaites; ainsi celle de la Quinte en descendant doit être preferée à celle de la Quarte, celle-ci à celle [-316-] de la Tierce, et celle-ci à celle de la Septiéme, en se souvenant que monter de Deuxiéme est de même que descendre de Septiéme, et cetera. Cependant si le Dessus ne pouvoit s'accorder avec la Basse, en la faisant descendre de Quinte, il faudroit chercher cet Accord dans une Progression de Quarte, de Tierce ou de Septiéme, en preferant toûjours la plus parfaite.

Troisiéme. Il ne faut point figurer le Dessus, lorsque l'on veut se stiler parfaitement sur la Basse-fondamentale, parce que le Chant figuré ne peut qu'embarrasser les Commençans; de sorte qu'il faut que chaque Notte du Dessus vaille au moins un Ton.

Quatriéme. Il faut s'attacher d'abord à composer des Airs de caractere, comme Gavottes, Sarabandes, et cetera parce que les Cadences s'y apperçoivent presque toûjours de 2. en 2. Mesures; ce qui détermine plus vite. Voyez le second Livre, Chapitres XXV. XXVI. XXVII et XXVIII. où vous trouverez le mouvement de ces Airs, la quantité des Mesures dont ils doivent être composez, les sortes de Vers qui leur sont propres, et ce que l'on doit observer pour mettre des Paroles en chant.

Cinquiéme. Si vous appercevez dans vos Airs quelques Cadences étrangeres au Ton que vous traitez, il faut remarquer si elles terminent le Chant, ou non; ce que vous connoîtrez plus facilement par le sens des Paroles. Si elles terminent le Chant, le Ton change pour lors, et il passe ordinairement dans celui de la Dominante, de la Mediante, de la quatriéme ou de la sixiéme Notte du Ton que vous quittez immediatement; ce qui se distingue, en rapportant ces Cadences à celles de l'Exemple précédent, où vous remarquerez que, si l'une de ces Cadences se termine; Ainsi,

[Rameau, Traité de l'Harmonie, 316,1; text: Ton de FA. de SOL. de RE. de MI. de LA.] [RAMTRA3 39GF]

Elle nous represente une Cadence parfaite dans l'un de ces Tons, de même que celle-ci,

[Rameau, Traité de l'Harmonie, 316,2] [RAMTRA3 39GF]

nous en represente une dans le Ton d'Ut, ainsi des autres Cadences qui ont un même rapport à proportion; mais si le Chant n'est point absolument terminé, il faut laisser suivre à la Basse sa route naturelle, en preferant (comme nous l'avons dit,) les Progressions les plus parfaites aux autres, autant que cela se peut.

Sixiéme. Tant que le Dessus fait la Tierce, la Quinte ou l'Octave d'une Notte déja placée dans la Basse, l'on peut ne point changer cette Notte, excepté que l'on ne voye que cela peut se faire sans interrompre la [-317-] Progression naturelle de la Basse; et pour lors la varieté, qui fait une des principales parties de la beauté de l' Harmonie, le demande.

Septiéme. Il faut toûjours regarder le premier Temps de chaque Mesure comme le principal; de sorte que si l'on apperçoit que la Notte de la Basse, que l'on peut mettre dans un autre Temps, convient dans le premier Temps qui précéde, ou qui suit, il vaut mieux faire devancer ou faire retarder cette Notte, pourqu'elle soit entenduë dans le premier Temps, en remarquant deux choses: La premiere, si la Notte qui suit le premier Temps peut être la même dans ce premier Temps, c'est pour lors qu'il faut faire entendre dans le premier Temps cette Notte que vous ne vouliez mettre qu'après: La seconde, si la Notte que vous mettez dans un Temps faux est la même que celle qui se fait entendre dans le premier Temps suivant, sans que vous puissiez mettre une ou plusieurs autres Nottes entre deux, il vaut mieux laisser à la Basse la Notte qui a été entenduë dans le premier Temps précédent, si cela se peut, ou en chercher une autre qui ne soit point la même que celle qui doit paroître immediatement dans le premier Temps suivant.

EXEMPLE.

[Rameau, Traité de l'Harmonie, 317,1; text: 2, H. J.] [RAMTRA3 39GF]

L'Exemple H, est le meilleur, parce que la Notte que l'on entend dans le second Temps de la seconde Mesure pouvant servir au premier Temps de la même Mesure, doit y être préferée.

AUTRE EXEMPLE.

[Rameau, Traité de l'Harmonie, 317,2; text: 2, 3, A, B, C. D. F. G.] [RAMTRA3 39GF]

Je ne puis faire tenir la même Notte de la Basse dans la premiere [-318-] Mesure de l'Exemple A, quoique je puisse la changer, comme dans l'Exemple B; parce que je puis mettre une autre Notte entre celle du second Temps de la premiere Mesure et celle du premier Temps de la seconde Mesure; au lieu que dans les Exemples C, et F, je ne dois pas me servir de la seconde Notte de la premiere Mesure dans la Basse, parce qu'elle doit être entenduë immediatement dans le premier Temps de la Mesure suivante: Ainsi je me sers de la Notte qui a déja été entenduë dans le premier Temps de la premiere Mesure D, parce qu'elle s'accorde toûjours avec le second Temps; et j'en choisis une autre à G, parce que cette premiere ne peut s'accorder icy avec le second Temps.

Huitiéme. Il est souvent necessaire de partager une Notte du Dessus, en deux valeurs égales, pour faire entendre avec elle deux differentes Nottes dans la Basse, qui puissent s'accorder toûjours avec cette même Notte du Dessus; et cela, pour conserver la progression consonante dans la Basse, et pour que la plus parfaite progression se fasse entendre entre la derniere de ces deux Nottes de la Basse et celle qui les suit.

EXEMPLE.

[Rameau, Traité de l'Harmonie, 318; text: 2, 7] [RAMTRA3 40GF]

Ce partage se fait encore pour faire entendre dans les Temps principaux de la Basse-fondamenle les Nottes les plus convenables au Ton que l'on traite; et ces Nottes sont la Tonique, sa Dominante, sa quatriéme, sa sixiéme, et quelquefois sa seconde, ainsi par ordre de perfection. On se sert rarement de sa Mediante, et jamais de sa Septiéme dans quelque Temps de la Mesure que ce soit; car lorsqu'on ne peut s'en dispenser, il est certain que le Ton change, comme on peut le connoître par quelques [x] ou [rob], ou par quelques Cadences étrangeres.

Neuviéme. Les Temps principaux de la Mesure sont ceux où la premiere Dissonance doit être entenduë lorsqu'elle est préparée; car s'il s'en trouve plusieurs de suite, on ne doit avoir égard qu'à la premiere; et l'on ne peut faire entendre une Dissonance sans être preparée, que dans une progression diatonique du Dessus, en descendant de [-319-] trois degrez, ou en montant et descendant immediatement après, pendant que la Basse monte de Tierce ou de Quinte, pour descendre ensuite de Quinte; et la Dissonance se trouve pour lors au milieu de ces trois degrez.

[Rameau, Traité de l'Harmonie, 319; text: 7, A, B] [RAMTRA3 40GF]

Au lieu de faire monter d'abord la Basse de Quinte en cet endroit, on peut ne la faire monter que de Quarte, où pour lors la dissonance n'a point lieu; et c'est de cette façon que l'on peut transposer une Cadence parfaite en irreguliere, et une irreguliere en parfaite. Voyez les Nottes A, B, où l'on peut mettre une autre Notte sur le Guidon [signum], au lieu de celle qui est marquée par un A, les Nottes A, B, formant une Cadence parfaite, et la Notte A, mise à la place du Guidon formant une Cadence irreguliere avec le B.

Les Guidons mis au-dessus de la premiere Notte de la Basse, font voir la progression que cette Basse pourroit encore tenir en pareille occasion, en mettant cette premiere Notte à la place où est l'un des Guidons.

Souvenez-vous qu'il n'y a de dissonance que la Septiéme à l'égard de la Basse-fondamentale, et que les autres Dissonances n'ont lieu que dans le renversement, c'est-à-dire, en prenant pour Basse l'une des Nottes qui sert à l'Accord de Septiéme, que la Basse-fondamentale doit porter; où il faut observer tout ce que nous en avons dit aux Chapitres XVII. XVIII. XX. XXI. XXII. et XXVI.

Il y a des occasions où la Septiéme fait un bon effet contre la Basse-fondamentale, sans être preparée, pendant même que le Dessus fait un Intervale disjoint; mais pour lors la Notte de cette Basse qui a été entenduë avant la Septiéme, reste sur le même degré; de sorte que l'on fera toûjours bien de faire entendre ainsi la Septiéme, pourvû que le Dessus descende diatoniquement, immediatement après, et que la Basse puisse monter en cet endroit de Quarte, pour faire la Tierce avec le Dessus après cette Septiéme.

Tournez, pour en voir l'Exemple.

[-320-] EXEMPLE.

[Rameau, Traité de l'Harmonie, 320,1; text: 2, A. B. J. C. D. F.] [RAMTRA3 40GF]

Le Dessus procede par degrez disjoints entre les Nottes A, et B, où la Septiéme se seroit entendre sur la Notte B, si l'on vouloit faire rester la premiere Notte de la Basse sur le même degré; mais comme le Dessus ne descend point après cette Notte B, et que si la premiere Notte de la Basse eût resté, elle n'auroit pû faire la Tierce avec la Notte J, en montant de Quarte; il faut changer la Basse, comme nous l'avons fait, en donnant la préference à sa progression la plus parfaite; et ce que vous ne trouverez point entre ces Nottes A, B, J, vous le trouverez entre les Nottes C, D, F, selon l'explication que nous venons d'en donnner; c'est ce que l'on appelloit encore supposition, ou Dissonance pour le goût du Chant; mais cette dissonance a lieu dès la premiere Notte du Dessus, pendant que celle de la Basse reste sur le même degré, pour recevoir cette dissonance, qui ne paroît qu'après, comme on peut le remarquer, en faisant entendre tous les Sons de l'Accord de la Septiéme sur la premiere Notte de la Basse qui frappe avec la Notte C; par consequent le Dessus peut passer encore après cette Septiéme sur d'autres Nottes du même Accord, mais il retournera toûjours sur une Notte qui devra faire la Tierce de celle que l'on fera monter de Quarte dans la Basse G, ou du moins sur une Notte qui en fera l'Octave.

EXEMPLE.

[Rameau, Traité de l'Harmonie, 320,2; text: 2, 3, 7, 8, G. H] [RAMTRA3 40GF]

Au lieu de faire monter la Basse de Quarte, on pourroit ne la [-321-] faire monter que d'un degré, pour en former une Cadence rompuë; mais cela ne peut avoir lieu que dans une Basse empruntée, ou renversée de la Fondamentale; ce qui dépend pour lors du goût du Compositeur dans le milieu d'une Piece seulement, pourvû que cette Basse ne formât pas deux Quintes de suite avec le Dessus.

Dixiéme. Lorsque vous appercevez plusieurs Cadences de même espece dans un même Ton, il faut chercher si l'une de celles qui se trouvent dans le milieu de l'Air, et qui ne détermine pas une conclusion absolue, n'auroit pas du rapport avec une Cadence d'un autre Ton, où pour lors il seroit à propos de faire entendre cette Cadence étrangere, pour donner plus de varieté à l'Harmonie; car un Air devient languissant lorsqu'on y entend toûjours les mêmes Cadences; et quand le goût ne nous permet pas de les diversifier dans le Dessus, du moins il faut tâcher de le faire dans la Basse au milieu de l'Air, comme nous venons de le dire, et sur tout dans ces Cadences qui ne déterminent pas absolument la conclusion.

Si vous êtes dans un Ton majeur, les Cadences étrangeres qui y ont du rapport, ne peuvent se prendre que dans un Ton mineur, dont la Notte tonique se trouve une Tierce mineure au-dessous de celle de ce Ton majeur où vous êtes; et si vous êtes dans un Ton mineur, elles ne peuvent se prendre que dans un Ton majeur, dont la Notte tonique se trouve une Tierce mineure au-dessus de celle de ce Ton mineur où vous êtes; en remarquant que cette difference ne peut paroître que dans la Basse, puisque le Chant du Dessus peut ne pas changer pour cela.

EXEMPLE.

[Rameau, Traité de l'Harmonie, 321; text: A. B. C. D. Cadences parfaites dans le Ton majeur d'Ut. Dans le Ton mineur de La. Cadences irregulieres dans le Ton majeur d'Ut.] [RAMTRA3 41GF]

Les Cadences parfaites A, et B, et les irregulieres C, et D, du Dessus, peuvent se trouver naturellement dans le Ton majeur d'Ut, ou dans le Ton mineur de La; de sorte que si vous êtes dans l'un de ces deux Tons, il vous est libre de faire servir l'une de ces Cadences pour l'autre Ton; si vous êtes dans le Ton majeur d'Ut, la même Cadence [-322-] peut servir pour le Ton mineur de La; et si vous êtes dans celui-cy, la même Cadence peut servir pour l'autre; ainsi des autres Tons en même rapport, comme le Ton mineur de Ré avec le majeur de Fa, le Ton majeur de Sol avec le mineur de Mi.

Cette maniere de transposer ainsi la Cadence d'un Ton dans un autre, est encore très-favorable, lorsque l'on veut changer absolument de Ton.

On peut se servir encore de la Cadence rompuë dans l'un et l'autre cas.

Onziéme. Les Cadences irregulieres sont excellentes dans le milieu d'un Air; et quand l'Air est divisé en deux Parties, elles peuvent servir souvent à terminer la premiere Partie, mais il ne faut pas en faire une habitude; elles doivent être employées plûtôt dans les secondes, sixiémes et dixiémes Mesures, que dans les quatriémes, huitiémes et douziémes, où les parfaites conviennent mieux; et lorsqu'une Cadence parfaite se trouve dans une sixiéme, ou dans une dixiéme Mesure, on peut luy supposer la rompuë.

Douziéme. Lorsque l'on transpose une Cadence d'un Ton dans un autre, il est quelquefois à propos de preferer les progressions les moins parfaites de la Basse-fondamentale aux plus parfaites; mais le tout doit se faire avec jugement et diseretion.

Treiziéme. Tous ceux qui composent un Chant à leur fantaisie, ne font point attention s'il est figuré, s'il est lié, ou s'il procede toûjours par degrez conjoints; de sorte que s'il est figuré, ils ne sont pas quelquefois assez habiles pour distinguer les Nottes qui forment Harmonie avec la Basse, de celles qui ne servent qu'au goût du Chant; et s'il procede par degrez disjoints, ils craignent de faire entendre deux Quintes ou deux Octaves de suite avec la Basse-fondamentale, ne sçachant pas que pour lors ce Chant tient la route que la Basse-fondamentale doit tenir naturellement, et que c'est pour cette raison que l'on est obligé de composer une Basse differente de la Fondamentale, qui puisse s'accorder en tout avec cette Partie déja composée: Ainsi par la Basse-fondamentale connoissant les Accords qui doivent être employez dans la suite de l'Air, il n'est pas difficile de choisir dans ces Accords l'une des Nottes dont ils sont formez, pour les approprier à une autre Basse, qui s'accorde harmoniquement et melodieusement avec cette Partie déja composée; car il est bon de sçavoir que les deux Octaves ou Quintes consecutives ne détruisent point le fond de l'Harmonie, et qu'elles ne sont défenduës que pour ne point tomber dans une Monotonie séche et ennuyeuse dans une suite d'Accords; qu'ainsi après avoir établi les Regles de l'Harmonie sur la progression la plus naturelle à la Basse [-323-] et au Dessus, voyant l'impossibilité qu'il y a d'entretenir cette progression naturelle dans la Basse, si tôt qu'il est permis de l'emprunter pour le Dessus, nous sommes obligez d'établir d'autres Regles pour la progression reciproque des Parties qui doivent être entenduës ensemble, pour conformer la Partie que l'on compose en second lieu à celle qui est déja composée. Cependant l'établissement de ces nouvelles Regles est toûjours fondé sur les premieres, où, selon l'ordre naturel des Parties, nous ne trouvons point deux Octaves ni deux Quintes de suite; et nous trouvons encore toutes les dissonances sauvées comme elles doivent l'être, et préparées ou non, selon la plus parfaite progression de la Basse.

L'on s'écarte encore souvent de la progression naturelle à la Basse, pour éviter les frequentes conclusions qu'elle nous fait sentir dans sa progression la plus parfaite, en tirant de chaque Accord qui forme les conclusions, l'une des Nottes qui y sont comprises, pour la mettre à la Basse, au lieu de celles qui lui sont naturelles; par ce moyen l'on entretient dans le Chant et dans l'Harmonie la suspension que demande le sujet; car la conclusion absoluë ne convient qu'aux sens terminez; le Chapitre suivant va nous éclaircir là-dessus.

CHAPITRE QUARANTE-UNIÉME.

La maniere de composer une Basse-Continuë sous un Dessus.

LA veritable Basse-continuë devroit être la fondamentale; mais par rapport à l'habitude où l'on est d'appeller ainsi celle qui nous est dictée par le bon goût, à proportion des routes que tiennent les autres Parties, au-dessous desquelles on compose cette Basse; nous la distinguons de la Fondamentale par l'épithete de Continuë.

Nous avons déja dit au commencement du Chapitre précédent, que les personnes dont le goût étoit formé, sentoient naturellement la Basse qui convenoit le mieux à toutes sortes d'Airs; mais malgré ce don naturel, il est difficile de ne pas s'écarter de la verité, quand il n'est pas soûtenu par la connoissance; et la connoissance ne suffit pas pour la perfection, si le bon goût ne vient à son secours; car la liberté que l'on a de choisir parmi les Sons d'un Accord, ceux que l'on veut, pour en former une Basse sous un Dessus, ne nous détermine pas pour cela ceux qui conviennent le mieux, et nous n'avons point d'autres Regles pour le bon goût que la varieté dans la Composition; c'est donc à quoi il faut s'attacher, en remarquant ce qui suit.

[-324-] Premier. C'est à present qu'il faut songer à éviter les deux Octaves et les deux Quintes consecutives, en observant exactement les Regles que nous avons données Chapitres XIV. XVIII. XX. XXI. et XXX. pour la suite des Consonances et des Dissonances.

Deuxiéme. La Basse-fondamentale étant composée, vous remarquez le dessein de vôtre Dessus, l'Air qu'il exprime, son mouvement, et tout ce qu'il a de particulier; puis vous tâchez de rendre les mêmes expressions dans la nouvelle Basse que vous composez; vous évitez les Cadences finales où le Chant ne les demande pas, en tirant de vôtre Accord-fondamental les Sons que vous jugez à propos; de sorte qu'ils s'accordent en tout avec le Dessus, selon la suite des Consonances et des Dissonances. Si vous faites entendre quelques Dissonances, prenez garde à ce qu'elles soient preparées lorsqu'elles doivent l'être, et sauvées soigneusement selon la progression déterminée à chaque Son dont un Accord de Septiéme est formée; ensuite pour diversifier, vous tâchez de faire entendre entre vos Parties, des Consonances ou des Dissonances differentes; car le Dessus étant composé d'une certaine façon, et pouvant prendre pour vôtre Basse tel autre Son de l'Accord que vous jugez à propos; vous remarquez qu'ici vous avez fait la Sixte suivie d'une autre Consonance ou d'une Dissonance; et que là, quoique vous puissiez faire la même chose, vous pouvez tourner vôtre Basse d'une autre façon, en faisant entendre tantôt le Tri-Ton, sauvé de la Sixte, tantôt la fausse-Quinte, sauvée de la Tierce, tantôt la Septiéme sauvée de la Sixte, de la Tierce, ou de la Quinte, selon la differente progression que vous pouvez donner à vôtre Basse; ou bien vous pouvez ne faire entendre entre les Parties que les Consonances, dont un Accord de Septiéme est composé, comme l'Octave, la Quinte, ou la Tierce, ou par renversement la Sixte, ou la Quarte; vous pouvez encore vous servir des Accords par supposition ou par emprunt, quand vous sentez que la progression diatonique de vôtre Basse vous y conduit; car cette progression est toûjours la plus chantante, et doit être employée autant que l'on peut, sur tout, lorsqu'il ne paroît aucune conclusion; et souvenez-vous que toutes les Dissonances mineures d'un Accord par supposition, doivent être preparées par le Dessus qui syncope, pendant que la Basse monte; ou si elle descend, ce ne peut être que par degrez disjoints, que tout Accord où la Dissonance majeure a lieu, demande la précaution que nous lui avons déterminée, soit dans la suite de l'Octave, soit où nous avons parlé, Chapitres XI. XXII. XXXI. XXXIV et XXXV. de la Quinte superfluë, de la Septiéme superfluë, du Tri-Ton, et de la Seconde superfluë; et que la Seconde veut être préparée par la Basse qui syncope; puis [-325-] quand vous appercevez que le Chant peut se terminer dans un certain endroit, suivez pour lors la progression de la Basse-fondamentale; ainsi vôtre Basse sera composée avec art et avec goût.

EXEMPLE.

[Rameau, Traité de l'Harmonie, 325; text: M. 1. 2. 3. 4. 5. 6. 7. 8. 9, A, B, Basse-Continue. Basse-Fondamentale.] [RAMTRA3 41GF]

Remarquez d'abord que dans la quatriéme mesure j'aurois pû transposer la Cadence parfaite du Ton d'UT en une Cadence irreguliere dans celui de LA, comme cela paroît par les Guidons de la Basse-continuë, et la diversité le demande même en ce cas.

Dans la premiere et dans la seconde mesure de la Basse-fondamentale, [-326-] j'apperçois deux progressions égales A, B; ainsi je reserve celle qui a le plus de rapport à la Cadence pour la seconde mesure; parce que c'est le lieu où la Cadence se fait sentir ordinairement, en remarquant qu'elle est irreguliere ici, et que dans la quatriéme elle est parfaite. Pour revenir à la premiere mesure, j'y donne une progression diatonique à ma Basse-continuë, qui s'accorde en tout avec le Dessus; et pour suivre cette même progression dans la seconde mesure, je fais passer le second Temps sur une Notte qui fait la Septiéme contre la Basse-fondamentale, et qui se sauve par la Tierce de cette même Basse, ce qui s'accorde toûjours avec le Dessus; ainsi je continuë cette progression diatonique jusqu'à l'endroit où la Cadence parfaite se fait sentir, et où je suy pour lors la progression de ma Basse-fondamentale; je cherche encore cette progression diatonique dans les mesures suivantes, où je trouve que la Notte finale de la quatriéme mesure peut rester sur le même degré, pour former la Tierce avec la Basse-fondamentale, et l'Octave avec le Dessus; ensuite la Sixte dans la cinquiéme mesure avec ce même Dessus, et la Septiéme avec la Basse-fondamentale; enfin, je trouve la Neuviéme dans la sixiéme mesure, et je ne suy la progression de ma Basse-fondamentale qu'à la conclusion finale. De plus, ce qui me fait connoître les Accords que doivent porter les Nottes de la Basse-continuë, ce sont les Intervales qu'elle forme avec la fondamentale, parce que je sçais que celle-ci ne pouvant porter que des Accords parfaits, ou de Septiéme, lorsqu'elle est bien composée, les Nottes qui font la Tierce, la Quinte ou la Septiéme, de celles qui sont dans cette Basse-fondamentale, ne peuvent porter par consequent que de tels, ou tels Accords; ainsi je pourrois chiffrer également le Dessus, si je voulois le faire servir de Basse; c'est encore cette même raison qui me fait chiffrer la Neuviéme sur la premiere Notte de la sixiéme mesure, parce que cette Notte se trouve une Tierce au-dessous, ou une Sixte au-dessus de la Notte qui est à la Basse-fondamentale, ne pouvant être admise par consequent dans l'Harmonie, que par supposition; si bien que par l'Accord de la Septiéme que porte la Notte de la Basse-fondamentale, je vois que celle-là ne peut porter que celui de la Neuviéme, quoique cette Neuviéme ne paroisse pas dans le Dessus; mais vous remarquerez que la Quinte qui s'y trouve fait partie de l'Accord de la Neuviéme, et que cette Neuviéme supposée y est preparée et sauvée dans toutes les regles.

On n'auroit jamais fait s'il falloit raisonner de la sorte sur toutes les differentes manieres dont on peut diversifier une Basse-continue; mais si l'on fait à propos toutes les remarques necessaires sur les differens [-327-] Exemples qui sont contenus dans ce Traité, en appropriant à chacun de ces Exemples les choses dont on voudra s'éclaircir; et si l'on veut encore pour cet effet consulter les Ouvrages des habiles Maîtres, l'on se mettra bien-tôt au-dessus de toutes les difficultez.

CHAPITRE QUARANTE-DEUXIÉME.

Remarques utiles sur le Chapitre précédent.

Premier. L'On peut composer une Basse sous une autre Partie, sans le secours de la Fondamentale, par la connoissance de la suite des Consonances, suite que nous avons déterminée d'une maniere assez précise, pour que l'on ne puisse en douter, pourvû que l'on se souvienne de passer, autant que l'on pourra, d'une Consonance parfaite à une imparfaite, et de celle-ci à l'autre, d'éviter les deux Consonances parfaites de suite, lorsqu'on peut s'en dispenser, au lieu que les imparfaites peuvent s'entre-suivre, sans trop abuser cependant de cette liberté, parce que ce seroit pécher pour lors contre la diversité; et de donner à cette Basse une progression diatonique autant que cela se peut, quoique la consonante doive s'y rencontrer de de temps en temps, sur tout dans les Cadences principales où elle est absolument necessaire.

Deuxiéme. L'on peut composer une Basse sur la suite des Accords déterminée dans les Regles de l'8, des 7, et 6, des 2 et 6/<5>, des 9, et autres, où l'on voit qu'après un certain Accord, il en doit suivre un autre, et ainsi de suite. (Voyez les Chapitres XI. XXI. XXII. XXVII. XXVIII. et XXIX.)

Troisiéme. Pour diversifier, l'on peut se servir des Exemples où les differentes manieres de faire proceder la Basse sous un même Dessus sont déterminées: (Voyez le Chapitre XVII.) en remarquant que des quatre Parties qui sont contenues dans ces Exemples, il peut s'en trouver toûjours une conforme à celle que vous aurez composé, c'est-à-dire, que vous trouverez dans l'une de ces Parties deux Nottes qui se suivront, de même que celles qui seront dans vôtre Dessus; et dans l'autre, deux autres, ainsi consecutivement; mais pour ne pas vous y tromper, il faut bien prendre garde si ces progressions se font dans un même Mode ou Ton; et pour cela, il ne faut pas consulter les Nottes par leur nom, mais par le rang qu'elles tiennent dans le Ton où vous êtes, et dans celui où les Exemples sont composez; ainsi ces Exemples étant composez dans le Ton d'UT, vous trouverez qu'une progression de la Mediante à la Dominante, [-328-] ou de la sixiéme Notte à la quatriéme, et cetera pourra toûjours souffrir les mêmes Accords dans un Ton quelconque.

Voyez ensuite Chapitres XIV. et XVIII. la maniere dont on doit preparer et sauver les Dissonances, afin de n'en point pratiquer sans connoissance.

Voyez encore Chapitres XXIV. et XXVI. Articles I. II. et III. la maniere de passer d'un Ton à un autre; comment on peut les distinguer, et comment on peut connoître les Accords qu'il faut donner aux Nottes d'une Basse dans une progression quelconque; parce que toutes ces connoissances réünies, vous relevent d'une infinité de doutes qui se presentent à tout moment.

Quand on se sent un peu fort sur tous ces articles, on voit ensuite la maniere dont on peut pratiquer les Licences, pour les mettre en usage en temps et lieu; on figure le Chant du Dessus, et celui de la Basse si l'on veut, en remarquant toûjours les Temps principaux, et la Notte qui doit former Accord dans chaque Temps, afin de pouvoir chiffrer exactement la Basse; et quand on doute du fond des Accords, on rapporte une Basse-fondamentale au-dessous de ces deux Parties composées, où l'on voit si l'on a manqué, ou non, et quels Accords doivent porter les Nottes placées dans la Basse-continue; en se souvenant que la Notte qui fait la Tierce, la Quinte ou la Septiéme de celle qui est à la Basse-fondamentale, ne peut porter qu'un tel Accord; ou bien si cette Notte de la Basse-continue se trouve une Tierce, ou une Quinte au-dessous de celle de la Basse-fondamentale, l'Accord sera pour lors supposé, et il faut voir s'il est employé selon les Regles.

Si-tôt que vôtre Basse est bien chiffrée, rien n'est plus facile que d'y ajoûter deux ou trois Parties, excepté que le Chant un peu trop recherché dans le Dessus ou dans la Basse, n'empêche d'arranger ces autres Parties dans toute la regularité; ce qui fait que plus il y a de Parties, plus on est obligé de conformer la progression de la Basse à celle de la fondamentale. Quoique nous ayons donné plusieurs differentes façons de faire proceder une Basse par degrez conjoints à quatre et à cinq Parties dans une progression de l'Octave, tant en montant qu'en descendant, soit par les Accords ordinaires, soit par les differens Accords de 6, par ceux des 7 et 6, des 2 et 6/5, des 9, et cetera mais nous allons voir ce que l'on doit observer dans une Composition à plusieurs Parties.

[-329-] CHAPITRE QUARANTE-TROISIÉME.

Ce que l'on doit observer dans une Composition à deux, à trois et à quatre Parties.

IL est difficile de réüssir parfaitement dans les Pieces à deux et à trois Parties, si l'on ne compose toutes les parties ensemble; parce que chaque partie doit avoir un Chant coulant et gratieux; et l'habile homme ne compose guéres une partie, qu'il ne sente en même temps l'effet des autres parties qui doivent l'accompagner.

Premier. Quoique l'on se propose ordinairement une Partie où l'on veuille renfermer tout le beau Chant que l'imagination puisse fournir, ce qui s'appelle le Sujet, si les autres parties en sont dénuées à proportion, cela diminuë la beauté du sujet; et il n'y a que dans ce qu'on appelle Recitatif, où la Basse et les autres Parties doivent seulement faire entendre le fond de l'Harmonie; mais autrement, le Chant de deux ou de trois parties doit être presqu'égale; d'où l'on dit fort à propos, qu'une Basse bien chantante, nous annonce une belle Musique.

Moins il y a de Parties, plus les Accords doivent être diversifiez; c'est donc pour les Pieces à deux parties que cette Regle demande le plus de regularité.

Deuxiéme. Quand on compose à trois Parties, il faut y rendre les Accords complets, autant qu'il se peut; et la meilleure regle pour cet effet, est d'y faire entendre toûjours des Tierces ou des Sixtes, au moins entre deux Parties, l'Octave ne devant y être employée que rarement, excepté que le Dessein, * [* Nous parlons du Dessein et de la Fugue au dernier Chapitre. in marg.] la Fugue, ou le beau Chant ne nous y conduise, sur tout dans les Cadences parfaites, où chaque Partie se termine ordinairement sur la Notte Tonique.

[-330-] EXEMPLE.

[Rameau, Traité de l'Harmonie, 330; text: 3, 4, 5, 6, 7, 9] [RAMTRA3 42GF]

[-331-] Pour ce qui est des Pieces à quatre et à plus de Parties, on en forme ou des Choeurs de Musique, ou des Quatuor, des Quinques, et cetera. (L'on trouvera un Quinque ou Canon dans le dernier Chapitre.) Les Voix se multiplient autant que l'on veut dans chaque partie, pour ce qui est des Choeurs; au lieu qu'on n'employe ordinairement qu'une voix pour chaque Partie dans les Quatuor ou Quinque. Or comme il est assez difficile de donner un beau Chant naturel à chacune de ces Parties entenduës ensemble, il faut du moins qu'il regne dans la Basse et dans le Dessus, sur tout dans les Choeurs; l'on peut neanmoins donner ce beau Chant à telle Partie que l'on veut, ou encore l'entremêler tantôt dans une Partie, tantôt dans une autre, en preferant toûjours celle qui se trouve au plus haut degré de la Voix ou de l'Instrument, supposé qu'il n'y ait point de Voix; car l'attention se porte naturellement vers les Sons les plus perçants. Au-reste, nous ne pretendons pas confondre ici la Basse, qui doit primer en ce cas, et sur laquelle nous devons toûjours nous regler dans ces sortes de Pieces.

Quelques difficultez qu'il y ait à remplir d'un beau Chant toutes les Parties d'un Quatuor, ou d'un Quinque, il faut cependant faire tous ses efforts pour y réüssir; et c'est peut-être principalement en faveur de ces sortes de Pieces, que la Fugue a été inventée; car outre qu'elles n'ont guéres d'agrément sans ce secours, c'est que la Fugue qui renaît tantôt dans une partie, tantôt dans une autre, sur-prenant agréablement l'Auditeur, le force en quelques façon de détourner son attention des parties qui pourroient pour lors être dénuées de Chant, pour la donner entierement à celle qui reprend cette Fugue; c'est aussi par ce moyen que l'on peut adroitement attirer l'Auditeur, en fixant son attention sur l'objet qui le frappe le plus. D'ailleurs le Chant de la Fugue, et celui des Parties qui doivent l'accompagner, outre les silences que l'on peut y introduire, lorsque l'on sent que le Chant n'en seroit point assez gracieux, dépendant absolument de nôtre goût, c'est à nous de sçavoir faire un bon choix, pour que le succès en soit favorable. (C'est le sujet du Chapitre suivant.) Il n'y a que les Choeurs qui puissent plaire sans Fugues, en ce que le beau Chant qui doit y regner pour lors dans les Parties dominantes, occupe suffisamment; il en est de même des Duo et des Trio.

L'on peut exceder le nombre de cinq Parties dans la Composition; mais cela n'appartient qu'aux grands Maîtres de l'Art, qui sçavent doubler à propos les Consonances, en leur donnant pour lors des progressions opposées, et en diversifiant le tout par des Chants plus ou moins figurez.

[-332-] CHAPITRE QUARANTE-QUATRIÉME.

Du Dessein, de l'Imitation, et de la Fugue.

DAns la Musique, le Dessein est en general le sujet de tout ce que l'on se propose; car un habile Compositeur doit se proposer d'abord un Mouvement, un Ton, ou un Mode, un Chant et une Harmonie conforme au sujet qu'il veut traiter; (Voyez, Livre Second Chapitre XXX.) mais ce terme doit s'appliquer plus précisément ici à un certain Chant que l'on veut faire regner dans la suite d'une Piece, soit pour se conformer au sens des Paroles, soit que le bon goût ou la fantaisie nous y détermine; pour lors on distingue le Dessein en Imitation et en Fugue.

L'Imitation n'a rien de particuliere qui merite attention; elle consiste seulement à faire repeter à son gré, et dans telle Partie que l'on veut, une certaine suite de Chant, sans autre regularité.

La Fugue de même que l'Imitation, consiste en une certaine suite de Chant, que l'on fait repeter à son gré, et dans telle Partie que l'on veut, mais avec plus de circonspection, selon les Regles suivantes.

Si dans l'Imitation l'on peut faire repeter le Chant d'une ou de plusieurs Mesures, et même de tout l'Air dans une seule, ou dans toutes les Parties, et sur telles Cordes que l'on veut; dans la Fugue au contraire, il faut que ce Chant soit entendu alternativement dans les deux principales Parties, qui sont le Dessus et la Basse, ou bien au lieu du Dessus, l'on prend telle autre Partie que l'on s'imagine, pour y faire regner le sujet; et si la Piece contient plusieurs Parties, elle en est encore plus parfaite, lorsque la Fugue est entendue alternativement dans chaque Partie. De plus, les Cordes qu'il faut y employer, ne dépendent point de nôtre choix; et voici comme il faut en user.

Premier. L'on doit choisir la Notte tonique et sa Dominante pour premiere et pour derniere Nottes de la Fugue, préferablement à toutes autres, lorsque l'on n'est pas encore bien assuré de ce que l'on fait; et le Chant de cette Fugue doit être renfermé dans l'étendue de l'Octave du Ton que l'on traite; car, supposé qu'il en excede les bornes, les Nottes qui se trouvent au-dessus, ou au-dessous de l'Octave, ne doivent pas être regardées differemment de celles qui sont contenues entre cette Octave.

Deuxiéme. Si une Partie commence ou finit par la Notte tonique, l'autre [-333-] doit commencer ou finir par la Dominante; et ainsi de chaque Notte qui se répond dans l'étendue de l'Octave du Ton que l'on traite, faisant ensorte que les Nottes qui se trouvent entre la Tonique et sa Dominante se répondent également dans chaque Partie, c'est-à-dire, que la seconde Notte qui est immediatement au-dessus de la Tonique, doit répondre à la sixiéme, qui est immediatement au-dessus de la Dominante; et ainsi reciproquement de celle qui est une Tierce, une Quarte ou une Quinte au-dessus, ou au-dessous de la Tonique, avec celle qui est en même degré au-dessus ou au-dessous de la Dominante, selon le progrès du Chant, qui peut monter ou descendre; car la conformité que nous pretendons devoir être observée dans les Nottes qui commencent et terminent, la Fugue doit être également observée dans toute la suite du Chant dont cette Fugue est composée.

Troisiéme. Comme dans la Progression diatonique en montant, ou en descendant d'une Notte Tonique à sa Dominante, et de celle-ci à l'autre, il se trouve une Notte de plus ou de moins, il faut remarquer que l'on peut faire rapporter indifferemment, et principalement dans le milieu du Chant qui compose la Fugue, l'une des deux Nottes en degrez conjoints, qui sont comprises dans la Progression où il y en a une de plus, à celle que l'on ne peut se dispenser d'employer dans la Progression où il y en a une de moins; Par exemple, si le Chant de la Fugue procede en descendant de la Notte tonique à sa Dominante, je ne puis y employer que la sixiéme et la septiéme Nottes; au lieu que pour conformer le même Chant en descendant de la Dominante à la Tonique, je pourrai passer sur la quatriéme, sur la troisiéme et sur la seconde Notte; si bien que je dois choisir celles de ces trois dernieres qui approchent le plus de la Tonique, sur laquelle le Chant de la Fugue se termine, pour qu'elles nous rendent un Chant à peu près conforme à celui qui a été entendu en premier lieu. Pareillement, si j'ai commencé par la Progression qui contient le plus grand nombre de Nottes, j'y conforme celle qui contient le moindre nombre, en m'attachant toûjours à ce que la conformité du Chant soit plûtôt observée vers la fin, que vers le commencement; mais un Exemple nous mettra mieux au fait.

[Rameau, Traité de l'Harmonie, 333; text: 2, 3, A, C, D, ou, Premier Exemple. Deuxiéme Exemple. Troisiéme Exemple.] [RAMTRA3 43GF]

[-334-] [Rameau, Traité de l'Harmonie, 334; text: 2, 3, B. F. G, H, J, L, M, ou, N, P, Q, R, T, Quatriéme Exemple, Cinquiéme Exemple. Sixiéme Exemple.] [RAMTRA3 43GF]

Dans le premier Exemple, la sixiéme ou la septiéme Notte répondent à la Mediante A.

Dans le second, la sixiéme répond à la Mediante C.

Dans le troisiéme, la septiéme répond à la Mediante D.

Dans le quatriéme, la Dominante B, ou la quatriéme Notte F, répondent à la Tonique B, F.

Dans le cinquiéme, la Mediante répond à la septiéme G, ou à la sixiéme H.

Dans le sixiéme, la Mediante répond à la septiéme L, ou à la [-335-] sixiéme N, la seconde répond à la sixiéme J, ou à la Dominante P; la Dominante répond à la seconde M, ou à la Tonique Q; et la Tonique répond à la quatriéme R.

Il y a bien des choses à observer pour ne pas se tromper dans le choix qui (comme l'on voit) est arbitraire entre chacune des cinq Nottes comprises depuis la Tonique jusqu'à sa Dominante en montant, pour en composer un Chant conforme à celui qui aura été entendu entre les quatre Nottes comprises depuis la Dominante jusqu'à la Tonique en montant, que le Chant de la Fugue monte ou descende; car il se trouvera toûjours cinq Nottes d'un côté, et quatre de l'autre; étant même obligé quelquefois d'emprunter la seconde Notte ou la quatriéme, pour en faire rencontrer cinq depuis cette Dominante jusqu'à sa Tonique en montant, ou depuis la Tonique jusqu'à sa Dominante en descendant, ce qui est la même chose; de sorte que les Auteurs qui ont écrit de la Fugue, ayant negligé ces observations, il ne sera pas hors de propos d'en dire ce que l'experience nous apprend sur ce sujet.

Premier. La Dominante doit toûjours répondre à la Tonique, et celle-ci à l'autre dans la premiere et dans la derniere Notte de la Fugue; et l'on ne peut transgresser cette regle que dans le milieu du Chant, où il est permis de subroger la quatriéme Notte, à la Dominante, et la seconde Notte à la Tonique, pour y faire rencontrer une suite de Chant plus conforme; ne se trouvant par ce moyen que quatre degrez depuis la seconde Notte jusqu'à la Dominante en montant, ou depuis la quatriéme Notte jusqu'à la Tonique en descendant, dont on poura composer un Chant à peu près pareil à celui qui sera renfermé entre les quatre degrez, compris depuis la Dominante jusqu'à la Tonique en montant, ou depuis celle-ci à l'autre en descendant; ce même emprunt nous donnant encore cinq degrez depuis la seconde Notte jusqu'à la Dominante en descendant, et depuis la quatriéme Notte jusqu'à la Tonique en montant, conformément aux cinq degrez qui se trouvent depuis la Dominante jusqu'à la Tonique en descendant, et depuis celle-ci à l'autre en montant; et quand nous disons que le Chant formé de ces Nottes empruntées, sera à peu près pareil à celui qui aura été entendu entre la Notte tonique et sa Dominante, c'est qu'il ne peut pas être absolument le même, par rapport aux degrez diatoniques de chaque Mode, dont on ne peut alterer les Nottes par aucun nouveau Dieze ni B-mol, excepté dans les Tons mineurs, où il faut ajoûter un B-mol à la sixiéme Notte, lorsqu'elle descend, et un Dieze à la sensible, lorsqu'elle monte; pouvant même ajoûter quelquefois un Dieze à la Mediante des Tons mineurs, et à la quatriéme Notte de tous les Tons, lorsqu'elles répondent à la sensible, comme nous l'avons [-336-] fait dans le sixiéme Exemple aux Nottes marquées d'un T, pourvû que ces Nottes fassent Tierce majeure ou Sixte majeure avec la Basse.

L'on ne doit point imaginer de Chants pour en former une Fugue, dont on ne se represente en même-temps la Basse et la Réponse, car c'est de cette Réponse que naît la diversité; de sorte qu'il est libre après cela de commencer par le Chant imaginé, ou par celui qui lui répond.

Troisiéme. La Basse de la Fugue étant trouvée, l'on peut en chercher encore les deux ou trois autres Parties, qui pourroient accompagner le Chant composé et sa Basse; où l'on remarquera que cette Basse et ces autres parties, suivront à peu prés la même progression avec le Chant inventé, et avec celui qui répond; et de plus, que cette Basse portera les mêmes Accords de part et d'autre, si elle est bien imitée; si bien que par le moyen de cette Basse et des autres parties, l'on trouve celui de faire entendre plusieurs Fugues à la fois, ou de composer une autre espece de Fugue, qu'on appelle Canon dont nous parlerons dans la suite.

Quatriéme. Le Chant d'une Fugue peut souffrir plusieurs Basses differentes; il peut même être composé de façon, qu'il conviendroit mieux à la Basse qu'à aucune autre partie; ce qui est indifferent, en ce que le renversement nous fournit plusieurs manieres de composer une Basse, ou de faire servir de Basse une Partie, dont le Chant conviendroit mieux à un Dessus; mais en même temps rien n'est si agréable que de se servir alternativement de ces differentes manieres d'accompagner un Dessus ou une Basse, sur tout dans la Fugue, où la diversité ne peut se faire sentir que dans les Parties qui l'accompagnent; et nous avons dit que la Basse d'une Fugue pouvoit être toûjours à peu près la même, et qu'en ce cas elle devoit toûjours porter les mêmes Accords; ce n'est que pour donner une idée plus juste de la maniere dont le Chant de la Fugue doit être imité; car ce rapport des Accords, suffit seul pour la preuve.

Cinquiéme. Pour sçavoir à present le choix que l'on doit faire des Nottes comprises dans l'étenduë d'une Notte tonique à sa Dominante en montant, ou de celle-ci à l'autre en descendant, il faut avoir toûjours pour principe cette Notte tonique et sa Dominante, où le Chant de chaque Fugue se termine ordinairement, sans que ces Nottes nous empêchent neanmoins de conformer les Intervales de la Réponse à ceux de la Fugue inventée, sur tout dans le milieu du Chant; de sorte qu'ayant fait un Intervale de Tierce, de Quarte, de Quinte, de Sixte ou Septiéme dans le milieu du premier Chant imaginé, je dois en faire un pareil dans le même endroit du Chant qui répond à ce premier, ainsi du reste. Cependant cette derniere Regle [-337-] n'est pas si generale, qu'il ne faille l'abandonner en faveur d'une progression diatonique, ou encore en faveur des Nottes principales du Mode, ayant plûtôt égard à ce qui suit qu'à ce qui précéde, et à la Notte tonique ou à sa Dominante, qui commencent et terminent ordinairement la Fugue, qu'à cette conformité d'Intervales que nous venons de proposer. Ainsi l'Intervale de Quarte doit répondre souvent à celui de Quinte, et celui-ci à l'autre; mais de plus, si après un Intervale consonant, il en paroît un ou plusieurs diatoniques, il faut avoir recours aux endroits où paroît la Notte tonique, pour que la progression diatonique qui se trouve depuis la derniere Notte de l'Intervale consonant jusqu'à cette Notte tonique, puisse être imitée regulierement dans la Partie qui lui répond jusqu'à la Dominante; ou bien si la Progression conduit à la Dominante, il faut qu'elle soit imitée dans la Partie qui lui répond en tirant vers la Notte tonique, sur tout lorsqu'une Progression quelconque se termine par un acte de Cadence; car la Cadence finale de la Fugue doit se faire toûjours sur la Notte tonique et sur sa Dominante; bien que si cette Cadence ne termine pas absolument la Fugue, on peut subroger la quatriéme Notte à la Dominante, et quelquefois la seconde Notte à la Tonique.

L'on ne commence, ni l'on ne finit guéres de Fugues, que sur la Notte tonique, sur sa Dominante et sur sa Mediante; la sixiéme ou la septiéme Notte devant répondre pour lors à cette Mediante, comme on a pû le remarquer dans le cinquiéme Exemple précédent; ainsi en s'attachant à ce qui suit, plûtôt qu'a ce qui précéde, et par la conformité des Accords qui doivent se rencontrer au-dessus de la Basse, que l'on fait servir aux Chants qui se repondent en Fugue, on ne peut guéres se tromper.

[-338-] EXEMPLE.

[Rameau, Traité de l'Harmonie, 338; text: 2, 3, 4, 5, 6, 7, Premier Chant. Réponse. Basse-Fondamentale. Basse-Continue.] [RAMTRA3 44GF]

Cette Basse-continuë est mise ici pour faire remarquer, que quelque Basse que l'on s'imagine au-dessous d'un Chant proposé, elle pourra avoir la même conformité, en portant toûjours les mêmes Accords, mais la Fondamentale est encore meilleure en ce cas.

Sixiéme. Le Chant d'une Fugue doit contenir au moins une demie mesure; et s'il en contient plus de quatre, il faut que sa Réponse puisse commencer dans la quatriéme; encore faut-il que le mouvement soit un peu vif, pour qu'une si longue suite de Chant denuée d'Harmonie puisse plaire.

Septiéme. La Fugue commence par tel Temps de la mesure que l'on veut mais elle doit finir naturellement sur le premier Temps, le troisiéme d'une mesure à quatre, pouvant representer ce premier Temps; et lorsqu'elle finit sur un autre Temps, c'est ordinairement en consequence [-339-] d'une rime feminine, soit que l'on compose sur des Paroles, soit que l'on s'imagine un Chant où cette rime pourroit avoir lieu, soit que cela dépende de la fantaisie; car pour trouver de la nouveauté, on est obligé quelquefois de transgresser les Regles, qui, comme celles-ci, ne sont fondées que sur le bon goût; et la surprise où nous jette ces especes de Fugues terminées contre la Regle, ne peut que plaire, lorsque cela se fait avec jugement et avec discretion; elles peuvent finir pour lors sur d'autres Nottes que la Tonique et sa Dominante.

EXEMPLES.

[Rameau, Traité de l'Harmonie, 339; text: 2, 3, 4, 7, Premier Chant. Réponse.] [RAMTRA3 44GF]

Huitiéme. Le Chant de la Fugue doit être imité en tout, autant que cela se peut; car la même quantité de Rondes, de Blanches, et cetera qui se trouvent dans un certain Temps de la mesure, doit être employée par tout où la Fugue se fait entendre.

Neuviéme. L'on peut faire commencer chaque Partie à l'Unisson ou à l'Octave de la premiere; mais quand ces Parties peuvent entrer les unes après les autres à la Quinte ou à la Quarte, l'effet en est encore plus agreable. L'on est libre de faire commencer la Fugue, et de la faire repeter par telle partie que l'on veut dans tout le cours de la Piece; et lorsque l'on veut changer de Ton, il n'y a qu'à remarquer le lieu que chaque Notte de la Fugue occupe dans celui que l'on traite, et prendre des Nottes qui soient en même degré dans celui où l'on veut entrer, sans rien changer, ni dans le lieu qu'occupe chaque Notte de la Fugue par rappor à la Notte tonique, ni dans la qualité et la quantité des Nottes qui composent cette Fugue, ni dans le Temps de la mesure où elle commence et finit.

[-340-] Dixiéme. L'on peut attendre que le Chant de la Fugue soit entierement terminé, pour faire entrer chaque Partie l'une après l'autre; mais il se trouve quelquefois des desseins au milieu desquels chaque partie peut entrer, ce qui fait un fort bon effet, pourvû que l'on ne change rien d'ailleurs, comme nous venons de le dire; l'on en trouve la preuve dans le sixiéme Exemple.

Onziéme. Le Renversement qui est le noeud de toute la diversité que l'on peut apporter dans l'Harmonie, donne encore de nouvelles graces à la Fugue; de sorte qu'ayant imaginé un Dessein, on le renverse de façon, que les mêmes Intervales qui ont été entendus en montant, se font entendre en descendant; et ceux qui ont été entendus en descendant, se font entendre en montant, sans rien changer d'ailleurs, comme nous venont de le dire à l'Article IX.

EXEMPLE.

[Rameau, Traité de l'Harmonie, 340; text: Premier Chant. Réponse renversée. Fugue renversée. Idem.] [RAMTRA3 45GF]

Douziéme. L'on peut faire entendre plusieurs Fugues differentes ensemble, ou les unes après les autres; mais il faut, autant que cela se peut, qu'elles ne commencent pas toûjours dans le même Temps ou dans la même mesure, sur tout lorsqu'on les entend pour la premiere fois; que leur progression soit renversée, qu'elles soient caracterisées differemment, c'est-à-dire, que si l'une contient des Rondes, l'autre contienne des Blanches, des Noires, et cetera au gré du Compositeur; et que si elles ne peuvent pas être entenduës ensemble, qu'au moins une portion de l'une s'entende avec une portion de l'autre, ce qui va s'éclaircir par un Exemple.

[-341-] QUINQUE.

[Rameau, Traité de l'Harmonie, 341; text: 2, 4, 6, Basse-Fondamentale. Basse-Continue. Laboravi cla-] [RAMTRA3 45GF]

[-342-] [Rameau, Traité de l'Harmonie, 342; text: 5, 6, 7, Basse-Fondamentale. Basse-Continue. Laboravi clamans,] [RAMTRA3 46GF]

[-343-] [Rameau, Traité de l'Harmonie, 343; text: 5, 6, 7, 8, 9, Basse-Fondamentale. Basse-Continue. Laboravi clamans, Raucae factae sunt fauces meae,] [RAMTRA3 47GF]

[-344-] [Rameau, Traité de l'Harmonie, 344; text: 5, 6, 7, Basse-Fondamentale pour la Preuve. Basse-Continue. Laboravi clamans, Raucae factae sunt fauces meae,] [RAMTRA3 48GF]

[-345-] [Rameau, Traité de l'Harmonie, 345; text: 4, 5, 6, 7, 8, 9, Basse-Fondamentale. Basse-Continue. ravi clamans, cae factae sunt fauces meae, Defe-] [RAMTRA3 49GF]

[-346-] [Rameau, Traité de l'Harmonie, 346; text: 4, 5, 6, 7, 8, Basse-Fondamentale. Basse-Continue. Defecerunt oculi mei, Dum spero in Deum meum, Raucae factae sunt fauces meae,] [RAMTRA3 50GF]

[-347-] [Rameau, Traité de l'Harmonie, 347; text: 2, 5, 6, 7, 8, 9, Basse-Fondamentale. Basse-Continue. Defecerunt oculi mei, Dum spero in Deum, Laboravi clamans.] [RAMTRA3 51GF]

[-348-] [Rameau, Traité de l'Harmonie, 348; text: 4, 5, 6, 7, 8, 9, Basse-Fondamentale. Basse-Continue. Defecerunt oculi mei, dum spero in Deum meum, Raucae factae sunt fauces, clamans,] [RAMTRA3 52GF]

[-346 <recte 349>-] [Rameau, Traité de l'Harmonie, 349; text: 4, 5, 6, 7, 9, Basse-Fondamentale. Basse-Continue. Defecerunt oculi mei, dum spero in Deum meum, Raucae factae sunt fauces meae,] [RAMTRA3 53GF]

[-350-] [Rameau, Traité de l'Harmonie, 350; text: 4, 5, 6, 7, 8, 9, Basse-Fondamentale. Basse-Continue. cerunt oculi mei, dum spero in Deum meum, ae, fauces meae,] [RAMTRA3 54GF]

[-351-] [Rameau, Traité de l'Harmonie, 351; text: 5, 6, 7, Basse-Fondamentale. Basse-Continue. dum spero in Deum meum, Laboravi clamans,] [RAMTRA3 55GF]

[-352-] [Rameau, Traité de l'Harmonie, 352; text: 3, 4, 7, Basse-Fondamentale. Basse-Continue. Defecerunt oculi mei, dum spero in Deum meum. clamans.] [RAMTRA3 56GF]

[-353-] [Rameau, Traité de l'Harmonie, 353; text: 4, 6, 7, Basse-Fondamentale. Basse-Continue. Defecerunt oculi mei, Dum spero in Deum meum. Raucae factae sunt fauces me-] [RAMTRA3 57GF]

[-354-] [Rameau, Traité de l'Harmonie, 354; text: 4, 6, 7, Basse-Fondamentale. Basse-Continue. Dum spero in Deum meum. sunt fauces meae.] [RAMTRA3 58GF]

[-355-] [Rameau, Traité de l'Harmonie, 355; text: 4, 5, 6, 7, Basse-Fondamentale. Basse-Continue. Dum spero in Deum meum.] [RAMTRA3 59GF]

[-356-] Cet Exemple contient quatre Fugues differentes; et il n'y a guéres de Musique où il s'en trouve davantage à la fois; l'on se contente même souvent de n'y en inserer qu'une ou deux, mais avec cela on peut les renverser, ce qui ne contribuë pas peu à la perfection de l'Ouvrage.

La Fugue de Raucae factae sunt, et cetera qui, pour Réponse à la Dominante, se termine presque par tout sur la seconde Notte, seroit encore plus parfaite, si elle se terminoit sur la Notte tonique, comme cela se trouve à l'endroit où la Basse chante cette Fugue. Cependant cette seconde Notte que nous subrogeons ici à la Tonique, peut bien se tolerer, sur tout lorsque l'on y est gené par d'autres Fugues, qui en commençant ou finissant avec celle-ci, ne peuvent s'accorder qu'avec cette seconde Notte. De plus, la suite des Accords où même le bon goût, nous porte quelquefois à interrompre le veritable Chant de la Fugue; ce qui provient souvent de l'adresse de l'Auteur, pour introduire plus de diversité dans le cours de sa Piece, bien que cela ne doive être permis qu'après que les Entrées de la Fugue ont été suffisamment entenduës.

Souvenez-vous de la liberté que l'on a de faire passer entre les Temps de la Mesure, plusieurs Nottes pour le goût du Chant; et pour pouvoir les distinguer, il n'y qu'à examiner la Basse-fondamentale qui pour lors ne forme point d'Harmonie avec ces Nottes.

La Basse-fondamentale n'est jointe aux autres Parties, que pour prouver qu'il ne se rencontre dans tout le cours de la Piece que des Accords parfaits ou de Septiéme, et que le tout y est tiré des Regles établies sur ces deux Accords; c'est pourquoi l'on ne doit point l'éxaminer avec le reste, quant à l'ordre ou au progrès des Consonances et des Dissonances, mais seulement quant au fond des Accords, cet ordre ou ce progrès n'étant observé qu'entre les cinq Parties superieures et la Basse-continuë; et le fond des Accords se trouvant dans cette Basse-fondamentale qui contient presque toutes les differentes progressions d'où nos Regles ont été puisées, pendant que les autres Parties n'en forment jamais que l'Octave, la Quinte, la Tierce ou la Septiéme, excepté dans les Cadences irregulieres, et dans les Accords par supposition, ou par emprunt; ce qui a été suffisamment expliqué au Second Livre.

Comme on peut trouver autant de Fugues differentes qu'il y a de Chants differens, il nous seroit impossible d'en épuiser le nombre; ainsi nous devons en abandonner le choix au bon goût, pourvû que l'on observe d'ailleurs ce que nous en avons déja dit au sujet du commencement, de la fin, et de la Réponse. Au reste, il est bon de sçavoir que lorsque l'on veut faire entendre plusieurs Fugues [-357-] à la fois, il faut qu'il y en ait toûjours une qui nous guide, l'on peut choisir, en ce cas, celle que l'on veut; de sorte que quand le Chant d'une Fugue plaît, l'on peut y ajoûter trois ou quatre Parties, trouver dans ces Parties ajoûtées les nouvelles Fugues que l'on cherche. Cependant comme plusieurs Fugues differentes qui commenceroient et finiroient en même temps, et où il se rencontreroit la même quantité et la même valeur de Nottes, deviendroient insipides, en ne paroissant plus pour lors qu'un accompagnement les unes des autres; il faut tâcher d'éviter ce deffaut, en se souvenant des Regles que nous venons de prescrire sur ce sujet à la tête du dernier Exemple. Les Paroles en Prose qui n'observent presque jamais la même quantité entre-elles, nous portent naturellement à cette diversité, que nous devons toûjours chercher; mais les Paroles en Vers également mesurez, demandent pour lors le soin de faire commencer ou finir l'une des Fugues plûtôt ou plus tard que l'autre, et d'inserer quelques roulemens dans celles qui peuvent les souffrir, pour y introduire encore plus de diversité, mais que le tout soit sans confusion; car il faut que les Entrées de chaque Fugue soient entenduës distinctement, sans que l'une offusque l'autre, faisant cesser à propos pour quelque temps la Partie qui doit reprendre une Fugue, et ce silence ne pouvant se faire que sur une Consonance. La premiere fois même que l'on entend une Fugue, il ne faut pas qu'elle serve de suite au Chant, qui la précéde, bien que le contraire puisse se pratiquer avec succès, pourvû que cette Fugue ait été entenduë au moins une fois dans chaque Partie.

L'on peut faire entendre toutes les Entrées de la premiere Fugue, sans qu'il soit question des autres; puis on passe à la seconde, à la troisiéme, et cetera où pour lors on entre-mêle les Fugues précédentes avec les nouvelles; l'on peut aussi les faire entendre chacune indépendamment les unes des autres, et ne les entre-mêler qu'après. Si l'on veut faire entrer plusieurs Fugues à la fois, en mettant l'une de ces Fugues dans une Partie, et l'autre dans une autre Partie; c'est-là où la confusion est fort à craindre; souvent un Dessein fait oublier l'autre, cependant il faut que l'Auditeur les ait également presens: C'est donc par la diversité des Desseins, en leur donnant une progression opposée, en les faisant entrer dans des differens Tons de la Mesure, et cetera que l'on peut rendre sensible chaque Fugue. Souvent une même Partie chante successivement deux Fugues, qui d'abord ne paroissent qu'une, et qui par la suite se partagent en deux, ce qui produit encore un effet très-agreable; mais il faut pour lors que la seconde Partie, qui reprend ces Fugues, entre immediatement à l'endroit où elles peuvent être partagées, bien que l'on puisse [-358-] avancer ou retarder cette Entrée de quelques Temps, et même de plus d'une Mesure.

Il faut que le même nombre de Soupirs ou de Mesures qui se trouve dans la premiere Partie, qui reprend une Fugue, soit également observé dans celles qui poursuivent la même Fugue, c'est-à-dire, que si la premiere Partie qui reprend la Fugue a compté; par exemple, une Mesure après celle qui la précéde, chacune des autres Parties doit compter le même nombre de Mesures après celle qui la précéde immediatement. Cette Regle n'est cependant pas si generale, qu'on ne puisse y contrevenir quelquefois, sur tout quand la Fugue a été entenduë dans chaque Partie; et nous croyons que l'on peut fort bien faire avancer ou retarder d'une Mesure, mais non pas d'un quart ni d'une demie Mesure, ni de plus d'une Mesure la troisiéme Partie qui reprend la même Fugue; de sorte que si la seconde Partie a compté deux Mesures, la troisiéme peut n'en compter qu'une, ou en compter trois après cette seconde Partie, ainsi des autres qui repetent cette Fugue à l'Unisson ou à l'Octave de la troisiéme après celle qui les précéde immediatement; car il est bon de sçavoir, que comme la Dominante doit répondre à la Notte tonique, pareillement la seconde Notte à la sixiéme, et cetera ce qui s'accorde d'un côté au bout d'une ou de deux Mesures, peut bien ne pas s'accorder de l'autre après un pareil nombre de Mesures. Ce seroit donc trop borner le genie d'un Auteur, de le restreindre dans les premieres limites; et tel qui ne voudra pas en convenir, trouvera mille Desseins sous ses pas, dont peut-être aucun ne pourra s'assujettir à cette contrainte. * [* Voyez sur ce sujet les Fugues de Rauca facta sunt, et de Defecerunt oculi mei, dans l'Exemple précédent. in marg.]

Quand on fait cesser toutes les Parties ensemble, pour donner plus de jour à une nouvelle Fugue, il ne faut jamais que le Chant en paroisse absolument terminé; car il faut toûjours faire souhaiter à l'Auditeur, autant que cela se peut, ce que nous lui preparons; de sorte que ce silence ne doit avoir lieu que dans des Cadences rompuës ou irregulieres; et si ces Cadences sont parfaites, il faut du moins que ce soit dans un Ton étranger à celui que l'on traite, comme nous l'avons observé par tout où se rencontrent de pareils silences.

La Fugue est un ornement dans la Musique, qui n'a pour principe que le bon goût; de sorte que les Regles les plus generales que nous venons d'en donner, ne suffisent pas encore pour y réüssir parfaitement. Les differens sentimens et les differens évenemens que l'on peut exprimer en Musique, sément à tout moment des nouveautez que l'on ne peut reduire en regles. La parfaite connoissance [-359-] de l'Harmonie nous découvre à la verité toutes les routes que nous pouvons tenir en ce cas; mais le choix de ces routes dépend de nôtre goût, et ce goût a besoin d'une certaine experience, qui ne s'acquiert qu'à force de voir et d'entendre les Ouvrages des plus habiles Auteurs dans ce genre.

Il y a une autre espece de Fugue qu'on nomme perpetuelle, ou Canon, lesquelles consistent en un Air entier, dont le Chant doit être repeté très-regulierement par toutes les Parties.

Les plus communes se prennent à l'Unisson ou à l'Octave, selon la portée des Voix ou des Instrumens, n'y ayant pour cet effet qu'à composer un Chant à son gré, auquel on joint autant de Parties que l'on veut, puis de toutes ces Parties l'on n'en compose qu'un seul Air, faisant en sorte que le Chant de l'une puisse former une suite agréable avec celui de l'autre; après quoi l'on fait commencer cet Air par l'une des Parties, qui est suivie immediatement d'une autre, lorsqu'elle a fini justement le premier Chant composé; ainsi chaque Partie se suit consecutivement; et lorsque la premiere est à la fin, elle recommence, étant toûjours suivie des autres, comme auparavant, pourvû que chaque Partie ait commencé à propos. Voyez l'Exemple ci à côté.

[Rameau, Traité de l'Harmonie, 359,1; text: 1, 2, 3, 4. 5.] [RAMTRA3 60GF]

Supposé que l'on ait imaginé l'un des Chants contenus dans chacune de ces cinq Parties, on y ajoûte facilement les autres; puis on en forme une suite d'Air la plus coulante que le bon goût puisse dicter, en quoi consiste toute la difficulté de ce Canon, dont voici l'Air.

CANON.

[Rameau, Traité de l'Harmonie, 359,2; text: 3, Da capo. Reveillez-vous, Dormeur sans fin, Relindindin] [RAMTRA3 60GF]

L'on remarque aisément le Chant de chacune de ces cinq Parties dans ce Canon, où nous avons ajoûté quelques petites Nottes pour le goût du Chant, chacune de ces Parties devant commencer [-360-] l'Air consécutivement l'une après l'autre, quand celle qui a précédé en est à la Notte, ou au Temps marqué ainsi. [signum]

L'on peut continuer ce Canon autant que l'on veut, puisqu'il est libre à la Partie qui a commencé de recommencer quand elle en est à la fin, comme cela paroît, et aux autres de la suivre de même.

L'on peut encore prendre cette Fugue perpetuelle à la Quinte ou à la Quarte, en observant que chaque Partie fasse entendre le même Chant; mais il faut ici que l'Air soit entierement imaginé, et que l'on ajoûte des Diezes ou des B-mols selon le cas, aux Nottes dont les degrez naturels empêcheroient aux Parties, qui repetent cet Air, de se conformer en tout au premier Chant composé, sans avoir égard à aucune Modulation, mais seulement au Chant, ce qui en augmente beaucoup la difficulté; car à chaque fois qu'une Partie reprend la Fugue, elle entre dans un nouveau Ton, qui est à la Quinte, si la Fugue se prend à la Quinte; et à la Quarte, si elle se prend à la Quarte. Au reste, si le nombre des Parties n'est point limité dans le Canon précédent, nous ne croyons pas que l'on puisse en employer ici plus de quatre, puisque même il n'en a point encore parû de la sorte à quatre Parties.

CANON, A LA QUINTE.

[Rameau, Traité de l'Harmonie, 360; text: 2, Ah! loin de rire, Pleu-] [RAMTRA3 60GF]

[-361-] [Rameau, Traité de l'Harmonie, 361; text: Ah! loin de rire, Pleurons. A] [RAMTRA3 60GF]

Lorsque la Voix ne peut former l'Octave à l'endroit marqué d'un A, il n'y a qu'à prendre l'Unisson de la Notte précédente.

Quand on dit un Canon à la Quinte, cela doit s'entendre au-dessus; de sorte qu'une Quinte au-dessus, ou une Quarte au-dessous, c'est la même chose; et cela doit se permettre, sur tout pour s'accommoder à la portée des Voix.

Nous avons mis les quatre Parties ensemble, parce qu'il auroit été difficile d'en juger autrement, bien qu'il n'y eût qu'à avertir que chaque Partie doit prendre à la Quinte de celle qui l'a précédée après deux Mesures finies; et quoique les Guidons [signum] qui marquent, où il faut recommencer, ne soient pas sur la ligne qui renvoye à l'endroit marqué de ce Signe [signum]. Il ne faut pas moins poursuivre sur le même Ton designé par le Guidon, en s'imaginant une nouvelle Clef, ou bien en s'imaginant plûtôt que le Ton a changé, comme cela est effectivement, mais que la Modulation du Chant qui se trouve au renvoye, est toûjours la même; ainsi l'on peut continuer autant que l'on veut.

[-362-] CANON A LA QUARTE.

[Rameau, Traité de l'Harmonie, 362; text: 2, Avec du vin, endormons-nous.] [RAMTRA3 61GF]

L'on ne peut guéres réüissir dans ces deux dernieres sortes de Canon que par une intelligence parfaite du Renversement; et il faut éviter, autant que l'on peut, d'y faire entendre la Quinte, la Quarte et la Onziéme.

Pour réüssir parfaitement et promptement dans la Composition, pour peu que l'on ait le goût formé, il n'y a qu'à se mettre bien au fait de la Modulation et de l'Harmonie fondamentale, qui sont les principaux et les uniques objets de toute la diversité que l'on peut y apporter par le renversement et cette Harmonie fondamentale, dont la Modulation ne change jamais.

Fin du Troisiéme Livre.


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